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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

L'exil de RAMA et l'enlèvement de Sita (mythe indien extrait du Ramayana)

Récit extrait de l'introduction du Ramayana de Valmiki tel que traduit par Alfred Roussel.

Lakshman et Rama

L'errance dans la forêt

Treize années passèrent et la jeunesse de Rama fut marquée par son talent et sa grâce dans tous les domaines. Pourvu des qualités éminentes qui assurent le bonheur des peuples, le roi Dasharatha, soucieux de plaire à ses sujets, désirait donc beaucoup l’associer à l'exercice du pouvoir et voulait le nommer roi à son tour.

À la vue des préparatifs de la consécration, sa seconde épouse, la reine Kaikeyi, à qui précédemment Dasharatha avait promis la réalisation de deux de ses vœux, demanda au roi l’exil de Rama et l’intronisation de son fils Bharata, le demi-frère de Rama, comme maître d'Ayodhya. Fidèle à sa parole, lié par son engagement, le roi Dasharatha n'eut d'autre choix que d'ordonner à Rama, son fils bien-aimé, de s'en aller errer par delà les frontières du pays, tandis qu'il faisait de Bharata son prince héritier.

Rama partit donc pour la forêt, afin que son père respectât la promesse que son amour pour Kaikeyi lui avait un jour dictée. Son demi-frère Lakshman, lui témoignant ainsi sa tendresse fraternelle, s’attacha à ses pas et c'est ensemble qu'ils franchirent les portes du palais.

Arrivée depuis quelques années à Ayodhya, la dévouée Sita, qui approchait de sa vingtième année, fut elle aussi du voyage. C'était l’épouse la plus accomplie de toutes les femmes et elle était à Rama aussi précieuse que sa propre existence. Faite à l’image de Maya, la déesse de l'illusion qui est la véritable maîtresse de l'univers, dotée de tous les signes de la beauté, la princesse déchue Sita, accompagna donc Rama et son frère Lakshman jusqu'aux portes de la ville et les franchit avec eux.

Les habitants d'Ayodhya s'étaient amassés sur les remparts pour les voir disparaître alors que leur chemin s'enfonçait dans un bois. Le roi Dasharatha, en pleurs, accompagné de sa cour attristée, les suivit à distance sur quelques kilomètres encore, puis Rama, Sita et Lakshman disparurent d'Ayodhya pour ne plus y paraître des quatorze prochaines années.

 

Si la reine Kaikeyi avait demandé l'exil de Rama, c'était sur les conseils de Manthara, sa vieille nourrice bossue. Kaikeyi l'avait d'ailleurs récompensée en lui offrant de coûteuses étoffes et de nombreux bijoux.

Or, quelques jours s'étaient écoulés depuis le départ de Rama que ses frères Bharata et Shatrugna surprirent Manthara dans les jardins du palais, vêtue d'or et sa vilaine poitrine couverte d'une rivière de diamants. Shatrugna, comprit alors que la vielle, pour quelques étoffes de soie, avait manigancé pour provoquer l'exil de Rama, et furieux, il l'attaqua aussitôt avec la ferme résolution de la tuer. Bharata cependant l'en dissuada en lui faisant valoir que c'était un péché de tuer une femme, et que Rama leur en voudrait à tous les deux s'il le faisait. Shatrugna se laissa alors fléchir, tandis que Kaikeyi, qui avait entendu des cris et était accouru, sauva sa nourrisse Manthara.

Rama, Sita et Lakshman

Quelques jours plus tard, après avoir chevauché quelque 200 kilomètres en direction du sud, Rama, Sita et Lakshman entrèrent dans la ville de Sringivera, située sur les bords du Gange. Sringivera était la capitale du pays des Nishadas, une puissante tribu indigène qui vivait dans les forêts et les montagnes. Leur roi, qui se nommait Gruha, s'empressa de rejoindre Rama et ses amis et leur offrit un dîner de fruits afin de leur témoigner son amitié.

Avant de traverser le Gange vers sa rive méridionale, Rama renvoya son écuyer à Ayodhya, puis, suivant Gruha qui les escortait, ils allèrent de collines en jungles, traversant des fleuves aux eaux profondes et gravissant des chemins escarpés.

Ils rejoignirent ensuite les collines du Vindhya, qui marquaient la frontière jusqu'où la civilisation aryenne ne s'imposait plus qu'avec difficulté. Après avoir atteint les collines de Chitrakoot, c'est en suivant les conseils du vénérable Rishi Bharadvaja, que les trois exilés, qui vivaient alors dans la joie d'être ensemble, se construisirent dans la forêt une cabane agréable qui les abriterait contre les intempéries.

Vivant là une vie semblable à celle des dieux, Rama, Sita et Lakshman furent heureux.

Cependant, alors que Rama vivait ainsi retiré au sommet des collines du Chitrakoot, son père le roi Dasharatha tomba malade de chagrin. C'est même en pleurant son fils que le roi Dasharatha alla au ciel. Les Brahmanes, menés par Vashishte, le célèbre Prajapati incarné sur Terre comme rishi de la dynastie des Raghu, sollicitèrent donc Bharata afin qu'il prît les rênes du puissant royaume de Kosala, dont Ayodhya était la capitale.

Bharata était la vertu incarnée, et ce n'est qu'avec regret qu'il accepta de s’asseoir sur le trône. Cependant, avant cela, il désira rendre hommage à son frère en se prosternant à ses pieds et il lui rendit visite dans la forêt de Chitrakoot où celui-ci demeurait.

Une fois devant Rama, le loyal et juste Bharata s'adressa à lui en ces termes :

« Ô mon frère, toi qui es le meilleur des hommes, toi qui as grandi dans l'instruction de tes devoirs et dans l'attente du pouvoir, c'est à toi que revient cette couronne ! »

Mais le beau Rama, qui était doté d'un nature sincère et magnanime, lui répondit ceci :

« Je ne peux accepter cette couronne, car ce serait alors manquer d’égard pour la volonté de mon père. »

Bharata insista longtemps pour le faire changer d'avis, mais il n’y réussit pas. Comme il était alors coutume, en gage de l'autorité royale, Rama lui offrit ses sandales, montrant ainsi qu'il se soumettait lui-même à son frère, le nouveau roi. Avant de s'en retourner à Ayodhya, en réponse à l'acte de Rama, Bharata toucha les pieds de son aîné, montrant ainsi qu'il en respectait l'autorité.

Dans l'attente du retour de celui qu'il considérait comme le véritable maître d'Ayodhya, Bharata installa sa nouvelle capitale à Nandi-Grama, à quelques dizaines de kilomètres d'Ayodhya. Ensuite, il installa les sandales de Rama sur le trône, à sa place, et lui s'assit sur un tabouret. Ainsi, lui aussi était en exil. Excellent souverain, Bharata devint alors dans l'esprit de son peuple un avatar du Dharma.

Shatrugna quant à lui, le jumeau de Lakshman, assura l'administration courante à Ayodhya, consolant ainsi les trois reines, devenues veuves de Dasharatha, de l'absence de leurs fils Rama, Lakshman et Bharata.

Cependant, ne se considérant pas assez éloigné d'Ayodhya, et pensant à raison qu'on viendrait souvent le déranger pour lui faire des visites ou lui demander son avis sur la gestion du royaume, Rama s’enfonça en compagnie de sa femme et de son frère encore plus en avant dans l'immense forêt de Dandaka, qui recouvrait alors la plupart de la péninsule indienne.

Ayant ainsi pénétré dans la profonde et noire forêt, et afin de répondre à l'invitation d'une communauté de rishis à partager leur couche et leur cabane en échange de leur protection, Rama et ses amis passèrent leur première nuit dans un ermitage.

Au matin du deuxième jour, le héros aux yeux de lotus constata que sa femme lui avait été ravie par Viradha, un démon qui terrorisait les hôtes des bois. Rama et Lakshman le cherchèrent et très vite le trouvèrent. Sans perdre un instant ils engagèrent le combat, et percèrent de nombreuses flèches le démon. Pourtant, les flèches lui passaient à travers, sans le blesser. Le démon leur annonça alors qu'il s'agissait là d'un vœu que Brahma avait réalisé pour eux et qui le rendait invincible aux armes.

Sans être intimidé le moins du monde, les deux frères se jetèrent sur lui à main nue, lui cassèrent les membres, puis l’enterrèrent vivant, de sorte que, le corps brisé, le monstre demanda grâce à Rama et lui ainsi hommage :

« Si je suis à présent si laid et si bas dans l'existence, lui dit-il, c'est que jadis Kubéra m'a forcé à le servir. Je m'appelais alors Tumburu. Si j'ai été incarné en monstre ce n'a jamais été que pour me faire exécuter par le glorieux Rama ! »

Une fois son dernier souffle expiré, Viradha-Tumburu rejoignit le ciel, sa véritable demeure.

Ceci fait, Rama sauva Sita, puis tous ensemble ils rendirent visite aux illustres rishis Sarabhanga, Sutikshna, et Agastya. C'est grâce à Agastya qu'il put se saisir de l’arc d’Indra, d’une épée et de deux carquois inépuisables ; des objets qui leur procurèrent la plus grandes joie.

Sarabhanga quant à lui, ayant reconnu Vishnou en Rama, et ayant fait jadis le vœu d'apercevoir Vishnou le jour de sa mort, s'immola aussitôt devant notre héros, afin de s'assurer de l’achèvement de son vœu.

Rama fut alors témoin de la transmigration du saint homme : une fois libéré de son enveloppe charnelle et périssable, le rishi monta aussitôt vers le Brahmane, rejoignant ainsi l'âme universelle et indivisible de l'univers pour s'y dissoudre complètement, ainsi que l'avait décrit le sage Dattatreya.

Tandis que Rama séjournait ainsi dans la forêt, au milieu des fauves, de nombreux rishis accoururent lui demander de les débarrasser des démons qui pullulaient autour d'eux. Rama, le serviteur et le protecteur du bien, leur promit alors d'en purger la forêt, car pour lui, chaque rishi était aussi précieux qu'une flamme qui danse dans un foyer.

C'est durant un de ces combats que Lakshman défigura la sœur de Ravana, la sorcière Surpanakha, qui régnait sur la forêt de Janasthana en changeant de forme à volonté et selon ses ruses. Celle-ci, tombée sous le charme de Rama, avait tenté de le séduire mais fut éconduite, alors elle voulut se venger sur Sita qu'elle tenta d'agresser, avant que Lakshman ne la mît hors d'état de nuire.

Entendant ses cris d'agonie, les démons de la forêt s'unirent dès lors contre Rama et sa bande. Khara, le gouverneur nommé par Ravana pour régner sur cette partie du monde, ses nombreuses troupes, ainsi que les champions Trishiras et Dushana, furent combattus par Rama et Lakshman qui, seuls face à la multitude, mirent fin à chacune de leur néfaste vie.

Des démons qui s'étaient établis dans la forêt de Janasthana, 14 000 furent ainsi exterminés.


L'enlèvement de Sita

Une fois la nouvelle parvenue à ses oreilles, Ravana fut transporté de fureur en apprenant le meurtre de ses parents, qui comptaient au nombre des victimes de Rama. Ravana fut aussi poussé à agir par sa sœur, la sorcière qui s'était fait couper le nez.

Vibhishana le bon conseiller, adorateur de Vishnou, tenta de le dissuader de chercher à se venger de Rama.


«Ravana, lui dit-il, ne sais-tu pas que ce corps composé de peau, d'os, de pus, d'urine, de sang et de tant d'autres tissus, est sujet à changement et transformations ? Et si tu le sais, alors dis-moi donc comment un tel corps, avec lequel tu as l'intention de dominer l'univers, pourrait-il être en une quelconque manière connecté à ton âme ?

Au contraire, le mal et la souffrance s'installe dans l'esprit de celui qui s'identifie à son corps. L'ignorance, cher Ravana, c'est de croire que ton identité est reliée à ton enveloppe charnelle. Quant à la sagesse, si tu as oublié ce que c'est, et bien c'est de savoir se reconnaître dans la pure Conscience universelle et supérieure. »

Ignorant ces sages paroles, Ravana s’associa alors avec son oncle Maricha, qui pourtant lui aussi tenta de le dissuader de tenter quoi que ce fût contre Rama en lui disant simplement : « Tu ne sauras pas lutter contre ce puissant héros, ô Ravana ! »

Mais son neveu ne tint pas plus compte de sa parole, et, poussé à agir par Kala, le dieu du temps, il s'en alla sous un déguisement magique, s'approcher de l'ermitage où vivait Rama.

Maricha s'était déguisé en biche afin d'attirer au dehors nos héros toujours prêts à s'adonner à une activité sportive et virile. Sita, trouvant la biche charmante, demanda à Rama de la lui rapporter, tandis que Ravana, certain que Rama et Lakshman étaient entrain de chasser, s'était changé en brahmane pour s'en venir taper à la porte de l'ermitage et demander l'hospitalité.

Une fois que Sita lui eut ouvert, il reprit sa forme effrayante et surpuissante, et enleva la princesse, l'épouse du meilleur des hommes. Ceci fait, Maricha reprit sa forme repoussante de rakshasas et Rama et Lakshman comprirent qu'ils avait été dupé.

Pendant que Rama courait dans la forêt à la recherche de Sita, il aperçut un rakshasa, nommé Kabandha, d’une forme étrange, à l’aspect effrayant. Le héros aux bras musclés le tua, puis magnanime il n'oublia pas de brûler son corps.

Grâce à Rama et à ce rituel, Kabandha monta au ciel, et de là-haut révéla à Rama l'existence de Shabari, une vieille dame qui pratiquait l'ascèse et l'adoration de Vishnou. Cette femme était une Shramana, c'est à dire une moine errant dont la vie était remplie de mérites.

Sans tarder nos héros à la gloire éclatante, massacreurs de leurs ennemis, s'en allèrent donc trouver Shabari.


*

La citation mise dans la bouche de Vibhishana est extraite de la seconde partie de la Rama Gita de Swami Shivananda (aussi orthographié Sivananda). Fondateur de la Divine Life Society, propagateur et réformateur de l'hindouisme, Sivananda publia cette gita dans les années 1940.


 

L'exil de RAMA et l'enlèvement de Sita (mythe indien extrait du Ramayana)
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