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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

Le CULTE de PYTHAGORE

Le pythagorisme

Pythagore n'est autre que celui à qui l'on attribue la création du mot philosophie. Il vécut vers l'an 500 avant notre ère, ce qui fait de lui un contemporain du Bouddha.

Né d'une riche famille sur l'île de Samos vers -580, c'est encore jeune que Pythagore quitta son pays, n'y trouvant pas de maître spirituel à la hauteur de ses attentes. Dans un premier temps, il se rendit à Milet, en Asie Mineure, pour y suivre les cours de mathématiques d’Anaximandre. Puis il se rendit en Crète, puis en Grèce, à Sparte, où il étudia les lois de Minos et celles de Lycurgue, qui ne sont pas sans rappeler, et à juste titre, les Lois de Manu. Minos et Lycurgue sont des personnages légendaires que les mythes nous présentent comme directement inspirés de Zeus et d'Apollon, de même que Manu, l'immortel roi de la terre des hindous, rédigea ses lois sous la dictée du sage céleste Bhrigu.

Même sans lien direct entre les cultures indiennes et grecques, ces deux civilisations demeurent très proches car elles se sont érigées sur les mêmes références indo-européennes, et partagent donc une symbologie, des mythes mais aussi tout un système de croyances en commun.

Où Pythagore prit-il les signes qui sont devenus nos chiffres modernes ? Ces signes dérivent très probablement des chiffres dévanagaris ou de l’écriture des dieux, comme on appelait l’écriture sanskrite : on a essayé de rattacher ces chiffres dévanagaris eux-mêmes aux chiffres cinghalais, mais l’origine véritable en reste un mystère. 

A. Laugel, Pythagore, sa doctrine et son histoire d’après la critique allemande.

Après avoir visité la pythie de Delphes, Pythagore complétera sa formation ésotérique et initiatique en Égypte. Dès la plus haute Antiquité, des liens commerciaux unissaient l'Inde à l’Égypte, de sorte que pour les peuples antiques, l’Égypte représentait une sorte de centre du monde, où pouvaient se croiser en un seul lieu tous les peuples de la Terre.

« C'est ce que témoignent les plus éclairés d'entre les Grecs : Solon, Thalès, Platon, Eudoxe, Pythagore, et aussi, d'après quelques-uns, Lycurgue. Ils étaient allés en Égypte et avaient eu des conférences avec les prêtres. Ainsi Eudoxe, dit-on, avait conversé avec Onupheus de Memphis [« Ounefer », « l’Être parfait », ce mathématicien africain qui enseignait au Grand Temple d’Iounou-Héliopolis), Solon, avec Sonchis le Saïtien ; l'Héliopolitain Enuphis avait parlé à Pythagore. C'est ce dernier Grec, surtout, à ce qu'il paraît, qui plein d'admiration pour ces prêtres, auxquels il avait inspiré le même sentiment, voulut imiter leur langage symbolique et mystérieux, en enveloppant d'allégories tous ses dogmes. En effet il n'y a aucune différence entre ce qu'on appelle des hiéroglyphes et la plupart des préceptes de Pythagore. » Plutarque, Isis et Osiris, 10

 Pythagore quitta sa patrie, et se fit initier à tous les mystères, tant de la religion des Grecs que des religions étrangères. […] Antiphon, dans l’ouvrage où il parle de ceux qui se sont distingués par la vertu, rapporte qu’il apprit la langue égyptienne, et fréquenta beaucoup les Chaldéens. 

Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes.

Recommandé par Polycrate, tyran de Samos et Amasis, roi égyptien allié des Grecs, Pythagore séjournera de longues années en Égypte, que ses compatriotes considéraient comme étant à la source de tout savoir et de toute tradition. Il se rendit dans les deux capitales religieuses d’Égypte, Memphis et Thèbes.

Outre ces voyages en Égypte, ceux qui ont écrit sur Pythagore, tel Jamblique, prétendent qu'il aurait aussi voyagé en pays celte, mais également en Inde, comme l'avance Philostrate. Le fait est que ses voyages durèrent très longtemps et qu'il lui fut difficile de trouver un sage qui sache lui enseigner correctement les secrets de la vie et de l'Univers. On rapporte enfin à propos de Pythagore qu'il se déclarait lui-même disciple du Zoroastre, ce qui laisse à penser qu'il ait pu aussi voyager en Perse. Autre indice laissant à penser que les voyages de Pythagore ne se limitèrent pas à la vallée du Nil : il était commun de nommer en grec « Égypte », toute contrée située du côté méridional de la Méditerranée et de la Perse. Ainsi, les voyages en Égypte de Pythagore pourraient prendre une plus vaste amplitude et l'avoir mené, après quelques semaines de navigation, plus au sud-est de l’Égypte, après une escale au port perse de Suze, dans le golfe arabique.

Cependant, en se réclamant de Zarathoustra, qui ne lui était pas contemporain, plutôt que l’aveu d'une rencontre, Pythagore nous apporte la preuve de son étude sincère de la pensée zoroastrienne, alors dominante en Perse à l'époque hellénistique. La Perse en ce temps-là possédait une aire d'influence, puis un empire, qui s'étendait de la Cyrénaïque à l'Indus, soit en tous lieux où les philosophes grecs prétendaient eux-mêmes avoir puisé leur inspiration.

Les dates retenus pour la vie de Pythagore vont de -570 à -495, ce qui fait du maître de Samos le contemporain des grandes expansions perses (en -525, Cambyse II soumet le nord de l’Égypte. Il y règne comme pharaon jusqu'en -522 et lui succéderont des monarques perses jusqu'en -404.)

Pythagore n'est pas le seul à avoir revendiqué sa dette envers la pensée zoroastrienne : Eudoxe, élève de Platon, ainsi qu'Aristote, mentionnent eux aussi le prophète aryen (et tentent même d'en faire la biographie en lui attribuant une date de naissance, qu'ils situent en des temps préhistoriques très éloignés du leur, afin de rehausser encore le prestige du zoroastrisme).

Une fois son initiation accomplie, Pythagore s'en retourna en Méditerranée (Sicile) pour y fonder une école. L'enseignement de Pythagore reprendra alors les principes essentiels en vogue dans l'Antiquité : la transmigration des âmes, ou encore ce que les hindous appellent l'Ahimsa, et qui est le refus absolu de la violence envers le vivant. Tout comme le préconise la tradition indienne, Pythagore accordait une importance très particulière aux rêves et à l'état onirique, qui pour les hindous, est un des trois états de l'existence, et celui qui, dans le domaine de la réalité, se rapproche le plus de l'état divin.

Dans le chapitre qu'il consacre à Pythagore dans ses Vies et doctrines des philosophes de l'Antiquité (v. 250), Diogène Laërce décrit l'hygiène de vie du maître. On remarque sans surprise qu'elle est profondément semblable à celle des Indiens en général, et des jaïns et bouddhistes en particulier1.

Homme politique en vogue, maître spirituel influent, Pythagore souffrit très probablement de démesure, ce qui ne manqua de provoquer la jalousie des habitants de Metapunto :

« Il recommandait l’abstinence de toute viande, afin que les hommes s’accoutumassent à une manière de vivre plus commode, qu’ils se contentassent d’aliments sans apprêt, qu’ils s’accommodassent de mets qui n’eussent pas besoin de passer par le feu, et qu’ils apprissent à étancher leur soif en ne buvant que de l’eau claire. Il insistait d’autant plus sur la nécessité de sustenter le corps de cette manière, qu’elle contribuait à lui donner de la santé et à aiguiser l’esprit. Aussi ne pratiquait-il ses actes de piété qu’à Délos, devant l’autel d’Apollon le père, placé derrière l’autel des Cornes, parce qu’on n’y offrait que du froment, de l’orge, des gâteaux sans feu, et qu’on n’y immolait aucune victime, dit Aristote dans sa République de Délos. Il passe encore pour avoir été le premier qui avança que l’âme change alternativement de cercle de nécessité, et revêt différemment d’autres corps d’animaux. […] Pour lui, comme le présument quelques-uns, il ne vivait que de miel, ou de rayons de miel, avec du pain, et ne goûtait d’aucun vin pendant le jour. La plupart du temps il mangeait avec son pain des légumes crus ou bouillis, et rarement des choses qui venaient de la mer. […] Il trouvait mauvais que l’on gâtât ou détruisît les arbres dans le temps de la maturité de leurs fruits, et que l’on maltraitât les animaux qui ne nuisent point aux hommes. Il inculquait la pudeur et la piété, et voulait qu’on tînt un milieu entre la joie excessive et la tristesse : qu’on évitât de trop s’engraisser le corps ; que tantôt on interrompît les voyages, et que tantôt on les reprît ; qu’on cultivât sa mémoire ; qu’on ne dît et ne fît rien dans la colère ; qu’on respectât toutes sortes de divinations ; qu’on s’exerçât à jouer de la lyre ; et qu’on aimât à chanter les louanges des dieux et des grands hommes. »

Pythagore se nomma lui-même Dieu, ce qui lui arriva surtout par orgueil, car il ne se conduisit pas selon la parole du sage qui dit que : Autant tu arriveras à la grandeur, autant tiens-toi dans l’humilité. 

Eznik de Kolb, Réfutation des différentes sectes des païens.

Pourtant, en se prétendant Dieu lui-même, Pythagore ne faisait que se placer dans la position classique du gourou. Il est alors l'avatar : Dieu fait homme pour permettre à ses disciples de mieux le comprendre.

Pythagore eut une fin tragique. Il était chez ses amis, quand quelqu’un de ceux qu’il avait refusé d’admettre dans cette compagnie mit le feu à la maison. [...] étant resté seul, Pythagore se trouva près d’un champ planté de fèves, à l’entrée duquel il s’arrêta, en disant : « Il vaut mieux se laisser prendre que fouler aux pieds ces légumes, et j’aime mieux périr que de me parjurer. » [Car il avait promis de ne jamais attenter au vivant] Ils ajoutent qu’ensuite il fut égorgé par ceux qui le poursuivaient ; que plusieurs de ses amis, au nombre d’environ quarante, périrent dans cette occasion.

Diogène Laërce.

Diogène évoque cependant une autre version de la mort de Pythagore, proche du cliché védique du sage qui choisit le moment de sa mort en se retirant volontairement de la vie :

 Dicéarque dit que Pythagore mourut à Métaponte, dans le temple des Muses, où il s’était réfugié, et où la faim le consuma au bout de quarante jours. Héraclide, dans son abrégé des Vies de Satyrus, prétend que Pythagore ayant enterré Phérécide dans l’ile de Délos, revint en Italie, se trouva à un grand festin d’amitié que donnait Milon de Crotone, et qu’il se rendit de là à Métaponte, où, ennuyé de vivre, il finit ses jours en s’abstenant de nourriture.

Les vers dorés et la tradition orientale

Les Vers dorés sont 31 sentences attribuées à l'école pythagoricienne. Si chacun de ces aphorismes peut être glosé à foison, nous nous limiterons à mettre en avant leur ressemblance avec les doctrines indiennes et en particulier le bouddhisme. Pour notre lecture des Vers dorés, nous avons retenu la traduction de P.-C. Lévesque. Il existe une traduction plus populaire du célèbre occultiste Fabre d'Olivet, mais elle est en vers français et cet artifice nous a semblé rendre cette traduction moins claire et moins précise que celle de Lévesque.

Ainsi commencent les Vers dorés, sorte de profession de foi des initiés de l'école pythagoricienne :

« Révère les dieux immortels. C’est ton premier devoir. Honore-les comme il est ordonné par la loi. » (sentence 1)

Respecte le serment. Vénère aussi les héros, dignes de tant d’admiration, et les demeures terrestres ; rends-leur le culte qui leur est dû. »(2)

Dès les deux premiers articles, se voit donc consacrer le culte des héros, qui sont en Inde du Sud les gardiens des villages et en Inde du Nord les premiers ancêtres des gotras, un des réseaux du complexe système des castes. Le culte des héros est très présent en Inde, où, de Rama à Krishna, en passant par les héros du Mahabharata Yudhishthira, Bhishma, ou Kana, les héros foisonnent dans la littérature épique et sacrée.

À ces héros, répondent Ajax, Hector et Ulysse, et tous les héros de l’Iliade et de l’Odyssée. Quant au serment dont il est question, il répond à la cérémonie que vit un brahmane à son adolescence, et qui lui permet de naître une seconde fois au monde, après avoir pris connaissance de sa lignée ancestrale et des mystères qui composeront son initiation.

Cependant, placé au début de l'énoncé des Vers dorés, le culte des héros n'est pas tant une référence aux demi-dieux des épopées, mais plutôt une mention tout à fait classique aux maîtres spirituels qui ont précédé l'initié dans sa quête. De tels hommages sont communs en Inde, où un disciple ne commence aucune journée de son existence, sans une prière et une offrande qu'il adresse d'abord à son gourou, puis à toute la lignée de gourous qui porta l'enseignement, puis enfin à ses propres ancêtres et fondateurs du clan familial.

Tout comme le bouddhisme se proposait d'être une réponse personnelle à un trouble de l'âme, et non une doctrine politique vouée à gouverner la société, la philosophie des origines, celle qui n'excluait pas de son raisonnement l'ésotérisme, se proposait d'accéder au véritable bonheur, mais sans véritablement rompre avec la tradition panthéiste. Ainsi, plus loin dans le texte on trouve :

« Avant de rien commencer, adresse tes vœux aux immortels qui seuls peuvent consommer ton ouvrage. C’est en suivant ces pratiques que tu parviendras à connaître par quelle concorde les dieux sont liés aux mortels, quels sont les passages de tous les êtres, et quelle puissance les domine. Tu connaîtras, comme il est juste, que la nature est, en tout, semblable à elle-même. Alors tu cesseras d’espérer ce que tu espérais en vain, et rien ne te sera caché. »(25)

Ces sentences nous indiquent combien était important le rôle des rituels, les offrandes et le besoin d'entretenir une relation avec les dieux, qui ne sont rien d'autre que les forces élémentaires de la nature et de la vie.

Dans le védisme, Agni est le feu, Indra le tonnerre, Mitra la lumière, et leur rendre un culte équivaut à reconnaître ces éléments constitutifs de la vie. En somme, quand il prie les dieux, loin de se murer dans la superstition, l'initié révère et comprend plutôt les éléments qui l'entourent en leur rendant un culte équivalent à leur puissance. Prier les dieux, c'est alors être conscient des forces élémentaires qu'ils représentent et qu'il faut connaître pour vivre sainement et « dans le respect de la loi ». En Inde, cette loi, qui assure la stabilité de l'Univers et le bonheur aux hommes qui la suivent, est nommée Dharma (c'est le Rta védique ou l'Arta mazdéen).

Alors qu'est reconnu sans ombrage le rôle essentiel et indispensable du culte et des rituels, une toute aussi grande importance est consacrée à la raison, telle que nous l'enseignent les aphorismes suivants :

« Que la raison te conduise jusque dans les moindres choses. » (10)

« Apprends à discerner ce qui est nécessaire dans la purification et la délivrance de l’âme. Examine tout ; donne à ta raison la première place et, content de te laisser conduire, abandonne-lui les rênes. » (30)

Or, à l'inverse du monothéisme, cette raison n'est pas guidée par un livre particulier, quelques prophètes ou un unique messie, mais par l'amitié, le rapport humain et la fraternité :

« Choisis pour ton ami l’homme que tu connais le plus vertueux. Ne résiste point à la douceur de ses conseils, et suis ses utiles exemples. » (4).

« Que l’équité préside à toutes tes actions, qu’elle accompagne toutes tes paroles. » (9)

Les Vers dorés considèrent la famille comme un lien social primordial.

« Respecte ton père et ta mère, et tes proches parents. » (3)

L’honneur, la réputation, la place d'une famille, mais aussi les attentes des parents, le choix des mariages arrangés, tout ceci fait qu'en Inde, encore de nos jours, le principal organe de régulation des tensions n'est pas la religion, la loi civile, la police ou n'importe quel organisme émanant de la sphère publique, mais tout simplement la famille, qui règne en maîtresse sur tous les domaines de l'existence, professionnels comme privés.

Ailleurs dans les Vers dorés, nous retrouvons l’obsession de la mort, telle que :

« Souviens-toi bien que tous les hommes sont destinés à la mort. » (11)

Or, c'est bien la mort qui est au cœur, et pourrait-on dire, le point de départ de toute la doctrine bouddhiste. Arrien, biographe compagnon d'Alexandre, considérait d'ailleurs comme une des typicités du caractère indien cette obsession de la mort. Celui-ci était étonné de constater que les brahmanes rencontrés en Bactriane et au Penjab la mentionnaient sans tabou ni complexe, tout en l'envisageant comme une délivrance qu'ils attendaient avec impatience.

 

À l'identique de la pensée bouddhiste, qui en cela reprenait exactement les préceptes védiques, les Vers dorés s'intéressent à l'alimentation. Un ascétisme raisonné y est prôné, tandis que se retrouve une autre obsession typiquement indienne : celle de la pureté. Outre une multitude de superstitions, cette pureté, repose aussi sur un régime alimentaire strict et consciencieux, dont la base est le véganisme. Celui-ci permet en effet de se sustenter sans pour autant perturber le cycle de la vie en se nourrissant d'un autre animal. « Ne fais pas de mal à ce qui pourrait être père ou mère » enseignent les Lois de Manu.

Cette croyance végétarienne était alors partagée dans l'ensemble du monde antique, en particulier chez les Celtes et les Indiens. Cependant, il ne s'agissait pas d'un interdit strict, mais d'un mode de vie sain auquel tendaient les populations. Ainsi, s'il devait exister des festins d'animaux grillés ou rôtis, offerts aux dieux dans un premier temps, puis partagés entre les adorateurs, ces orgies de viande devaient être tempérées par de longues périodes d'abstinence.

Les Vers dorés sont empreints du même ascétisme que le védisme, consistant à considérer les plaisirs de la chair comme impurs et comme autant d'obstacles à l’Illumination (moksha en sanskrit) :

« Prends l’habitude de commander à la gourmandise, au sommeil, à la luxure, à la colère. » (7)

« Ne néglige pas ta santé : donne à ton corps, mais avec modération, le boire, le manger, l’exercice. La mesure que je te prescris est celle que tu ne saurais te passer sans te nuire. » (18)

« Que ta table soit saine, que le luxe en soit banni. » (19)

« Mais abstiens-toi des aliments que je t’ai défendus [...] » (30)

Ces principes ne sont autres que ceux de l'ayurvédisme, et sont issus directement de l'observation de la nature et du corps humain. Cependant, selon ces médecines ancestrales, les maux viennent de l'intérieur, et non de l'extérieur, en fonction de quoi, aux aliments sont attribués des vertus pathogènes ou médicinales. Il s'agit alors plus d'une médecine préventive que curative, et donc plus d'un mode de vie et d'une spiritualité mise en pratique qu'une véritable science de la guérison. Ainsi :

« Mortel, prends une juste confiance ; ce sont des dieux mêmes, que les humains tirent leur origine. La sainte nature leur découvre tous ses secrets les plus cachés. Si elle daigne te les communiquer, il ne te sera pas difficile de remplir mes préceptes. Cherche des remèdes aux maux que tu endures : ton âme recouvrera bientôt la santé. » (29)

Une similitude entre la pensée pythagoricienne et le bouddhisme est l'humilité :

« Évite de rien faire qui puisse t’attirer l’envie. » (20)

« Ne commence rien dont tu puisses te repentir dans la suite. Garde-toi d’entreprendre ce que tu ne sais pas faire, et commence par t’instruire de ce que tu dois savoir. C’est ainsi que tu mèneras une vie délicieuse. » (27)

L'humilité est par ailleurs un principe de base de la caste. Les castes reposent en effet sur le devoir qui incombe à tout être vivant d'accepter sa condition, sans s'en plaindre, ni en rechercher une meilleure. La caste d'un individu dépendant de ses vies précédentes et de l'ensemble de ses actions passées, appelées Karma ; refuser sa caste, équivaudrait donc pour un homme à refuser sa destinée, laquelle fut décidée avant même sa naissance, par l'ensemble des actions qu'il a pu entreprendre dans l'ensemble de ses vies précédentes. Cette acceptation de la vie, que les Occidentaux nommeraient résignation, est même à la base de la Bhagavad Gita, le livre sacré des vishnavites. L'enjeu de la mystique indienne repose donc sur le fait de trouver sa place, puis de l'accepter, afin de mener à bien la tâche qui incombe à chaque être vivant durant son existence. Être en accord avec soi-même, c’est-à-dire avoir conscience de ses limites, comme de ses possibilités, revient donc pour un hindou, un bouddhiste ou un jaïn, à se conformer aux règles du dharma, la loi universelle qui régit le cosmos.

À l'humilité, se joint bien sûr la patience, une qualité que les anciens estimaient essentielle à tout sage espérant accéder à l'Illumination. Innombrables sont les récits, les contes et les fables indiennes qui mettent en scène des héros, souvent des démons, qui à force de patience et d'abnégation dans les pénitences, parviennent finalement à éveiller la curiosité des dieux. Lesquels, enthousiasmés par leur rigueur, leur offrent alors la réalisation d'un souhait. Ces thèmes se trouvent à foison dans les Vedas et les Puranas. On les retrouve aussi dans les Vers dorés :

« La fortune se plaît à changer : elle se laisse posséder, elle s’échappe. Éprouves-tu quelques-uns de ces revers que les destins font éprouver aux mortels ? Sache les supporter avec patience ; ne t’indigne pas contre le sort. Il est permis de chercher à réparer un malheur ; mais sois bien persuadé que la fortune n’envoie pas aux mortels vertueux des maux au-dessus de leurs forces. » (12)

« Tu te vois attaqué par le mensonge ? Prends patience, supporte ce mal avec douceur. » (14)

Cette humilité et cette patience, érigées en valeurs suprêmes, peuvent faire penser à une certaine forme de lâcheté, car s'il s'agit d'un refus absolu de faire le mal, ou d'en être complice, il s'agit aussi de ne pas se mêler des conflits, et donc ne pas chercher à les apaiser ou à prendre parti.

« La triste discorde, née avec [les hommes], les accompagne toujours et les blesse, sans se laisser apercevoir. Il ne faut pas lutter contre elle, mais la fuir en cédant. » (17)

On retrouve dans ces quelques aphorismes pythagoriciens l'apologie de l'ascétisme et de la vie solitaire et sauvage, qui étaient si chers aux anachorètes de l'Antiquité. Ceux-là peuplaient jadis les forêts et les montagnes du monde entier, mais de nos jours, ces saints hommes ne vivent plus qu'en Inde.

Enfin :

« Quand tu auras quitté les dépouilles mortelles, tu monteras dans l’air libre ; tu deviendras un dieu immortel et la mort n’aura plus d’emprise sur toi. » (31)

Pythagore comme ses maîtres orientaux, croit en l'éternité de l'existence, tout en acceptant la mort de tout ce qui s'incarne. La transmigration des âmes est acceptée comme condition essentielle au cycle de la vie et de la mort, qui se nomme samsara en sanskrit.

Afin de ne plus connaître ce cycle de naissances et de morts, qui engendre tant de souffrance durant l'existence, pythagoriciens comme bouddhistes se proposent donc de connaître la véritable éternité, « qui ne connaît ni mort ni naissance, et est composée d'un bonheur véritable et infini. »

« Les Anciens donnèrent au Monde une grande âme, et une immense intelligence, dont toutes les âmes et les intelligences particulières étaient émanées. Cette âme était toute matérielle, puisqu’elle était formée de la substance pure du feu Éther ou de l’élément subtil universellement répandu dans toutes les parties animées de la Nature, et qui est la source du mouvement de toutes les sphères et de la vie des astres, aussi bien que de celle des animaux terrestres. C’est la goutte d’eau qui n’est point anéantie, soit qu’elle se divise par l’évaporation et s’élève dans les airs, soit qu’elle se condense et retombe en pluie, et qu’elle aille se précipiter dans le bassin des mers et s’y confondre avec l’immense masse des eaux. Tel était le sort de l’âme dans l’opinion des Anciens, et surtout des Pythagoriciens. » Ch.-F. Dupuis, Abrégé de l’origine de tous les cultes.

Le CULTE de PYTHAGORE
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