28 Novembre 2024
Il est possible de considérer une aire géographique et civilisationnelle homogène, située au alentour de la Béringie et de la Sibérie orientale et composée de populations associées aux haplogroupes Y-C, -N, -R et -Q, qui sont les principales composantes des futures ethnies laponnes-finnoises (Y-N), indo-européennes (Y-R), altaïques, (Y-Q), toungouses et amérindiennes (Y-C, Y-Q).
Les spiritualités mésoaméricaines peuvent être rapprochées des croyances sibériennes, indo-européennes et sino-japonaises, mais un échange direct n'est plus possible après -18 000 ans (ou au plus tard v. -16 000 ans) et la fermeture de la Béringie, qui sombre sous les eaux en coupant le lien terrestre entre l'Amérique et la Sibérie. Si les mythes finnois et amérindiens se ressemblent, c'est donc qu'ils ont hérité d'un fond commun eurasien remontant à plus de 18 000 ans, plutôt que le fruit des échanges entretenues entre l'Asie et l'Amérique depuis 18 000 ans.
Les premiers sites Sapiens en Amérique du nord et du sud datent pour l'instant (2023) de -34 000 à -24 000 ans, mais une présence avant est possible, le littoral ayant beaucoup évolué en Béringie. Les premiers à passer sont membres de l'haplogroupe Y-C encore majoritaire chez les descendants des Mayas et dans de nombreuses tribus amazoniennes. Par ailleurs, l'haplogroupe Y-D se retrouve chez les Inuits du Canada. Passent ensuite, vers -23 000 à -16 000 ans, les haplogroupes Y-R et surtout Y-Q, que l'on trouvera majoritaires respectivement chez les descendants des Sioux et des Incas.
Lorsque les ancêtres des Iroquois, des Mayas, des Aztèques et des Incas passèrent vers l'Amérique du nord avant la hausse du niveau de la mer béringienne, ils emportèrent avec eux un bagage mythologique eurasiatique, composé principalement :
- du dieu du ciel (Tengri, Dyaus Pater, Grand manitou)
- d'une grande-déesse (Uma, Umay, Attahensic, Coatecultili)
- d'un dieu de la nature (Pashupati, Rudra, Cernunnos, Num, Wainamoinen)
- d'un mythe de sacrifice cosmogonique initial (Purusha, Luonnotar)
- d'un nectar sacré indispensable au culte et à l'expérience mystique (soma, psilocybe ou amanite muscaria). Si les traditions indo-européennes n'en ont que le très vague souvenir (avec les mystérieuses notions de soma et d'ambroisie), la tradition amérindienne reste redevable au « nectar des dieux. » Toute une littérature et une vraie homogénéité culturelle, des Grands Lacs jusqu'au Chili, témoignent en effet que les amérindiens étaient de très fervents utilisateurs des enthéogènes. « Les dieux maya ou aztèques sont encore l’émanation de la culture totémique et du chamanisme primitif. »(La Barre, Les Plantes psychédéliques et les origines de la religion)
« 12 000 ans avant notre ère, […] De l'Alaska à la Terre de Feu on rencontre l'arc et la flèche, le lance-harpon, le chien domestique ; les tribus chasseuses d'origine sibérienne descendirent jusqu'en Amérique centrale et en Amérique du Sud. On retrouve la même structure mésolithique, le même mode de vie dans les tribus américaines ou d'Asie centrale et orientale. Les archéologues découvrent des habitations semi-souterraines en Sibérie et dans le Sud-Ouest américain. Les ethnologues comparent les tipis aux yourtes. Les linguistes rapprochent des langues comme le navajo et l'apache du chinois et du tibétain, par le biais du proto-athapaskan d'un côté, et du proto-sinitique de l'autre. Du symbole (et du pouvoir) de l'Aigle, à celui du Serpent, en passant par l'Ours, on retrouve la même communication magique avec la vie animale et végétale, et avec l'énergie des éléments (le feu, l'éclair, la terre, l'eau, etc.). Les chamanismes eurasien et indien fonctionnent sensiblement de la même façon, avec l'importance donnée à l'Arbre, aux danses sacrées, au tambour rituel, à l'arc-en-ciel, au voyage magique, à l'action de « voir » — et l'on trouve sur les deux continents le recours à des plantes qui élargissent le champ de la conscience et sont la « chair des dieux ». Les Indiens d'Amérique sont les héritiers de la culture paléolithique avancée et mésolithique des tribus de chasseurs paléo-sibériens. » (Idem)
Quatre principales aires civilisationnels se dégagent en Amérique :
- Le Mississippi (Adena, Hopewell, Mound Builders) est connecté au monde algonquins-Iroquois des grands lacs au nord et au monde semi-désertique des Hopis et des Proto-Aztèque au sud).
- La Mésoamérique (Maya, Toltèques, Aztèques, Olmèques).
- Le Pérou (Incas, Paracas, Mochicas).
Ajoutons à cela des civilisations marginales et moins développées au Canada (Eskimos, Inuits), aux Caraïbes, en Amazonie et et Patagonie.
L'Amérique présente cependant une véritable homogénéité qui repose principalement sur :
- Le port en bijou, collier et couvre-chef des plumes.
- L'usage du tabac.
- Un goût très certain pour la violence (réduction de têtes, sacrifices humains, scalp, ...)
- L’omniprésence mythologique du serpent et de l'oiseau. L'importance du dieu oiseau et du serpent à plume.
- Le polythéisme panthéiste animiste ritualiste centré autour de la danse et de la consommation des enthéogènes. Les dieux ne sont pas des dieux mais des esprits, qui règnent sur un monde végétal qu'ils ordonnent. Autrement dit, ce sont des génies animistes et élémentaires (teotls, huancas) qui rappellent le védisme (dévas).
Notons enfin que le mythe de l'origine circumpolaire est diffus en Amérique du nord :
Le souvenir d’une émigration primitive se retrouve partout chez les tribus indiennes. [...] Selon une allégorie consignée dans les archives de l’intendance de Saint-Louis, les Indiens des États-Unis ont émigré d’une contrée où ils se nourrissaient de poisson, et après une longue existence nomade, ils sont arrivés dans un pays où ils ont vécu de la chasse.
C'est Chickasaw, le pays des glaces et des neiges :
Les Chepeweyans [...] font partir leurs ancêtres d’un pays toujours couvert de glace et de neige ; ils les dépeignent exténués de faim et de froid, et les font voyager à travers de vastes marais parsemés d’îles et de sables mouvants. Les Algonquins conservent encore mieux le souvenir des lieux inhabitables d’où sortirent leurs pères, et de la traversée qu’ils durent faire sur une mer pleine de glaces flottantes avant d’arriver sur les rives des grands lacs. Ils célèbrent des sacrifices annuels en mémoire de cette délivrance et de la conservation de leur race.
Les Indiens d'Amérique du nord auraient donc gardé le souvenir de leur patrie sibérienne (Béringie) plus de 15 000 ans durant.
Migrations paléolithiques et principaux foyers de civilisation: Synthèse archéologique, génétique et linguistique : de Visme, Grégoire: Amazon.fr: Livres
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Danses des peuples autochtones de la Sibérie
Itelmenes (ELVEL), Koriaks (MENGO), Evens, Tchoukchs, Sakhas...