26 Novembre 2023
Dans Yves Naud, Les OVNI et les extraterrestres dans l'Histoire, tome 2, La Bible et les extra-terrestres, Famot, 1977.
« Suivant les Valentiniens, écrit l'évêque de Lyon saint Irénée dans son célèbre traité Contre les hérésies (Ile siècle), il est, dans les hauteurs invisibles et indicibles, un éon parfait (Dieu) qui a existé avant tout le reste. Ils l'appellent aussi Pro-Principe, Propatôr et Bythos. Il est invisible et aucun être ne peut le saisir. Comme il est inconcevable, invisible, éternel et inengendré, il est demeuré un temps incommensurable dans le plus profond repos. »
Mais, dans son royaume infini, Dieu s'ennuie. Et raconte saint Hippolyte, au début du Ille siècle, dans les Philosophoumenal, « comme il était fécond, il voulut enfin engendrer ce qu'il avait en lui-même de plus beau et de plus parfait et le produire au-dehors, car il n'aimait pas la solitude. Il était tout amour. Or, l'amour n'est pas de l'amour s'il n'y a pas d'objet à aimer».
Procédant par émanation, le Père inengendré donne naissance à Nous et Alétheia, l'Intellect et la Vérité. De cette première syzygie émanent tous les éons qui vont peupler le plérôme. Tout d'abord Logos [Verbe] et Zoé [Vie], couple qui engendre à son tour Anthropos et Ecclesia, l'Homme et l'Eglise. Ces six premiers éons constituent l'élément supérieur.
Mais la chaîne se poursuit. L'Intellect et la Vérité, pour rendre gloire à Dieu, émettent dix éons, la Décade. De son côté, le couple Logos et Zoé donne naissance à douze éons, le Dodécade. Le plérôme comprend donc vingt-huit éons. Ceux-ci sont de moins en moins parfaits au fur et à mesure qu'ils s'éloignent du Propatôr.
Dans le dernier degré de la Dodécade se trouve l'éon Sophia, la Sagesse. Mais cet éon est bien mal nommé car son comportement n'a rien de sage ! Dévorée par une insatiable curiosité touchant le phénomène des émanations et la puissance des éons qui sont au-dessus d'elle, elle veut percer leur mystère. Elle cessa de faire le mystère du treizième Eon, c'est-à-dire qu'elle cessa d'assumer les fonctions de son rang. Mais elle chantait un hymne à la lumière d'en Haut».
Aussitôt les Archons, qui sont dans les douze éons inférieurs se prennent d'une haine féroce pour Sophia qui, cessant de remplir ses devoirs, a désiré aller en Haut et leur être supérieure à tous.
«Sa matière fut jetée dans le chaos». Le grand Arrogant de Tridynamos poursuivit Sophia dans le treizième Eon pour la faire regarder les parties inférieures, afin qu'elle y vît sa Puissance de lumière, celle qui a une face de lion, et qu'elle la désirât, qu'elle se rendît en ce lieu, que celle-ci lui enlevât la lumière qui était en elle. »
Et effectivement, Sophia regarde en bas. Elle voit la Puissance de lumière que l'Arrogant y a jetée et cela l'abuse. Elle croit qu'il s'agit de la lumière qu'elle a vue en Haut, dans le voile du Trésor de la lumière. Elle se dit alors: « J'irai en ce lieu, sans mon conjoint, afin que j'enlève la lumière, que j'en crée des Éons de lumière, afin que je puisse aller vers la lumière des lumières, celle qui est dans les Hauteurs des Hauteurs. »
Aussitôt Sophia quitte le séjour qui était le sien et descend dans les lieux du Chaos. Là, elle s'approche de la grande Puissance de lumière à face de lion, afin de l'avaler ; hélas, c'est le contraire qui se produit. Car « toutes les émanations hyliques de l'Arrogant l'entourèrent, et cette grande Puissance de lumière à face de lion avala toutes les Puissances de lumière qui étaient en Sophia, elle purifia sa lumière, elle l'avala, et quant à sa matière, elle fut jetée dans le Chaos, elle devint un Archon à face de lion dans le Chaos, ayant une moitié de feu et une autre moitié de ténèbres».
Voilà donc la malheureuse Sophia, gémissante dans le Chaos. Devenue très faible depuis qu'elle a perdu sa lumière, elle ne peut que subir les persécutions des vertus hyliques émises par l'Arrogant.
Celle-ci, prise du désir insensé d'imiter le Propatôr, veut engendrer seule. Mais comme elle n'a pas les mêmes facultés que Dieu, elle ne réussit qu'à produire un misérable avorton, fruit de son péché d'orgueil.
A la vue de cet être informe, les éons du Plérôme s'affolent. Saint Hippolyte raconte dans les Philosophoumena que, tremblant de peur à l'idée de devenir générateurs de semblables « débiles», ils implorent Dieu de secourir Sophia, inconsolable d'avoir engendré cette créature difforme.
Dans sa bonté, Dieu entend leur prière. Il charge Noùs et Alétheia de cette mission. Aussitôt, ceux- ci produisent une nouvelle syzygie : le Christ et l'Esprit-Saint. Le Christ rejette hors du plérôme l'avorton de Sophia, appelé Sagesse extérieure, et il lui confère la forme qui lui faisait défaut. La Sagesse extérieure se trouve désormais dans l'Ogdoade, premier ciel du monde intermédiaire.
Désireux d'empêcher à jamais le retour de la Sagesse extérieure au sein du plérôme, Dieu émet un nouvel éon qui porte un triple nom : Horos (Limite), Stauros (Palissade) et Methocheus (Participant), parce qu'il participe à la fois du plérôme et du monde intermédiaire. Leur mission accomplie, le Christ et l'Esprit-Saint regagnent le monde supérieur. Les éons, rassérénés, veulent prouver à Dieu leur reconnaissance. Tous ensemble, ils émettent le meilleur de leur essence et engendrent l'éon Jésus.
Seule et abandonnée, la Sagesse extérieure est terrifiée. Elle aspire désespérément vers le plérôme. Elle prie et se lamente. Emus par sa détresse, les éons dépêchent dans l'Ogdoade, Jésus, fruit commun du plérôme, afin qu'il épouse la Sagesse extérieure et apaise ses souffrances. L'infortunée Sagesse extérieure est en proie à trois maux: le chagrin, la crainte et l'anxiété. Jésus les transforme en essences éternelles. Ces essences deviennent alors démiurges et peuplent le monde intermédiaire d'une foule d'éons qui se pressent dans une succession de cieux.
D'émanation en émanation, de ciel en ciel, les éons sont, bien entendu, de moins en moins parfaits. Les éons du dernier ciel, les imparfaits, sont les démiurges du monde terrestre. Le démiurge de l'essence psychique donne à l'homme son âme ; le démiurge de l'essence hylique, le démon, lui donne son corps, matière vile et périssable.