Le panthéon mazdéen
Au cours des deux premiers millénaires avant J.-C., naquit en Perse le zoroastrisme, dont les textes liturgiques se trouvent dans l'Avesta. Ce culte est aussi nommé mazdéisme, qui est la foi en Ahura-Mazda, également appelé Ormuz. Des anges (yazatas), des archanges (Amesha Spenta) et des anges gardiens (fravashis) accompagnent Ahura-Mazda. Ils sont dignes de louanges de la part des zoroastriens, mais seul Ahura-Mazda est considéré comme divinité capable et agissante d'elle-même. Toutes les autres créatures célestes sont soit ses adjuvants, ses alliés, et répondent à ses ordres, soit ses adversaires (Angra-Mainyu, l'Esprit du Mal et les démons). Or, comme l'Esprit du Mal ne peut pas créer, mais seulement corrompre ce qu'Ahura-Mazda a créé, Ahura-Mazda est donc la seule créature céleste digne d'un culte, car elle est la seule à pouvoir agir de son propre chef.
Ahura-Mazda est aussi nommé simplement Mazda, le « Sage » qui réside au sommet de l'Univers, tandis que son frère maudit Ahriman vit au plus bas, au cœur des enfers.
La royauté d'Ahura-Mazda sur le ciel est donc sans cesse disputée par son frère maléfique Ahriman. Mais Ahura-Mazda possède un avantage : il demeure le seul capable de créer (son frère ne pouvant que corrompre). La cosmogonie mazdéenne dépend d'ailleurs uniquement de la relation tumultueuse qui unit les deux fils de Zurvan.
À l'aube des temps, trois mille ans durant, Ahura-Mazda et Ahriman s'observèrent, se défièrent, mais sans combat frontal. Puis Ahriman et son armée tentèrent d'envahir les domaines les plus aériens de l'Univers. C'est alors qu'Ahura-Mazda entonna pour son frère un chant prophétique qui lui annonçait comme certaine sa défaite finale. Désespéré par ces prémonitions, Ahriman chuta à nouveau et demeura 3000 années de plus dans l’abîme, dans un état de totale prostration. Profitant de ce calme, Ahura-Mazda créa d'abord le ciel, qu'il plaça sous la protection de Kshathra Vairya, l'ange de la puissance bénéfique qui entoura le ciel telle une coquille qui protège un œuf. Il y plaça ensuite les douze constellations : Varak [bélier], Tora [taureau], Font-Patkar [gémeaux], Kalachang [cancer], Sher [lion], Khushak [vierge], Tarazhuk [balance], Gazdum [scorpion], Nimasp [sagittaire], Vahik [capricorne], Dul [verseau] et Mahik [poisson]. Ensuite, le Seigneur juste et sage créa l'Eau, qu'il confia à la garde d'Haurvatat, l'ange de la pureté, qui aussitôt remplit la moitié inférieure de l'Univers, qui ressemblait donc à un œuf. Puis Ahura-Mazda créa la Terre, qu'il plaça sous la protection de Spenta Armaiti, l'ange de la générosité et de la bienveillance. Dès lors, la Terre flotta au milieu des eaux primordiales, sous la forme d'un disque arrondi. Sur ce support, Ahura-Mazda créa des créatures capables de le fertiliser et de le travailler. C'est ainsi que naquirent les plantes et les arbres, puis le taureau primordial, d'où naîtra bientôt le règne animal et enfin Yima, le premier homme. Les plantes furent placées sous la protection d'Amerdad, l'ange de l'immortalité, le taureau fut placé sous la protection de Vohu Mana, l'ange des pensées pures et saintes et les premiers hommes furent placés sous la protection d'Ahura-Mazda lui-même. Enfin, Ahura-Mazda plaça le feu sur la Terre, ce qui permit la réalisation de toutes les autres créations. Comme ange gardien, il lui attribua Asha, l'ordre juste de l'Univers. Durant trois mille ans encore, ces créatures existèrent sans corps, sans mouvement. Même le soleil était immobile dans le ciel. En privant de matérialité ses créatures, Ahura-Mazda les préservait des attaques du démon Ahriman qui, c'était certain, ne manquerait pas un jour d’arpenter la Terre en monarque. L'Esprit incarné du Mal était en effet le roi de tout ce qui s'incarne dans un corps soumis à la destruction.
Il nous est impossible de dater la vie de son prophète Zoroastre (qui se prononce Zarathoustra en ancien perse). On sait que celui-ci aurait vécu entre 1700 et 600 avant notre ère, mais les traces que nous possédons à son sujet ne sont que des indices linguistiques et des bribes de textes recopiés. On ne peut donc avancer avec certitude et sans parti pris, une datation plus exacte.
Les contradictions ou les incertitudes historiques ne peuvent guère manquer de nous conduire à cette autre question : N’y a-t-il eu qu’un Zoroastre, et s’il y en a eu plusieurs, combien y en a-t-il eu ? Question à laquelle s’oppose bientôt celle-ci qui n’est pas moins naturelle : y a-t-il même eu un Zoroastre, et ne serait-ce point-là une conception symbolique ou mystique divinisée dans la suite par la piété des Parsis ?
Selon René Guénon et Fabre d'Olivet, qui se basent sur la gnose, Zarathoustra ne serait pas le nom d'un prophète en particulier, mais le titre honorifique du plus grand prêtre du mazdéisme. Il n'aurait donc pas existé un Zarathoustra, mais plusieurs, qui se seraient succédés à la tête de l’Église perse vouée à Ahura-Mazda. Toujours selon Guénon, Zarathoustra serait donc une version perse du Manu indien, c’est-à-dire l'incarnation du « roi du monde ». Ce roi mythique et conceptuel serait le souverain de la Terre, l'envoyé de Dieu associé à un cycle de vie.
Le panthéon mazdéen pourrait se résumer ainsi : Zurvan est le Brahma ou le Chronos perse, il est le créateur de l'Univers, le père des premiers monstres à peupler l'Univers.
La divinité suprême est Chronos, le temps, connu dans les textes de l'Avesta sous le nom de Zurvan Akarana ou « le temps sans limite ». Il est dépourvu de nom, de sexe et de passion. Il est la cause première. Le soleil est sa manifestation physique. Dans les écritures, il est représenté avec une tête de lion, sous les traits d'un monstre anthropomorphe. Un serpent entoure son corps. Il tient le spectre et les éclairs de la souveraineté. Chacune de ses mains tient une clé qui ouvre la porte du paradis. Il est le créateur et le destructeur. Il créa les cieux et la Terre. Et la Terre donna naissance à l'Océan.
Divinité primordiale, Zurvan s'efface devant les deux fils qu'il obtint de Khvashizagh, la déesse de l'éther. Ces deux fils sont les deux figures antagonistes sur lesquelles se développent la théogonie mais aussi la théologie perse : Angra-Mainyu (aussi nommé Ahriman) est l'Esprit du Mal, tandis qu'Ahura-Mazda est l'esprit du Bien, le « super-sage ». C'est du mythe de Zurvan et ses deux fils que naquirent les théologies reposant sur une vision bipolaire, tel que le manichéisme. Une divinité maléfique serait l'incarnation du Mal, et serait victorieuse durant l'existence incarnée, tandis qu'une autre divinité serait bénéfique et magnanime, et serait victorieuse durant l'existence désincarnée.
Les alliés d'Angra-Mainyu sont les Daevas. Il s'agit du pendant perse aux dévas indiens, c’est-à-dire un groupe de dieux indépendants les uns des autres. Dans les Vedas, les dévas sont des dieux bénéfiques et complémentaires, tandis qu'ils sont perçus comme démoniaques dans l'Avesta. Ils représentent les forces du mal, divisés, néfastes, demandant des sacrifices mais incapables d'offrir le bonheur ou la vie juste. Dans l'Avesta, le Druj et Aeshma, sont quelques-unes des incarnations monstrueuses du Mal.
Ahura-Mazda est le « Seigneur juste », dieu supérieur et tout-puissant, créateur de la vie dans l'Univers.
Ahura-Mazda est le seigneur omniscient. Il est l’espace lumineux, antérieur à toutes choses et qui les contient toutes. Le ciel est son vêtement brodé d’étoiles ; le soleil, l’œil par lequel il surveille la terre. « Il ressemble de corps à la lumière et d’âme à la vérité. » Il a créé le monde par la vertu de sa seule parole qui, en nommant les êtres, projette hors de lui l’existence. Il s’est donné comme assesseurs les sept Amesha Spenta, qui ne sont que les qualités abstraites émanées de lui, comme si l’Iran, obsédée de la toute-puissance de son dieu, n’avait pu doter ces entités de la plasticité de personnes divines.
Péroun, dieu slave de la foudre, peut être comparés à Ahura-Mazda. Né vers 500, Procope de Césarée connut les Slaves polythéistes. Loin de s'étendre sur un panthéon que l'on supposerait abondant, l'historien byzantin observe simplement que les Slaves « adorent un dieu créateur de la foudre et seul maître de toutes choses » (cité par D. d'Istria dans La Nationalité serbe d’après les chants populaires). Le chroniqueur saxon Helmold Von Bosau (1120 – 1177) témoigne du même phénomène lorsqu'il mentionne le culte des Slaves du nord de l’Allemagne :
Outre les divinités à formes nombreuses et diverses qu’ils font présider aux champs et aux forêts, aux tristesses et aux joies, ils croient à un dieu qui règne sur tous les autres dans le ciel, et qui, ne s’occupant, comme le plus puissant de tous, que des choses célestes, abandonne la direction de toutes les affaires aux autres dieux, qui lui sont subordonnés, qui sont issus de son sang, et dont chacun est d’autant plus considérable qu’il se trouve plus rapproché du dieu des dieux.
Bien que ne possédant pas de parèdre, il est très entouré. Sa cour céleste est composée des Amesha Spenta (« les Immortels »), les Yazatas (archanges), les anges, mais aussi de toutes les âmes de tous les gens honnêtes et bons qui un jour peuplèrent la Terre (fravashis).
Les Fravashis peuvent se comprendre comme les anges gardiens d'une existence, ou collectivement, l'ensemble des ancêtres justes et bons (les saints). Le concept d'ange gardien se retrouve en Europe gréco-romaine, s'agissant probablement d'une des nombreuses mais mystérieuses influences qu'exerça l'empire perse sur l'univers métaphysique et religieux gréco-égyptien. Ammien Marcellin mentionne en effet un double céleste et sauveur ; une théorie commune aux néo-platoniciens et aux pythagoriciens, adeptes de deux doctrines très populaires avant l'intronisation du christianisme. Ce mythe de l'ange gardien sera abondamment repris dans le folklore chrétien, et l'expression « avoir un ange gardien » est toujours populaire.
« C’est en métaphysique une opinion reçue, qu’à chacun de nous, dès qu’il voit le jour, est associée une intelligence supérieure, d’essence divine, qui régit nos actions, sauf les lois immuables du destin ; mais dont la présence est sensible seulement pour ceux que leurs vertus ont mis au-dessus du commun des hommes. Cette doctrine s’appuie sur des oracles et sur d’imposantes autorités écrites, notamment sur les deux vers du poète Ménandre, que voici : « Près de tout mortel se trouve à l’instant de la naissance un génie familier, qui le guide dans la vie. » […] C’est à quelque mystérieuse intervention de ce genre que l’on s’accorde à attribuer la prééminence de Pythagore, de Socrate, de Numa Pompilius, du premier Scipion, et, suivant une tradition moins universellement répandue, celle de Marius, d’Auguste, d’Hermès Trismégiste, d’Apollonius de Tyane et de Plotin. Ce dernier philosophe n’a pas craint d’analyser cette abstruse théorie, et d’en sonder les profondeurs. Il a expliqué le principe de cette connexité d’une essence supérieure avec l’âme humaine, dont elle prend charge, et qu’elle protège, en quelque sorte dans son giron jusqu’au terme assigné ; l’élevant aux plus hautes conceptions quand elle le mérite par sa pureté, et par son union avec un corps exempt de toute souillure. » Histoire de Rome, 21, 14, 3 à 5.
La généalogie du mythe de l'ange gardien nous mène aussi en Scandinavie :
Selon les croyances païennes, la parcelle de Destin incarné en l'homme pouvait prendre une autre forme lorsqu'elle sortait de sa forme particulière. C'était la fylgja des anciens Scandinaves. Or, lors de la christianisation, ceux-ci nommèrent l'anage gardien fylgjengill, c'est-à-dire ange (engill) suiveur. Il y avait donc bien une sorte d'identification, sinon d'adéquation, entre l'esprit païen et l'ange chrétien.
Enfin, rapprochons les Fravashis des daïmônes grecs :
« Les daïmônes étaient pour les Grecs de ce temps des forces surnaturelles, vaguement identifiées, qui intervenaient dans les actions des mortels. La notion diffère de celle de dieu, et désigne une force métaphysique, équivalent dans une certaine mesure à ce que les Latins entendaient par numen. Homère applique le terme daïmôn aussi aux dieux, mais plus particulièrement à une puissance divine indéterminée, sans individualité propre. Des expressions générales comme un dieu ou les dieux peuvent remplacer le terme daïmon. […] la notion de daïmôn et celle de héros sont proches. L'une et l'autre désignent les âmes des morts, devenues des forces que les hommes considèrent comme auteurs de certains actes. Elles planent sur la communauté avec des effets déterminants, autant propices que néfastes. Elles apportent l'abondance, mais aussi les épidémies. [...] Celle-ci peut, dans certaines situations, désigner un être humain « héroïsé », c'est-à-dire qui continue à exercer après sa mort une influence décisive sur la collectivité dont il fait partie. » P. Alexandrescu, La nature de Zalmoxis selon Hérodote, Dialogues d'histoire ancienne, 1980.
Les Amesha Spenta sont les principaux alliés et créatures d'Ahura-Mazda. Ce sont « les immortelles » puissances à son service, sortes d'archanges incarnant des concepts déifiés tel que :
- Spenta Mainyu, le sacré, l'esprit créatif et le mental. Spenta étant « le Bien, la Sainteté » et Mainyu étant « l'esprit », Angra-Mainyu est donc le « mauvais esprit », tandis que Spenta Mainyu est « l'esprit saint », associé à Ahura-Mazda. Spenta Mainyu est parfois présenté comme une incarnation d'Ahura-Mazda lui-même.
- Vohu Manah : l'esprit saint, le « juste objectif », parfois présenté comme un avatar d'Ahura-Mazda. Manah est la Pensée. Elle peut et doit être bonne et juste.
- Asha : concept similaire au Rta des Aryens védiques. Il s'agit de la Justice, de l'ordre juste de l'Univers.
- Kshathra : vocable qui rappelle la caste kshatriya indienne, soit la caste des soldats et des rois. Kshathra est l'Empire, la Puissance telle que le suggèrent les traductions de J. Duchesne-Guillemin et Jean Varenne. Peut aussi signifier « la justice divine ».
- Armaiti : la Dévotion, divinité affiliée à la planète Terre, elle est la déification de la préservation, de l'amour et de la dévotion.
- Haurvatat : l'Intégrité (Duchesne-Guillemin), la plénitude, la perfection associées à l'élément eau et à la santé.
- Ameretat : l'Immortalité ou plutôt l'Éternité. Entité féminine incarnant la longue vie, à la fois sur Terre et dans l'au-delà.
Outre, les Amesha Spenta :
Sraosha est l'ange du soir. Il écoute les prières et bénit les champs et le bétail.
Mithra, Sraosha et Rashnu sont les anges chargés de faire passer les âmes des justes, de la terre au paradis du Garonmana.
Mithra, la Lumière, étymologiquement « le Pacte », est la plus belle des créatures d'Ahura-Mazda. En punissant les pécheurs, il fait respecter la justice du Seigneur Juste et Sage (traduction littérale d'Ahura-Mazda). Dieu aux multiples visages, Mithra est à la fois le Soleil, le sacrificateur du taureau de vie et le chef des légions divines.
Verethragna (Bahram) est la plus puissante des créatures d'Ahura-Mazda. Il est la divinité qui protège les guerriers et provoque la panique et le désarroi chez les adversaires. L'Avesta le présente comme celui qu'il faut prier sur le champ de bataille, juste avant que ne débutent les combats. Il possède plusieurs formes, dont celle d'un chameau en rut, d'un oiseau, d'un taureau, etc.
Aredvi Sura Anahita est la déesse de l'eau. C'est aussi une divinité du combat. C'est elle qui décide du sort d'une bataille. Dans l'hymne qui lui est consacré, l'Avesta raconte que dans l'Histoire, tous les conquérants qui désiraient envahir la Perse lui adressèrent des offrandes et des prières. Mais Anahita ne favorise que les Aryens, et chez ces Aryens, seulement ceux qui lui ont adressé un rituel correct.
Le feu (Adar) est un élément indispensable du culte zoroastrien. Les prêtres se couvrent symboliquement le visage durant les cérémonies afin de ne pas souffler sur sa flamme. Le feu est le symbole de la puissance et de l'immortalité d'Ahura-Mazda, mais ce n'est pas Dieu en tant que tel. Les zoroastriens n’adorent donc pas le feu, mais ils pensent que le feu représente leur divinité la plus haute.
Quant à Zarathoustra lui-même, il est le premier des grands prophètes, et sa représentation classique le montre debout, en marche, tenant dans ses mains les Gathas, les chants sacrés qu'il a composés, et dans l'autre son bâton de pèlerin.
Le clergé mazdéen est composé des « mages ». L'atharvan est le prêtre du plus haut rang, gardien du feu sacré. Il pratique la magie et assume le rôle de « sorcier » décrit dans les hymnes ésotériques de l'Atharva-Veda des Aryens Indiens. Le zoata (ou zaotar, ou hota) est le prêtre des rituels. Le zaothra est l'offrande. Le baresma est la baguette cérémonielle, qui plus tard inspirera la baguette magique des sorciers et sorcières des contes de fées.
Le zoroastrisme
Le zoroastrisme est la religion de ceux qui suivent l'enseignement de Zoroastre, le prophète errant du démiurge Ahura-Mazda. Grand prêtre du mazdéisme, Zarathoustra, prône une forme de monothéisme qui sera à la base d'une partie du judaïsme comme du catholicisme. Les Hébreux en exil à Babylone (-597 à -538) furent en effet fortement exposés au zoroastrisme. À cette même période, les Perses dominaient la ville mais aussi toute la Mésopotamie. Originellement, Yahvé était doté d'une parèdre, Shekhinah. Jusqu'à l'exil babylonien du peuple hébreu, Yahvé était une version locale du dieu du tonnerre sémite, Baal. Ce n'est qu'après le passage des Hébreux en Babylonie que le culte de Yahvé devint le pur monothéisme que nous connaissons, doté tout de même d'une très riche mythologie des anges.
Le zoroastrisme est en effet un véritable monothéisme. L'homme est placé au centre de la relation entretenue par le Bon Esprit (incarné par Mithra ou Ahura-Mazda) et le Mauvais Esprit. Entre ces deux pôles, il n'existe aucune créature céleste indépendante.
Si Mithra, Bahram et Anahita sont présents dans la partie de l'Avesta la plus récente (datant des empires mède, achéménide ou parthe, v. -800 à 300), ils sont par contre totalement absents des couches les plus anciennes, telles que les fameuses paroles de Zarathoustra, les Gathas, et les récits de ses disciples, le Yasna Haptanghaiti. De telles divinités ne font donc pas partie intégrante du panthéon zoroastrien.
Leur popularité fut inégale à travers les 4000 ans d’histoire que compte cette doctrine. Mithra, par exemple, et qui plus est Anahita, sont tombés en désuétude, tandis que les personnages de Zarathoustra ou celui de Saoshyant n'ont jamais cessé de provoquer l’intérêt. Saoshyant est le sauveur de la fin des temps, le lointain descendant de Zarathoustra lui-même. Son mythe inspirera celui de Kalki chez les Indiens, et bien sûr le christianisme (le retour du Christ).
Le zoroastrisme est donc la doctrine prônée par Zarathoustra dans les Gathas, c’est-à-dire les chants les plus anciens de l'Avesta. Ces chants, composés entre le premier et le second millénaire avant notre ère, ne prônent qu'un seul dieu, Ahura-Mazda. Pratiquer la sainte parole, la sainte pensée et les saintes actions sont le meilleur moyen d'obtenir de lui le bonheur et la richesse (prospérité). Cette doctrine prône la vie, l'humilité, le travail et l’amour de Dieu. Les plaisirs ne sont pas interdits, tant qu'ils sont considérés comme « justes », c’est-à-dire « favorables à Ahura-Mazda ». Le zoroastrisme n'est donc pas un ascétisme. Si Zarathoustra fut un ascète et un mage errant, son propos n'indique pas l'ascétisme comme seul moyen de salut.
Le mazdéisme est un terme recouvrant un sens plus large. Le mazdéisme est l'ensemble des pratiques religieuses de la Perse Ancienne. Les traces archéologiques que nous possédons remontent aux Mèdes (v. -800) et ce culte semble culminer avec l'Empire achéménide (v. -500).
Le mazdéisme est un polythéisme, car outre Ahura-Mazda, les nombreuses autres divinités célébrées par les yasht (« hymnes ») de l'Avesta sont elles aussi dotées de pouvoirs. Mithra punit, Bahram aide, Anahita décide, etc. Il convient donc de les honorer chacune et non plus seulement Ahura-Mazda. Ce dernier demeure cependant le plus haut, le plus puissant et le plus sage des dieux, donc le plus vénérable. Par ailleurs, ce qui distingue Ahura-Mazda des autres divinités mazdéennes, c'est que sont louées en lui non pas la force et la violence, mais la sagesse, la maîtrise et surtout l'omniscience.
Le mazdéisme est donc un culte à rituels, qui comprend un ensemble de rites, de cérémonies et de prières chantées afin de s'attirer les faveurs des dieux intercesseurs. À ces rites très proches du védisme indien, la sagesse plus typique de Zarathoustra s'ajoute. Les gathas sont chantés lors des rituels, mais surtout, c'est la parole de Zarathoustra, et sa relation avec Ahura-Mazda, qui sont au cœur de la vie intellectuelle et religieuse des « partisans d'Ahura-Mazda » et non Mithra, Bahram ou Anahita. Cependant, pour les besoins du culte et parce qu'il n'est pas saint de vénérer un homme (ce que demeure Zarathoustra) les mazdéens vénèrent Mithra, le soleil, Bahram, la puissance, Anahita, les eaux vives et pures, etc.
La persécution des zoroastriens
Bien que la civilisation perse nous soit largement documentée du point de vue archéologique, la dimension religieuse de cette culture nous demeure très mystérieuse, en grande partie à cause du génocide humain et culturel perpétré par les Arabes islamisés. Du 7e au 9e siècle, ces derniers éradiquèrent toute trace des traditions mystiques préislamiques.
« Dans la mesure où le feu joue un rôle central dans la religion mazdéenne - bien qu'un tel culte n’ait mentionné nulle part - ni dans les Gathas, ni même dans le reste de l'Avesta, les zoroastriens furent systématiquement persécutés comme « adorateurs du feu », et cette idolâtrie fut attribuée à Zarathoustra. Ibn Khaldoum écrit notamment que le deuxième calife, Omar [l'un des plus proches compagnons du prophète Mahomet], ordonna qu'on brûle les textes zoroastriens et la combustion de ces milliers d'écrits permit de chauffer les bains publics de toute la Perse pendant six mois. L'ampleur de cette destruction, connue sous le nom de « deux siècles de silence » (du 7e au 9e siècle) fut telle qu'il ne restait plus, au final, que deux ou trois copies de l'Avesta – qui incorporait les Gathas. Les zoroastriens qui refusèrent de se convertir à l'islam furent forcés de fuir vers l'Inde, emportant avec eux les rares exemplaires épargnés et formant la communauté, aujourd'hui très prospère, des Parsis. Ils expédièrent en retour certaines des copies de l'Avesta qu'ils avaient effectuées à leurs quelques frères restés en Iran. » K. K. Pardis, Les Gathas.
En Inde, où les zoroastriens fidèles à leur culte avaient fui, la persécution fut la même, bien que plus tardive : « En 1709, Ibrahim le Ghaznévide se vante d'avoir exterminé des zoroastriens installés à Dun (ville au nord de Delhi) » (J. Varenne, Zarathushtra et la Tradition mazdéenne).
Les Perses ayant fui la Perse pour continuer à pratiquer leur culte furent dès lors, nommés « Parsis ». Installés dans un premier temps aux alentours de Bombay, ils occupèrent des emplois de bijoutiers, usuriers et commerçants. Cette communauté s'est organisée en caste pour s'intégrer à la société indienne. Alors que l’islam et le christianisme n'ont jamais cessé de créer la dissension en Inde, alors que le judaïsme ne s'y est jamais trouvé à son aise et quitta définitivement le pays vers le milieu du 20e siècle, les zoroastriens y ont parfaitement trouvé leur place. L'Inde est en effet un pays tolérant envers les communautés qui souhaitent participer à son destin commun sans chercher pour autant à subvertir le modèle hindou de référence (qui n'est autre que le ciment social du sous-continent depuis plus de 3000 ans).
Selon K.K. Pardis, les Parsis, c’est-à-dire les Perses zoroastriens émigrés hors de l'Iran, sont aujourd’hui 100 000 dans le monde, dont 70 000 en Inde, 6500 aux États-Unis, 4500 au Canada, 4000 en Grande-Bretagne et 3000 au Pakistan.
Ceux qui restèrent au pays furent contraints de fuir les villes pour continuer à pratiquer leur culte dans les villages. Ils furent surnommés les « Guèbres. » Population pauvre, agricole et rurale, les Guèbres subissent depuis plus de mille ans une ségrégation systémique de la part de la majorité musulmane. Le terme « Guèbre » fait d'ailleurs transparaître le mépris que ressentent les musulmans à leur égard : dérivé du vocable « gaur », il signifie « adorateur d'idole », ou encore « mécréant ».
Les Gaures sont aujourd'hui répandus en plusieurs endroits de la Perse, principalement dans le Kerman. Cette province étant la plus mauvaise et la moins fertile de toute la Perse, les Mahométans, qui ne se soucient pas d'y demeurer, y laissent les Gaures vivre et jouir paisiblement de l'exercice de leur religion. Partout ailleurs les Perses Mahométans les traitent avec beaucoup de mépris.
Selon le recensement iranien de 2012, les zoroastriens ne seraient de nos jours que 25 271 en Iran, un pays dans lequel ils sont considérés comme des citoyens de seconde zone, ne disposant que d'un siège sans pouvoir à l'Assemblée iranienne. De plus, du fait de leur statut de mécréants, ils sont frappés de l’interdiction d'occuper des postes dans la fonction publique ou d'exercer une quelconque responsabilité politique. En 2013, un zoroastrien fut pourtant élu comme sénateur (un poste qui lui fut immédiatement retiré par les gardiens de la révolution islamique).
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