28 Avril 2025
Depuis l'arrivée des Aryens (aussi nommés Védiques, Aryas ou Indo-Aryens) en Inde et leur domination religieuse et culturelle, aucune tradition, pas même l'islam, n'a réussi à ébranler l'hégémonie, la prépondérance et la prégnance de l'hindouisme de tradition védique.
Cette ethnie indo-européenne, issue de la branche indo-iranienne, entre en Inde depuis le Cachemire après la chute de la civilisation de l'Indus, vers -1000 à -1500 au plus tôt, et seulement au nord du Penjab (Aryana, Arya-Varta). Il s'agit d'une ethnie à la peau blanche et aux cheveux clairs. L'installation au nord de l'Inde des Aryens pousse vers le sud bon nombre de résidents des rives de l'Indus, de la Yamuna et du Gange. Les Mundas sont repoussés vers l'est, les Proto-Dravidiens vers la péninsule et le Deccan.
Vers l'an -1000, les nations aryennes se battent pour la suprématie du nord du sous-continent ; c'est la semi-légendaire bataille des dix rois, qui voit s'affronter les tribus aryennes les plus puissantes, quelque part entre l'Indus et la Yamuna (probablement au Penjab ou en Haryana). Cette bataille inspirera le contexte du Mahabharata.
Vers -500, les Aryens sont maîtres des villes du Gange, dont ils reprennent les mythes et les rites. Kashi-Varanasi, site sacré munda, devient une de leur cité sainte. La sanskritisation du pays est totale : chaque mythe, chaque conte, chaque pensée religieuse et chaque philosophie sont alors compilés et rédigés en sanscrit.
Si l'Inde urbaine adopte très vite les références védiques, les zones rurales demeurèrent encore de longs millénaires fidèles au chamanisme superstitieux originel, ainsi qu'au sadhuisme populaire.
Dotée d'un panthéisme prégnant, la civilisation aryenne est de type polythéiste, sur un modèle que l'on retrouve aussi en Europe et au Moyen-Orient. Les dieux incarnent des forces élémentaires, que l'on invoque de manière propitiatoire ou expiatoire, mais aussi sous forme de serments et de prières. Portés par une caste de guerriers cavaliers (kshatriyas), et plus tardivement par une caste de prêtres, (brahmanes), les Aryens apportent en Inde des références mythologiques inspirées du foyer proto indo-européen ancestral : le nord de l'Eurasie et en particulier la Sibérie méridionale et centrale.
Ainsi, en hindouisme, ce qui ne provient pas du védisme ou de ses sectes héritières ou dissidentes, provient donc nécessairement d'une culture prévédique, qu'elle soit de type indusienne, dravidienne ou munda.
L'influence abrahamique est mineure mais certaine sur les penseurs indiens récents, comme Nanak, fondateur du sikhisme, Kabir, Ramakrishna, Gandhi ou encore Osho. Mais si on remarque dans l'hindouisme moderne des influences islamiques et chrétiennes, celles-ci demeurent très largement marginales, superficielles, sans influence profonde en termes de rites, de théologie ou de cosmogonie et n'ont pas changé la structure des croyances hindoues (dont la réincarnation, le polythéisme, le végétarisme et la non-violence sont ses principes les plus fédérateurs mais aussi parmi les plus rejetés par le monothéisme abrahamique).
Forte d'une civilisation millénaire, la tradition indusienne resta donc prégnante malgré l'invasion aryenne et se devine en transparence par rapport à la spiritualité aryenne. C'est cette doctrine, devenue marginale mais toujours agissante, qui fera évoluer le védisme aryen vers le brahmanisme syncrétique.
Même mystérieuse et insaisissable, la spiritualité indusienne demeure donc à la base de l'hindouisme moderne, dominé par le vishnouisme, le krishnaïsme et le shivaïsme ; autant de traditions prévédiques dont les racines culturelles se retrouvent dans les spiritualités dravidiennes et le jaïnisme.
Le védisme est la religion dispensée par les védas et surtout par les hymnes du Rig-Véda, qui est le plus ancien recueil de prières de l'humanité. Si sa mise à l'écrit ne date que du début de notre ère, sa composition orale remonterait vers -2000 à -1500 ans, alors que les Aryens résidaient en Asie centrale et plus particulièrement entre l'actuelle Ukraine et l'actuelle Mongolie (cultures d'Andronovo et de Sintashta). En Inde antique, le védisme est donc une religion étrangère.
La religion aryenne étant un culte très ritualisé et codifié, certains commentateurs ont pu qualifier le védisme de religion superstitieuse et rudimentaire. Il s'agit en effet d'un panthéisme qui propose, tout du moins dans le Rig-Veda, peu de réflexions métaphysiques : c'est une religion où le rituel est plus essentiel que la spéculation. Culte simple, sans clergé, assuré par les pères de famille et particulièrement adapté à des sociétés nomades proto-agraires, le védisme détonne par rapport aux monothéismes ou plutôt aux monolâtries shivaïte et vishnouïte. Le culte aryen de l'ordre établi (Rta, Dharma) tranche en effet avec les doctrines ascétiques prévédiques de type munda, sadhuïque ou jaïns.
Comme elle est très bien documentée, en particulier grâce aux corpus védique et indo-européen, l'influence aryenne et le védisme sont fréquemment surestimés quand il s'agit d'évaluer leur influence sur l'élaboration de l'hindouisme comme système religieux homogène. À tort, cette couche religieuse est souvent considérée par les indianistes et les encyclopédistes comme la base de l’hindouisme moderne, si ce n'est comme l'origine de l'hindouisme lui-même.
Pourtant, le védisme est une croyance d'origine nord eurasiatique, qui connut en Inde une très forte altération, pour devenir en quelques siècles le « brahmanisme », qui est une doctrine certes aryenne de mythologie, mais dont la mystique est inspirée par l'ascétisme et la mystique indienne locale. Dans le corpus védique, on observera donc le passage d'une cosmogonie végétative, voire absente du corpus initial, à un créationnisme unifié et démiurge.
Tout juste importé des steppes, le culte aryen était simpliste ; c’était une sorte de ritualisme ou les formules magiques et les offrandes étaient adressées à des forces élémentaires. Ce n'est que plus tard, après avoir très fortement subi l'influence des maîtres spirituels jaïns (sannyasins) et de leur redoutable métaphysique nihiliste, que le védisme se complexifia pour devenir le brahmanisme (qui devint une véritable philosophie de l'éveil, sur le modèle du jaïnisme et du bouddhisme). C'est alors la naissance de la philosophie du vedanta, qui est littéralement « la fin du véda », c'est-à-dire la fin du culte rituel aryen et la naissance d'une philosophie non dualiste (et depuis Shankara, le vedanta est le courant principal de l’hindouisme classique).
En passant au sud des versants du Pamir et du Cachemire, les Aryens abandonnèrent des divinités : Varuna, sous le nom d'Ahura-Mazda, continua à focaliser le culte iranien, tandis que chez les Aryens indiens, il partagea la primauté avec Indra et Agni. Quant à Mit(h)ra, seigneur du ciel et divinité solaire chez les Perses, il n'est l'objet que de quelques hymnes védiques.
La prépondérance de ces divinités ne sera pas renouvelée par les épopées hindoues, plus tardives. Dans les commentaires du Rig-Véda (Brahmanas) ; les divinités classiques du védisme sont encore mentionnées, mais elles ne sont plus que des protagonistes de contes moralisateurs. Dans la tradition orale post-védique, les avatars de Vishnou, Durga-Kali ou Shiva lui-même, n'ont de cesse de donner des leçons de sagesse aux vieux dévas aryens. Les dévas, jadis prépondérants, dotés de pouvoirs innombrables et tout-puissants, sont alors relégués au rang de divinités mineures, maléfiques de suffisance et d'arrogance.
À la suite de l'acculturation complète des Aryens en Inde et de la créolisation de leur religion par l'incorporation des principales divinités du panthéon indusien (Pashupati, Rama, Krishna), munda (Varaha, Matsya, Garuda, Hanuman, Ganesh) et dravidien (Shiva, Vishnou), un être divin émerge au dessus de toute autre divinité : il s'agit de la résurgence du dieu monolâtre indusien, le Proto-Shiva des sceaux de Harappa et Mohenjo-daro ainsi que l'Adinath des jaïns et des sadhus. Sur plus d'un millénaire de temps, la mythologie aryenne évolua pour laisser place à un grand dieu magnanime et protecteur, troquant les douze dévas et leur révérence ultime envers Indra et Varuna, pour un culte pseudo-monothéiste, centré sur Brahma d'abord, puis sur Vishnou et Shiva ensuite.
Autre évolution importante de la mythologie aryenne : d'un panthéon originel n'admettant que très peu de déesses, les Aryens associèrent en Inde, et de manière systématique, des parèdres à leurs dieux principaux (seules les présences de Ushas « Aube » et Uma « Univers matériel » sont notables dans le Rig-Véda, et seule Anahita est présente dans le panthéon avestique).
Si la présence de parèdre est typique des Indo-européens occidentaux (Celtes, Germains), elle est par contre plus anecdotique chez les Aryens : si ce n'est Dyaus, le dieu du ciel et sa compagne Prithvi la Terre, les duos célestes sont plutôt rares dans le corpus rig-védique et avestique. Après la période brahmanique, ils sont par contre légion : citons par exemple le couple Brahma / Sarasvati (déjà présent dans le Véda), mais aussi Shiva / Parvati, Vishnou / Lakshmi, Indra / Indrani, Ganesh /Ganeshi, Rama / Sita, Krishna /Radha...
Sous sa forme originelle, ritualiste et panthéiste, le védisme est donc délaissé en quelques siècles, tandis qu'il ne sera jamais imposé aux indigènes. À l'inverse, les corpus mythologiques proposés par les épopées du Ramayana par Valmiki (v. -300) et du Mahabharata par Vyasa (v. -500), nous apportent la preuve que les Aryens adoptèrent la mythologie locale, dont Rama et Krishna étaient les personnages les plus importants.
Au contact des religions indiennes, le panthéon védique évolua beaucoup, en particulier en se simplifiant. De même, les rituels et les modalités d'offrandes évoluèrent de sanglants et animaliers à végétaliens et symboliques.
Ainsi, si la philosophie proposée dans la Bhagavad Gita est d'influence aryenne, ce n'est qu'en partie seulement. On y décèle en effet une influence indusienne conséquente, notamment en ce qui concerne le concept de bhakti (vénération du divin), le refus de combattre (même si ce point est contre-argumenté), ou encore la réincarnation.
Les épopées sacrées indiennes sont d'ailleurs tiraillées entre ces deux pôles : guerroyer et assumer le dharma, ou pratiquer l'ascétisme et agir en nihiliste.
Mais que devient un royaume si son roi cesse de sacrifier pour poursuivre son salut personnel ? En un mot, le choix entre la vie dans le monde et le renoncement ne peut être laissé libre de toute contrainte. Il faut concilier la pérennité de ce monde que personne ne veut voir finir et la découverte de la possibilité d'un salut personnel définitif.
On peut donc en déduire que ce sont les ancêtres des hauts dignitaires de l'Indus qui ont, par leurs coutumes religieuses et leur philosophie de vie abouties, influencé les brahmanes védiques ; car une telle influence ne peut être imputée à des indigènes forestiers ou montagnards. Ce qui influence le védisme en corrompant la doctrine ritualiste et simpliste des védas originaux, ce sont les séduisants concepts de la civilisation de l'Indus, dont l'ascétisme moralisateur, le pacifisme fanatique, la non-violence absolue, le végétarisme, la monolâtrie si ce n'est le monothéisme, la dévotion envers la famille divine composée du Père, de la Mère mais aussi du Fils... Autant de concepts absents du corpus védique originel.
Mentionnons aussi le mythe du jugement des morts, que l'on retrouve en Égypte, en Chine et dans la littérature puranique, mais qui est une nouvelle fois absolument absent des corpus védique ou avestique. De même, ignorée des steppes eurasiennes mais prégnante dans chacune des doctrines du sous-continent, la notion de karma est elle aussi absente du corpus rig-védique.
Résumons-nous. Durant le Paléolithique supérieur, en Eurasie du nord, se développe un chamanisme de type sub-arctique. Porté par les Proto-Aryens, ce culte ritualiste et élémentaire se diffuse en Eurasie du sud, du Mésolithique jusqu'à l'Antiquité. Vers -2000, les Aryens iraniens, sous l'influence mésopotamienne, cristallisent leur culte autour de Varuna, qui devient Ahura-Mazda, le Grand Juste et Sage. Vers -1500, les Aryens indiens sont aux portes du sous-continent indien, qu'ils soumettent de l'Indus au Gange dès -1000. Ils suivent une religion polythéiste panthéiste, directement héritée des steppes eurasiatiques.
Vers -600, le védisme est devenu le brahmanisme. Après seulement quelques siècles de présence en Inde, les Aryens délaissent donc leur panthéon composé de plusieurs dizaines de dieux auxquels on sacrifie parfois des troupeaux entiers, pour que seul demeure un concept : le Brahman (qui n'est pas tant un dieu qu'un domaine divin seulement accessible aux sages).
Les dévas ne focalisent plus la pratique du culte : les brahmanes préfèrent célébrer le domaine divin des rishis, et sa divinité tutélaire, le démiurge Brahma, plutôt que le belliqueux Indra et Indrapura sa cité céleste réservée aux héros morts à la guerre. Le pouvoir religieux passe des guerriers aux prêtres, tandis que l'influence de l'ascétisme indusien et des religions de salut (jaïnisme, sadhuïsme) contribuent à transformer le védisme en brahmanisme.
Le brahmanisme correspond à un changement fondamental dans la spiritualité des Aryens, qui se sédentarisent et aspirent à une spiritualité plus élaborée, qui donnerait moins d'importance à l'observation stricte des rituels, mais beaucoup plus à la spéculation métaphysique et au salut de l'âme. Si les Upanishads (v. -600 à -400) et leur philosophie sont d'une teneur si différente du corpus des quatre védas canoniques (v. -2000 à -800), c'est parce qu'ils sont l'expression parfaite de la synthèse théologique et métaphysique qui s'opéra entre la tradition ritualiste et panthéiste aryenne et l'ascétisme indusien et son culte pseudo-monothéiste, porteur d'un bagage mythologique plutôt paléo-afro-asiatique que paléo-sibérien.
Si l'influence aryenne en Inde demeure immense, c'est en particulier grâce à l'usage extensif du sanscrit, à la fois comme langue sacrée, mais aussi profane et administrative de l'ensemble des populations de l'Asie méridionale et centrale, utilisée plus de mille années durant depuis le bassin du Tarim (en Chine intérieure) jusqu'à Bali (en Indonésie). Cette langue, sous des versions plus ou moins vernaculaires, archaïques ou classiques, posa les bases de la poétique épique et religieuse en Asie, avec la diffusion du modèle des stances longues et rythmées, qui trouvent leur origine dans le corpus védique. Plus encore, la complexe mythologie indo-européenne constitua en Inde un support pédagogique et mnémotechnique qui permit le développement du théâtre, de la philosophie, de l'étymologie, de l'astrologie, de l'astronomie, de la botanique, de la médecine (ayurvédique) et de toutes les sciences en général.
Top 10 High Steppe Aryan Communities of the Indian Subcontinent | Steppe Ancestry
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