Présent dans toutes les cultures indo-européennes, le héros domine les récits épiques et folkloriques. Ayant vécu dans un passé très lointain, il est le champion de la race humaine, le demi-dieu protecteur qui effectua une série de tâches et combattit un dragon.
En Inde, ce personnage est le plus souvent incarné par Krishna (un orphelin) ou Rama (un exilé). Dans le monde gréco-romain, il s'agit d'Achille (au cœur brisé), de Persée et surtout d'Héraclès-Hercule (victime de la jalousie d'Héra). En Perse, c'est Bahram ou Rostam et en Anatolie c'est Tarhunt, le roi fondateur des Hittites. C'est aussi le Siegfried des Germains (tué dans le dos), qui est par ailleurs le prototype du prince charmant des contes folkloriques.
Dans ses Contes bretons le folkloriste F.-M. Luzel a observé cette faiblesse inhérente au héros :
Un autre caractère de nos contes bretons, c’est une tendre compassion pour les faibles et pour les malheureux. Les cadets, les disgraciés de la nature, bossus, boiteux, aveugles, les pauvres d’esprit, les innocents, comme ils les appellent, sont les héros ordinaires de nos conteurs, et, après une série de travaux prodigieux et d’épreuves surhumaines, ils parviennent toujours à déjouer les trames et les combinaisons les plus perfides, les plus infernales, de leurs ennemis, à triompher de la force brutale des géants stupides, comme des artifices et des magies des enchanteurs, des sorciers, du Diable, en un mot, de tous les mauvais génies.
Les contes mythologiques kalashas, brillamment traduits et compilés par Jan Heegard Petersen dans Kalasha texts, sont à prendre en considération pour comprendre ce que fut le héros initial.
L'humble témoignage kalasha permet d'imaginer ce que furent les premières croyances de peuples qui ne connaissaient encore ni le commerce ni ce que l'on nomme la civilisation. Dans les contes kalashas, pas d'armée de centaines de milliers de soldats comme dans le Mahabharata, pas de dieux revêtus d’étoffes précieuses, ni de bracelet d'or et d'argent, ni de bijou en pierres précieuses... Mais un roi pauvre, un prince qui ne possède qu'un cheval et une princesse qui ne mange qu'un bol de riz (comme dans le conte kalasha un roi sans fils). Celui que l'on nomme « le roi » n'est pas un « roi du monde », mais un chef de clan, un seigneur de guerre. Homme puissant et respecté de son clan (c'est-à-dire de sa famille), il n'est pas pour autant un roi au sens propre ; il ne règne pas sur un territoire mais plutôt sur une classe sociale et sur les hommes qui composent sa caste.
Mais qu'est-ce qu'un héros ? Selon Marie Delcourt, helléniste et historienne des religions (Légendes et cultes de héros en Grèce) :
Pour des Grecs, un héros est simplement un mort honoré par des personnes étrangères à sa famille. Au lieu d'appartenir à une seule maison, il était revendiqué par une communauté plus vaste et les cérémonies en son honneur avaient plus de beauté. Certains héros, Achille, Héraclès, étaient particulièrement loués dans des poèmes qu'on lisait et récitait partout ; ils avaient des cultes en beaucoup d'endroits. On les regardait comme des morts d'un rayonnement, d’un prestige exceptionnel, rien de plus.
Le culte des héros (appelés parfois demi-dieux) pouvait cependant être aussi dynamique que celui des divinités plus classiques. À Sparte, Anaxagore (v. -500) rapporte qu'Achille était honoré comme un dieu et que deux sanctuaires avaient été érigés pour lui dans la cité. Au culte d'Achille s’ajoutaient ceux de son ami Patrocle et des soldats Myrmidons. De nombreux demi-dieux venaient compléter le panthéon divin, parmi lesquels Héraclès, la divinité adorée par les jeunes de la cité, mais aussi les descendants conquérants du Péloponnèse, les Héraclides, et bien sûr les protagonistes achéens de l'Iliade : Agamemnon, rois de Mycènes et Ménélas, roi de Sparte.
Nous trouvons la première mention littéraire d'un tel héro dans l'épopée sumérienne de Gilgamesh, dont les traces écrites remontent à -2700. L’Épopée de Gilgamesh connut une très grande popularité et fut reprise par les Akkadiens, les Assyriens, mais aussi les Hébreux, qui lui emprunteront l'épisode du déluge et de l'arche de Noé.
La théogonie surgit du chaos, le déluge, le regroupement de dieux amoraux sous la forme d'une fratrie (les Anunnakis, les fils d'Anu, dieu du ciel), le rôle prépondérant d'une déesse-mère ambivalente et subversive, des monstres allégoriques, une narration parabolique ; ce qui fera le succès des différentes traditions mythologiques est déjà présent dans l'épopée sumérienne.
L'épopée de Gilgamesh connut son âge d'or de diffusion et d'adaptation, lors de sa reprise assyrienne, durant la seconde partie du second millénaire. À cette période, les colonies assyriennes implantées en Méditerranée étaient voisines de Mycènes (Grèce continentale). Or, c'est bien de Mycènes dont serait originaire le mythe d’Héraclès.
De longs siècles plus tard, à la suite de l'installation de comptoirs grecs à travers le monde méditerranéen et asiatique, de nombreux mythes fondateurs s'ajoutèrent au canon grec herculéen. Ainsi, de passage en Scythie, Héraclès se laisse séduire par une princesse locale, et de leur union naîtra Scythès et ses deux frères, les premiers Scythes. Pareillement, de passage en Gaule, Héraclès connaît les nymphes des Pyrénées et laisse derrière lui un fils de plus : Celtos, le premier Celte. On rapporte aussi qu’en Inde, Héraclès eut des milliers de fils, avec de très nombreuses concubines, qui étaient des princesses locales. Il n’eut cependant qu'une fille, Pandae, pour laquelle il fonda une ville et attribua une armée. On retrouve sa trace en Espagne, en Libye, mais aussi dans les contrées germaniques et dans le Caucase (Argonautiques).
Héraclès était si populaire, que lorsque Pline l'Ancien compile les informations dont il dispose sur l'Inde pour rédiger son Histoire naturelle (79), il note qu'à Trapabane (nom romain de Lanka), « on y adore Hercule » (6, 22). Sans le savoir, Pline ne mentionne cependant pas Héraclès mais Vishnou, dont l'avatar Rama est un archer, et dont l'avatar Narasimha est un homme-lion, et dont la forme jadis la plus populaire était celle de Vasudeva tenant dans une de ses quatre mains une massue. Cependant, l'universalité et la popularité d'Héraclès laissèrent penser à l'écrivain romain qu'on puisse connaître le héros grec et l'aimer depuis la Gaule jusqu'aux plus lointaines îles de l'océan du bout du monde (tel que l'on qualifiait alors l'océan Indien).
Héraclès, comme Gilgamesh et bien d'autres héros ancestraux, sont des tueurs d'animaux sauvages. Tous combattent un lion, dont ils arborent la peau comme un trophée et comme seul vêtement, et partagent la même arme de prédilection : le gourdin. Le gourdin, ou la crosse, est une arme qui ne nécessite aucun entretien ni aucune technologie pour la fabriquer, mais c'est aussi une arme phallique. C'est l'arme du paléolithique par excellence.
Héraclès et Gilgamesh, sont le même archétype de virilité, de puissance. Ils sont indomptables autant qu’incorruptibles. Ils partagent la même force phénoménale et le même courage à toute épreuve. Héraclès comme Gilgamesh ne sont pas de simples mortels, mais des demi-dieux :
Après que Gilgamesh eut été créé par les grands dieux, Shamash [Soleil] lui accorda la beauté et Adad [Tonnerre] la vaillance. Pour deux tiers il est dieu et pour un tiers il est homme. Sa force est incomparable, ses armes sont invincibles ; il est semblable à un taureau sauvage.
Les monstres et les bêtes féroces ne sont pas leurs seuls ennemis. Les femmes fatales le sont tout autant. Gilgamesh et Héraclès subissent leurs assauts, que ce soit face à Ishtar ou face aux Amazones. L'iconographie grecque représente même Héraclès portant à contrecœur des tenues féminines et subissant l'autorité d'Omphale, une de ses nombreuses compagnes. Ulysse sera séquestré par plusieurs femmes et subira leurs avances.
Ils sont des héros ambivalents, dotés de nombreuses faiblesses. Par exemple, Gilgamesh comme Héraclès ont terriblement peur de la mort. Les pleurs d’Héraclès s'adressant avant de mourir à Zeus, son père, trouvent un écho chez Gilgamesh qui pleure le décès de son meilleur ami Enkidu. Pour côtoyer la mort et la dompter, les deux héros iront jusqu'aux portes de l'enfer. Héraclès capturera son gardien, le terrible chien Cerbère, et Gilgamesh massacrera les démons-pierres, afin de forcer le batelier à le faire passer sur l'autre rive de la mort (un thème cher aux mythologies égyptiennes et gréco-romaines).
Gilgamesh, à l’instar d’Héraclès, est doté d'une sexualité débordante. Les amants d’Héraclès sont nombreux, ses exploits importants, ses femmes, ses fils et ses filles innombrables. Plus que bisexuels, ils semblent pansexuels, comme si une irrépressible énergie les animait, et que cette énergie ne soit pas encore genrée, ni dirigée, mais juste présente en eux, latente. Capable du meilleur comme du pire, c’est cette énergie primordiale qui anime nos héros ; elle poussera Héraclès à massacrer ses propres fils, elle fera se coucher Gilgamesh auprès de son ami Enkidu à la fin de leur combat contre le taureau, elle inspirera enfin à Gilgamesh les insultes qu'il lancera à Ishtar, pourtant la plus belle et la plus désirable des déesses.
Aux battements du tambour, son peuple est attentif. En leurs maisons les gens d'Uruk vivent sans cesse dans la crainte. Ils disent : " Gilgamesh ne laisse pas un fils à son père, jour et nuit règne sa violence. Mais le fort, l'admirable, l'omniscient Gilgamesh, le gardien des murailles d'Uruk est aussi notre pasteur. Il ne laisse pas une vierge à sa mère, ni une fille promise à un guerrier ! "
Outre ses exploits militaires, civilisateur ou amoureux, le héros herculéen libère le bétail retenu prisonnier par un monstre, qu'il soit géant, dragon ou autre. Durant le Néolithique et l'Antiquité, le bétail symbolisait à peu près tout ce qui pouvait avoir de la valeur. Le mythe des vaches libérées est en effet commun.
En Grèce, c'est Héraclès qui libère les bœufs de Géryon, tandis qu'en Italie c’est Recaranus (Garanus) qui sauve son troupeau de la grotte du brigand Cacus. À chaque fois, le héros devra dénicher le vilain de sa tanière, située au fond d'une grotte.
Nous remarquons que des mythes typiques de l'Antiquité mettent en scène des situations évoquant les conditions de vie du Paléolithique. Mentionnons à propos le guerrier perse Rostam, cité dans le Livre des Rois (2, 1). S'il ne peut être rapproché directement d'Héraclès ou de Gilgamesh, il possède comme eux les principales caractéristiques du héros préhistorique.
« Rostam se leva un matin le cœur en souci ; il se prépara pour la chasse, revêtit sa ceinture et remplit de flèches son carquois. Il sortit, monta sur Rakhsh, et lança ce cheval semblable à un éléphant. Il se dirigea vers la frontière du Touran, comme un lion qui, dans sa colère, désire le combat. Arrivé près de la ville de Semengan [non loin de la vallée de l'Oxus], il trouva une plaine remplie d'onagres sauvages [gros âne] ; la joue du distributeur des couronnes se colora comme la rose ; il sourit, fit bondir Rakhsh, et tua un grand nombre de bêtes avec la flèche et l'arc, avec la massue et le lacet. Ensuite il alluma un grand feu de broussailles, d'épines et de branches d'arbres ; et lorsque le feu eut bien pris, il choisit un arbre pour lui servir de broche et en perça le corps d'un onagre mâle qui ne pesait pas dans sa main ce que pèse une plume d'oiseau. Quand l'onagre fut rôti, il le dépeça, en mangea, et brisa les os qui contenaient la moelle ; puis il s'endormit et se reposa des fatigues de la journée, pendant que Rakhsh paissait dans la plaine. »
Si l'on en croit le récit de Lucien de Samosate (120 - 180), qui prétend avoir visité l’Empire romain et avoir rencontré des druides, les Celtes possédaient un dieu de la force bien différent du modèle héroïque grecque. L’auteur rapporte ici les paroles qu'un druide lui aurait confiées :
« Nous autres Gaulois, nous ne pensons pas comme vous Grecs, qu'Hermès soit le dieu de l'éloquence. Nous l’attribuons à Hercule, qui l’emporte sur Hermès par la supériorité de ses forces. Si nous le représentons sous la forme d’un vieillard, n’en soyez pas surpris. Ce n’est que dans un âge avancé que le talent de la parole se montre avec le plus d’éclat et de maturité. […] Ne soyez pas surpris non plus de ce qu’Hercule, emblème de l’éloquence, conduit avec sa langue des hommes enchaînés par les oreilles. Vous savez la parenté qui existe entre les oreilles et la langue. […] Enfin nous croyons que c’est par la force de son éloquence qu’Hercule a accompli ses exploits. C’était un sage qui faisait violence par la puissance de sa parole. Les traits que vous lui voyez sont ses discours, qui pénètrent, volent droit au but, et blessent les âmes. » Préface ou Hercule.
Le chevalier errant
Le chevalier errant est une figure culturelle et littéraire de première importance typique du monde indo-européen. Celui-ci était dominé spirituellement par une caste de prêtres, mais politiquement par une caste de chefs de guerre. Car si les prêtres sont en charge des rituels et des cérémonies, ce sont bien les guerriers qui décident de la politique d'une cité ou d'un clan. En Inde, ces chevaliers, et autres princes, rois ou champions, font partie de la caste des kshatriyas, c’est-à-dire des hommes en armes. Leur rôle sur terre est de défendre le Rta (ou Dharma), une justice cosmique que l'on pourrait rapprocher de la foi martiale des djihadistes ou des templiers, tout comme du commandement chevaleresque de « défendre la veuve et l'orphelin ».
Le chevalier errant de la littérature médiévale est le fils d’une famille aristocrate, qui court l’aventure pour pouvoir à son tour s’établir dans un fief, au prix de bravoure ou de faits militaires. Selon la coutume, l’héritage familial revenait alors entièrement au plus âgé des fils ou au préféré du père, ce qui poussait les autres enfants à courir l'aventure, faute de pouvoir compter sur une part de l'héritage afin de s'établir à leur tour. De telles pratiques avaient pour objectif de ne pas voir le patrimoine familial divisé entre de trop nombreux prétendants, en concentrant tout le patrimoine familial et dynastique entre les seules mains d'un fils aîné.
Littéralement, un chevalier errant est donc un beau et fort chevalier qui va de contrées en pays pour redresser les torts des faibles et opprimés, et courir l’aventure dès qu’elle se présente. Il erre sur les chemins accompagné de ses armes et de son cheval. Au cours de son périple, il est témoin de phénomènes extraordinaires (magie, êtres difformes, forêts sans fin, sommets inaccessibles, etc.) et va devoir faire preuve de courage et d’honneur ; sa force physique étant sans égale.
Pourtant, les chevaliers ne sont pas véritablement dans l'errance, car ils connaissent leur destination, et s'ils voyagent en nomade, c'est avant tout pour mener à bien une quête qui leur est propre et qui les obnubile. Plutôt qu'en errance, ils sont sur le chemin de la réalisation. Par-delà leurs multiples aventures, les héros chevaleresques tendent à réaliser leur idéal et rien ne les détournera de leur but. Leurs aventures successives sont parfois de simples digressions revenant sans cesse à la trame de base. Le plus souvent, ces aventures marginales font partie intégrante du long et rigide processus de la quête.
C'est précisément ce qu'expose le médiéviste Alexandre Micha dans son Essais sur le cycle du Lancelot-Graal :
Errants, ils ne le sont qu’à moitié, dévoyés par des circonstances ou des appels fortuits. Le véritable chevalier errant est celui qui part pour partir, qui va au-devant d’une aventure inconnue. […] Certes nos chevaliers cueillent l’aventure, quand elle se présente, mais chacun sait où il veut aller, et s’il est provisoirement détourné de la destination qui a motivé le voyage, il ne perd jamais le point qu’il désire atteindre.
Héros divins
védique |
Indra |
hindous |
Les 10 avatars de Vishnou, dont Parashurama, Rama et Krishna (Héraclès de Mégasthène) |
bouddhiste |
Bouddha |
gréco-bouddhistes |
Bouddha - Vajrapani (Zeus-Héraclès) |
perses |
Thraetaona, Fereydoun - Rostam Verethragna (Héraclès-Artagnès - Indra) |
mésopotamien* |
Gilgamesh |
lycien et pisidien |
Kakasbos (Héraclès) |
philistin |
Goliath |
arménien |
Vahagn (Héraclès) |
ossètes |
Batraz – Soslan (Hercule) |
scythe |
« Héraclès scythe » - Targitaos |
gète |
Derzelas, Derzis (Gebeleizis) |
roumain |
Fat-Frumos (Beau-Jouvenceau) |
albanais |
Gjergj Kastrioti, George Castriote, dit Scanderbeg |
grecs |
Zeus – Héraclès, Alcide (Hercule) - Achille - Ulysse – Persée - Jason - Thésée |
romains |
Énée - Hercule (Héraclès) - Mithra tauroctone |
étrusque* |
Hercle (Hercule, Héraclès) |
celte |
Ogmios (Ogma) |
gallo-romaine |
Smertios (Mars - Hercule) |
bretons |
Lancelot et Gauvain |
ligérien |
Gargantua |
irlandais |
Ogma (Ogmios) - Cuchulain (Lug) |
lusitanien |
Virate |
germaniques |
Siegfried – Wieland-le-forgeron - « Hercule saxon » |
chérusque |
Arminius |
batave |
Magusanus, Hercule Magusanus |
carolingiens |
Charlemagne - Roland |
normand |
Ragnar Lodbrog (semi-légendaire) |
russe |
Vladimir |
folklore européen |
Le prince charmant |
phénicien* |
Melkart, Baal de Tyr |
chinois* |
Yi l'archer, Houyi |
védiques |
Indra / Vitra (serpent-dragon, fils de Tvastar, le dieu-architecte) |
hindous |
Krishna / Kaliya (hydre naga) - Surya et Chandra / Rahu et Ketu |
mazdéens |
Tishtrya / démon de la pluie |
perses |
Ahura Mazda / Ahriman (Angra Mainyu) - Fereydun, puis Garshasp / Zahhak |
kalashas |
Indr /Jestan (monstre-chien) - Mandi / Espereg-era |
hittites |
Tarhunt / Illuyanka - Inara / Hahhima (démon du gel) - Teshub / Ullikummi |
kurdes |
Zahhak |
arméniens |
Vahagn / Vishap - Aram / Barsamin (géant) |
géorgiens* |
Iakhsar / le dragon |
albanais |
Bolla le dragon |
roumains |
Fat-Frumos / Zme – Novac / Dragon des Portes de fer du Danube |
gréco-romains |
Kronos / Ophion - Zeus / Typhon - Apollon / Python - Héraclès / l'hydre - Héraclès / Ladon - Persée / la Gorgone Méduse - Persée / Ceto - Bellérophon / la Chimère |
latins |
Recaranus / Cacus (géant, fils de Vulcain, le dieu-architecte) |
bretons |
Tristan / le dragon d’Irlande |
ligériens |
Gargantua / Maury (géant) |
dauphinois |
St Donat / dragon dévoreur d'enfants |
savoyards |
Un jeune paysan / la vouivre des fontaines |
parisiens |
St Marcel / Dragon de la Bièvre |
bordelais |
St Marcial / dragon de la tour, dévoreur de jeunes filles |
périgourdins |
St Front / Coulobre |
provençaux |
Ste Marthe / Tarasque |
pyrénéens |
St Bertrand-de-Comminges / crocodile |
folklore de Troyes |
St Loup / La chair-salée, Coquatrix (Attila ?) |
irlandais |
Dian Cecht / Meichi |
germaniques |
Beowulf / le dragon - Siegfried / Fafnir (dragon) |
lorrains |
St Clément / Graoully |
hollandais |
St Georges / dragon |
scandinaves |
Thor / Jormungandr - Sigurd / Fafnir |
normands |
St Romain / Gargouille |
slaves |
Péroun (Élie, Ilya) / Vélès (St Vlassi) - Dobrynya Nikitich / Zmey |
estoniens* |
Kalevipoeg / Sarvik « le cornu » |
égyptiens* |
Ra / Apophis (serpent) |
mésopotamiens* |
Gilgamesh et Enkidu / Humbaba |
babyloniens* |
Mardouk / Mushussu |
cananéens* |
Baal / Yam-Nahar |
juifs* |
Yahvé / Léviathan (monstre marin) - David / Goliath (géant) |
chrétiens* |
St Michel / le dragon - Gaston de Belsunce / la vouivre (dragon) |
japonais* |
Susanoo / Yamata-no-orochi (dragon à huit têtes) |
navajos* |
Tonenili / le monstre des eaux |
Héros terrestre et divinité céleste
Les Grecs offrent à l’un, qu’ils ont surnommé Olympien, des sacrifices, comme à un immortel, et font à l’autre des offrandes funèbres, comme à un héros.
À Cernunnos assis et les bras chargés d'abondance, correspond Sucellos en action, le bras levé portant une lance. Cernunnos comme Sucellos portent le chaudron dans une main, signe qu'ils distribuent la manne, mais à des niveaux différents. Cernunnos est détenteur de la manne céleste, Sucellos du pouvoir militaire et virile. L'un est maître du cosmos, l'autre maître de l'humanité. De même, au Mithra « œil du soleil », correspond Mithra l’éternel adolescent qui saigne le taureau de vie dans une grotte (lieu chthonien). Enfin, au Rudra-Shiva céleste correspond une des nombreuses versions de Shiva sur terre, incarné sous les traits d'un yogi, d'un prêtre renégat ou d'un simple vagabond.
À une divinité céleste, éternelle, paternelle, conceptuelle, correspond une divinité-fils, terrestre et mortelle (« mortelle » dans le sens où elle est assujettie au cycle de la naissance et de la mort). Cette divinité reprend donc à son compte les attributs de sa version céleste, mais en plus matérielle. Le maître de la nature tout entière (Dionysos), le grand créateur, devient alors le maître du vin, l'inventeur de la presse (Bacchus, Lénaios).
Dans son incarnation terrestre, cette divinité n'est plus unie avec une déesse, il ne partage plus le trône céleste. Cette divinité va donc rechercher sa partenaire, n'hésitant pas à violer ou à enlever celle qu'il désire. L'ambivalence du dieu céleste, à la fois créateur et destructeur, se retrouve dans sa version terrestre ; celui-ci est alors en proie à un caractère lunatique, passionné, voir tout à fait violent ou fou (Héraclès massacre ses enfants, Rama suggère à Sita d'entrer dans le feu).
Le dédoublement de la divinité peut aussi concerner les déesses. Dans Le Mythe de Vénus, Henri Hignard expose deux Vénus, qui répondent aux deux hercules d'Hérodote. À l'Aphrodite céleste, Reine-mère de l'Univers, répond la déesse de l'amour, divinité mineure.
À coté de cette Vénus officielle et majestueuse de la politique, les poètes latins et les peintures de Pompéi nous en montrent une autre beaucoup moins imposante [...] ; c’est la Vénus des amoureux, initiatrice des plaisirs et des doux larcins, mère des désirs. Mater sœva cupidinum, et patronne des courtisanes. On peut croire que le culte de cette dernière, bien que moins solennel, n’était pas moins répandu. C’est celle que les modernes connaissent le plus.
Le même phénomène peut s'appliquer à des divinités mineures. Le Précis de la mythologie scandinave de S. Ricard nous indique en effet que « les Valkyries se présentent sous deux formes : comme des êtres célestes et comme des créatures terrestres. »
On distingue alors les valkyries célestes, des valkyries terrestres. Les premières sont liées à Odin et leur profil mythologique est proche de celui des apsaras, les nymphes célestes indiennes partenaires d'Indra. Les secondes sont de simples muses.
Les Valkyries d’Odin n’entrent pas dans la vie, elles ne se révèlent qu’à la fin, elles ne sont que la pensée et la volonté puissante qu’Odin jette dans le tumulte du combat ; mais la Valkyrie du poète naît sur la terre, elle appartient à la vie réelle, elle s’unit au héros et expire avec lui pour ressusciter ensuite avec lui. Elle conserve toujours le souvenir de son origine céleste, et ses regrets à jamais assoupis lui rendent des attraits indéfinissables ; la Valkyrie furieuse et sévère d’Odin qui n’inspirait que la terreur, est devenue un être angélique, avec lequel nous nous plaisons à vivre, car elle est l’ange tutélaire qui réside au fond du cœur humain. »
En somme, deux facettes d'une même divinité cohabitent dans l'univers panthéiste : l'une est théogonique, éthérée, métaphysique, l'autre est incarnée et tragique. La dimension tragique de l'avatar terrestre est essentielle : dans tous ses mythes, qu'ils soient gréco-romains, égyptiens, orphiques ou de n’importe quelle origine, Dionysos est celui que l'on démembre, que l'on sacrifie.
Dans le brahmanisme, ce passage du dieu céleste au dieu tragique et détruit est marqué par le mythe du Purusha : l’être cosmique qui sacrifie volontairement son corps pour servir de support à la vie. Le mythe de Rudra plongeant dans un lac pour méditer sur le destin des hommes, et créant ainsi la toile de la vie, renvoie aussi à ce mythe de la « descente divine ». Pour que sa création soit parachevée, le dieu créateur du ciel doit s'incarner sur Terre et partager la condition humaine (marquée par sa nature mortelle, tandis que les dieux sont immortels). Le passage sur Terre du dieu cosmique initial lui confère une nature civilisationnelle, que ne possède pas sa version céleste. Si le dieu du ciel crée le support de la vie, c'est le dieu terrestre qui apporte l'agriculture, la magie, la science, les rituels et le bonheur (que symbolise l'ivresse).
L'idée d'une divinité double se retrouve dans l'hindouisme vishnouïte : à la figure de Vishnou Narayana allongé sur le serpent cosmique, flottant au-dessus de l'océan initial, correspond la figure terrestre de Krishna, Vishnou fait homme, descendu sur Terre pour s’incarner aux yeux des mortels.
Dans le mazdéisme, on retrouve Ahura-Mazda, dieu du ciel, de l’espace, créateur initial, et Mithra, fils d'Ahura-Mazda, envoyé sur Terre pour sacrifier le taureau primordial. Dans le shivaïsme le plus classique, Shiva peut être considéré comme le dieu du ciel, de l'univers, tandis que son fils Skanda est le dieu de la guerre, des exploits militaires des humains, et donc de la Terre en tant que telle.
La civilisation indienne développa particulièrement la première nature de la divinité shivaïte, sa dimension cosmique et monothéiste, ce qui donna le personnage de Shiva, celui de Parvati, et toute la philosophie tantrique qui en découlera. En Grèce, on donna plus d'importance à la version terrestre de ce dieu, avec un Dionysos qui sera l'objet de très nombreuses aventures, tragédies et fables en tout genre, mais qui jamais, si ce n’est dans le culte orphique, ne deviendra une divinité centrale et céleste. Inversement, en Inde le personnage de Skanda, jadis très populaire et complémentaire de Shiva, tomba dans une certaine forme de désuétude, et Shiva fut associé à sa parèdre, plutôt qu'à sa descendance directe.
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