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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

SOSLAN rencontre sa femme en enfer et s'en revient (récit ossète)

Soslan rencontre sa femme et s'en revient des enfers

« [Soslan] arrive enfin à l'endroit où est sa femme Beduha, mais horrible merveille, il n'y a là que le tronc de Beduha, sans sa tête. Soslan éclate en larmes.

- Pourquoi la tête de ma femme n'est-elle pas sur son corps ? demande-t-il aux morts. C'est pour la voir que je suis venu...

- Sa tête ne va pas tarder à revenir, lui répondent-ils.

Et en effet, la tête apparaît soudain et se recolle au corps.

- Qu'as-tu ? demande Beduha. Pourquoi ces yeux rouges ? Pourquoi pleures-tu ?

- Comment ne pas pleurer ? Quand je suis arrivé et que je n'ai pas trouvé ta tête sur ton corps, je n'ai pas eu la force de retenir mes larmes. Ils s'abandonnent à la joie de se revoir. »

[Soslan raconte ensuite sa visite des enfers à sa femme, résidente du Pays des Morts. Durant son récit, Soslan lui pose de nombreuses questions, dont la dernière est la suivante :]

- Quand je suis arrivé ici, pourquoi ta tête n'était-elle pas sur ton corps ?

- Est-il possible que tu ne comprennes pas cela ? Ma tête est toujours près de toi. D'ici, je ne cesse de t'aider. Quand tu as voulu venir en ces lieux, c'est grâce à moi que tu as trouvé les chemins libres, car nul vivant ne peut pénétrer dans le monde des morts. Pendant tes expéditions lointaines, quand un nuage noir passe au-dessus de toi, c'est moi qui viens te protéger de l'ardeur épuisante du soleil. Pendant tes batailles, quand une pluie torrentielle tombe sur tes ennemis, c'est encore moi qui viens donner la victoire à ton armée. [...] C'est grâce à ta force que tu es entré dans le monde des morts, car Dieu ne permet pas qu'un vivant y pénètre. Il ne permet pas davantage qu'on en sorte pour regagner le monde d'en haut : une fois que tu es dedans, tu ne peux revenir sur tes pas. Cependant, rien qu'en fermant les yeux, je ferai que les sabots de ton cheval se retournent. Alors, va-t'en. Les morts te poursuivront, voulant sortir avec toi. Mais, quand ils regarderont les empreintes de ton cheval, ils verront qu'elles sont tournées vers l'intérieur, et ils s'en retourneront chacun à sa place. Tu es un homme d'aventure, Soslan, un homme présomptueux, et tu ne saurais vivre une vie tranquille. Jamais tu ne m'as écoutée, mais cette fois je te donne un grave avertissement : quand tu partiras d'ici, quelque trésor que tu rencontres, passe ton chemin sans même le regarder ! »

Beduha fit ce qu'elle avait dit, et les sabots du cheval se trouvèrent retournés. Soslan lui dit adieu, monta en selle et se dirigea vers la porte du Pays des Morts. Comprenant que quelqu'un s'en allait, les morts se précipitèrent derrière lui. Mais quand ils virent que les empreintes du cheval étaient tournées vers l'intérieur, ils se dirent que c'était quelqu'un qui entrait et chacun regagna sa place.

Qui peut dire combien de temps marcha Soslan ? Il finit par arriver devant la porte du Pays des Morts.

- Ouvre, dit-il à Aminon.

- Soslan, une fois entré au Pays des Morts, il n'est plus possible d'en sortir, répondit le portier.

Comme Aminon ne lui ouvrait pas, Soslan fouetta son cheval aux sabots élastiques et enfonça la porte. C'est ainsi qu'il sortit.

Il va, il va, et voici qu'il rencontre sur le chemin un tas d'or. Mais il se souvient de l'avertissement de Beduha et passe sans y toucher, sans même le regarder. Qui sait ce qu'il fit de chemin avant de voir une queue-de-renard toute en or ? Elle non plus, il ne la prend pas, il ne la regarde même pas. Il va, il va, et il aperçoit un vieux bonnet. Pourquoi obéir à une morte ? se dit-il. Et pourquoi me priver de tant de trésors ? » Il ne peut se retenir et ramasse le bonnet. (Je vais l'apporter à nos jeunes filles, il leur servira à nettoyer les bords de la meule de notre moulin !) Et il passe le bonnet dans sa ceinture.

Il continua son chemin et, non loin du village des Nartes, arriva à une basse terre couverte de roseaux. Il mit pied à terre, attacha son cheval à un arbre, le dessella, et se mit à le frapper de toutes ses forces avec une branche épineuse, au point que le sang coula de tous côtés.

- Dis-moi vite d'où la mort doit te venir ! lui dit-il. Sinon, je continuerai à te tourmenter.

Le cheval ne répondit pas. Furieux, Soslan arracha un grand arbre avec ses racines et le brisa en petits morceaux sur la tête du cheval. Alors le cheval ne put qu'obéir : La mort, dit-il, ne me viendra que par mes sabots : si on ne les perce pas de bas en haut, dit-il, il ne sera pas possible de me tuer, car j'ai les sabots élastiques. Et toi, d'où te viendra la mort ?

- Tout mon corps est d'acier, répondit Soslan, excepté mes genoux, qui sont restés de chair. Et c'est la roue de Balscg qui me tuera : si elle ne roule pas sur mes genoux, d'aucune autre façon il ne sera possible de me tuer.

- Et maintenant, reprit le cheval, que Dieu te pardonne ! Tu viens de nous perdre, toi et moi. Le vieux bonnet que tu as passé dans ta ceinture, vois où il est maintenant ! C'était le rusé Syrdon !

Soslan regarda sa ceinture : le vieux bonnet n'y était plus ! Il comprit alors pourquoi Beduha [sa femme qui réside en enfer] lui avait prescrit de ne pas ramasser les trésors qu'il rencontrerait sur son chemin. » G. Dumézil, Soslan au Pays des Morts, Le Livre des héros, légendes sur les Nartes.

SOSLAN rencontre sa femme en enfer et s'en revient (récit ossète)

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