Mani a imposé aux Auditeurs dix commandements : abandonner l'adoration des idoles, ne pas mentir, rejeter l'avarice, s'interdire de tuer, ne pas commettre d'adultère, ne pas voler, ne pas recourir à la science des causes, rejeter la magie, ne pas faire preuve de duplicité, ce qui est le Scandale de la religion, éviter le laisser-aller et les négligences dans sa tâche.
Le Manichéisme, religion perse, fut jadis une religion puissante, prospère et très largement diffusée. On retrouve sa trace des rivages de l'Atlantique et de la Méditerranéenne à ceux de la mer de Chine. Plus de mille ans durant, elle s'est diffusée à travers l'Asie et trouva en Inde, et surtout en Chine, des terres d'adoption.
Dans La Nationalité bulgare d'après les chants populaires, Dora d'Istria revient sur l'hérésie bogomile et sur son origine manichéenne. Elle attribue la naissance de cette doctrine perse à la confrontation intellectuelle du christianisme et du zoroastrisme :
« Parmi les nations aryennes, les Perses avaient été une de celles où le christianisme fut accueilli avec le moins de bienveillance. Loin de l’adopter avec empressement comme les Arméniens, les disciples de Zoroastre restèrent fidèles à un système religieux qui avait élevé la monarchie des Achéménides à un haut degré de puissance. Le dualisme avait de telles racines dans l’imagination de la Perse que les sujets du grand-roi qui se décidèrent à embrasser l’Évangile, encouragés par les emprunts que les écrivains les plus orthodoxes firent à la philosophie des mages, ne tardèrent point à essayer de concilier les conceptions chrétiennes avec celles du Zend-Avesta. Le plus célèbre de ces docteurs est le Perse Manès, qui obtint la protection des deux Arsacides Shahpur Ier et Hormuz Ier, et dont les douze disciples propagèrent les révélations en Asie, en Égypte et en Europe. »
La secte de Mani ne connut cependant pas le même succès que celle de Jésus :
« La faveur de la cour persane se changea en persécution sous Behram Ier, par les ordres duquel Manès fut écorché vif […] mais son école, fière du martyre de son chef, ne périt pas avec lui, et elle eut des partisans tels que saint Augustin, qui après sa conversion se servit des lettres de saint Paul pour faire dominer parmi les Latins un fatalisme conforme aux idées de ses anciens maîtres. L’intolérance, dont l’évêque d’Hippone fut parmi les chrétiens le premier défenseur, était trop conforme aux vues du gouvernement impérial pour que les césars eussent la moindre répugnance à l’adopter. Aussi les empereurs tournèrent-ils contre les manichéens les armes qu’ils avaient émoussées sur les chrétiens de la primitive église. [...] Banni des écoles publiques, le manichéisme se maintint dans les sociétés secrètes, et, malgré les décrets de l’imperator latin et de l’autocrate de Byzance, se propagea en Orient et en Occident. » D. d'Istria, ibid.
Né de père partisan du monothéisme abrahamique et d'une mère Parthe, Mani, dont le nom veut dire « l’éternel », est un prédicateur perse né à Ctésyphon en 216 apr. J.C (Parthe babylonienne, actuel Irak), et mort en 272 en Perse. Son enseignement, qui est une gnose mais non une révélation, repose sur une stricte opposition en
tre les forces du mal et les forces du bien, qui mènent un combat éternel l'un contre l'autre. Mani a rédigé et illustré lui-même ses traités théologiques, et l'on peut y déceler un nombre incalculable d'inspirations issues de toutes les religions préexistantes.
Comme Zarathoustra et Bouddha, Mani connut des Illuminations, à 12 ans et à 24 ans, suite auxquelles il quitta sa communauté et commença à errer sur le chemin en prêchant sa doctrine. Ses premiers voyages il les effectua cependant avec sa communauté de naissance, une sorte de secte judéo-chrétienne, nommée les elkasaïtes. Il voyagea avec eux en Inde du nord, afin d'y porter la bonne parole. Mani serait alors allé jusqu'au pays dravidien, pour se rendre sur la tombe de l'évangélisateur de l'Inde, Saint Thomas, située aux alentours de ce qui deviendra Madras.
De retour en Perse, après avoir connu un fort succès grâce à sa sagesse et à son charisme, il hérita de la confiance et de l'intérêt des puissants. Mani finit pourtant sa vie comme la figure centrale de sa propre doctrine : Jésus. Mani est donc mort en public, devant les portes de la ville, torturé, écorché, planté d'épines, avant d'être crucifié.
S'il faut en croire Eznik de Kolb, qui vécut quelques siècles seulement après à la mort de Mani : « ayant été accusé de séduction envers de jeunes filles, il fut privé de la vie par une mort cruelle, il fut écorché » (Réfutation des différentes sectes des païens).
Le manichéisme est ce que l'on peut appeler une religion syncrétique. Comme pour le jaïnisme, les adeptes du manichéisme sont divisés en deux catégories ; les prêtres, « les élus », dont la vie est exemplaire et qui se réincarneront à côté de Dieu dans leur prochaine vie, et les auditeurs, ou « catéchumènes », caste qui leur est inférieure et à qui moins de règles s'imposent et qui, au contact des prêtres, se préparent à s'incarner à leur tour en « élus ». Comme pour le mazdéisme, le manichéisme repose sur le combat entre le Bien et le Mal. Comme pour le védisme, les rituels de purification ont une importance centrale dans ce culte. Enfin, comme pour l'hindouisme, le manichéisme insiste sur la transmigration des âmes, la réincarnation. L'enfer est d'ailleurs considéré, comme chez les bouddhistes, comme étant les multiples passages sur terre, tous voués à la frustration, à la déception et à la mort.
Le concept principal du manichéisme est celui de l'anamnèse : Dieu est Lumière, et une parcelle de cette lumière jaillit depuis chacune de ses créations. Ainsi, l'âme est divine, de même que le divin s'incarne dans chaque existence temporelle.
Si l'âme est nécessairement divine, contrairement aux autres monothéismes, qui font de l'âme du croyant un perpétuel objet de commerce entre le bien et le mal, le paradis et l'enfer, le manichéisme considère la réalité comme l’œuvre temporelle du mal, dans laquelle la moindre étincelle divine est donc vouée à disparaître. La doctrine manichéenne s'inspire largement du mazdéisme ; sur terre, monde réel et temporel, les forces du Mal triomphent des parcelles de lumière. Ces parcelles de lumière s'éteignent, pour mieux se rallumer ensuite, à la suite de la transmigration des âmes. La vie, pour les manichéens, est donc considérée comme une étincelle divine prisonnière dans une dimension où règnent le mal et la mort. Si la vie existe sur terre, c'est que Dieu, égoïstement, voulut que s'incarne dans les ténèbres une étincelle de sa lumière. Ainsi, même dans l'obscurité, rayonne un peu de sa lumière, même si elle n'est pas suffisante pour combattre l'obscurité. Cette idée rappelle bien sûr le Yin et le Yang des cultures chinoises.
En rupture avec le zoroastrisme, mais en adéquation avec les sectes ascétiques indiennes (bouddhisme, jaïnisme, naga, sadhus, etc.), Mani prône le célibat, l'abstinence, la frugalité, et récuse les plaisirs, le confort et tout ce qui pourrait pérenniser ou donner à l'existence physique une quelconque importance. La vie est vue comme une participation plus ou moins active et consentante à l’œuvre du mal. La libido est donc considérée comme maléfique, car elle pousse le divin à s'incarner de corps en corps, d'existence temporelle en existence temporelle. Lors de l'Apocalypse, à laquelle croient les manichéens, Dieu détruira toute forme d'existence matérielle pour rétablir un royaume infini, intemporel et omniscient, où l'humanité ne serait plus soumise au samsara, donc aux forces du mal.
Tout comme les maîtres spirituels jaïns, le clergé manichéen prononce donc des vœux très restrictifs : c'est le sceau de la bouche (interdit alimentaire), le sceau de la main (refus de posséder, de cultiver, de tuer) et le sceau du sein (continence, abstinence sexuelle). Ces interdits ascétiques étaient respectés par l'élite de la communauté, le clergé, appelé « les élus », ou les « parfaits ». Ce clergé avait par ailleurs un devoir de prosélytisme. Les prêtres manichéens étaient donc présents à travers le monde pour prêcher la parole de leur prophète.
L'autre classe de la communauté manichéenne était constituée des « auditeurs », les « catéchumènes ». Ces derniers sont soumis à un code pratique et de morale moins sévère que celui des « élus ». Ils doivent pratiquer l’aumône, notamment en offrant des repas aux élus incapables de se nourrir sans enfreindre leur second vœu (pouvant se comprendre comme un refus de travailler). Le jeûne cyclique et régulier était pour eux obligatoire, ainsi qu'une confession par semaine. Toutes règles et coutumes se retrouvent exactement dans le jaïnisme, religion que Mani dût étudier lors de son voyage en Inde.
Après la mort de leur prophète, les manichéens subirent des persécutions, ce qui poussa des colons à s'installer en Europe, en Afrique du Nord et en Inde. D'abord présent dans la vallée de l'Indus, grâce au commerce en plein essor de la route de la soie, le manichéisme va devenir la religion principale des peuples indo-aryens de la vallée du Tarim.
Deux siècles après la mort de Mani, la gnose manichéenne se syncrétise au bouddhisme mahayana. Mani devient le Maitreya, et dans les textes, ses adeptes le nomment Bouddha, ou « Bouddha-Jésus ».
Au 8e siècle, le manichéisme a rejoint les côtes de la Mer de Chine où il s'épanouit chez les castes supérieures. Alors que s’érigent au Yunan des temples tamouls dédiés à Shiva, le littoral chinois subit l'influence à la fois religieuse et politique du manichéisme.
Durant la première moitié du premier millénaire, le manichéisme devient la religion des peuples d'Asie centrale, tels les peuples indo-européens du bassin du Tarim, mais aussi les Mongols et certains peuples chinois et turcs (dont les Ouïghours). Pour les Chinois qui suivent sa doctrine, il est la réincarnation de Lao-Tseu, pour les bouddhistes, il est apparenté au Bouddha de Lumière.
Au 9e siècle, les Ouïgours, un peuple de nomades guerriers turcophones, se convertissent au manichéisme, mais suite à leur défaite face aux Kirghizes et aux musulmans, incapables de défendre l'empire chinois des invasions guerrières et culturelles venues de l'ouest, le manichéisme sera violemment banni de Chine, de même que le bouddhisme, l'islam, le catholicisme et toutes autres religions étrangères (tengrisme).
Après avoir connu un véritable essor, s'être diffusé à travers l’Eurasie et avoir séduit de nombreuses élites berbères, arabes, chrétiennes, chinoises et mongoles, le manichéisme fut sévèrement persécuté, tant en Europe, comme hérésie, qu'en Perse et en Chine.
Autour de l'an 1000 ce culte n’est plus suivi qu'en Mongolie. Au 14e siècle, il disparaît tout à fait d'Asie Centrale. Jusqu'au début du 20e siècle, le manichéisme fut encore pratiqué par des petites communautés dans les principales villes du nord-ouest de l'Inde. Il était alors fortement influencé par l'hindouisme et le bouddhisme : Shiva, Brahma, Vishnou, Ganesh mais aussi Maitreya étaient adorés sous forme d'idoles. Dans les années 1950, le dernier temple manichéen ferme à Bombay, scellant ainsi la disparition de la secte manichéenne en Inde et au Pakistan.
De nos jours, il n'existe plus que quelques très rares communautés chinoises et tibétaines qui se réclament encore de l'enseignement de Mani, dont un unique lieu qui s'en revendique ouvertement. Situé dans le Fujian, sur la côte sud de la Mer de Chine, il s'agit du temple de Cao'an, où se trouve une statue datant du 14e siècle et représentant Mani assis en tailleur, dans une attitude similaire à la représentation habituelle du Bouddha. En face du temple, sur un rocher, jadis détruit par la révolution culturelle communiste maoïste, mais restauré depuis, on peut lire en sinogrammes « Pureté, Lumière, Force et Sagesse, et Mani. »
Il n'existe aucune source directe du manichéisme, et même l'Évangile de Mani fut perdu. À force d'autodafé, l’Église et l'Islam ont fait disparaître tout au long du Moyen-Âge toute trace de ce culte. Il demeure cependant des traces indirectes, dans les annales de l'Inquisition en Europe, dans des documents diplomatiques en Chine (parchemins de Turpan), mais aussi dans divers traités théologiques appartenant à des religions qui considéraient le courant manichéen comme une hérésie (Saint Augustin).
En 1930 furent découverts en Égypte plusieurs textes en copte provenant de la bibliothèque d’une communauté manichéenne, dont un psautier, un des seuls indices qui nous soit parvenu et qui puisse témoigner sans filtre de la tradition manichéenne. Outre ce recueil de psaumes, accompagné de quelques prières et sermons disparates et incomplets, a été retrouvée une Vie de Mani (Mani Codex de Cologne). Mais celle-ci ne contient que quelques feuilles.
Le manichéisme influencera largement les hérésies européennes du premier millénaire, telles que les doctrines dualistes de Nestorius, Bogomile, Constantin de Manalis et Paul l'Arménien ; tous redevables, à des degrés divers, de la doctrine perse de la toute-puissance du démon sur terre, associée à la toute-puissance de Dieu au ciel.
Par ailleurs, les esséniens modernes, comme tout gnostique, paient un large tribut au mazdéisme. La doctrine essénienne lui emprunte en effet sa hiérarchie céleste (anges), et comme lui, personnifie des concepts afin de les rendre plus accessibles (l'ange de la générosité, l'ange de la haine, l'ange de la force, …)
L'influence réelle du manichéisme et du zoroastrisme sur les hérésies européennes demeure un sujet mystérieux. Dans son Histoire des Cathares (1999), Michel Roquebert, l'un des plus grands spécialistes français de la culture occitane et plus particulièrement de l'hérésie cathare, n'évoque même pas l'influence orientale (sur les 500 pages que compte son ouvrage). Pour lui, les Cathares sont chrétiens, et leur doctrine doit donc se comprendre comme telle. Pourtant, nombreux sont les articles universitaires et les thèses qui mettent en avant, et sans ombrage, d'évidentes similitudes entre les hérésies européennes et le manichéisme. Ainsi, dans Mani et la tradition manichéenne (1974), François Decret, historien spécialiste de l'Afrique du nord ancienne, consacre tout un chapitre de son petit opus à l'influence médiévale européenne du manichéisme.
Relier avec certitude le manichéisme aux hérésies n'est pas tâche facile, car les vestiges sur lesquels ils peuvent travailler sont rares. Une fois par siècle, il se peut qu'un berger retrouve des parchemins dans une grotte, mais cela change peu la donne. Par exemple, s'il fallait réunir ce que nous possédons aujourd'hui des écrits manichéens, ce recueil ne contiendrait pas plus de quelques dizaines de pages d'un livre de poche... Quant à l'Avesta, le livre sacré des zoroastriens, il ne représente en nombre de mots qu'une infime partie de la Bible, du Coran, du Rig-Veda ou du Canon pali. S'il ne reste de l'enseignement de Mani que quelques parchemins en très mauvais état, et du Zoroastre qu'une poignée de gathas authentiques, comment espérer qu'il en soit autrement avec le catharisme et le bogomilisme ?
Les livres des hérétiques furent brûlés par les hommes du pape, ceux des disciples de Zarathoustra brûlèrent de même, dans des bûchers dressés par ceux qui se réclamaient de Mohammed. Que nous reste-il donc de ces courants religieux dissidents ? Des légendes, des clichés et beaucoup de fantasmes. Le catharisme est d'ailleurs un néologisme récent, utilisé surtout dans le milieu du tourisme occitan.
Ce qui est certain, c'est que les hérétiques, quelle que soit la secte à laquelle ils appartenaient, reconnaissaient le Christ comme unique sauveur. Ils ne mentionnent pas le nom de Mani et ceux qui écrivirent sur eux, ne mentionnèrent le Perse que rarement. Pas plus que Mani, Zarathoustra n'est pas non plus cité dans les doctrines hérétiques.
Cela n'est cependant pas révélateur, car le moine bulgare Bogomile (v. 950) n'est pas non plus reconnu par les hérétiques occitans, or ce dernier est unanimement reconnu comme étant l'influence majeure du catharisme occitan. En somme, ce n'est pas parce qu'une source d'inspiration n'est pas explicitement nommée, qu'elle n'est pas effectivement présente.
Les hérésies apparurent d'abord en Europe orientale au 10e siècle, puis elles se déplacèrent en quelques décennies vers les Balkans et enfin le sud de la France. Les hérésies ne sont donc pas des résurgences du paganisme celto-germain, mais bien des sectes indépendantes, s'inspirant les unes des autres, et dont l'origine commune se trouve en Anatolie, donc en Grande Perse. Les influences des deux prophètes perses apparaissent donc comme évidentes lorsque l'on se penche sur le contenu des doctrines dissidentes européennes. Mani lui-même était un disciple du Christ, même si l’ensemble de sa doctrine s'inspirait largement des préceptes enseignés par Zarathoustra.
Pour résumer en quelques points ces possibles influences perses, intéressons-nous à un texte contemporain des croisades contre les Albigeois. Le moine Pierre de Vaulx-Cernay (1212 - 1248), alors en fonction dans le nord de la France, avait rejoint son oncle près d'Orange, afin de faire la chronique des investigations puis des combats contre les hérétiques. Son Histoire de l'hérésie des Albigeois, dont nous utilisons la traduction par F. Guizot, est donc un témoignage direct inestimable. Or, que dit Pierre de Vaulx-Cernay ?
"Premièrement, il faut savoir que ces hérétiques établissaient deux créateurs, l'un des choses invisibles, qu'ils appelaient le Dieu bénin, l'autre des visibles, qu'ils appelaient le Dieu malin, attribuant au premier le Nouveau-Testament, et l'Ancien au second ; lequel Ancien-Testament ils rejetaient en son entier, hormis certains textes transportés de celui-ci dans le Nouveau, et que, par révérence pour ce dernier, ils trouvaient bon d'admettre. L'auteur de l'Ancien-Testament, ils le traitaient de menteur, pour autant qu'il est dit en la Genèse : « en quelque jour que vous mangiez de l'arbre de la science du bien et du mal, vous mourrez de mort » et, ainsi qu'ils disaient, pour ce qu'en ayant mangé ils ne moururent pas [...]. Ce même auteur, ils l'appelaient aussi meurtrier, tant pour ce qu'il a brûlé les habitants de Sodome et Gomorrhe, et effacé le monde sous les eaux diluviennes, que pour avoir submergé Pharaon et les Égyptiens dans les flots de la mer."
Le catharisme est donc un dualisme, plus proche dans son essence du zoroastrisme et du manichéisme que du judaïsme ou du christianisme. Pour les deux premières doctrines, le mal possède un empire, composé de la Terre et de la matérialité des créations célestes. Ahriman, « l'Esprit malin » possède aussi un réel pouvoir. S'il ne peut pas créer (seul le peut Ahura-Mazda), il peut en revanche corrompre. De fait, à chaque création d'amour et de joie, correspond une souffrance, un vice ou un mensonge.
Le diable est tout autre dans les doctrines abrahamiques : il est un ange déchu, il vit en enfer dans l'humiliation. Son pouvoir, sans le concours des hommes, est très limité, même circonscrit au domaine infernal.
En somme, si toutes ces religions ne considèrent qu'un seul créateur, nommé Ahura-Mazda ou Yahvé, les religions perses lui attribuent un double maléfique, doté d'un pouvoir qui s'exprime indépendamment du concours qu'il reçoit des hommes, de leurs vices et de leurs faiblesses.
Malgré des termes vagues et des hésitations, le témoignage de Pierre de Vaulx-Cernay correspond parfaitement à la doctrine classique du mazdéisme :
Il se trouvait d'autres hérétiques qui reconnaissaient un seul créateur ; mais ils allaient de là à soutenir qu'il a eu deux enfants, l'un Christ et diable l'autre.
Le couple Christ-Diable est une version christianisée du couple Ahura-Mazda / Ahriman, qui sont les deux fils de Zurvan. Zurvan est le dieu primordial. Passive incarnation du temps, il n'est pas le créateur de la vie et de l'Univers, mais seulement de titans et de deux fils divins : Ahriman, le premier né, vilain, malsain, et Ahura-Mazda, lumineux, solaire, créateur de tout ce qui existe. Si Zurvan rejettera son premier fils dans les domaines les plus bas de l'existence, il fit du second le roi de l'Univers, le dieu-Ciel.
Par ailleurs, on sait que le manichéisme prônait l'abstinence alimentaire. Cette pratique, qui n'est ni juive ni zoroastrienne, fut probablement adoptée par Mani à la suite de son voyage en Inde. Il existe bien sûr une tradition du jeûne dans les religions du Livre, mais elle n'est pas comparable avec la ferveur végétarienne du jaïnisme, de l'hindouisme, du bouddhisme, ainsi que de l’orphisme et du pythagorisme en Europe.
Pour ce qui est du bon Christ, selon leur dire, il ne mangea jamais, ni ne but, ni se reput de véritable chair, et ne fut jamais en ce monde.
C'est pour les hérétiques « commettre péché mortel » que de manger « chair, œufs ou fromage. »
Le refus de manger ce qui avait été tué ou exploité incitait le clergé cathare à suivre un strict régime alimentaire. Celui-ci n'était donc pas inspiré par un refus strict de la vie elle-même, ou de ses plaisirs. C'est peut-être ce qui semblait le plus paradoxal pour les catholiques : les Cathares considéraient la terre et la chair comme appartenant au diable, mais ne considéraient pas la sexualité et le plaisir comme des péchés :
Je ne crois pas devoir taire qu'aussi certains hérétiques prétendaient que nul ne pouvait pécher depuis l'ombilic et plus bas.
L'Avesta comporte d'ailleurs des messages de Zarathoustra encourageant les hommes à vivre et à jouir, à la seule condition que ces pratiques appartiennent au domaine de « la pensée juste, de l'acte juste et de la parole juste » (notons que ces mêmes termes se retrouvent à l'identique dans le jaïnisme ou bouddhisme).
En outre, tout comme les spiritualités indiennes, mais à l'inverse du monothéisme abrahamique, les Cathares croient à la réincarnation. La doctrine cathare est identique en cela à celle du jaïnisme, qui enseigne qu'il est nécessaire de s'incarner un certain nombre de fois sur Terre afin de pouvoir ensuite s'incarner au ciel avant de retomber sur Terre pour quelques incarnations. L'âme s’incarne ensuite en enfer pour se purifier, avant de revenir vivre une nouvelle série d'incarnations terrestres, annonciatrices d'une nouvelle existence céleste, etc.
Le manichéisme était organisé selon une division stricte de la communauté des croyants. De la même manière que dans le jaïnisme, il existait un clergé qui vivait dans la privation et avait pour principale occupation le voyage, le prêche et l'évangélisation, et des « laïcs », qui avaient bien moins de règles à suivre. Pierre de Vaulx-Cernay témoigne que la société religieuse cathare ne fonctionnait pas différemment :
Il faut savoir en outre que certains entre les hérétiques étaient dits parfaits ou bons, et d'autres croyants. Les parfaits portaient vêtements noirs, se disaient faussement observateurs de chasteté, détestaient l'usage des viandes, œufs et fromage, et affectaient de paraître ne pas mentir, tandis qu'ils mentaient tout d'une suite et de toutes leurs forces en discourant de Dieu. Ils disaient encore qu'il n'était raison aucune pour laquelle ils dussent jurer. Étaient appelés croyants ceux qui, vivant dans le siècle, et bien qu'ils ne cherchassent à imiter les parfaits, espéraient, ce néanmoins, qu'ils seraient sauvés en la foi de ceux-ci.
Enfin, on retrouve chez Vaulx-Cernay des coutumes perses, telles que la polygamie ou l'inceste :
Ils disaient qu'on ne pèche davantage en dormant avec sa mère ou sa sœur qu'avec toute autre femme quelconque.
De telles coutumes remontent au temps de Zarathoustra, alors que les princes, sous certaines conditions, pouvaient épouser leur sœur. Depuis la plus haute antiquité, un tel incestueuse était parfois pratiqué, parfois interdit. On en trouve aussi la trace dans l'Ancien Testament, dans les Codes mésopotamiens, tout comme dans les chroniques des pharaons et de l'Empire romain.
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Meditation Mantra/Prayer - Zarathushtra Gita
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