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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

La décadence d'ALEXANDRIE d'Égypte

L'installation de la population de la ville fut aussi pensée et intelligente que le reste du projet alexandrin.

« Les Ptolémées n'usèrent pas de leur autorité pour rendre semblables les Égyptiens et les Hellènes. Mais bien qu'elle gardât extérieurement les formes de gouvernement datant des anciens pharaons, la nouvelle dynastie hellénisa le pays. Comment était-il possible de faire coexister l'esprit hellénique et le despotisme oriental ? L'hellénisme s'implanta à Alexandrie et dans deux autres villes, l'une près de Thèbes et l'autre dans le territoire de Fayoum. La culture hellénique put s'y épanouir librement, tandis que la population campagnarde des environs conservait ses traits orientaux. Trois ou quatre villes ne semblent pas un nombre suffisant pour helléniser un pays. Mais les Ptolémées firent avancer le processus d'hellénisation en nommant des Grecs à toutes les fonctions un peu importantes dans l'administration centrale et locale, et en confiant la direction de l'armée à des Grecs et des Macédoniens. Ce qui mit les Hellènes le plus étroitement en contact avec la population égyptienne fut la création par les Ptolémées de colonies agricoles pour les soldats grecs et macédoniens. À longue échéance, cette mesure rendait le mélange des races inévitables, envers et contre tout. » C. Grimberg, Histoire universelle.

Cependant :

« Le transfert d'Athènes à Alexandrie d'une culture grecque artificiellement importée, qui fut la grande ambition des deux premiers Ptolémées, n'intéressa guère que les intellectuels également importés qui s'y vouèrent et les milieux de courtisans et d'universitaires pour lesquels des poètes-philologues cultivaient, en criant beaucoup, la jachère frustre du Musée, bientôt aménagée en parterres aimables, massifs fleuris, riantes plates-bandes... » A. Bonnard, Civilisation grecque.

Plusieurs siècles après sa fondation, le rêve alexandrin semble en effet avoir fait place à un cauchemar d'urbanisme, où se déversent alors toutes les lubies et tous les paradoxes de l'Orient. Plotin, que nous avons déjà mentionné comme visiteur assidu du « Musée », ne trouve d'ailleurs dans la ville aucun maître spirituel capable de lui enseigner ce qu'il a lu dans les ouvrages proposés à la bibliothèque. Cette fameuse bibliothèque d'Alexandrie, nous savons pourtant qu'elle détenait une copie de l'Avesta et même quelques Upanishads. Pourtant, pour parfaire sa connaissance des doctrines perses et indiennes, Plotin devra suivre l'armée romaine en Anatolie, espérant ainsi rencontrer des zoroastriens.

Il ne se trouve donc à Allexandrie aucun mage de Zoroastre ni aucun gymnosophiste capable d'enseigner à Plotin les sagesses de l'Inde et de la Perse. Il n'y a plus de mage, mais des sectateurs schismatiques, des entremetteurs, des émigrés enrichis par le commerce ; en grande partie des parvenus. On y trouve aussi des fils de bonnes familles venus étudier les mathématiques et la philosophie depuis l'Arabie, l'Anatolie ou la Grande Grèce, mais nul poète, nul véritable maître spirituel, n'y célèbre plus un culte authentiquement égyptien. Reste le judaïsme et le christianisme, importés par des commerçants. Ou encore la religion de Sérapis, ce dieu qui n'en est pas un et qui fut de toute pièce créé par Ptolémée quatre siècles plus tôt pour les besoins de la propagande hellénique et dont le culte était subventionné par des fonds publics.

Un siècle avant que Plotin ne rejoigne Alexandrie en quête de sagesse et ne la quitte pour la même raison, l'empereur romain Hadrien (76 – 138) visite la ville. Sa lettre au consul Servianus, rapportée par le biographe Vopiscus, est sans équivoque : Alexandrie est tout aussi décadente que pouvaient l'être Rome ou Byzance. On retrouve même dans sa description de la cité, de ses habitants et de leurs mœurs, le ton sarcastique qu'empruntera Albert Camus pour décrire la ville nouvelle d'Oran, dans les premières pages de La Peste.

« J’ai vu cette Égypte que vous me vantiez tant, mon cher Servien ; je la sais tout entière par cœur. Cette nation est légère, incertaine, elle vole au changement. Les adorateurs de Sérapis se font chrétiens ; ceux qui sont à la tête de la religion du Christ se font dévots à Sérapis. Il n’y a point d’archirabbin juif, point de samaritain, point de prêtre chrétien qui ne soit astrologue, ou devin, ou baigneur (c’est-à-dire entremetteur). Quand le patriarche grec vient en Égypte, les uns s’empressent auprès de lui pour lui faire adorer Sérapis, les autres le Christ. Ils sont tous très séditieux, très vains, très querelleurs. La ville est commerçante, opulente, peuplée ; personne n’y est oisif. Les uns y soufflent le verre, les autres fabriquent le papier ; ils semblent être de tout métier, et en sont en effet. La goutte aux pieds et aux mains même ne les peut réduire à l’oisiveté. Les aveugles y travaillent ; l’argent est un dieu que les chrétiens, les juifs, et tous les hommes, servent également, etc. » Vopiscus, Vie de Saturninus, 8. Trad. Voltaire dans le Dictionnaire philosophique (article « Alexandrie »).

La décadence d'ALEXANDRIE d'Égypte

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