Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

Cosmogonie et genèse tahitienne

Cosmogonie et Genèse tahitienne

 

Selon Louis Gaussin, Tradition religieuses de la Polynésie dans Le Tour du monde, Librairie Hachette et Cie, Paris, 1860.

 

***

 

« Taaroa, le grand ordonnateur, est la cause de la terre. Taaroa est n’a point de père, point de mère, point de postérité. Taaroa restait dans le néant : il n’y avait alors ni terre, ni ciel, ni mer. La terre flottait sans direction, agitée comme l’eau au souffle du vent : elle n’était point fixée. Taaroa dit alors :

« Voici que le ciel erre dans l’espace, que la terre informe flotte et vacille dans les profondeurs de l’abîme. Elle est haletante comme le plongeur au fond de la mer ; elle attend, informe, vacillant dans les profondeurs de l’abîme. »

Taaroa mit la tête en dehors de son enveloppe et son enveloppe s’évanouit et devint la terre. Taaroa vit alors que la terre était devenue terre, que la mer était devenue mer et que le ciel était devenu ciel. Taaroa restait Dieu et contemplait son œuvre, lorsque la terre fut emportée au loin. Il dit alors [« Pour comprendre le passage suivant il faut se figurer la terre comme un arbre dont l’ensemble des rameaux forme la surface terrestre. Ces rameaux sont supportés par un tronc qui a ses rejetons et ses racines fixés dans une base inébranlable, fondement du monde. » L. Gaussin] :

« Ô Tronc ! viens ici. »

Mais le tronc lui répondit :

« Je n’irai pas, je suis le tronc de la terre. »

- Ô Base, viens ici.

- Je n’irai pas, je suis la base ou le fondement de la terre.

- Ô Rejetons, venez ici.

_ Nous n’irons pas, nous sommes les rejetons de la terre.

_ Ô Racine mère, viens ici.

_ Je n’irai pas, je suis la racine mère de la terre.

_ Ô Radicules, venez ici.

_ Nous n’irons pas, nous sommes les radicules de la terre.

_ Ô Racines chevelues, venez ici.

_ Nous n’irons pas, nous sommes les racines chevelues de la terre. »

Alors Taaroa secoua la terre, mais la terre ne fut pas ébranlée. Taaroa cria à longue voix :

« Qui est sur la terre ? »

Et la voix de Taaroa fit écho dans les vallées, et il lui fut répondu :

« C’est moi la terre stable, c’est moi la montagne inébranlable, c’est moi le sable… »

Taaroa demanda ensuite :

« Qui est vers la mer ? »

Et il lui fut répondu :

« C’est moi les rochers de la haute mer, les récifs qui croissent dans la mer, le corail de la mer… »

Taaroa demanda encore :

« Qui est au-dessus ? »

Il lui fut répondu :

« C’est moi le jour éclatant, c’est moi la nue éclatante, c’est moi le ciel éclatant… »

Enfin, Taaroa demanda :

« Qui est au-dessous ? »

Et il lui fut répondu : « C’est moi la caverne (l’enfer), la caverne dans le tronc, la caverne dans la base… »

L’âme de Taaroa resta Dieu : son nom est Teharuru papa, c’est-à-dire le murmure de la base de la terre.

Alors Taaroa vit qu’il n’y avait pas d’homme sur la terre, et en bas il aperçut Tepaparaharaha (déesse à la chevelure flottant sur l’épaule) : elle leva les yeux vers Taaroa et lui sourit. Teapoirai de Taaroa (la partie courbe du ciel) s’étendit vers Tepaparaharaha…

La femme est l’os de l’épaule de Taaroa…

D’eux naquit Oneura (le sable rouge), vint ensuite Onemea (le sable blanc) : ce furent les sables de la terre.

« Étendez-vous, sables rouges ! Étendez vous, sables blancs ! Fleurs du cocotier, épanouissez vous ! Oh ! les gémissements, les cris de douleur de la terre dans le travail de sa création ! Tane-nui-mana-ore, en disposant tout en ordre, arrange le sable pour ma petite pirogue, étends-le pour ma grande pirogue ! Étends, étends, jusqu’à ce que tout soit fini ! Vite, à l’oeuvre ! à l’oeuvre ! À l’oeuvre ! jusqu’à ce que tout soit fini. »

Puis naquit Oro, qui est devenu dieu et demeure au-dessus de la voûte du ciel.

Vint ensuite Tane, vint ensuite Teiri, vint ensuite Tefatu, vint ensuite Moe, vint ensuite Ruanuu, vint ensuite Tu, vint ensuite Toahiti, vint ensuite Tauutu, vint ensuite Temeharo, vint ensuite Punua te Fatutiri, et ce sont les seuls qui naquirent dieux.

Tetumu (la cause, l’origine) étendit Havaï, comme on étend de l’herbe sur le sol.

Puis naquit une femme dont le nom fut Hina tutupo (Hina qui bat l’écorce pendant la nuit) : sa fonction était de battre l’écorce de l’Auté pour la cohorte des dieux.

Taaroa but alors de l’ava et s’enivra. Il appela Pani, qui était son ami. Pani lui dit :

« Ô Tupuaitu, qu’y-a-t-il ? Les feux de Maurai sont éteints ; le coq de Raroata, le chien

d’Arava et le cochon de Fetuna se sont tus. On n’entend plus que le Tutua de Mauoro où Hina tutupo bat l’écorce de l’Auté pour les vêtements des dieux et de Taaroa. »

Mais Taaroa se mit à gronder, et dit à Pani : « Ce Tutua me bourdonne dans les oreilles. » Pani lui répondit :

« C’est Hina qui bat l’écorce de l’Auté. Va la trouver et dis-lui de cesser, qu’elle trouble l’ava du Tupuaitu. »

Pani alla trouver Hina et lui dit de cesser, qu’elle troublait l’ava du Tupuaitu. Hina lui répondit : « Je ne cesserai pas, je bats l’écorce de l’Auté pour les vêtements des dieux, pour Taaroa, pour Oro, pour Tane, pour Teiri, pour Tefatu, pour Moe, pour Ruanuu, pour Tu, pour Toahiti, pour Tauutu, pour Temeharo, pour Punua te Fatutiri. »

Pani revint et fit savoir au Tupuaitu que Hina ne voulait pas cesser. Taaroa ordonna de nouveau à Pani d’aller parler à Hina. Par trois fois, Pani se rendit vers Hina. La colère le gagna parce qu’elle ne voulait pas écouter sa parole. Il la frappa sur la nuque : elle mourut. L’âme de Hina s’envola dans le ciel. Elle reçut le nom de Hina-nui-aia-i-te-marama, c’est-à-dire la grande Hina prenant possession de la lune, et depuis Hina demeura dans la lune.

 

Maui retient le Soleil

 

« Atarea était son père, Huahea sa mère ; ils étaient d’une terre sous le vent, de Toa-reva : il leur naquit Maui, celui qui devint si célèbre à Fareana. Maui prit pour femme Hinahina-toto-io. Le Soleil se levait sur Toa-reva et il ne s’écoulait pas un long temps que déjà il déclinait à l’horizon ; ce qui mettait Maui en colère parce que sa mère était obligée de manger l’ape et le taro crus ; et, à cause de son amour pour elle, il était chagrin de voir ses lèvres enflammées par l’ape et le

taro crus ; le temps manquait pour chauffer le four, tant la course du Soleil était rapide.

Maui chercha alors un moyen de s’emparer du Soleil. Il imagina un piége composé de taura, de mati, de roa, de nape, de ieie, et il y ajouta un cheveu de Hinahina-toto-io.

Au chant du coq, Maui disposa son piége au bord de l’orifice (par où le Soleil sort de terre) : aux premières lueurs du crépuscule, quand on commence à pouvoir distinguer une mouche qui vole, les rayons du Soleil s’engagèrent dans le piége, et, au jour, son cou y fut pris. Les différents liens furent bientôt brisés, seul le cheveu de Hinahina-toto-io arrêta le Soleil et résista à tous ses efforts ;

en vain par cent fois il s’élança vers le ciel, en vain par cent fois il se précipita dans les profondeurs d’où il venait, il ne réussit qu’à se rompre le cou. Alors Maui triomphant apparut et lui dit :

« C’est moi le grand Maui-titii-ataraa. »

Le Soleil l’implora humblement et lui dit :

« Ô Maui ! délivre-moi !

_ Je ne te délivrerai pas, je te retiens pour le mal que tu as causé à ma mère en la forçant à manger son ape cru. Si tu avais marché comme il convient, je te délivrerais. » Le Soleil lui répondit :

« Si je meurs, le monde ne s’en trouvera pas mieux ; il n’y aura plus de lumière, tout restera dans l’obscurité, et la nourriture de ta mère n’en sera pas plus cuite. »

Maui lui dit :

« Si je te délivre, ne me tromperas-tu pas ? »

Le Soleil lui répondit :

« Non, je ne te tromperai pas.

_ Le four de ma mère aura-t-il le temps d’être chauffé ?

_ Oui, le four de ta mère sera chauffé, et même jusqu’à trois fois par jour. »

Maui lui dit alors : « Tu es libre » ; et le détacha. Depuis, le Soleil

parcourut majestueusement sa carrière sur Toa-reva, et on put préparer le peretia, cueillir les fruits, leur enlever l’écorce et même se surcharger de nourriture avant que le Soleil ne descendît dans la mer.

 

 

Mythe diluvien

 

Deux hommes étaient allés au large pêcher à la ligne :

Roo était le nom de l’un, Teahoroa celui de l’autre. Ils jetèrent leur hameçon dans la mer, et l’hameçon se prit dans les cheveux du dieu Ruahatou. Ils se dirent alors : « Un poisson ! » et ils tirèrent la ligne ; mais ils virent apparaître un être à face humaine, accroché par les cheveux.

À l’aspect du dieu, ils bondirent à l’autre bord de la pirogue et restèrent comme morts de frayeur. Ruahatou leur demanda : « Qu’est ceci ? »

Les deux pêcheurs répondirent :

« Nous sommes venus ici pour pêcher du poisson et nous ne savions pas que tu te prendrais à notre hameçon. »

Le dieu leur dit alors :

« Dégagez mes cheveux »

Et ils les dégagèrent. Puis Ruahatou leur demanda :

« Quels sont vos noms ? » Ils répondirent : « Roo et Teahoroa. »

Ruahatou leur dit ensuite :

« Retournez au rivage, et dites aux hommes que la terre sera couverte par la mer et que tout le monde périra. Vous, demain matin, rendez-vous sur l’îlot nommé Toa Marama : ce sera un lieu de salut pour vous et pour vos enfants. »

Ruahatou fit monter la mer au-dessus des terres. Toutes furent couvertes, et tous les hommes périrent excepté Roc, Teahoroa et leurs familles.

Cosmogonie et genèse tahitienne
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article