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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

L'AVATAR, tour du monde d'un concept mystique

Vishnou et ses avatars principaux

Vishnou et ses avatars principaux

Le principe avataresque

 

Une figure terrestre, prophétique ou héroïque, associée à une figure céleste, donne naissance au principe d'avatar (un mot sanskrit signifiant la « descente » d'un dieu sur Terre).

Par exemple : Vishnou, divinité à la fois cosmogonique et solaire, s'incarne sur Terre sous la forme d'indénombrables avatars, dont la tradition puranique en a canonisé dix des plus populaires et dont Rama et Krishna sont les plus célèbres. Une fois leur existence terrestre terminée, ces personnages légendaires quittent la Terre pour rejoindre Saket-loka, Vrindhavan et Goloka, les domaines célestes et paradisiaques, créés par Vishnou-Narayana, pour lui-même et ses plus fidèles dévots.

 

Krishna et Radha

La Grande déesse indienne apparaît aussi sur terre, sous la forme d’avatars : Parvati la compagne de Shiva s'incarne en Sati, dont le mythe raconte le suicide parce que son père n'acceptait pas son union avec Rudra-Shiva. Sarasvati, compagne de Vishnou s'incarne de la même manière dans le Ramayana : il s'agit de Sita, la princesse de Mithila, dont les mésaventures donneront à Rama l'occasion de vivre son destin héroïque.

Tout comme les puranas, les agamas shivaïtes illustrent le concept de multi-incarnations : « De Shiva, l'espace infini à Shakti, la force motrice qui inspire la création, en passant par Sada-Shiva, l'omniprésence lumineuse, subtile et absolue, jusqu'au colérique Rudra et jusqu'à ses 25 formes et incarnations nommées Maheshwara, Shiva se succède donc à lui même à travers les âges, en s'incarnant d'avatars en avatars, assurant ainsi son rôle de gardien des traditions mystiques. » (Tirumular, Tirumantiram. éd. Arya-Dharma, 2022)

On retrouve en Égypte des notions similaires. Dans l'Hymne à Aton, qui s'adresse au dieu solaire, un vers ne déparerait pas dans la Bhagavad Gita : « Tu as créé des millions de formes de toi seul. » Pour Champollion : « Amon est le point de départ et de réunion de toutes les essences divines. Amon-Râ Être Suprême et primordial, étant son propre père et qualifié de mari de sa mère. ». Dans le Livre des morts, Hathor est appelée « la mère de son fils et la fille de son fils. » À Amon, divinité céleste dont l'attribut est la couleur bleue, correspond Amon Min, la divinité de la fertilité chthonienne. Dans la mythologie ancestrale de la Haute-Égypte, Anukis, fille et compagne de Khnoum, est aussi la mère de Satis, sa propre mère. Même si elle connaît des appellations différentes en fonction de ses attributs et des localités qui l'honorent, qu'elle soit Sekhmet ou Tefnout les déesses-lionnes, Bastet la déesse-chatte, Mout la déesse-mère de Thèbes, Hathor la vache céleste, Meret-Seger la déesse serpent, il s'agit de la même divinité.

Les mêmes expressions complexes et paradoxales se retrouvent dans le Rig-Veda : « D'Aditi naquit Daksha et du sein de Daksha, Aditi » (Rig-Véda, 10, 72. Trad. L. Renou) Dans la mythologie shivaïte-shaktiste, dans laquelle la nature du véritable pouvoir évolue sans cesse entre Shiva et sa compagne Shakti, Shiva est à la fois le fils de Shakti (le principe masculin étant enveloppé par le principe féminin, de même que régit par ce dernier), ce qui ne l’empêche pas d'être son amant (les métaphores sexuelles sont nombreuses à propos de Shiva et Shakti, et si Shakti est l'origine de la vie, c'est bien Shiva qui en est son principe actif).

Le philosophe et initié berbère Apulée composa un poème remarquable à propos de la figure féminine sacrée multiforme, qu'elle soit Isis la mère, Ishtar l'infernale ou Vénus la belle : « Reine des cieux, qui que tu sois, bienfaisante Cérès, mère des moissons, inventrice du labourage […] Toi qui protèges les guérets d’Éleusis ; Vénus céleste, qui, dès les premiers jours du monde, donnas l’être à l’Amour pour faire cesser l’antagonisme des deux sexes, et perpétuer par la génération l’existence de la race humaine ; Toi qui te plais à habiter le temple insulaire de Paphos, chaste sœur de Phébus, dont la secourable assistance au travail de l’enfantement a peuplé le vaste univers ; divinité qu’on adore dans le magnifique sanctuaire d’Éphèse. Redoutable Proserpine, au nocturne hurlement, qui, sous ta triple forme, tiens les ombres dans l’obéissance ; geôlière des prisons souterraines du globe ; toi qui parcours en souveraine tant de bois sacrés, divinité aux cent cultes divers [...] ; Sous quelque nom, dans quelque rite, sous quelques traits qu’il faille t’invoquer, daigne m’assister dans ma détresse, affermis ma fortune chancelante. » L'Âne d'or.

 

Le principe d'avatar se retrouve en Occident : Ovide, dans ses Métamorphoses, fait dire à Jupiter : « Je cache ma divinité sous les traits d’un mortel, et je parcours la terre. »

Odin s'incarne en oiseau pour visiter l'autre monde, mais aussi en vagabond pour visiter la Terre.

Cuchulain se change en fauve pour intervenir dans la bataille. Toujours dans le monde celtique, le cerf est l'avatar de Cernunnos, mais aussi de Merlin. Le dieu cornu Finn mac Cumail, dit « le Brillant », règne sur la forêt et ses créatures, et occasionnellement se transforme en animal ou en homme, pour chanter.

À propos des Scythes, Hérodote rapporte l'adoration fervente d'un certain Zalmoxis, une figure associée au dieu céleste Sabazios. Sur les rives de la mer Noire, la déesse primordiale et associée à la chasse, une pseudo-Artémis, est associée au sacrifice d'Iphigénie, une jeune fille souvent présentée comme son incarnation terrestre. On retrouve cette même association de la Grande déesse et d'une jeune fille innocente pourtant sacrifiée, dans les mythes indiens des princesses Sati et Sita, les compagnes respectives de Rudra et Rama qui sont aussi les avatars respectives de Parvati et Sarasvati (elles-mêmes parèdres de Shiva et Vishnou).

 

Passons à l'Afrique et au reste du monde :

En Égypte, la figure solaire Somtous présente deux aspects fondamentaux ; solaire, mais aussi royal (les attributs du pouvoir de Pharaon sont les siens). Il est celui qui est à la fois le roi du ciel et celui de la terre.

À propos d'Imhotep :

« Peu à peu, l'image d'Imhotep évolue: sa naissance est attribuée à l'intervention directe du dieu des dieux. Imhotep devient le « ils de Ptah », dieu créateur de Memphis. Ptah est aussi le dieu des artisans; cela convient donc particulièrement au père de celui qui acquit une telle renommée de sculpteur. A l'époque saïte, Memphis et Saqqarah sont les hauts lieux du culte d'Imhotep, fils de Ptah. Des centaines de figurines de bronze le représentent, mettant en valeur sa sagesse et ses origines divines. Assis, un rouleau de papyrus posé sur les genoux, il est coiffé d'une calotte et porte un long pagne de lin. Le papyrus symbolise sans doute les sources de la connaissance conservées par les scribes dans la « maison de la vie » ; la calotte identifie Imhotep à Ptah, et son habit de prêtre symbolise sa pureté religieuse. Son temple principal se dresse au nord de Saqqarah et un sanctuaire de moindre importance est à Memphis, au sud-ouest du grand temple de Ptah. Cependant, à l'époque ptolémaïque, son culte se répand jusqu'à Thèbes, et il est vénéré jusque dans le temple de Ptah, à Karnak. Sous le règne de Tibère, des louanges à Imhotep sont gravées sur la quatrième porte de son temple. A Thèbes, il partage les honneurs avec Amenhotep, fils d'Hapu, « directeur de tous les travaux royaux », contemporain du règne d'Amenhotep III (1403-1365 av. J.-C.) ; il fut également déifié. Au temple de Deir el-Médineh, à Thèbes, Imhotep est représenté avec la mère que lui attribue la mythologie, Kheredouankh, sous la forme de la déesse Hathor. Pour compléter la triade si chère aux Égyptiens, il a une épouse appelée « Sœur de dieu », Renpet-nefret. Alors que son culte s'étend, il prend progressivement le rôle de médecin suprême, image que l'on peut facilement rapprocher de celle du Grec Asklépios. […] Des illustrations de sa divinité se retrouvent à travers toute l'Égypte; à Mendès, dans le Delta, on peut observer une progression comparable à la multiplication des statues de la Vierge Marie au tout début du christianisme : Kheredouankh, la mère d'Imhotep, devient elle-même la fille d'une divinité, Banebdjedet, le bélier sacré de Mendès. Le culte d'Imhotep est célébré par les couples qui désirent un fils. Une stèle, sans doute la plus émouvante de celles que possède le British Museum, nous fournit un bon exemple de ses pouvoirs particuliers. » George Hart, Mythes égyptiens, Seuil, Points sagesse, 1993.

L'Afrique subsaharienne partage la mythologique égyptienne. Un mythe africain commun aux Égyptiens et aux Khoisans raconte qu' : « un homme est assassiné par une parente et se change successivement en plante puis en animal. Dans la version égyptienne, ce motif de la réincarnation est redoublé : le cœur de Bata survit en haut d'un arbre, avant que ce dernier ne devienne un taureau. Puis Bata se métamorphose de nouveau en plante avant de finalement redevenir humain. » (Julien d'Huy, L'aube des mythes).

Dans la mythologie berbère kabyle, la mère primordiale, Yemma-t-n dunnit, s'incarne en Settut, la Grande Sorcière.

Chez les Pygmées Mbuti (Congo), le héros ancestral et dieu des forêts Toré s'incarne sous la forme du vent ou d'un animal, le plus fréquemment un léopard.

En Mésopotamie, le dieu primordial Enki s'incarne en Enkidu, l'homme-sauvage, protagoniste de l'épopée de Gilgamesh.

Durant son voyage en Phénicie et en Égypte, Hérodote mentionne un culte diffus de Cadix en Phénicie, et qu'il retrouve en Égypte. Il s'agit du culte d'un certain « Héraclès céleste », figure prépondérante, associé à un « Héraclès terrestre », plus classiquement héroïque.

Dans l'orphisme, Dionysos est présenté sous de nombreuses formes successives, dont Bromios, le cris primordial, Zagreus le dieu sacrifié, ou encore Bacchus-Iacchos, le porteur de flamme des rituels bacchiques. Si Bromios et Zagreus sont de nature cosmogoniques, Bacchus est doté d'une nature bassement terrestre.

Simon le mage, personnage de la gnose chrétienne, se prétendait l'incarnation terrestre d'un des premiers éons.

Dans le Pacifique : « Les dieux de Samoa se manifestaient généralement sous la forme animale, mais il arrivait aussi qu'ils fussent, de façon permanente, incarnés dans des hommes qui donnaient des oracles, recevaient des offrandes (parfois de chair humaine), guérissaient les malades, répondaient aux prières, etc. En ce qui concerne la vieille religion des Fidjiens, et en particulier des habitants de Somosomo, on dit qu'il n'apparaît pas qu'il y ait une ligne de démarcation bien marquée entre les esprits défunts et les dieux, ni entre les dieux et les hommes vivants, car nombreux sont les prêtres et les vieux chefs qui sont considérés comme des personnes sacrées, et beaucoup d'entre eux réclament pour eux-mêmes le titre de divinité. « Je suis dieu, disait Tuikilaki- la; et il le croyait. Dans les îles Pelew, on croit que chaque dieu peut prendre possession d'un homme et parler par sa bouche. Cette possession peut être, ou bien temporaire ou bien permanente; dans ce dernier cas, la personne choisie porte le nom de Korong. » J. G. Frazer, Le roi magicien dans la société primitive, dieux humains incarnés, Le Rameau d'Or.

En Australie : « Il est plus que probable que tous ces noms (Bundjil, Baïamé, Daramu- lun, etc.) désignent la même divinité. » (M. Eliade, Religions australiennes)

En Mésoamérique, Eacatl (Vent) est le soutient des nuages et de l'espace, tandis qu'incarné sur Terre, il apparaît comme le roi Quetzalcóatl, le Serpent-à-plumes monarque de la Terre. Quilaztli, « Celle qui fait pousser les légumes », se nomme aussi Coaciuatl (« Femme Serpent »), Quauhciuatl (« Femme Aigle »), Yoaciuatl (« Guerrière ») et Tzitziminciuatl (« Diablesse »). Ces noms révèlent ses différentes personnalités, qui sont autant de qualités, de pouvoirs et de maux dont elle est capable.

Au Pérou, le dieu solaire Inti s'incarne dans le Grand Inca, ce qui conforte encore le prestige de l'empereur.

L'AVATAR, tour du monde d'un concept mystique
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