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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

L'ŒUF CÉLESTE (mythe cosmogonique)

L'ŒUF CÉLESTE (mythe cosmogonique)

L’œuf d'or, l’œuf céleste

L’œuf est à l'origine du processus créatif. Il représente l'unité du divin, l'unité qui précède l'explosion de créativité. Il contient la création tout entière à l'état d'infinies possibilités. Pour les védiques, il s'agit d' Hiranyagarbha, l’œuf d'or, aussi nommé l’œuf cosmique. Il contenait Brahma avant que celui-ci ne naisse en cassant sa coquille.

La cosmogonique slave propose un résumé du mythe de l’œuf initial :

« Il était une fois un œuf d'or lové dans le néant le plus sombre, et dans cet œuf, résidait le père de tout être-vivant : Rod. Rod cassa la coquille de l’œuf d'or et immédiatement créa pour lui une compagne : Mère-Lada, la déesse de l'amour. Grâce à l'amour, Rod trancha les ténèbres et grâce à un arc-en-ciel, il coupa son cordon ombilical. Dès lors, il se mit au travail et commença à séparer les océans et les mers des cieux. Ensuite, Rod sépara la lumière des ténèbres et la vérité du mensonge, puis il divisa l'Univers en trois mondes : Prav, le domaine des dieux et de la vérité, Yav, le domaine des existences visibles et incarnées, et Nav, le monde souterrain qui sera la demeure des morts. Après ça, Rod mit au monde notre mère la Terre, qui disparut aussitôt dans les profondeurs de l'océan, où elle resta longtemps cachée. Puis le Soleil fut créé avec le visage de Rod, le père des dieux, tandis que la Lune brillait en émergeant de son torse. Des yeux de Rod jaillirent les innombrables étoiles et de ses sourcils naquirent le lever du jour et les rayons éblouissants du Soleil. Des pensées de Rod jaillit alors la nuit obscure... puis la pluie et la neige naquirent de sa transpiration et de ses pleurs... Enfin, issus de sa respiration, des vents puissants balayèrent alors l'Univers, et sa voix devint le tonnerre et l'éclair. » La légende de Gamayun, dans A. V. Trekhlebov, Tales of Forgotten Past.

Brahma, en sortant de son œuf, crée la matière en séparant les éléments primordiaux. De la coquille de son œuf, surgissent Prakriti, la Matière et Aditi, la Lumière. Mais c'est aussi Dyaus, le Ciel et Prithvi, la Terre.

Au commencement cet univers était eau, n'était qu'une onde. L'eau exprima ce désir : comment pourrai-je me reproduire ? Elle se mortifia, elle chauffa la chaleur ascétique. Quand elle eut chauffé la chaleur ascétique, un œuf d'or apparut. Il n'y avait pas encore d'année en ce temps. L'œuf d'or flotta pour autant que mesure la durée d'une année. Au terme de l'année un être mâle apparut, c'était Prajapati (...). Il brisa l'œuf d'or, mais il n'y avait aucun point d'appui : donc l'œuf d'or, le portant, flotta pour autant que mesure la durée d'une année.

Çatapathabrahmana, 11, 1, 6, 1, 11 (Yajur-Veda blanc).

Ce mythe est présent aussi présent dans l'hymne à Purusha et l'hymne à Paratma, (Rig-Veda,) dans l'Atharva-Veda, le Gopatha Brahmana, et le Harivamsa, dont le récit suivant est inspiré :

« Alors que Vishnou et Brahma cohabitaient dans un univers vide et immense, où était donc l’enveloppe des choses, comme le réceptacle de l’eau ou l’emplacement de l’air ? Dans quel lit se trouvait contenu l'océan primordial ? S'il n'y avait rien, où donc étaient les profondeurs impénétrables de l’espace ? Qui pourrait nous révéler ces mystères ? Car rien n’existait encore : les ténèbres étaient enveloppées de ténèbres ; l'eau n'était troublée d'aucune vague. Tout était confondu. Rien n’existait alors, ni visible, ni invisible. Il n'y avait ni air, ni ciel, ni l'être, ni le néant, ni l'univers. La mort n'existait pas, pas plus que l'immortalité. Rien n’annonçait le jour, ni la nuit. Les ténèbres étaient enveloppées dans d’autres ténèbres et l’eau n’avait nul éclat. Tout était confondu en Brahma qui seul respirait, renfermé sur lui-même en ne laissant échapper aucun souffle. Il n’existait alors que lui, l’Être suprême qui reposait au sein du chaos sous la forme d'un œuf. En effet, sous la forme d'un œuf d'or, dans le lit même des eaux, avait paru une matrice, qui refermait en elle toutes les possibilités des univers à créer. Après y avoir demeuré un an, de lui-même, est né Brahma qui brisa la coquille de son enveloppe d’or. De l'œuf brisé a jailli Aditi, la Lumière Initiale. Aditi est l'espace infinie qui s'étend depuis en traversant l'univers, sans connaître de limite ni d'obstacle. Elle est la mère des dieux et des corps célestes. Elle est l'origine de toute chose. Elle est la conscience initiale qui permit à la Création de s'exprimer. Aditi fut la première manifestation du principe féminin actif dans n’importe quelle forme d'existence y compris divine. Elle est l’énergie motrice qui anime chaque existence d'une force qui lui est propre. »

Ou encore dans les Lois de Manu (5 à 17) :

« Ce monde était obscurité, inconnaissable, sans rien de distinctif, échappant au raisonnement et à la perception, comme complètement dans le sommeil. Alors l'auguste Être existant par lui-même, lui qui n'est pas développé, développant cet univers sous la forme des grands éléments et autres, ayant déployé son énergie, parut pour dissiper les ténèbres. Cet Être que l'esprit seul peut percevoir, subtil, sans parties distinctes, éternel, renfermant en soi toutes les créatures, incompréhensible, parut spontanément. Voulant tirer de son corps les diverses créatures, il produisit d'abord par la pensée les eaux, et y déposa sa semence. Cette semence devint un œuf d'or, aussi brillant que le soleil, dans lequel il naquit lui-même sous la forme de Brahma, le père originel de tous les mondes. […] Dans cet œuf le bienheureux demeura toute une année ; puis, de lui-même, par l'effort de sa seule pensée, il divisa l'œuf en deux. De ces deux moitiés il fit le ciel et la terre, et entre les deux l'atmosphère, et les huit points cardinaux, et l'éternel séjour des eaux. De lui-même il tira l'Esprit, renfermant en soi l'être et le non-être, et de l'Esprit il tira le sentiment du moi qui a conscience de la personnalité et qui est maître ; et aussi le grand principe, l'âme, et tous les objets qui possèdent les trois qualités, et successivement les cinq organes des sens qui perçoivent les choses matérielles. Prenant des particules subtiles de ces six principes dont le pouvoir est illimité, et les combinant avec des éléments tirés de lui-même, il en créa tous les êtres. »

Selon les puranas, une fois sa coquille cassée, Brahma est relié à Vishnou par son ombilic. Dès lors, il vit au sommet de l'Univers, assis en tailleur sur un trône constitué d'un gigantesque lotus rouge en fleur. Une divinité essentielle du panthéon gréco-égyptien ressemble en tout point à Brahma, il s'agit de Harpocrate, aussi appelée Horus-enfant, une divinité aux origines les plus ancestrales, et non pas née du syncrétisme religieux né plus tardivement du passage des troupes grecques d'Alexandre le Grand. Harpocrate est présenté assis sur une fleur de lotus qui émerge de la mer primordiale, exactement de la même manière que dans les représentations picturales les plus classiques, Brahma trône au-dessus de Vishnou, auquel il est relié par un ombilic qui est une fleur de lotus. Vishnou est lui-même allongé sur l'océan du chaos initial, que les hindous nomment Garbhodaka que les Grecs nommaient Éther et les Scandinaves Ginungagap.

Quant au trône de Dieu, il s'agit d'un mythe des plus communs. La cosmogonie islamique reprend celle de la Genèse :

Certes votre Seigneur est Dieu qui a créé les cieux et la terre en six jours puis s'est établi sur le Trône.

Coran, 7, 54.

Dans la tradition orphique, l’œuf cosmique donne naissance à Phanès, la divinité hermaphrodite androgyne et zoomorphe. On remarque aussi la présence au premier stade de la création, d’Éros (Kamadeva en Inde). L'amour, ou plus justement le désir, étant la cause de toutes les causes, il est donc la raison initiale à l’expansion créative de Brahma comme de Phanès.

Brahma reposait ainsi dans le vide qui le portait quand dans son esprit, un désir se forma, qui fut la première semence de tout l'Univers. Voici comment il apparut : grâce à la chaleur de ses émotions, il fit ruisseler de la sueur le long de son front ainsi que par tous les pores de sa peau. Ces ruisseaux de sueur se convertirent en eau puis s’agglutinèrent en flaques à ses pieds. C'est alors que Brahma aperçut sa propre image et en devint épris, ce qui marqua la naissance du Désir.

Légende puranique.

Au Moyen Âge, on trouve la trace du mythe de l’œuf cosmique dans un dialogue philosophique du 13e siècle (le chapitre 118 de Placides et Timeo ou Li secrés as philosophes) :

Voici l'ancienne tradition : le monde est comme un œuf. L'écaille extérieure de l'œuf signifie le firmament. Après l'écaille est une petite peau blanche, qui est froide et sèche et signifie la terre, car le terre de sa nature si est froide et sèche. Sous cette peau est l'aubun, qui est froid et moite, qui signifie l'eau qui est sur le terre, si est froide et moite. [...] Et dans l'œuf est la semence. Les créatures vivantes sont dedans.

Texte modernisé.

L’œuf cosmique se retrouve en Chine dans un mythe probablement emprunté au folklore et à la mythologie yuezhi ou wusun, deux peuplades indo-européennes présentes dans le Gansu et le Tarim depuis le début du second millénaire avant notre ère. Il existe trois sources et donc trois versions complémentaires du mythe de Pangu : Histoire des trois augustes et des cinq empereurs et Annales des cinq éléments, de Xu Zheng, et Histoires extraordinaires, de Renfang. Pour créer le récit suivant, nous avons pris en considération chacune de ces sources :

« Avant la séparation du ciel et de la terre régnaient le chaos, le vide, l'obscurité et les profondeurs insolubles de l'océan primitif. Du chaos sortit l'œuf originel, l'œuf de l'univers. Le ciel et la terre étaient alors mélangés comme dans un œuf de poule, et Pangu était au milieu, endormi d'un sommeil qui dura 18 000 ans. Pangu, au centre de l’œuf, se transformait neuf fois par jour, tandis que le divin rejoignait le ciel et le démoniaque la terre. Chaque jour, le ciel s’élevait d’un zhang [environ 15 degrés], la terre épaississait d’un zhang, et Pangu grandissait d’un zhang. Après 18 000 ans, Pangu finit par s'éveiller et brisa la coquille de l’œuf. Les éléments de la coquille volèrent alors en éclats à travers l'espace. Les éclats les plus légers et les plus purs, le Yang, volèrent vers le haut, le ciel clair, tandis que ceux qui étaient plus lourds et opaques, le Yin, tombèrent et créèrent la terre sombre. Le ciel et la terre se séparèrent donc ainsi, le yang pur devenant le ciel et le yin trouble la Terre. Ainsi, grâce à sa connaissance du yin et du yang, Pangu avait réussi à séparer le Terre du ciel et à placer entre eux les corps célestes, créant vallées et montagnes et séparant les mers. Pangu s'étendait comme pilier sans fin du sol jusqu'aux confins du ciel, grandissant de dix pieds [3 mètres] par jour en maintenant écartés le ciel et la terre. Pendant encore 18 000 ans, la terre et le ciel, ainsi séparés, se solidifièrent, puis, épuisé par son labeur, Pangu put enfin se reposer en s'allongeant sur la terre et mourut. »

Le mythe cosmogonique de l’œuf se retrouve en Égypte. L’Égypte fut de longs millénaires en relation avec l'Inde, la Perse et la Grèce, sa spiritualité influença profondément celles de Mycènes, de la Grèce, du monde hittite et mésopotamien. Amon-Re pond un œuf d'où naîtra la vie :

Ô Toum! Accorde-moi le souffle vivifiant de tes narines. Car je suis l'œuf de l'océan cosmique, qui conserve en lui l'œuf géant pondu par Geb sur la terre. Si je vis, il vit, et si je prospère, lui aussi prospère. [...] cet œuf conçu à l'heure de Seth. Ô habitants des domaines célestes d'où l'abondance trouve son origine, vous qui êtes dans l'éclat de Ra, faites-vous les gardiens de celui qui est dans son nid et de l'enfant qui en sortira.

Livre des morts, 54 (trad. Pierret).

Toum, accorde-moi les souffles agréables venant de ta narine. Je suis l'héritier qui vient à son heure. Planant au-dessus de l'océan céleste, je suis le gardien de l’œuf cosmique. S'il prospère, je prospère, et réciproquement. S'il vit, je vis, et réciproquement. S'il respire l'air vivifiant, je le respire aussi, et réciproquement. 

Adresse à Toum, dieu de l'air, ibid, 56.

Aux antipodes de l’Égypte, la Polynésie propose un mythe cosmogonique qui mentionne aussi un dieu sortant d'une enveloppe initiale. Une fois séparée, cette enveloppe va créer la terre et le ciel :

Taaroa mit la tête en dehors de son enveloppe et son enveloppe s’évanouit et devint la terre. 

L. Gaussin, Traditions religieuses de la Polynésie.

Les confins septentrionaux du monde partagent eux aussi le mythe de l’œuf cosmique. La mythologie finnoise est l'héritière de l'ancestrale tradition arctique, laquelle fut partagée par les Proto-Aryens de la civilisation de Sredny Stog (v. -6000), tout comme, par les Proto-Germains de la civilisation du Juttland et de la baltique. L'épopée du Kalevala mentionne effectivement l’œuf primordial : Luonnotar, la vierge céleste et primordiale, est seule dans l'univers ; c'est une jeune fille qui erre sur l'océan. Une oiselle s'approche alors d'elle et pond un œuf sur ses genoux. C'est alors que la mer s'agite ; la création va débuter...

La reine de la mer, la fille de l’air sent dans son genou une vive chaleur, comme une flamme dans sa chair, comme un incendie dans ses veines. Elle replie précipitamment son genou et secoue tous ses membres, de sorte que les œufs roulent dans la mer et s’y brisant en morceaux ; la partie inférieure de l’œuf forme la terre mère, la partie supérieure forme la voûte du ciel, le jaune devient le soleil radieux, le blanc devient la lune éclatante, les débris composent les étoiles et les nuages. 

A. Geffroy, La Finlande et le Kalevala.

Dans Fonction de l’image dans l’appareil psychique (Érès, 2004), Céline Masson propose une cosmogonie pélasge très proche de celle des finnois :

[Eurynomé] prit ensuite la forme d’une colombe, couva sur les vagues et pondit l’Œuf Universel. À sa demande, Ophion s’enroula sept fois autour de cet œuf jusqu’à ce qu’il éclose et se brise. Et de cet œuf sortirent ses enfants, c’est-à-dire tout ce qui compose l’univers : le soleil, la lune, les planètes, les étoiles, la terre avec ses montagnes, ses rivières, ses arbres, ses plantes et toutes les créatures vivantes.

L'ŒUF CÉLESTE (mythe cosmogonique)

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