23 Décembre 2021
« Le taureau immolé par Mithra, qui occupe le centre de presque toutes [les] compositions [mithriaques], est bien le taureau des légendes zoroastriennes ; mais à des signes certains on reconnaît aussi le taureau astronomique de Babylone. Les animaux figurés auprès de lui, le chien, le corbeau, le serpent, sont ceux de l’Avesta ; mais les douze signes du zodiaque, qui ornent le cintre des monuments, les sept planètes qui en parsèment le champ, manifestent la religion sidérale, qui fut celle de Ninive et de la Chaldée. Les Romains ne s’y sont pas mépris. Ils donnent indifféremment à Mithra l’épithète de Persan et de Chaldéen : Ammien Marcellin qui accompagna Julien dans ses campagnes, assure que Zoroastre emprunta aux mystères de la Chaldée une partie de sa doctrine. […] Dans toutes les religions antiques, aryennes ou sémitiques, le taureau représente le Dieu solaire qui déchaîne l’orage. C’est lui qui de ses traits d’or féconde les vaches qui sont les nuées ; il fait descendre sur les terres desséchées les pluies bienfaisantes, et au fort de la tempête, il remplit l’air de ses mugissements. L’Indra védique, l’Horus d’Égypte, le Marduk de Babylone, [le Shiva hindou,] comme le Jupiter et le Bacchus helléniques, sont tous également figurés sous la forme du taureau, ou le front est armé de cornes.
Le taureau du sacrifice mithriaque emprunte sa signification multiple aux deux traditions, persane et chaldéenne. Il est d’abord le taureau astronomique et représente l’exaltation du soleil dans cette constellation, à l’équinoxe du printemps. Voilà pourquoi le plus ancien des types mithriaques montre Mithra debout sur le taureau, comme dans le monument de la villa Altieri, et comme sont figurés les dieux solaires sur les cônes et cylindres babyloniens. [...] Mais le taureau est en même temps le taureau persan. Il est le taureau primordial, « créé unique par Ormuz, » ou plutôt, comme l’indique le terme zend, le premier des êtres vivants, la première matière organisée et animée. Sitôt créé, l’esprit du mal porte sur lui le besoin, la souffrance et la maladie. Sous ses coups répétés, le taureau s’amaigrit, dépérit, et meurt. […] Au figuré, le taureau du sacrifice représente donc la créature, l’être engagé dans les liens de la matière, en proie au mal physique et moral, le principe humide et terrestre qu’Aristote oppose au principe igné et céleste, représenté par le Lion ; en un mot, la bête humaine. On enseignait que l’âme ne peut être purifiée et sauvée que par l’immolation absolue et volontaire de l’être de chair et de péché qui est en nous. C’est ainsi que le sacrifice du taureau assure le salut ; c’est à cette immolation que Mithra convie ses fidèles.
Mais il est aussi un sacrifice de rédemption ; la commémoration de la première victime dont le sang versé assure à l’homme les bienfaits de la terre ; la figure du sacrifice des derniers jours, qui doit lui procurer l’immortalité céleste. Toutefois, afin qu’il puisse de son vivant bénéficier des mérites de cette expiation et anticiper, dès cette existence mortelle, sur la béatitude de la rénovation promise, la religion, en conformité avec les traditions de l’Orient, et avec la symbolique des vieux mystères, permet de substituer au Taureau divin l’animal terrestre dont le sang lave les fautes humaines. Par-là s’établit l’usage du taurobole, commun aux mystères de Mithra et à ceux de Cybèle. Ce baptême sanglant se recevait dans une fosse, à peine recouverte de poutrelles à jour. De la plaie de l’animal égorgé, la pluie rouge tombait, souillant le pénitent, qui lui présentait son front, ses yeux, sa bouche, toute sa personne. On sortait de là renouveler pour l’éternité, in æternum renatus, et dans l’état de pureté première. » A. Gasquet, Le culte et les mystères de Mithra.
Mithra et le sacrifice du taureau primordial
La première des créatures d'Ahura-Mazda, c’est-à-dire la première matière organisée et animée, fut donc le taureau primordial. Il devait errer sur la Terre et copuler, semer la vie en frappant la Terre de ses sabots, mais Ahriman ne l'entendait pas ainsi. Il essaya de le tuer, envoyant sur lui la maladie, le besoin, la souffrance ; ce qui ne manquait pas de blesser l'animal, qui dépérissait dangereusement.
C'est alors qu'Ahura-Mazda créa un être divin aussi glorieux que lui, aussi lumineux, aussi puissant, aussi juste et aussi digne d'éloges : Mithra, l'archange gardien des promesses, l'incarnation céleste du contrat. Ahura-Mazda lui confia son arme, la foudre, puis il lui donna pour mission de descendre sur Terre pour disputer à Ahriman le destin du taureau primordial.
Soudain, quelque part sur Terre, près d'un cours d'eau, à l'ombre d'un arbre sacré, un rocher reçu la foudre : Mithra en sortit, sous la forme d'un magnifique adolescent portant dans une main une torche enflammée et dans l'autre un poignard. À sa ceinture était noué un baudrier auquel étaient accrochés un arc et son carquois rempli de flèches. Un chien était déjà attaché à ses pas et prêt à la seconder en toutes occasions.
Le Soleil et la Lune bénirent la naissance de Mithra, à laquelle avaient assisté des bergers. Comme ces braves gens avaient soif, Mithra se saisit de son arc et décocha une flèche sur un rocher, qui se fendit pour laisser couler une source d'eau pure. Comme ces bergers avaient faim, Mithra cueillit pour eux un fruit de l'arbre sacré, afin qu'ils puissent satisfaire à la fois l'appétit du ventre comme ceux de la tête et du cœur. Il coupa aussi des feuilles de cet arbre et les leur fit boire en infusion. Ce fut la première boisson du homa, le nectar divin.
Mithra se mit en quête du taureau de vie, mais à son approche, l'animal agonisant s'enfuyait. Après bien des efforts et en particulier grâce au flair de son chien, Mithra le retrouva et le suivit jusque dans la grotte dans laquelle il s'était réfugié. Enfin, il l'immobilisa en saisissant ses cornes et en grimpant sur son dos.
Un corbeau, messager du Soleil, entra dans la grotte et lui ordonna de sacrifier l'animal. De son corps, devaient jaillir les composants essentiels afin que la vie se propage sur Terre. Une fois son message délivré, les plumes du corbeau perdirent leur couleur et devinrent aussi blanches que celle d'une colombe.
Mithra mit donc un genou à terre et sacrifia le taureau en lui plantant son couteau dans la gorge. Un crabe, envoyé par l'Esprit du Mal, avait beau pincer les testicules du taureau, celui-ci ne se débattait pas, ne réagissait déjà plus. Bientôt, Mithra pu desserrer son étreinte mortelle. Le chien de Mithra, accompagné d'un lion, deux animaux nobles et saints, se précipitèrent sur la plaie béante du taureau pour en boire le sang qui s'échappait. Se précipita aussi un serpent, envoyé par Ahriman, mais le lion et le chien le chassèrent aussitôt.
Le sang du taureau se changea alors en vin et pour la première fois sur Terre coula ce doux nectar. Mais encore, des épis dorés sortirent de la queue et de la blessure de l'animal, tandis que les flaques formées par son sang donnaient naissance à des arbres qui croissaient en s'enroulant autour du cadavre. La semence du taureau répandue au sol fut purifiée par la Lune, ce qui eut pour conséquence de donner vie aux différents animaux qui depuis peuplent la Terre.
Les premières créatures qui jaillirent furent une vache et un taureau, puis une paire de tous les animaux qui existent. Chaque couple, Ahura-Mazda le confiait à la Terre. Mille jours et mille nuits durant, ces animaux eurent faim et soif, puis ils se décidèrent à avaler de l'eau, puis de l'herbe.
Après avoir immolé le taureau primordial, Mithra monta au ciel sur le char du Soleil et partagea avec celui-ci un repas. Puis il s'installa au sommet du mont Hara, l'axe de l'Univers, d'où il peut sans difficulté observer la vie dans l'Univers et se tenir prêt à intervenir si une créature manque à un serment. Sa divine compagne devint la déesse des eaux et de la fertilité : la glorieuse et toute-puissante Anahita Sura Devi.
Quant à l'âme du taureau, guidé par le chien qui avait bu de son sang, elle s'éleva au plus haut des cieux et rencontra Ahura-Mazda. Celui-ci, satisfait de son sacrifice, lui offrit l'immortalité en faisant d'elle l'ange gardien du bétail. Mais cela ne suffisait pas à calmer la tristesse du taureau, qui interrogea l'être suprême :
« À qui as-tu confié l’empire des créatures, pour que le mal ravage la terre et que les plantes aient soif ? Où est l’homme dont tu avais dit que sa parole garantirait la paix ? »
Sensible à la tristesse du taureau, Ahura-Mazda mena l'âme du bovin devant l'ange gardien qui aurait pour tâche de rétablir la justice mazdéenne sur Terre, de concert avec Mithra. Le désignant, Ahura-Mazda eut ces paroles :
« Vois-tu, ce maître de sagesse, c'est Zarathoustra et c'est lui que j'enverrai bientôt sur Terre pour sauver les hommes et témoigner à l'humanité de la juste et bénéfique doctrine. C'est lui que je donnerai au monde pour lui apprendre à se préserver du mal. À la fin des temps, ce sera de sa semence, que purifiera la Lune, que naîtra Saoshyant, le Sauveur, celui qui consommera la ruine d’Ahriman et sacrifiera le second sacrifice du taureau. C'est par ce sacrifice que le Sauveur donnera à tout jamais l’immortalité aux justes. Ensuite, Mithra embrasera les mondes et purgera la création de la matière, qui retournera au néant. »
Satisfaite des paroles d'Ahura-Mazda, l'âme du taureau initial consentit à nourrir les créatures de la Terre et à permettre que s'y répandent la richesse, la prospérité et la vie.
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