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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

Deux saints bretons : Théleau et Édern

Durant la première moitié du premier millénaire de notre ère, Cernunnos incarna les dernières résistances culturelles des Celtes, devenant le dieu tutélaire de ceux qui ne voulaient pas adopter la doctrine des envahisseurs germains ou romains.

Assimilé au diable des traditions abrahamiques, le Cornu fut pourfendu par le clergé. De divinité généreuse et chthonienne, Cernunnos devint en quelques générations le diable cornu que l'on connaît aujourd’hui. La référence au cerf, donc à l'immortalité de ses bois, fut remplacée par une tête de bouc, un animal sacrificiel voué à l'immolation. Ceux qui s’adonnaient encore à son culte furent qualifiés de sorciers et sorcières.

Suite à la christianisation de la Gaule, des divinités celtes furent incorporées à la mythologie judéo-catholique, comme si les Bretons avaient souhaité introduire dans leur nouveau culte des références autochtones. Il existe ainsi de très nombreuses légendes de saints non reconnues par l'Église romaine, ni documentées, et dont l'origine pourrait être païenne.

Mentionnons à propos Saint Théleau et Saint Édern. Leurs légendes les présentent comme originaires des îles britanniques, mais rien ne nous le certifie. Rien ne nous prouve non plus que ces personnages soient historiques et pas simplement mythologiques.

Saint Théleau (485 - 560) est né gallois. Fuyant la peste qui dévastait son pays, il s'installe de l'autre côté de la Manche, près de Dol. Il demeura sept ans en Bretagne, fonda un monastère, puis repartit au Pays de Galles pour y fonder un autre monastère. Dans ce dernier lieu, reposent ses restes, devenus reliques. Le crâne de Saint Théleau est encore utilisé de nos jours lors des cérémonies qui le lient à une fontaine de guérison. L'utilisation d'un crâne pour recevoir les offrandes et boire est une pratique courante des sadhus indiens shivaïtes, en particulier ceux des traditions nagas, naths et aghoris.

« Un souffle nouveau a passé sur la société chrétienne quand les pratiques de l'ascétisme solitaire ou en commun ont commencé à être connues et à se répandre. La vie solitaire, à l'écart de ses semblables, a été pratiquée par d'autres doctrines religieuses que le christianisme. Elle a même été préconisée par plus d'un philosophe. Elle répond à un besoin de certaines natures qui sentent qu'on ne peut arriver à une pleine connaissance de soi-même qu'en s'isolant. Elle satisfait aussi chez d'autres des instincts de misanthropie, au sens pathologique du terme. Le goût, le besoin de la solitude conduit nécessairement à l'ascèse, le solitaire se trouvant obligé de réduire ses besoins vitaux au minimum. L'ascèse peut aussi avoir sa source dans la richesse même. Les sujétions qu'elle entraîne peuvent être ressenties soudain comme un fardeau pesant qu'on rejette d'un coup. L'ascèse ne peut, en pratique, se produire que dans la solitude. Ascétisme et monachisme sont donc, en fait, inséparables. » F. Lot, La Gaule.

Saint Édern est un autre saint gallois, que certaines légendes présentent comme un membre de la cour du roi Arthur. Comme Saint Théleau, il est aussi représenté chevauchant un cerf.

Comme Arawen, c'est un homme des bois qui vit et chevauche durant la nuit. D'origine guerrière (kshatriya en sanskrit), il entre dans les ordres à la suite d'une révélation (Moksha en sanskrit). Après avoir déjà fondé deux ermitages (terme que l'on traduirait par ashram en sanskrit), il se serait installé en Bretagne vers 894. Il y aurait bâti la paroisse de Plouédern, près de Quimper, ainsi que l'ermitage de Lannédern (Édern).

Il y recueillit un cerf traqué par des chasseurs, qui devint son meilleur ami. L’animal s'était réfugié sous sa robe, à la manière des animaux attirés par une force irrésistible vers le Pashupati de la vallée de l'Indus ou vers le Cernunnos du Chaudron de Gundestrup.

C'est donc vers Saint Édern que les vaches, les cerfs mais aussi les hommes se tournent pour échapper à la mort du corps, dans un espoir de connaître l'immortalité de l'âme, le bonheur « sans commencement ni fin. »

En bon ascète, Saint Édern vivait donc seul et ne possédait qu'une cabane et une vache. Sa légende le montre très inspiré par Dieu, et sa seule présence suffit à évangéliser la population alentour. Une légende raconte que la vache de Saint Édern s'en était allée paître sur les terres du châtelain voisin. Celui-ci, jaloux et méchant, avait ordonné que soient lâchés les chiens sur la pauvre bête égarée. Saint Édern aurait alors rendu la vie à la bête. Depuis, là où la vache de Saint Édern paissait, l'herbe était plus verte et la terre plus fertile.

Un tel mythe rappelle les vertus que les Aryens attribuent à l'urine de vache. De nos jours encore, l'urine de vache est considérée par certains hindous comme contenant d'infimes particules d'or. Produite par le plus sacré des animaux, l'urine de vache est préconisée pour de nombreux remèdes ayurvédiques.

La légende de Saint Édern nous le présente en conflit avec sa sœur Jenovefa (forme archaïque de Geneviève ou Jennifer). Édern et Jenovefa voulaient bâtir pour chacun d'eux une église et former autour d'elle une paroisse. Pour décider du territoire qui délimiterait les paroisses de chacune des églises, il fut convenu qu'il reviendrait à Saint Édern tout le domaine qu'il pourrait parcourir en une nuit.

Par chance, Saint Édern rencontra cette nuit-là un cerf, qui lui permit de monter sur son dos et ensemble ils parcoururent une grande distance jusqu’au lever du jour. Sa sœur, voyant qu'il avait déjà parcouru tant de distance et que la nuit était encore loin d'être terminée, empoigna un coq par le cou et plongea la volaille dans l'eau. Celle-ci commença alors à chanter, et mis donc fin à la course nocturne de son frère.

Saint Édern fut mauvais perdant. Constatant que sa sœur avait triché, il la maudit. Celle-ci le maudit en retour. C'est ainsi que l'église d'Édern n'eut jamais de haut clocher, tandis que celle de Loqueffret aurait des cloches fêlées. La brouille entre les deux fut en tout cas définitive, ce qui permit à Saint Édern de s'éloigner de sa sœur et de ne pas rompre son vœu d'ermite. Saint Édern serait alors retourné au Pays de Galles et y aurait fondé un dernier ermitage en Cumbrie.

Une telle coutume rappelle l'ashvaméda des Aryens, « le grand sacrifice royal du cheval ». Il permettait à un roi de délimiter son royaume en y laissant un cheval s'y promener. Ce sacrifice durait une année complète.

Mentionnons aussi la méthode de divination par l'errance du cheval royal, pratique que Tacite rencontra en Germanie :

Un usage qui est particulier aux Germains, c’est de demander même aux chevaux des présages et des révélations. L’État nourrit, dans les bocages et les forêts, des chevaux blancs que n’avilit jamais aucun travail profane. On les attelle au char sacré, et le prêtre, avec le roi ou le chef de la cité, les accompagne en observant leurs hennissements et le bruit de leurs naseaux. Il n’est pas d’augure plus décisif, non seulement pour le peuple, mais pour les grands, mais pour les prêtres, qui croient que ces animaux sont les confidents des dieux, dont eux ne sont que les ministres.

Les Germains, 9.

Consacrée à Saint Édern, l'église de Lannédern est dotée d'un ossuaire comportant des masques macabres. Ces masques sont rares dans l'art chrétien, pour qui la représentation du diable est taboue. Ils relient sans équivoque le mythe de Saint Édern à celui d'Arawen, le chevalier des enfers, maître des mondes souterrains, lui aussi avatar de Cernunnos. Dans l'imagerie païenne, les figures effrayantes ou violentes ne sont pas malines ou méchantes, mais symbolisent plutôt des concepts violents, comme la mort, la vie, la copulation et la violence des éléments (pluie, eau, source, étoiles, soleil, feu, etc.). Il n'est donc pas étonnant de trouver Saint Édern, figure généreuse et douce, entouré de symboles macabres.

 

Pour aller plus loin et continuer d'explorer la spiritualité bretonne et celtique :

Deux saints bretons : Théleau et Édern
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