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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

Le COUPLE fondateur (divinités indo-européennes)

Le couple fondateur

Une autre similitude commune aux mythologies indo-européennes, est la présence à des milliers de kilomètres de distance et sur des périodes tout à fait différentes, de la même divinité gémellaire. Elle est la gardienne de la santé du bétail comme des hommes, et est invoquée pour de très nombreuses raisons. Il s'agit des Ashvins védiques, des Ashvieniais baltes et des Dioscures grecs (des divinités qui sont toutes identifiées avec l'étoile du matin et celle du soir). À Spartes, sous la forme d'amphores jumelles installées sur des chars, des idoles des Dioscures partaient en campagne aux côtés des rois.

Un couple gémellaire, deux frères ou un couple fondateur est par ailleurs souvent considéré comme l'ancêtre commun de la race humaine.

Dans le jaïnisme, l'âge d'or s'appelle l'époque des jumeaux (yugalia). Durant cet âge :

Un couple humain avait coutume de donner naissance à des jumeaux : un garçon et une fille. Ces jumeaux devenaient mari et femme une fois adultes. Ils avaient l’habitude de mener une vie heureuse et satisfaite et ils mouraient de mort naturelle ensemble. Consommer ce qui était disponible était leur façon de vivre. Comme telle, cette période était aussi connue comme « bhog-bhumi-kaal » ou l’ère de la consommation libre. […] [Le tirthankara] Rishabh Kumar fut marié a une jeune fille nommée Sunanda dont le jumeau était mort dans un accident. Ce fut le commencement du système du mariage. Il fut aussi marié à sa jumelle Sumangala, dans une cérémonie arrangée par les dieux.

Up. Shri Amar Muni, Les Vies authentiques des vingt-quatre Tirthankars (jainworld.com).

Dans la mythologie védique, il s'agit du fils et de la fille du soleil : Yama et Yami. Yama fut le premier homme à mourir, donc à prendre en premier possession des enfers. À sa mort, Yami s'incarnera en Yamuna, le fleuve de vie.

Dans la mythologie scandinave, un couple céleste à survécu au Ragnarok, ce sont Vidar et Vale, les fils d’Odin : « ni la fureur de la mer ni l’intensité des flammes de Surtur ne leur ont porté atteinte » (S. Ricard, Précis de la mythologie scandinave). De même, sur Terre un couple d'êtres humains a lui aussi survécu : « Un couple s’était caché pendant que ravageait le feu de Surtur ; la rosée du matin leur avait servi de nourriture ; de leur réunion sortit la nouvelle géniture de la race humaine » (ibid).

En Scandinavie, mentionnons aussi l'être double : Ymir le géant des glaces hermaphrodite. Ce dernier va survivre en tétant les mamelles de la vache céleste, dans un épisode qui évoque Romulus et Rémus (qui se nourrirent du lait d'une louve, « louve » étant synonyme en latin de prostituée).

Par ailleurs, un autre récit cosmogonique extrait de l'Edda mentionne que :

L’homme et la femme sont nés de deux arbres : le frêne et l’aulne. Les dieux leur donnèrent le mouvement, l’esprit, la beauté. L’homme s’appelle Aske, la femme Embla.

X. Marmier, Les Chants Danois.

Dans un mythe germanique, la Terre engendra Tuisto, dont le nom signifie « double ».

Dans la mythologie perse, c'est du cadavre de Gayomart, enterré 40 années dans le sol, que sortit le premier couple humain : Mashya et Mashyoi. Dans les Gathas, les paroles de Zarathoustra, le couple gémellaire est le support de la doctrine dualiste :

Dès le commencement il existe une paire de jumeaux, deux esprits, ayant chacun une activité propre. Ce sont le bien et le mal en pensées, en paroles et en actions. Choisissez entre les deux. Soyez bons, ne soyez pas méchants.

Ce couple fondateur se retrouve par ailleurs dans les cultures sémites. Dans la mythologie kabbaliste, le premier couple sur Terre est composé d'Adam et de sa première femme Lilith. Ensemble ils donneront naissance à une race de sous-hommes, les Goyim, c’est-à-dire l'ensemble de la race humaine à l'exception du peuple élu des Hébreux. Ce n'est que dans un second temps, après avoir compris que Lilith était une démone, qu'Adam formera un couple avec Ève, dont seront originaires les Hébreux, c’est-à-dire les véritables êtres humains choisis par Yahvé. Quant à Abel et Caïn mentionnés dans la Genèse de la Torah et de la Bible, ce sont deux frères jumeaux et ennemis. L'un plaît à Dieu, l'autre pas. De leur mésentente et de leur jalousie naîtra un crime, acte fondateur de la société humaine.

Au Japon, c'est le mythe d'Izanagi et Izanami, le couple divin qui remue l'océan primordial pour créer à partir de la boue. Cet épisode n'est d'ailleurs pas sans rappeler celui du barattage de la mer de lait, où dévas et asuras s'associent pour faire jaillir le nectar d'immortalité de l'océan de lait.

En Chine, dans un mythe vraisemblablement d'origine indo-européenne (tokharienne ou yuezhi), ce sont les jumeaux Fuxi et Nuwa.

 

Fuxi et Nuwa tels que représentés dans un manuscrit tokharien

 

Leur mythe est raconté par Tang Li Rong dans son Duyi Zhi (v. 850), par Han Ying Shao (140 - 206) dans son Traité des coutumes, inclus dans l’Encyclopédie impériale, et par Song Taiping Yulan (977 - 983) : Fuxi et Nuwa, tels des serpents géants mi-homme et mi-femme, étaient deux créatures jumelles assemblées par leurs deux queues entremêlées. À la suite du déluge, ils se réfugièrent au sommet du mont Kunlun et vécurent là longtemps. Ils désiraient devenir mari et femme, mais ils avaient honte. Alors, ils se rendirent au sommet de la plus haute montagne et adressèrent une prière au ciel pour lui demander conseil : « Ô Ciel, comment devons-nous nous unir pour peupler la Terre ? » Ils allumèrent ensuite un feu et laissèrent la fumée décider de leur sort. Si elle s'envolait tout de suite vers le ciel, alors cela voudrait dire que leur union était refusée. Au contraire, si la fumée prenait un autre chemin, alors cela voulait dire qu'elle serait approuvée. Le feu allumé, la fumée se maintint un instant autour d'eux, puis se dispersera dans la nuit. Pour cacher leur visage, alors que la sœur s'unissait à son frère, ils se cachèrent derrière un éventail de plantes. » Une même référence aux augures est présente dans le mythe de Rémus et Romulus. Jadis, la pratique des présages était très répandue, tout comme la nécromancie ou bien d'autres méthodes de divinations.

Par ailleurs, le thème des jumeaux initiaux incestueux se retrouve dans le mythe indigène indien de la création. En témoigne ce récit partagé par les ethnies marias (Chhattisgarh), Konds et Saora (Orissa) :

Un premier monde créé a été détruit par une pluie diluvienne. Un frère et une Sœur sont épargnés par le désastre, car ils ont trouvé refuge dans une calebasse. Lorsque les eaux se retirent, ils en sortent. La question de la propagation de l'espèce humaine se pose : les deux enfants ne peuvent se marier, car ils sont germains. Une déesse leur donne la variole et les sépare pour un temps. Lorsque les deux germains se retrouvent, ils ne se reconnaissent plus comme frère et sœur, mais comme mari et femme. D'eux naissent alors les douze premiers garçons et les douze premières filles.

P. Grimal, Mythologies classiques (d'après W. Grigson, The Maria Gonds of Bastar)

Ce mythe de l'inceste initial, qui donne naissance à une progéniture monstrueuse, se retrouve dans le Kojiki japonais. Nous avions déjà mentionné Izanaghi et Izanami en tant que couple divin gémellaire. Tout comme les mythes chinois liés à Fuxi et Nuwa, il s'agit d'une probable influence du sous-continent indien en Asie centrale, puis extrême-orientale.

Izanaghi et Izanami descendent du ciel dans cette île, où ils célèbrent leur union. Mais ils donnent naissance à un enfant mal venu, qu’ils abandonnent dans un bateau de roseaux, et à l’île de l’Ecume, qu’ils ne veulent pas non plus reconnaître.

Ayant appris des dieux célestes, qui eux-mêmes ont recours à la Grande Divination, que si « ces enfants n’étaient pas bons », c’est « parce que la femme a parlé la première » dans la cérémonie du mariage, ils reprennent leur œuvre de création dans des conditions plus favorables, et engendrent d’abord l’île du Chemin d’écume, puis les autres îles de l’archipel.

Dans un hymne du Rig-Veda (7, 5, class. Langlois), Yama refuse les avances de sa sœur Yami. Ce genre de composition est très rare dans le Rig-Veda. Ce recueil contient surtout des hymnes de louanges à des divinités relativement interchangeables. L'hymne de Yama et Yami est tout autre. Tout comme le dialogue entre le roi pleureur Pururavas et la nymphe Urvashi, lui aussi dénotant dans le Rig-Veda, le dialogue de Yama et Yami possède une dimension à la fois romantique et tragique, littéraire et philosophique. La vie, incarnée par Yami aime la mort, incarnée par Yama, mais une règle céleste interdit leur union ; il s'agit du Rta védique, devenu le Dharma hindou : la Loi.

Les lignes qui suivent sont une version adaptée de la traduction d'Alexandre Langlois :

Yami : Que celui qui est attendu rejoigne celle qui l'attend... Traverse l'océan de la mort et viens près de moi ! Que le vénérable Soleil, notre père, en récompense de ses méditations, t'aperçoive marcher sur la Terre !

Yama : Ma sœur, je ne peux pas être ton ami. Nous avons la même origine que les autres dieux, le Soleil et les Nuages tempétueux sont nos parents, mais notre forme est différente. Les dévas sont des héros qui soutiennent le ciel ; le théâtre de leur infinie puissance...

Yami : Mais tous ces immortels désirent quelque chose, ne serait-ce que l’offrande d’un mortel ! Tandis que moi, ma pensée est tout unie à la tienne. Sans tarder, incarne-toi donc dans un corps et viens t’asseoir à mes côtés !

Yama : Je ne veux pas être injuste, je ne condamnerai pas ce que nous avons déjà fait ensemble... mais je ne peux oublier que le Soleil est notre père et que la déesse des libations fut son épouse.

Yami : Notre ancêtre le Feu, qui donne aux êtres leur forme, a voulu qu’au sein même de notre mère nous fussions déjà mari et femme. C'est ainsi, et personne ne peut détruire ses œuvres ! La Terre et le Ciel nous connaissent, ils savent qui est notre père !

Yama : De quoi parles-tu ? Qui peut se targuer de savoir ce qu'il était avant sa naissance ? Qui se souvient de son premier jour ? Qui ose parler de ces secrets ? La demeure de Mitra et de Varuna est grande, et les dieux ne ferment jamais les yeux, alors pourquoi me serrer à ce point ? Toi qui veux le mal des hommes, que cherches-tu à me dire ?

Yami : Je te dis que je te désire, comme une femme désire son homme. Pour toi, je veux parer mon corps et dormir dans un même lit avec toi. Roulons ensemble, je t'en prie, ainsi que les deux roues d’un char...

Yama : Impossible. Ce que les dieux ont décidé doit s'accomplir. Leurs divines œuvres ne peuvent être perturbées. Ma sœur, en parlant ainsi tu attires sur les hommes le malheur. Cherche vite un autre mari que moi et roule donc avec lui comme les deux roues d’un char.

Yami : Je vais tout faire pour te séduire, afin que tu sois mon époux légitime ! Je te présenterai des offrandes matin et soir. Je ferai que l’œil du Soleil se rouvre enfin pour toi. Et même si nous nous unissons, le Ciel et la Terre resteront ensemble, je te le promets !

Yama : Femme, nous vivons une époque où les femmes doivent supporter le refus des hommes. Prends donc un autre homme dans tes bras et désire un autre amant que moi.

Yami : Qu’est-ce qu’un frère qui ne protège pas ? Qu’est-ce qu’une sœur livrée aux tourments de Nirti, la déesse des regrets, du manque et de l’absence ? Regarde-moi bien, tu verras que mon amour parle pour moi, alors, je t'en supplie, rapproche ton corps du mien.

Yama : Je ne me rapprocherai pas de toi. On a déclaré pécheur celui qui épouse sa sœur. Cherche le plaisir avec un autre que moi. Ô femme, ton frère ne veut point de toi !

Yami : Yama, comme tu es cruel. Je ne reconnais plus ni ton cœur, ni ton âme. Qu’une autre que moi t’enlace donc de son ceinturon, et t’embrasse comme la liane s'enroule autour de l’arbre !

Yama : Adieu Yami, qu’un autre t’embrasse comme la liane s'enroule autour de l’arbre. Désirez l'un et l'autre votre amour ! Que votre union soit heureuse ! »

Le soleil et la lune (« Soarele si Luna ») est une chanson roumaine qui présente d'évidente similitude avec le dialogue de Yama et Yami. On y trouve les mêmes thématiques : l'inceste, la présence inquisitrice de divinités célestes, l'interdiction bravée mais restaurée, etc. Particulièrement populaire chez les Slaves, la métaphore solaire des « cheveux d'or » est elle aussi présente. Ce chant se trouve dans V. Alexandri, dans Ballades et Chants populaires de la Roumanie.

Le dialogue de Yama et Yami est le grand poème du secret qui ne doit pas être dit, et qui ne peut pas être compris. La vie, c'est-à-dire l'âme placée dans un corps mortel, est insatisfaite car inaboutie. La mort seule lui semble la véritable réalité, elle est l'ultime mystère de la vie elle-même, celui dont la connaissance résoudrait toute problématique, tout doute, toute quête métaphysique. Loin de partager les pulsions de sa sœur, Yama est conscient qu'il ne doit plus jamais revoir son père, qui n'est autre que le Soleil. Yama ne peut plus se permettre de revenir sur Terre et d'aimer sa sœur Yami, sous peine de voir l'équilibre cosmique renversé. La mort doit rester la destination, tandis que la vie doit rester le voyage.

Yama, avant de mourir, a vécu avec Yami. Il s'est uni à sa sœur. Cependant, une fois mort, Yama (la Mort) cesse tout rapport avec Yami (la Vie). C'est un pacte, sans lequel la vie ne pourrait pas demeurer sur terre et continuer à être. Yama est celui qui accueille les morts en enfer, celui qui juge les âmes au tribunal infernal, mais il n'est pas celui qui décide de la mort des êtres. Ce rôle est dévoué à Shiva ou Vishnou.

Yama et Yami, tout comme Urvashi et Pururavas, sont deux mythes qui influencèrent le théâtre indien quelques siècles après l'arrivée des Aryens en Inde (Kalidasa, v. -450).

 

Premier couple d'humains, couple fondateur

védique

Yama et Yami

perse

Yima (Yama) et Yimeh, Yimak - Mashye et Mashyane

- Syamak (mâle) et Nasak (femelle)

- Fravak (masculin) et Fravakain (féminin).

grec

Amphion et Zéthos (Thèbes) – Prométhée et Épiméthée

romain

Deucalion et Pyrrha - Romus et Rémulus

provençal

Protis et Gyptis (Marseille)

franc

Priam et Anténor

scandinave

Ask et Embla - Ymir l'hermaphrodite

 

 

Les gémeaux

védiques

Ashvins, Nasatyas (jumeaux à têtes de chevaux)

vishnouites

Krishna et Balarama

jaïnes

Baladevas et Vasudevas

tokhariens

« Fuxi et Nuwa »

aryens du Mittani

Nashatyana (Nasatyas, Ashvins) - Mitrasil et Arunasil

perses

Ahura Mazda (le Bien) et Ahriman (le Mal)

zoroastriens

Horot et Marot

mithriaques

Cautès et Cautopatès

kalashas

Les deux frères du roi sans fils

thraces

« dieu bicéphale)

grecs

Les Dioscures : Castor et Polux - Éosphoros et Hespéros (étoiles du matin et du soir)

spartiates

Eurysthénès et Proclès, fondateurs des dynasties Eurypondides et Agiades

romains

Janus (« aux deux visages »)

étrusques*

Tianas Clenar, Castur et Pultuce (Castor et Polux)

gaulois

Nissyen et Evnissyen, Smertrios et Cernunnos (Dioscures)

irlandais

Dagda (dieu bon) et Elcmar (dieu mauvais) -

Bran et Manawydan - Douyman et Douyme'h

gallo-germaniques

Dioscures gallo-germaniques

carolingiens

Valentin et Orson (Matière de France, Cycle carolingien)

germaniques

Hengist et Horsa – Les jumeaux Alcis

normands

Les feux-follets Castor et Pollux

baltes

Ashvieniais (Ashvins, Nasatyas)

 

Le COUPLE fondateur (divinités indo-européennes)
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