28 Janvier 2022
Est-ce que l'on devient sage en pratiquant le bien ? Pour qui as-tu créé la vache qui fournit ses offrandes aux hommes ?
Dans son récit cosmogonique, la volva (voyante et prêtresse des Scandinaves) de l'Edda décrit une vache primordiale intervenant lors des premières étapes de la création du monde. Avec le géant hermaphrodite Ymir, la vache Authumbla est l'un des deux premiers êtres de la création :
C'était des temps anciens, alors que vivait Ymir. Il n'y avait rien : ni sable, ni mer, ni vagues froides, pas de terre, ni ciel au-dessus, mais un large gouffre, et nulle herbe. Ni sable, ni mer, ni vagues froides. Ni terre, ni ciel non plus. Seul existait l'abîme béant. Le soleil ne connaissait pas sa demeure et la lune ignorait son royaume. Les étoiles n'avaient pas trouvé leur place. C'est alors qu'une vache magique, Audumla, lécha la glace qui entourait Ymir, puis à force de lécher la glace, dégagea aussi Bor, le premier homme.
Ganglere demanda : Où se tenait Ymir, et de quoi vivait-il ?
Har répondit : La glace étant fondue et l’eau écoulée, une vache appelée Odhumla s’approcha. Quatre rivières de lait coulaient de ses mamelles : ce fut la nourriture d’Ymir.
Ganglere demanda : De quoi vivait la vache ?
Har répondit : Elle léchait les pierres salines couvertes de givre. Le premier jour qu’Odhumla lécha les pierres, il en sortit des cheveux ; la tête parut le second jour, et le troisième jour un homme tout entier ; son nom fut Bure. Il était beau, grand et fort ; il eut un fils appelé Bœrr : celui-ci se maria avec une femme nommée Betsla, qui était fille du géant Bœelthorn. Ils eurent trois fils : Odin, Vile et Vé.
Dans ses travaux sur le folklore normand, le compilateur Hippolyte Sauvage a relevé la trace de la vache cosmique et initiale :
Quand Dieu marchait [sur] la terre, il heurta du pied une bouse de vache, en passant par le Marais [Eure], et il en tira le premier Maraiquais qui fut le père de tous les autres.
Par ailleurs, la vache céleste peut s'avérer un taureau céleste, que l'on nomme taureau primordial dans le mazdéisme et taureau de vie dans le mithraïsme. Nous retrouvons ce taureau dans le mythe égyptien de création :
Tout comme Min de Coptos, Rê peut apparaître aussi comme Kamoutef, le « taureau de sa mère ». A midi, il s'accouple avec Nout ; le soir, il meurt âgé pour être remis au monde le matin, comme un veau, par le corps de Nout. Depuis le Nouvel Empire, on entretenait à Héliopolis un taureau noir appelé Merour (en grec, Mnévis) et considéré comme une manifestation du dieu Soleil.
Le culte du bovin semble appartenir à la tradition initiale et non pas uniquement à la culture indienne.
Aux vestiges de bovidés de Çyatal Huyuk s'ajoute Hathor, la déesse du ciel et de la fertilité de l’Égypte prédynastique (-8000 à -3500), dont le corps était représenté sous la forme d'une vache. Plus tard, Hathor sera présentée comme une femme coiffée d'un soleil entouré de deux cornes de vache.
Mais de nos jours, cette tradition initiale ne persiste cependant plus qu'en Inde. Dans la mythologie plus classiquement védique, la vache est la Mère, c'est la Terre elle-même :
Tout ce qui existe s'élève de la Terre et y retourne une fois détruit. La Terre est la demeure et le refuge de toute créature. Elle est éternelle. Si ses ressources sont correctement développées, elle est semblable à une vache laitière, des pis de laquelle sortirait le Dharma [devoir], le Rta [justice] et le Kama [désir]. C'est en désirant jouir de ses bienfaits, que les hommes sont devenus entre eux comme des chiens qui se disputent pour un bout de viande.
Kamadenyu (ou Surabhi) est la vache céleste et initiale des hindous. Il s'agit d'une créature composite qui n'a de vache que l'aspect d'ensemble. D'elle proviennent tous les bienfaits de l'existence.
Selon la mythologie puranique : profitant de ce que l'océan du chaos s'était caillé, et qu'il était alors plus facile de la modeler et de lui donner une forme utile et bénéfique, les artisans des dévas, les triplés Ribhus (demi-dieux artisans), créèrent grâce aux flots transcendés, une créature miraculeuse et essentielle à la sauvegarde de la vie sur Terre , une vache.
La Terre se reconnut alors dans cet animal si généreux et placide, et s'incarna alors en lui, ce qui fit de lui Kamadenyu, la vache céleste. Comme souvent avec les créations des Ribhus, Kamadenyu fut créée afin que l'humanité puisse jouir de ses bienfaits. Elle est depuis la nourrice des dieux tout autant que celle des hommes, l'incarnation du lait maternelle comme du lait qui compose l'océan primordial.
La voyant, Vishnou l'emporta au plus haut des cieux, à Goloka, les prairies célestes situées au coeur de Vaikuntha. Là, sous la forme de Krishna, Vishnou est son bouvier qui l'emmène régulièrement paître dans des paturpâges où fleurit le basilic sacré.
Son corps était composé de celui d'une vache, de la tête et des seins d'une femme, des ailes d'un oiseau et de la queue d'un paon. De ses pis coulait l'amrita, l'elixir d'immortalité. Les dévas burent alors son lait, puis l'envoyèrent sur Terre où elle devint la mère de tous les bovins qui la peuplent depuis. Sur Terre, elle fut d'abord confiée au prajapati Vashishte, puis celui-ci la confia à Jamagdani qui la confia à son tour à son fils le plus glorieux, Parashurama, l'avatar de Vishnou lui-même. C'est avec lui que Kamadenyu vit depuis sous bonne garde. Depuis son apparition lors du barattage de la mer de lait, Kamadenyu est adorée sur Terre, mais paradoxallement il n'existe aucun temple dédié à elle car son adoration est asssurée par la stricte interdiction de consommer la chaire de ses filles, ainsi que de les exploiter de manière intensive.
Outre la Mère et la Terre, la vache est aussi la Prospérité et la Richesse. La vache donne le lait, le bœuf permet de travailler les champs, posséder les deux, permet donc de mieux vivre. Mais encore, la vache doit être défendue des voleurs, ou ravit à un ennemi, de même qu'elle a un prix, qui s'estime alors en mini-lingot d'or ou d'argent (le sicle, principale monnaie d'échange de l'Antiquité, pesait de 7 à 14 grammes). Plutôt que de thésauriser sur des métaux qui n'avaient de valeur que dans un système économique urbain et développé, les sociétés agraires et nomades préféraient donc collectionner le cheptel et le bétail en particulier. Outre son intérêt agricole, le bovin pouvait tirer des charrettes et faciliter les mouvements migratoires, qui étaient alors très fréquents.
Le bovin joue chez les Indiens védiques, dans leurs mythes et dans leur vie, un rôle d'une importance inconcevable pour nous. « Possession de vaches » est pour eux une expression de la richesse » en général ; désir de posséder des bœufs » est le terme qui désigne une expédition de rapine, et même la guerre tout court.
Un passage du Sri Rudram (2,10) illustre parfaitement les propos de Lommel :
Puisse ceci être à moi : un fœtus [bovin], un nouveau-né, un mâle de quinze mois, une femelle de 18 mois. Un mâle de deux ans, une femelle de deux ans. Un mâle de deux ans et demi, une femelle de deux ans et demi. Un mâle de trois ans, une femelle de trois ans. Un mâle de trois ans et demi, une femelle de trois ans et demi. Un mâle de quatre ans, une femelle de quatre ans. Un taureau exclusivement reproducteur, une vache stérile. Un taureau, le meilleur de sa race, une vache ayant déjà avorté ou mis au monde un veau mort-né. Un bœuf de trait, une vache laitière.
En Europe, Tacite observe le même attrait pour le bétail. En Germanie, dit-il,
on aime le grand nombre des troupeaux ; c’est la seule richesse des Germains, le bien qu’ils estiment le plus.
L'économiste et historien Émile de Laveleye, dans Les Lois des Bretons et l’ancien droit celtique en Irlande, explique en quoi la vache est une richesse que l'on préfère souvent au terrain en tant que tel :
« Quand la population est peu dense, la terre a peu de valeur, parce qu’il y en a pour tous. Aujourd’hui encore, dans des pays très civilisés, comme les États-Unis ou le Canada, on peut obtenir d’excellentes terres cadastrées, avec titre et garantie de la propriété, pour un dollar l’acre ou environ 12 francs l’hectare. Dans les temps primitifs, le principal capital doit donc être le bétail. Les peuples chasseurs ne vivent que des animaux qu’ils abattent. Les peuples pasteurs tirent leur subsistance du produit des troupeaux qu’ils font paître, et il en est encore de même quand déjà l’agriculture a commencé. C’est ainsi que les Germains, suivant la remarque de César, se nourrissaient principalement de viande et de laitage. Dans l’ancien Scandinave, le mot fe signifié à la fois richesse et bétail, tant les deux notions se confondent. Comme le fait observer sir H. Maine, le mot capital, c’est-à-dire tête (caput) de bétail, a donné naissance à deux des mots les plus employés en économie politique et en droit, capital et catel, cheptel, chattels en anglais. »
védiques et hindous |
Prithvi (Terre) - Kamadenuy (Surabhi) – Le taureau d'Indra |
shivaïte |
Nandi |
harappéen* |
La licorne bovine |
mazdéen |
Taureau primordial |
mithriaque |
Taureau de vie |
hittites-hourrites |
Sheri et Khourri (taureaux de l'orage) - Tella |
moldave |
Urus blanc |
grecs |
Io – Europe - Minotaure |
ligure |
« taureau ou vache sacré » |
celte |
Tarvos (Trigaranus) |
scandinave |
Adumbla |
égyptiens* |
Hator - Apis |
mésopotamien* |
Le taureau d'Ishtar |
hébreu* |
Le veau d'or |
Le mythe du sacrifice du taureau de vie
La première des créatures d'Ahura-Mazda, c’est-à-dire la première matière organisée et animée, fut le taureau primordial. Il devait errer sur la Terre et copuler, semer la vie en frappant la Terre de ses sabots, mais Ahriman ne l'entendait pas ainsi. Il essaya de le tuer, envoyant sur lui la maladie, le besoin, la souffrance ; ce qui ne manquait pas de blesser l'animal, qui dépérissait dangereusement.
C'est alors qu'Ahura-Mazda créa un être divin aussi glorieux que lui, aussi lumineux, aussi puissant, aussi juste et aussi digne d'éloges : Mithra, l'archange gardien des promesses, l'incarnation céleste du contrat. Ahura-Mazda lui confia son arme, la foudre, puis il lui donna pour mission de descendre sur Terre pour disputer à Ahriman le destin du taureau primordial.
Soudain, quelque part sur Terre, près d'un cours d'eau, à l'ombre d'un arbre sacré, un rocher reçu la foudre : Mithra en sortit, sous la forme d'un magnifique adolescent portant dans une main une torche enflammée et dans l'autre un poignard. À sa ceinture était noué un baudrier auquel étaient accrochés un arc et son carquois rempli de flèches. Un chien était déjà attaché à ses pas et prêt à le seconder en toutes occasions.
Le Soleil et la Lune bénirent la naissance de Mithra, à laquelle avaient assisté des bergers. Comme ces braves gens avaient soif, Mithra se saisit de son arc et décocha une flèche sur un rocher, qui se fendit pour laisser couler une source d'eau pure. Comme ces bergers avaient faim, Mithra cueillit pour eux un fruit de l'arbre sacré, afin qu'ils puissent satisfaire à la fois l'appétit du ventre comme ceux de la tête et du cœur. Il coupa aussi des feuilles de cet arbre et les leur fit boire en infusion. Ce fut la première boisson du homa, le nectar divin.
Mithra se mit en quête du taureau de vie, mais à son approche, l'animal agonisant s'enfuyait. Après bien des efforts et en particulier grâce au flair de son chien, Mithra le retrouva et le suivit jusque dans la grotte dans laquelle il s'était réfugié. Enfin, il l'immobilisa en saisissant ses cornes et en grimpant sur son dos.
Un corbeau, messager du Soleil, entra dans la grotte et lui ordonna de sacrifier l'animal. De son corps, devaient jaillir les composants essentiels afin que la vie se propage sur Terre. Une fois son message délivré, les plumes du corbeau perdirent leur couleur et devinrent aussi blanches que celles d'une colombe.
Mithra mit donc un genou à terre et sacrifia le taureau en lui plantant son couteau dans la gorge. Un crabe, envoyé par l'Esprit du Mal, avait beau pincer les testicules du taureau, celui-ci ne se débattait pas, ne réagissait déjà plus. Bientôt, Mithra pu desserrer son étreinte mortelle. Le chien de Mithra, accompagné d'un lion, deux animaux nobles et saints, se précipitèrent sur la plaie béante du taureau pour en boire le sang qui s'échappait. Se précipita aussi un serpent, envoyé par Ahriman, mais le lion et le chien le chassèrent aussitôt.
Le sang du taureau se changea alors en vin et pour la première fois sur Terre coula ce doux nectar. Mais encore, des épis dorés sortirent de la queue et de la blessure de l'animal, tandis que les flaques formées par son sang donnaient naissance à des arbres qui croissaient en s'enroulant autour du cadavre. La semence du taureau répandue au sol fut purifiée par la Lune, ce qui eut pour conséquence de donner vie aux différents animaux qui depuis peuplent la Terre.
Les premières créatures qui jaillirent furent une vache et un taureau, puis une paire de tous les animaux qui existent. Chaque couple, Ahura-Mazda le confiait à la Terre. Mille jours et mille nuits durant, ces animaux eurent faim et soif, puis ils se décidèrent à avaler de l'eau, puis de l'herbe.
Après avoir immolé le taureau primordial, Mithra monta au ciel sur le char du Soleil et partagea avec celui-ci un repas. Puis il s'installa au sommet du mont Hara, l'axe de l'Univers, d'où il peut sans difficulté observer la vie dans l'Univers et se tenir prêt à intervenir si une créature manque à un serment. Sa divine compagne devint la déesse des eaux et de la fertilité : la glorieuse et toute-puissante Anahita Sura Devi.
Le mythe du sacrifice du taureau céleste semble d'origine mésopotamienne ; il n'est donc pas étonnant que l'iconographie mithriaque présente Mithra enfonçant son couteau dans la gorge du taureau de la même manière que Gilgamesh le fait dans son épopée. Mithra et le roi d'Uruk sont d'ailleurs deux adorateurs du soleil, tout comme le sont aussi Orphée, Dionysos ou les rishis rédacteurs des Vedas.
« Le taureau immolé par Mithra, qui occupe le centre de presque toutes [les] compositions [mithriaques], est bien le taureau des légendes zoroastriennes ; mais à des signes certains on reconnaît aussi le taureau astronomique de Babylone. […] Dans toutes les religions antiques, aryennes ou sémitiques, le taureau représente le Dieu solaire qui déchaîne l’orage. C’est lui qui de ses traits d’or féconde les vaches qui sont les nuées ; il fait descendre sur les terres desséchées les pluies bienfaisantes, et au fort de la tempête, il remplit l’air de ses mugissements. L’Indra védique, l’Horus d’Égypte, le Marduk de Babylone, [le Shiva hindou,] comme le Jupiter et le Bacchus helléniques, sont tous également figurés sous la forme du taureau, ou le front est armé de cornes.
Le taureau du sacrifice mithriaque emprunte sa signification multiple aux deux traditions, persane et chaldéenne. Il est d’abord le taureau astronomique et représente l’exaltation du soleil dans cette constellation, à l’équinoxe du printemps. Voilà pourquoi le plus ancien des types mithriaques montre Mithra debout sur le taureau, comme dans le monument de la villa Altieri, et comme sont figurés les dieux solaires sur les cônes et cylindres babyloniens. [...] Mais le taureau est en même temps le taureau persan. Il est le taureau primordial, « créé unique par Ormuz, » ou plutôt, comme l’indique le terme zend, le premier des êtres vivants, la première matière organisée et animée. Sitôt créé, l’esprit du mal porte sur lui le besoin, la souffrance et la maladie. Sous ses coups répétés, le taureau s’amaigrit, dépérit, et meurt. […] Au figuré, le taureau du sacrifice représente donc la créature, l’être engagé dans les liens de la matière, en proie au mal physique et moral, le principe humide et terrestre qu’Aristote oppose au principe igné et céleste, représenté par le Lion ; en un mot, la bête humaine. On enseignait que l’âme ne peut être purifiée et sauvée que par l’immolation absolue et volontaire de l’être de chair et de péché qui est en nous. C’est ainsi que le sacrifice du taureau assure le salut ; c’est à cette immolation que Mithra convie ses fidèles.
Mais il est aussi un sacrifice de rédemption ; la commémoration de la première victime dont le sang versé assure à l’homme les bienfaits de la terre ; la figure du sacrifice des derniers jours, qui doit lui procurer l’immortalité céleste. Toutefois, afin qu’il puisse de son vivant bénéficier des mérites de cette expiation et anticiper, dès cette existence mortelle, sur la béatitude de la rénovation promise, la religion, en conformité avec les traditions de l’Orient, et avec la symbolique des vieux mystères, permet de substituer au Taureau divin l’animal terrestre dont le sang lave les fautes humaines. Par-là s’établit l’usage du taurobole, commun aux mystères de Mithra et à ceux de Cybèle. Ce baptême sanglant se recevait dans une fosse, à peine recouverte de poutrelles à jour. De la plaie de l’animal égorgé, la pluie rouge tombait, souillant le pénitent, qui lui présentait son front, ses yeux, sa bouche, toute sa personne. On sortait de là renouveler pour l’éternité, in æternum renatus, et dans l’état de pureté première. » A. Gasquet, Le culte et les mystères de Mithra.
Dans les deux mythes un taureau tombe du ciel pour dévaster la terre. Privé de nourriture par Ahriman, ou mis en rage par Ishtar, l'animal devra être sacrifié à l'astre de vie.
Dans l’Épopée de Gilgamesh, une scène évoque un sacrifice du taureau céleste qui ressemble en tout point à celui de Mithra :
« Gilgamesh ayant dédaigné la déesse Ishtar, celle-ci se rend chez son père Anu, le dieu du Ciel pour lui demander de créer le Taureau céleste (qui lui permettra de se venger). Anu répond à sa fille : « Si je fais ce que tu me demandes, si je te donne le taureau céleste, sur la terre d'Uruk il y aura sept années de disette. As-tu rassemblé du grain ? As-tu entassé de l'herbe ? » Ishtar dit à son père Anou : « J'ai rassemblé du grain pour les hommes, j'ai entassé de l'herbe pour les troupeaux. Pour les sept années de disette, j'ai ramassé du grain et de l'herbe en abondance, pour les hommes et les troupeaux. » Anou entendant ses paroles donne à Ishtar la longe du taureau céleste. Ishtar le fait descendre sur la terre, puis le conduit sur la terre d'Uruk. […] Son arrivée répand la terreur. À son premier mugissement, cent hommes tombent. À son deuxième mugissement trois cents autres tombent. À son troisième mugissement, il se dirige vers Enkidu, mais Enkidu fait un saut de côté et attrape le taureau céleste par les cornes. Le taureau céleste lui lance au visage son écume et sa bave et avec sa queue l'asperge de sa bouse. […] Enkidu pourchasse le taureau céleste, il l'attrape par la queue et Gilgamesh habilement de ses mains enfonce son glaive entre le cou et les cornes et frappe à mort le taureau céleste. Après la mort du taureau céleste, ils lui arrachent le cœur, le déposent en offrande devant le dieu Shamash (Soleil) et se prosternent. » A. Azrié, L’Épopée de Gilgamesh (texte légèrement adapté).
Le culte du bœuf
Le bœuf était lui aussi adoré. Si la vache représente la vie, la femme et la mère, ainsi que la fertilité des champs et des arbres, le bœuf représente la fertilité des hommes et leur force physique. À l'inverse de la vache, le bœuf fut longtemps sacrifié lors de cérémonies d'initiation ou de fertilité. Durant le culte de Mithra, le prêtre ou l'initié se plaçait dans une cave en deçà de l'animal et recevait sur eux le sang de l'animal égorgé. Chez les Gaulois, le bœuf était associé au dieu Ésus, tout comme Nandi est associé à Shiva. Et de même que Nandi est présenté comme un avatar de Shiva lui-même, Zeus choisit souvent cet animal pour se métamorphoser. Zeus tombait donc souvent amoureux de génisses, quand il ne se changeait pas lui-même en taureau pour les féconder et donc féconder la vie. La vache est en effet le symbole de la féminité :
Je t’offre une pierre favorable à ceux qui adressent leurs prières aux dieux ; elle est pleine d’un lait divin comme la gorge d’une jeune fille qui a conçu pour la première fois ou comme la mamelle d’une vache féconde.
Dans la tradition jaïne, la reine Marudeva, mère du futur tirthankara Rishabhanatha, « rêva de quatorze choses favorables. La première qu’elle vit dans son rêve fut un beau et gros taureau blanc qui entrait dans sa bouche » (Up. S. A. Muni, Les Vies authentiques des vingt-quatre Tirthankars).
C'est en Anatolie que l'on trouve les premières traces du culte du bœuf, plus précisément dans le site archéologique de Çyatal Huyuk (v. -7500 à -6000), célèbre pour être l'un des premiers villages structurés de la Préhistoire. Le village était entouré de champs, bâti sur une colline pour résister aux attaques. Il comprenait des dizaines de maisons, mais aussi de nombreux sanctuaires, que nous pensons être des temples. À vrai dire, à part son absence de rues, Çyatal Huyuk ressemble tout à fait, avec ses toits plats et ses ruelles étroites, à n'importe quel village que l'on trouve encore de nos jours dans la campagne turque ou iranienne.
En plus des traditionnels svastikas décoratifs, on a pu retrouver dans les complexes d'habitations de très nombreuses cornes de bœufs, elles aussi décoratives, à la fois présentes dans les maisons mais également dans les étables. Là, vivaient les bœufs employés à la culture des champs, qui entouraient le village. Enfin, des salles, qui sembleraient être des temples, présentent plusieurs têtes de taureaux empaillées, et des dizaines de cornes installées comme prétoire ou comme décorations murales. Il ne fait donc aucun doute que le bœuf devait avoir été divinisé, ou tout du moins jouait un rôle mystique et religieux important.
Extrait de Jacques-Antoine Dulaure, Les Divinités génératrices, 1805. Les taureaux, adorés en Égypte sous différents noms, étaient l'image vivante du taureau céleste, figuré dans la divisi...
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