Zalmoxis, prophète gète
Zalmoxis est un sage gète dont on ne sait rien que quelques lignes énigmatiques chez Hérodote (4, 94 et 95) : « Les Gètes se croient immortels, et pensent que celui qui meurt rejoind leur dieu Zalmoxis, que quelques-uns d’entre eux croient semblable à Gébéléizis [dieu de la foudre, du ciel et de la mort]. »
Diodore (1, 94) est tout aussi clair sur la nature semi-divine de Zalmoxis, qui était en relation directe avec la Grande Déesse : « Zalmoxis vantait aux Gètes qui croient à l'immortalité de l'âme, ses communications avec Vesta [déesse du foyer]. »
Enfin, citant Julien, Lactance (v. 240 – 320) évoque une épitaphe sans équivoque de Trajan (53 – 117), le conquérant romain de la Thrace et de la Dacie :
Nous avons même conquis les Gètes, le plus belliqueux de tous les peuples qui aient jamais existé, non seulement à cause de leur force physique, mais aussi grâce aux enseignements de Zalmoxis, qui est un de leur sage les plus appréciés. Celui-ci leur a dit qu'ils ne mourront pas, mais changeront de vie. Pour cette raison, ils meurent plus heureux que jamais.
À la fois compris comme un dieu et un prophète, Zalmoxis serait un maître spirituel gète originaire de Dacie; une sorte de guide initiatique, dont la silhouette mythologique se rapprocherait de celle d'Orphée. Il pratiquait d'ailleurs des méthodes tout à fait semblables à celles de Pythagore ou des yogis indiens : vœux d'abstinence, sévérité alimentaire, ascétisme fanatique, rôle de la tradition orale et de la musique… Autant de pratiques que les Anciens qualifiaient d'hyperboréennes ou de scythes.
Zalmoxis fit bâtir une salle où il régalait les premiers de la nation. Au milieu du repas, il leur apprenait que ni lui, ni ses conviés, ni leurs descendants à perpétuité, ne mourraient point, mais qu’ils iraient dans un lieu où ils jouiraient éternellement de toutes sortes de biens. Pendant qu’il traitait ainsi ses compatriotes, et qu’il les entretenait de pareils discours, il se faisait faire un logement sous terre. Ce logement achevé, il se déroba aux yeux des Thraces, descendit dans ce souterrain, et y demeura environ trois ans. Il fut regretté et pleuré comme mort. Enfin, la quatrième année, il reparut, et rendit croyables, par cet artifice, tous les discours qu’il avait tenus.
À la lecture d'Hérodote, on ne peut manquer de songer à la Cène, pourtant postérieure de plus de 500 ans à la rédaction des enquêtes du géographe et mythographe grec. On peut aussi songer au rituel de fin de vie des gourous tibétains, tel que décrit par Alexandra David-Neel dans Mystiques et magiciens du Tibet.
Le lama vieillissant se retire dans une cabane construite spécialement pour l'occasion. Il y vit en réclusion complète, sans même de lumière, avant qu'un pseudo-miracle l'en sorte et lui permette de vivre ses derniers jours respecté de tous en bénéficiant d'une rente.
Les Grecs de la Mer Noire et l'or des Scythes - Christel Muller
Historienne, spécialiste de prospection archéologique et d'histoire de la Grèce romaine, Christel Müller est ancienne élève de l'École normale supérieure et ...