Les Scythes
Si les Aryens nous sont largement connus et documentés, la plupart des peuples indo-européens des steppes ne se sédentarisèrent que très tardivement. Il nous est donc difficile de les identifier avec certitude.
Associés aux Scythes, Hérodote (Une des rares sources écrites concernant les peuples des steppes eurasiatiques) nomme de nombreux peuples. Il s'agit des Sarmates (Saromates), des Gètes (qui s'associeront aux Daces une fois installés dans les Balkans, v. -2000 à -1000), des Massagètes, des Cimmériens, des Taures ou encore des Issédons. L'identité indo-européenne des Issédons est cependant douteuse. Les Issédones vivent, selon Ammien Marcellin, « à l'est des Sères » (les Sères étant les commerçants des cités du Tarim).
Les Scythes sont l'ethnie la plus nombreuse et aussi la plus glorieuse des peuples antiques des steppes. Les chroniques grecques, indiennes et perses ne cessent d’évoquer la peur qu'ils inspiraient. Les Indiens les nomment Saka ou Saces. Si ce n'est durant un court laps de temps, les tribus scythes ne furent jamais unies, mais figurèrent plutôt un conglomérat de clans unis par des liens d'honneur et de mariage.
Les historiens-géographes de ces contrées, tels Hérodote ou Strabon, font alternativement mention d'une langue scythe commune à tous ces peuples scythes, ou bien de différents dialectes plus ou moins éloignés du grec ou du scythe commun.
Les Scythes étaient en effet locuteur d'une langue indo-européenne appartenant à la branche indo-iranienne antérieure au sanskrit, ce qui laisse à penser que leur ethnie était au moins aussi ancienne que celle des Aryens védiques.
Par ailleurs, leur langue, leur mode vestimentaire et leurs coutumes militaires (en particulier le rôle de la cavalerie) les rapprochent des Perses. Pomponius Mela remarque en effet que « les Sarmates ont, dans leurs vêtements et dans leur armure, beaucoup de ressemblance avec les Parthes » (Description de la terre, 3, 4).
Étrangers aux larges vallées verdoyantes de la Perse et de l'Inde, les Scythes sont demeurés nomades et chasseurs-cueilleurs. Toujours chez Pomponius :
Ils n’ont ni villes ni demeures fixes. Soit qu’ils conduisent leurs troupeaux dans les pâturages, soit qu’ils poursuivent leurs ennemis ou qu’ils fuient devant eux, ils traînent çà et là tout ce qu’ils possèdent, et vivent campés.
Et chez Ammien Marcellin :
Parmi les innombrables tribus scythiques, répandues dans des espaces sans limites, un petit nombre de ces peuples se nourrit de blé ; tout le reste erre indéfiniment dans de vastes et arides solitudes, que jamais n’ouvrit le soc et ne féconda la semence. Ils y vivent au milieu des frimas, à la façon des bêtes sauvages. Des chariots couverts d’écorce leur servent à transporter partout, au gré de leur fantaisie, habitation, mobilier et famille.
Les peuples scythes occupent un très vaste espace qui s’étend de l'embouchure du Danube au désert du Taklamakan, en effectuant un arc de cercle qui passe au-dessus du Caucase. Cette disposition les situe en marge des grandes aires civilisationnelles (Anatolie, Mésopotamie, Indus). Ces grandes civilisations ne réussiront d'ailleurs jamais à les contrôler ; les campagnes perses en Scythie, chinoises en Asie Centrale et romaines en Arménie, se solderont toutes par des échecs.
Présentés par les historiens grecs comme antithèses des peuples civilisés de la Méditerranée, les Scythes sont les fameux « barbares ». Jusqu'à la littérature classique européenne de La Fontaine ou de Voltaire, on retrouve ce cliché du Scythe ahuri, du Tartare idiot. Celui-ci serait incapable, malgré sa bonne volonté, de comprendre les nuances de la pensée philosophique.
Or, les découvertes archéologiques entreprises tout au long du 20e siècle nous indiquent qu'à l'instar des civilisations celtes et germaniques, les peuples des steppes brillèrent de nombreuses et glorieuses qualités. Ces peuples, qu'on les nomme Massagètes, Sarmates ou Scythes, inventèrent la redoutable cavalerie, mais aussi l'archerie. Les Sarmates et les Massagètes possèdent à leur crédit l'invention de la cuirasse et de la cotte de mailles pour cheval, techniques annonçant les cataphractes byzantines et les assauts de la chevalerie franque.
Outre leurs exploits militaires, les Scythes étaient dotés d'une véritable culture intellectuelle et artisanale. Les Scythes et les peuples qui leur sont apparentés maîtrisaient parfaitement l'art des métaux, comme en témoignent les trésors retrouvés dans les tombes des plaines eurasiennes (broches en or, bracelets d’argent, diadèmes, torques en argent, etc.)
La Scythie était aussi le foyer de la tradition apollinienne et le lieu de formation des prêtres d'Apollon.
La Scythie était par ailleurs la terre des alchimistes, car c'était là-bas qu'on y trouvait les meilleurs métallurgistes, chaudronniers et artisans du métal. Ce n'est donc pas surprenant si Clément d'Alexandrie y attribue la découverte de la teinture capillaire. Selon lui, c'est « Médée, fille d’Aéta et originaire de Colchide, qui inventa la première l’art de teindre les cheveux » (Stromates, 1, 16).
Dans le même passage, Clément reconnaît sans ombrage l'importance des peuples « barbares » dans la plupart des domaines du savoir :
« Anacharsis aussi était scythe, et des historiens l’ont placé au-dessus d’un grand nombre de philosophes grecs. [...] Ce n’est pas seulement de la philosophie, c’est encore de presque tous les arts que les barbares furent les inventeurs. [...] Suivant Hésiode, ce serait un Scythe [qui a trouvé l’art de le forger et de s’en servir]. Les Thraces ont inventé l’arme que l’on nomme harpè ; c’est un sabre recourbé. Ils se sont servi les premiers, à cheval, du bouclier nommé pelte. Les Illyriens passent aussi pour en être les inventeurs. On croit que les Toscans ont inventé la plastique, et que le samnite Itanus fit le premier bouclier. [...] Les Noropes (nation de Pæonie, maintenant appelée Norique), sont les premiers qui aient travaillé l’airain et purifié le fer. Amycus, roi des Bebryces, est le premier inventeur des cestes [gants de protection]. »
Au milieu du premier millénaire avant notre ère, les Scythes règnent sur une bonne partie de ce qui va devenir la Route de la soie.
« Les Saces, voisins de la Sogdiane, sont une peuplade féroce répandue sur un sol inculte, où les troupeaux seuls trouvent à vivre, et conséquemment dégarni de villes. Les monts Ascatancas, Imaüs (Himalaya) et Comède en forment les points culminants. Plus loin, et quand on a dépassé le pied des monts, commence une longue voie de communication ouverte pour le commerce avec les Sères. Au point où finit la chaîne de l’Imaüs et du Tapurius, habitent des tribus scythes, limitrophes des Sarmates d’Asie et des Alains. Bien que comprises dans la délimitation du royaume de Perse, elles se tiennent isolées et comme séquestrées, menant une vie errante au milieu de vastes solitudes. » Ammien Marcellin, Histoire de Rome, 23, 6.
Au long de celle-ci, ils établirent le premier empire véritablement eurasien (v. -600). Cet empire scythe méconnu s'étendait des plaines russes jusqu'au bassin du Tarim.
« Les Scythes fondèrent un État militaire solide en Russie du Sud, et assurèrent pendant trois siècles une grande stabilité dans la région. La civilisation indigène continuait à se développer, enrichie par de nouveaux apports et des conditions favorables. En particulier, malgré le caractère nomade des Scythes eux-mêmes, l'agriculture restait prospère dans la steppe au nord de la mer Noire. Conformément à l'usage de son époque, Hérodote donnait le nom de Scythes à la population tout entière ; mais il distinguait, entre autres groupes, celui des Scythes royaux » et celui des « Scythes laboureurs. » [...] Ils fondèrent des empires militaires vastes et durables, qui constituèrent pour toute la région un modèle d'organisation politique. Ils apportèrent leur langue, leurs coutumes, leur religion guerrière, un art décoratif original, connu sous le nom d'art animalier scythe, et de manière générale une tradition artisanale et artistique vigoureuse et variée, surtout dans le domaine du métal [...] Les Scythes furent en définitive vaincus et supplantés par les Sarmates, autre groupe de nomades iranophones venus d'Asie centrale [pourtour de la Mer Noire]. L'organisation sociale et la culture des Sarmates étaient très proches de celles des Scythes. [...] Les Sarmates comptaient plusieurs tribus, dont la plus importante, par le nombre et la puissance, semble bien avoir été celle des Alains. Les Ossètes d'aujourd'hui, peuple qui habite le Caucase central, sont les descendants directs des Alains. La domination sarmate sur la Russie du Sud dura de la fin du 3e siècle avant notre ère au début du 3e siècle après Jésus-Christ. » N. Riasanovsky, Histoire de la Russie.
Ces immenses territoires étaient contrôlés grâce à un réseau de relais postaux, afin que les cavaliers, soldats ou messagers, puissent changer de chevaux sans perdre de temps. Ce système sera repris deux millénaires durant, par les empires successifs qui dominèrent l'Asie Centrale. Ainsi, lorsque Marco Polo (1254 - 1324) s’enthousiasma devant la capacité du Grand Khan à maîtriser son vaste empire, l'Italien décrira sans trop de variations l'ancestrale relais des postes scythes. Ces relais « routiers » (qui pouvaient être de simples préaux à bestiaux) étaient entretenus comme un service rendu au Grand Khan. À ce titre, le khan pouvait se montrer généreux, mais pour s'assurer qu'un cheval fût bien nourri et qu'un lit fût toujours à disposition d'un cavalier du Grand Khan, le tenancier qui négligeait sa tâche risquait tout simplement la mort. Cela voulait dire que si un cavalier arrivait dans un relais en chevauchant un cheval éreinté, mais que sa mission était si urgente qu'il devait poursuivre son chemin avec une autre bête, dont il ne pouvait disposer, ou qui n'était pas en état de courir toute une nuit ou toute une journée, le responsable de la négligence pouvait être exécuté sur-le-champ.
Les Alains
Apparentés aux Scythes, les Alains sont un peuple d'origine iranienne ayant participé aux grandes migrations du premier millénaire de notre ère. L'étymologie du mot propose une filiation avec le terme aryen. Leur présence est attestée à travers l'Europe, jusqu'en Bretagne où ils influencèrent la scène des conteurs et troubadours (Cycle arthurien, Tristan et Yseult). C'est dans le Caucase que leur présence est la plus évidente. Les Ossètes, installés sur les versants sud du Caucase, s'en revendiquent les descendants.
Les spécialistes des peuples des steppes Kouznetsov et Lebedynsky associent les Alains aux Asses, peuple mystérieux du nord de la Mongolie et qui donnèrent son nom à l'Asie.
Les données [des chroniques et mémoires chinoises] évoquent un pays de Yancai, rebaptisé Alan (à-lün-liào, a-lan-ya, suivant les textes et les lectures). [...] Sa population était nomade. Son armée comptait 100 000 archers entraînés. Il était vassal du Kangju [Sogdiane] lors de la composition du Hou shu [v. 82], mais cette situation avait apparemment changé au moment de la rédaction du Wei lue [239 à 265] : " Ces royaumes ont quantité de zibelines fameuses. Ils élèvent du bétail et se déplacent à la recherche d'eau et d'herbe. Ils sont proches d'un grand marécage "
Les Cimmériens
La presqu’île de Crimée est occupée par les Taures, et leur pays s'appelle la Tauride ou le Chersonèse. Les rives de la mer Noire sont par ailleurs le territoire des Cimmériens, qui s'y établirent après avoir été chassés de contrées plus nord-orientales par d'autres peuples nomades en quête d'espace vital. Avant cela, les Cimmériens prospéraient sur les versants sud du Caucase, tout en effectuant de régulières razzias en Mésopotamie.
En gris : traces archéologique cimmériennes. J. Chochorowski ; Verbreitung von Gegenständen "kimmerischer" Form in Europa.
Les Hyperboréens
Au nord de la légendaire montagne Hara-Meru-Olympe, commune aux civilisations aryennes et hellènes, c'est le domaine glacial du vent du nord, « le domaine du dieu du vent Borée » : Hyperborée. Le Soleil ne s'y couche pas, ou bien ne se lève pas et les hivers durent trois mois.
On identifie les Hyperboréens historiques aux peuples légendaires et anthropomorphes du nord de la Scythie, aussi appelés Arimaspes. Aristéas, le célèbre mage grec, leur a dédié un livre (Arimaspé), que l'on connaît par ses citations :
Au-delà des Issédones habitent les Arimaspes, des hommes qui n’ont qu’un œil, au-delà des Arimaspes, habitent les griffons gardiens de l’or de la terre, et plus loin encore les Hyperboréens qui touchent à une mer.
Il s'agit vraisemblablement des peuples indo-européens porteurs de l'haplogroupe R1a et résidant à travers la Sibérie et une partie de la Scandinavie. Leurs pratiques fanatiques, leur mode alimentaire (végétarienne et frugale), leur suicide rituel à la fin de leur vie, leur dévotion envers le dieu-Soleil, tout indique en effet des pratiques proto-aryennes chez les Hyperboréens historiques.
En outre, les Aryens indiens se pensaient originaires d'une latitude où la nuit y était si longue que le soleil ne s'y montrait pas durant de longs mois. Quant aux Aryens iraniens, ils avaient un grand hiver polaire comme mythe fondateur. Enfin, le monde de la glace et son entrée en collision avec le monde du feu (d'où naîtra la vie), sont à la base du mythe originel scandinave.
Un tel lieu fait immédiatement penser au cercle arctique, et pourrait donc tout à fait correspondre aux vastes espaces de la Sibérie, ce qui serait une nouvelle preuve de la justesse de la théorie kourgane (qui fait du pourtour méridional sibérien la zone initiale des Indo-européens : Andronovo, Afanasievo, Sintashta, Sredny Stog et Yamna).
D'autres auteurs ont pu aussi situer l'Hyperborée en Petite et Grande Bretagne, là où se devait de naître le vent du nord, personnifié par Borée. Le dieu-vent traversait alors l’Europe, du nord-ouest jusqu'au sud-est, en passant par la Gaule et la péninsule italienne.
L'historien romain Pomponius Mela fait des Hyperboréens une description honorifique, qui fait écho au mythe grec de la Scythie barbare mais paradoxalement sage et juste.
« Les premiers peuples que l’on rencontre sur les rivages de l’Asie sont les Hyperboréens directement placés sous le pôle, au-delà de l’Aquilon et des monts Riphées [Carpates ? Oural ?]. Ils ne voient pas, comme nous, le soleil se lever et se coucher dans l’espace de douze heures ; mais ils ont des jours de six mois, depuis l’équinoxe de printemps jusqu’à l’équinoxe d’automne, et des nuits d’égale durée, depuis l’équinoxe d’automne jusqu’à l’équinoxe de printemps. Leur pays est sacré ; leur température est douce, et leur sol naturellement fertile. Religieux observateurs de la justice, ils coulent des jours plus longs et plus heureux que le reste des hommes. En effet, toujours dans la paix et dans les fêtes, ils ignorent ce que c’est que guerre et dissension ; pleins de piété envers les dieux, ils honorent surtout Apollon. [...] Ils passent leur vie dans les bois sacrés et dans les forêts, et, dès qu’ils se sentent rassasiés, plutôt que dégoûtés, de vivre, le front ceint d’une guirlande de fleurs, ils vont gaiement se précipiter dans la mer du haut d’un certain rocher c’est le genre de mort le plus distingué. » Description de la terre, 3, 5.
Pour les Grecs, le Grand Nord est séjour d’Apollon. Ammien Marcellin mentionne des pratiques et des traditions ascétiques hyperboréennes fanatiques mais inspirantes et respectables. Cet auteur leur adresse lui aussi de profondes louanges :
Les Abies [Hyperboréens] sont une nation religieuse, qui foule aux pieds les choses de la vie mortelle. Jupiter, suivant la poétique fiction d'Homère, se plaît à les contempler du sommet de l’Ida.
Les traditions initiatiques scythes et hyperboréennes
Les échanges intellectuels et religieux avec entre la Grèce et la Scythie étaient intenses, en particulier avec le temple d'Apollon de Delphes. Deux des grands sages semi-légendaires de la Grèce antique, Aristée et Abaris (v. -600), étaient originaires de la Scythie hyperboréenne, ou bien la visitèrent afin de compléter leur initiation. Pierre Bayle, dans son Dictionnaire historique et critique, note avec justesse les interactions entre les différents temples du monde antique de tradition apollinienne :
Une grande peste, dit-on ravageant toute la terre, on n’eut point d’autre réponse d’Apollon, si ce n’est que les Athéniens feraient des vœux pour toutes les autres nations. Cela fit que divers peuples envoyèrent des ambassadeurs à Athènes, et que l’Hyperboréen Abaris fut un de ces ambassadeurs. [...] Il renouvela, pendant ce voyage, l’alliance des Hyperboréens et des habitants de l’île de Délos.
C'est à Pomponius Mela que fait référence Pierre Bayle. L'historien romain rapporte en effet :
Qu'autrefois les Hyperboréens envoyaient à Délos les prémices de leurs victimes ; que, dans les premiers temps, ils confiaient à quelques jeunes vierges du pays le soin de les porter, mais qu’ensuite ils se servirent de l’entremise des peuples intermédiaires qui se les passaient de proche en proche, et qu’il en fut ainsi jusqu’au moment où l’infidélité de nations dépravées les força de renoncer à leur pieuse coutume.
Enfin, cédons la plume à l'historien Auguste Geffroy (1820 – 1895), auteur de ces quelques lignes admirables à propos des Hyperboréens :
« La Grèce et Rome eurent un idéal en dehors d’elles-mêmes. Cette antiquité classique, si dédaigneuse de l’étranger, du barbare, fut comme hantée d’une vision qui lui montrait au loin, vers le nord et vers l’est, par-delà ses frontières, les séjours bienheureux, les peuples sages, les sources de toute civilisation en même temps que de toute poésie. N’était-ce pas de chez les Hyperboréens, situés, comme le dit leur nom, au-delà des vents et des glaces, qu’Apollon, dieu de la lumière, venait visiter Délos ou bien y envoyait ses messagers, les cygnes harmonieux ? Le Scythe Abaris, porté à travers les airs sur une flèche rapide, parcourait la Grèce, et, au nom du même dieu, rendait ses oracles. Zalmoxis le Gète avait enseigné à son peuple le dogme de l’immortalité de l’âme. De la Thrace enfin, les Grecs avaient reçu Orphée et les Muses. Rome hérita des mêmes traditions et des mêmes respects : les vertus des Hyperboréens, la sagesse des Scythes et des Gètes, devinrent pour elle aussi des souvenirs consacrés, qu’invoquaient fréquemment ses déclamateurs et ses moralistes1. » Les Origines du germanisme.
Zalmoxis, prophète gète
Intéressons-nous à Zalmoxis, ce sage gète dont on ne sait rien que quelques lignes énigmatiques chez Hérodote (4, 94 et 95) : « Les Gètes se croient immortels, et pensent que celui qui meurt rejoind leur dieu Zalmoxis, que quelques-uns d’entre eux croient semblable à Gébéléizis [dieu de la foudre, du ciel et de la mort]. »
Diodore (1, 94) est tout aussi clair sur la nature semi-divine de Zalmoxis, qui était en relation directe avec la Grande Déesse : « Zalmoxis vantait aux Gètes qui croient à l'immortalité de l'âme, ses communications avec Vesta [déesse du foyer]. »
Enfin, citant Julien, Lactance (v. 240 – 320) évoque une épitaphe sans équivoque de Trajan (53 – 117), le conquérant romain de la Thrace et de la Dacie :
Nous avons même conquis les Gètes, le plus belliqueux de tous les peuples qui aient jamais existé, non seulement à cause de leur force physique, mais aussi grâce aux enseignements de Zalmoxis, qui est un de leur sage les plus appréciés. Celui-ci leur a dit qu'ils ne mourront pas, mais changeront de vie. Pour cette raison, ils meurent plus heureux que jamais.
À la fois compris comme un dieu et un prophète, Zalmoxis serait un maître spirituel gète originaire de Dacie; une sorte de guide initiatique, dont la silhouette mythologique se rapprocherait de celle d'Orphée. Il pratiquait d'ailleurs des méthodes tout à fait semblables à celles de Pythagore ou des yogis indiens : vœux d'abstinence, sévérité alimentaire, ascétisme fanatique, rôle de la tradition orale et de la musique… Autant de pratiques que les Anciens qualifiaient d'hyperboréennes ou de scythes.
« Zalmoxis fit bâtir une salle où il régalait les premiers de la nation. Au milieu du repas, il leur apprenait que ni lui, ni ses conviés, ni leurs descendants à perpétuité, ne mourraient point, mais qu’ils iraient dans un lieu où ils jouiraient éternellement de toutes sortes de biens. Pendant qu’il traitait ainsi ses compatriotes, et qu’il les entretenait de pareils discours, il se faisait faire un logement sous terre. Ce logement achevé, il se déroba aux yeux des Thraces, descendit dans ce souterrain, et y demeura environ trois ans. Il fut regretté et pleuré comme mort. Enfin, la quatrième année, il reparut, et rendit croyables, par cet artifice, tous les discours qu’il avait tenus. » Hérodote, 4, 94.
À la lecture d'Hérodote, on ne peut manquer de songer à la Cène, pourtant postérieure de plus de 500 ans à la rédaction des enquêtes du géographe et mythographe grec. On peut aussi songer au rituel de fin de vie des gourous tibétains, tel que décrit par Alexandra David-Neel dans Mystiques et magiciens du Tibet.
Le lama vieillissant se retire dans une cabane construite spécialement pour l'occasion. Il y vit en réclusion complète, sans même de lumière, avant qu'un pseudo-miracle l'en sorte et lui permette de vivre ses derniers jours respecté de tous en bénéficiant d'une rente.
Autour de la MER NOIRE (la mer de SCYTHIE) - Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières
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Les Grecs de la Mer Noire et l'or des Scythes - Christel Muller
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