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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

Connaissance hermétique du cosmos, de dieu et apologie du Soleil (Hermès Trismégiste)

Hermès Trismégiste, Du Soleil et des démons (trad. Ménard)

 

« Je t’adresse, ô roi, un grand discours qui est comme la somme et le résumé de tous les autres. Loin d’être conforme à l’opinion de la foule, il lui est très-contraire. Il te semblera même contredire quelques-uns de mes discours. Hermès, mon maître, qui s’entretenait souvent avec moi, seul à seul ou en présence de Tat, disait que ceux qui liraient mes livres en trouveraient la doctrine simple et claire, tandis qu’au contraire elle est obscure et contient un sens caché. Elle est devenue plus obscure encore depuis que les Grecs ont voulu la traduire de notre langue dans la leur. C’est là une source de contre-sens et d’obscurité. Le caractère de la langue égyptienne, l’énergie des mots qu’elle emploie, en font comprendre le sens. Autant donc que tu le pourras, ô roi, et tu peux tout, fais que ce discours ne soit pas traduit, de peur que ces mystères ne pénètrent chez les Grecs, et que leur phrase pompeuse, diffuse et surchargée d’ornements n’affaiblisse la vigueur et n’amoindrisse la gravité auguste et l’énergie de l’expression. Les Grecs, ô roi, ont des formes nouvelles de langage pour produire des preuves, et leur philosophie est un bruit de paroles. Nous, au contraire, nous employons, non des paroles, mais la grande voix des choses.

Je commencerai ce discours par invoquer le Dieu maître de l’univers, le créateur et le père, qui enveloppe tout, qui est tout dans un et un dans tout. Car la plénitude de toutes choses est l’unité et dans l’unité ; il n’y a pas un terme inférieur à l’autre, les deux ne sont qu’un. Conserve cette pensée, ô roi, pendant toute l’exposition de mon discours. On chercherait en vain à distinguer le tout et l’unité en appelant tout la multitude des choses et non la plénitude ; cette distinction est impossible, car le tout n’existe plus si on le sépare de l’unité ; si l’unité existe, elle est dans la totalité ; or, elle existe et ne cesse jamais d’être une pour dissoudre la plénitude.

Il se trouve dans l’intérieur des terres des sources jaillissantes d’eau et de feu ; on voit là les trois natures du feu, de l’eau et de la terre, parlant d’une commune racine, ce qui fait penser qu’il y a un réservoir général de la matière, fournissant tout en abondance et recevant l’existence d’en haut. C’est ainsi que le ciel et la terre sont gouvernés par le créateur, j’entends le soleil, qui fait descendre l’essence et monter la matière, qui attire l’univers à lui, qui donne tout à tous et prodigue les bienfaits de sa lumière. C’est lui qui répand ses bienfaisantes énergies non seulement dans le ciel et dans l’air, mais sur la terre et jusque dans les profondeurs de l’abîme. Et s’il y a une essence intelligible, ce doit être la substance même du soleil, dont sa lumière est le réceptacle. Quelle en est la constitution et la source, lui seul le sait. Pour comprendre par induction ce qui se dérobe à notre vue, il faudrait être près de lui et analogue à sa nature. Mais ce qu’il nous laisse voir n’est pas une conjecture, c’est la vision splendide qui illumine l’ensemble du monde supérieur.

Il est établi au milieu de l’univers comme celui qui porte les couronnes ; et, pareil à un bon cocher, il dirige et maintient le char du monde et l’empêche de s’égarer. Il en tient les rênes, qui sont la vie, l’âme, l’esprit, l’immortalité, la génération. Il le laisse courir à peu de distance de lui, ou, pour être plus vrai, avec lui. Et voici de quelle manière il forme toutes choses : Il distribue aux immortels l’éternelle permanence. La lumière, qui de sa partie supérieure monte vers le ciel, nourrit les parties immortelles du monde. Le reste, enveloppant et illuminant l’ensemble de l’eau, de la terre, de l’air, est la matrice où germe la vie, où se meuvent les naissances et les métamorphoses.

Comme une hélice en mouvement, il transforme les animaux qui habitent ces portions du monde, il les fait passer d’un genre à l’autre et d’une apparence à l’autre, équilibrant leurs mutuelles métamorphoses, comme dans la création des grands corps. Car la permanence d’un corps est toujours une transformation. Mais les corps immortels sont indissolubles, les corps mortels se décomposent ; telle est la différence qui existe entre l’immortel et le mortel.

Cette création de la vie par le soleil est continue comme sa lumière, et rien ne l’arrête ou ne la limite. Autour de lui, comme une armée de satellites, sont de nombreux chœurs de Démons. Ils habitent dans le voisinage des immortels, et de là ils surveillent les choses humaines. Ils exécutent les ordres des Dieux par les tempêtes et les ouragans, les métamorphoses du feu et les tremblements de terre, ainsi que par les famines et les guerres, pour punir l’impiété. Car le plus grand crime des hommes c’est l’impiété envers les Dieux. La fonction des Dieux est de faire le bien, celle des hommes d’être pieux, celle des Démons de châtier. Les Dieux ne demandent pas compte à l’homme des fautes commises par erreur, par témérité, par cette nécessité qu’on nomme la destinée, ou par ignorance ; l’impiété seule tombe sous le coup de leur justice. C’est le Soleil qui conserve et nourrit tous les êtres ; et de même que le monde idéal, qui enveloppe le monde sensible, y répand la plénitude et l’universelle variété des formes : ainsi le soleil, enveloppant tout de sa lumière, accomplit partout la naissance et le développement des êtres, et les recueille quand ils tombent fatigués de leur course.

Il a sous ses ordres le chœur des Démons, ou plutôt les chœurs, car ils sont plusieurs et différents, et leur nombre répond à celui des astres. Chaque astre a ses démons, bons et méchants par leur nature, c’est-à-dire par leur action, car l’action est l’essence des démons. Dans quelques-uns il y a du bon et du mauvais. Tous ces démons sont préposés aux choses de la terre ; ils agitent et bouleversent la condition des États et des individus, ils façonnent nos âmes à leur ressemblance, s’établissent dans nos nerfs, notre moelle, nos veines, nos artères et même dans notre cervelle, et jusqu’au fond de nos viscères. Au moment où chacun de nous reçoit la vie et l’âme, il est saisi par les démons qui président aux naissances, et qui sont classés dans les astres. À chaque instant ils sont changés, ce ne sont pas toujours les mêmes, ils tournent en cercle. Ils pénètrent par le corps dans deux des parties de l’âme, pour la façonner chacun selon son énergie.

Mais la partie raisonnable de l’âme n’est pas soumise aux démons, elle est disposée pour recevoir Dieu, qui l’éclaire d’un rayon de soleil. Ceux qui sont éclairés ainsi sont peu nombreux, et les démons s’en abstiennent ; car ni les démons ni les Dieux n’ont aucun pouvoir contre un seul rayon de Dieu. Tous les autres, âmes et corps, sont dirigés par les démons, s’y attachent et en aiment les oeuvres ; mais la raison n’est pas comme le désir qui trompe et qui s’égare. Les démons ont donc la direction des choses terrestres, et nos corps leur servent d’instruments. Cette direction, Hermès l’appelle la Destinée.

Le monde intelligible se rattache à Dieu, le monde sensible au monde intelligible ; le soleil conduit à travers ces deux mondes l’effluve de Dieu, c’est-à-dire la création. Autour de lui sont les huit sphères qui s’y rattachent, la sphère des étoiles fixes, les six sphères des planètes et celle qui entoure la terre. Les démons sont attachés à ces sphères, les hommes aux démons, et ainsi tous les êtres se rattachent à Dieu, qui est le père universel. Le créateur, c’est le soleil ; le monde est l’instrument de la création. L’essence intelligible dirige le ciel, le ciel dirige les Dieux, au dessous desquels sont classés les démons qui gouvernent les hommes. Telle est la hiérarchie des Dieux et des démons, et telle est l’œuvre que Dieu accomplit par eux et pour lui-même. Toute chose est une partie de Dieu, ainsi Dieu est tout. En créant tout, il se crée lui-même sans jamais s’arrêter, car son activité n’a pas de terme, et, de même que Dieu est sans bornes, sa création n’a ni commencement ni fin. [...]

Connaissance hermétique du cosmos, de dieu et apologie du Soleil (Hermès Trismégiste)
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