16 Janvier 2024
Quelle serait la nature des spiritualités indo-européennes ? Si l'hypothèse de la « triade indo-européenne », difficilement théorisée par Dumézil il y a bientôt un siècle, s'est avérée un excellent outil d'étude mythologique, le concept est demeuré trop vague pour correspondre à une quelconque réalité ou typicité proto-indo-européenne... Ainsi, bien que les travaux des indo-européanistes aient souvent tenté d'accréditer cette idée, l'hypothèse d'une spiritualité homogène et commune à tous les peuples indo-européens ou proto-indo-européens, n'est pas tenable.
S'il existe un fond « proto-védique » aux spiritualités panthéistes indo-aryennes, iraniennes, kalashas, slaves et germaniques, nous peinons à retrouver de si nombreuses similitudes dans les traditions celtiques, anatoliennes ou gréco-romaines, tandis que le druidisme et l'orphisme évoquent d'innombrables autres connexions avec l’Égypte, la Mésopotamie mais aussi l'Inde indusienne et pré-védique, tout en gardant de solides références eurasiennes et même subarctiques... Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas évident de démêler ce qui ressort de la typicité indo-européenne, de la tradition paléolithique primordiale ou de l'influence tardive de l’Égypte, de Babylone et de l'Indus.
Avançons à présent notre hypothèse : les Proto-Indo-Européens sont une communauté ethnoculturelle du Paléolithique supérieur qui a vu sa religion passer du chamanisme sibérien à une forme de panthéisme forestier, à la suite du changement d'écosystème causé par la fin de la période glaciaire et la déglaciation du nord de l'Eurasie. Ce changement climatique fut marqué par le remplacement de la toundra par la steppe et de la taïga de conifères par la forêt feuillue. Ce changement religieux eut aussi pour cause la hausse des températures et le recul des forêts de bouleaux, qui entraînèrent la disparition des enthéogènes arctiques comme l'amanite, que les chercheurs (dont Robert Gordon Wasson) ont très souvent lié au Soma, le nectar sacré des anciens Aryens (utilisé par ailleurs lors des cérémonies chamaniques sibériennes et amérindiennes). Cet enthéogène disparut donc des rites proto-indo-européens, remplacé par des enthéogènes méridionaux comme l'opium, le cannabis, le lotus, l'éphédra ou encore le harmal.
À la transe et au chamanisme ascétique et bidimensionnel (marqué par la Rivière sacrée et le « Monde-autre », qui est une sorte de "matrice", rappelant le Dreamtime des Australiens), succéda une forme de proto-védisme tridimensionnel, qui évolua localement en des religions ritualistes de pères de famille, de chefs tribaux puis de chefs d’État. Ces mythologies complexes migrèrent avec les Proto-Indo-Européens depuis la ceinture arctique formée par les paléo-glaciers eurasiens (Islande, Scandinavie, Alpes, Caucase, Oural, Altaï, Kunlun) pour se diffuser dans les déserts et les fleuves égyptien (Nil), européens (Danube, Rhin), mésopotamiens (Euphrate et Tigre), caspien (Oxus) et indiens (Indus, Gange, Yamuna), où se superposaient déjà plusieurs couches de mythes successifs associés à d'innombrables interprétations.
Cette mythologie à la fois boréale et méridionale, nous la retrouvons à l'intérieur même du corpus védique et des différentes cosmogonies qu'il propose. Par exemple, dans le Véda, le mythe du lotus cosmogonique, que l'on retrouve d’Égypte en Chine, en passant bien sûr par l'Inde pré-védique indusienne et munda, côtoie le mythe théogonique sibéro-amérindien du chamane démiurge (Prajapati).
Ces mythologies, durant le zénith des civilisations qui les transmirent, inspirèrent des doctrines alternatives, qui bien que reprenant les poncifs et les langues (grec, sanskrit) du panthéisme indo-européen, s'en démarquèrent très nettement. Ce sont les doctrines dissidentes zoroastrienne (v. -1750), orphique (v. -900), bouddhiste (v. -600), et dans une moindre mesure jaïne, shivaïte, vishnouïte, tantrique et manichéenne. Ces « nouvelles » traditions orales, pour certaines plus anciennes même que le polythéisme indo-européen (shivaïsme) ou la présence des Indo-Européens (jaïnisme) trouvaient leur inspiration dans une mystique pré-indo-européenne ; sorte de tradition initiale directement héritée du Paléolithique supérieur, et qui servit de support à un ascétisme individualiste et extatique plutôt qu'à un culte collectif et ritualiste.
En somme, deux influences archaïques se remarquent dans les spiritualités indo-européennes classiquement polythéistes. La première est originelle et héritée du Paléolithique sibérien. Cette forme de chamanisme s'est transformée à travers le temps pour devenir un culte superstitieux, un culte des génies, des éléments et des rituels magiques.
Ensuite, bien plus tardivement, à la fin de l'Antiquité, une autre influence archaïque et pseudo-chamanique se fait sentir sur les grandes aires civilisationnelles indo-européennes : se diffusent alors le dionysisme, le shivaïsme, l'osirisme et l'isisme, le zalmoxisme, l'orphisme, le culte de Cybèle et d'innombrables autres cultes marginaux, communautaires et extatiques, dont l’objectif est de rétablir l'expérience directe avec le « monde-autre » (selon la terminologie chamanique de Michel Perrin), métaphoriquement représenté par une divinité qui va et vient entre le « monde-autre » et le monde incarné (Zalmoxis, Shiva, Bouddha, Mahavira, Perséphone, Shiva, …).
Si, comme nous l'avons vu, les spiritualités indo-européennes sont hétérogènes, elles sont toutes des spiritualités post-chamaniques et pré-abrahamiques, et sont toutes, à des degrés divers, les vestiges d'une tradition subarctique amenée en Europe continentale et au sud de l'Asie par les successives et nombreuses vagues de migrations indo-européennes.
Les plus notables furent :
- Vers -25 000 à -10 000 : les vagues paléolithiques et l'apparition des haplogroupes Y-R, Y-R1a et Y-R1b. Le foyer démographique et culturel proto-indo-européen se situait probablement en Sibérie méridionale, entre le Caucase et l’Altaï.
-8000 ans : début de la sédentarisation et de l'agriculture dans les vallées iraniennes et anatoliennes.
- la vague anatolienne (v. -7000) qui engendra la néolithisation de l'Europe danubienne puis méditeranéenne. Il ne s'agit pas d'une vague migratoire essentiellement proto-indo-européenne, l'haplogroupe Y-R étant alors moins présent que le Y-G (Balkans) ou le Y-J (Méditerranée).
- la vague proto-balto-slave (v. -4000) vers la zone baltique et la Russie. Associé à l'haplogroupe Y-R1a1a1, ce mouvement migratoire aura un fort impact sur l'évolution de la culture nord-européenne dite de la Céramique cordée, dont la composante ethnique était originellement plus indigène (Y-I) et proto-celto-germanique post-yamna (Y-R1b) que Proto-Aryenne (Y-R1a).
- la vague proto-tokharienne (v. -3500 à -2500, culture d'Afanasievo) vers le bassin du Tarim, la Mongolie intérieure et le Gansu chinois.
- les vagues proto-celto-germaniques (entre -3000 et -1900) qui permettent à la culture kourgane (originaire du Kazakhstan) et à la civilisation de Yamna de se diffuser en Europe danubienne et nordique.
- les vagues proto-thraces (entre -3000 et -1000) vers l'Europe danubienne (Proto-Daces), balkanique (Proto-Illyriens) et gréco-macédonienne (Pélasges).
- les vagues aryennes (v. -2000) vers le Tarim, la Perse puis l'Inde et le Moyen-Orient (Mitanni).
- la vague proto-mycénienne (v. -2000) qui est originaire, selon les différentes hypothèses proposées, d'Asie mineure, des rivages de la mer Noire ou des Balkans.
- la vague nesilim (v. -2000), qui amène une ethnie nomade et prédatrice d'origine balkanique à dominer le royaume nord anatolien de Hati et à instaurer l'Empire hittite, qui demeura puissant un millénaire.
- les vagues scythiques (entre -1000 et 0) vers l'Inde, la Perse et la Chine.
- les vagues cimmériennes (v. -1000 à -500) autour de la mer Noire, en Anatolie et en Europe continentale.
- les vagues celtiques (v. -700 à -250) post-Hallstatt vers le nord-ouest (Bretagne), le sud (Ibèrie, Italie), la Grèce et la Galatie (v. -280).
- les vagues alaines (v. 400, depuis le Caucase) et germaniques (depuis la mer Noire, l'Europe de l'est et du nord, v. -200 à 500) qui mirent fin à l'Empire romain (Vandals, Goths, Francs).
- les vagues vikings (v. 600 à 1000) depuis la Norvège vers l'Islande et la Grande-Bretagne, depuis le Danemark vers la France (Normands) et depuis la Suède vers la Russie (Varègues).
- la dernière vague indo-européenne est celle des Slaves (v. 700 à 1000), qui est marquée par leur expansion depuis la Russie et l'Ukraine vers l'Europe continentale orientale (Pologne, Tchéquie) et balkanique (Yougoslavie).
Passons à présent à l'héritage spirituel des Proto-Indo-Européens. Quelles étaient les religions indo-européennes durant l'Antiquité ?
Il s'agissait des principaux polythéismes antiques et classiques, typiques des grandes civilisations indo-européennes, comme celles des Hittites, des Aryens védiques, des Perses, des Grecs, des Romains, des Celtes, des Germains, des Scandinaves et des Slaves.
À ces cultes étatiques, s'ajoutent des cultes dissidents extraits des polythéismes classiques, tels que peuvent l'être le zoroastrisme, l'orphisme, les traditions scythes-hyperboréennes installées en Grèce (Abaris, Aristéas), le bouddhisme, le culte de Zalmoxis, l'enseignement de Pythagore, les fanatismes initiatiques anatoliens (Cybèle, Dumuzi, Perséphone) ou encore le dionysisme, qui s'inspire largement de ces cultes d'Asie mineure. Ces traditions sont salutaires, salvatrices, initiatiques, individuelles mais partagent les mêmes références ethnoculturelles que les cultes étatiques, tribaux ou familiaux.
Mentionnons aussi des religions actuelles, tels que l'hindouisme ou le yézidisme, qui sont, avec le zoroastrisme, les dernières religions encore en activité transmettant encore un évident héritage indo-européen. Evoquons dès lors le polythéisme kalasha, religion aujourd'hui presque éteinte.
Dans un souci d’exhaustivité, mentionnons encore le mithraïsme inspiré du mazdéisme, le manichéisme inspiré du zoroastrisme, le mazdakisme inspiré du manichéisme et les hérésies européennes, qui sont les ultimes ramifications occidentales du dualisme perse.
A présent, tentons de répondre un peu plus précisément à notre problématique ; quelle était la (ou les) religion des Indo-Européens ?
Le panthéon indo-européen classique est plutôt simple. Il existe plusieurs catégories de divinités qui cohabitent sans se défier, ni se contrarier.
Trois d'entre elles sont regroupées pour composer une triade sacrée constituée de trois divinités masculines. L'un de ces dieux assure la fonction sacrée, un autre assure la sécurité et la pérennité
La triade indo-européenne est peut-être le plus célèbre des points communs entre toutes les cultures indo-européennes. Il s'agit d’une théorie développée par Georges Dumézil (1898 - 1986), qui voudrait que dans toute culture relevant de cette appellation, il existe une trinité sacrée érigée en modèle social. Ainsi, la Trimurti hindoue de Brahma (créateur), Vishnou (protecteur) et Shiva (destructeur), répond à celle de Odin, Freyr et Thor de la mythologie scandinave. De même, les laboratores (travailleurs), oratores (ecclésiastiques) et bellatores (guerriers) du modèle féodal, trouvent leurs équivalents indiens dans les trois castes nobles du brahmanisme, constituées des brahmanes (les prêtres), des kshatriyas (les chefs et les guerriers) et des vaishyas (les commerçants et les employés). Nous retrouvons bien sûr cette triade dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit du catholicisme européen.
« Mythologie et sociologie comparées ont permis, par le rapprochement des textes védiques et homériques, des traditions épiques latines, celtes et germaniques de retrouver, sous des oripeaux variés, le même modèle ancien, bien structuré d'une « idéologie tripartite ». Celle-ci a été définie par G. Dumézil. Elle est caractérisée par la prépondérance, dans le panthéon, de divinités masculines ayant un rôle plus fonctionnel que naturaliste. Les dieux souverains, les dieux guerriers et les divinités du « troisième niveau », protectrices des éleveurs et des agriculteurs et, plus généralement, de la masse humaine, à laquelle elles assuraient, en association avec une déesse, paix, santé, richesse et fécondité, formaient un panthéon bien organisé et hiérarchisé. »
Au sommet des panthéons indo-européens, on retrouve donc trois divinités qui se partagent la puissance de l'Univers ainsi que les sacrifices et les offrandes de leurs adorateurs. À Rome, ce furent Jupiter (créateur), Mars (guerrier) et Quirinus (orage et pluie, donc fertilité), puis plus tard Jupiter, Junon et Minerve. Pour les anciens Lusitaniens, de culture celtique, c'est Endovelicus, Ataegina et Runesocesius. Dans le védisme, on observe la mention quasi systématique de trois divinités en mêmes temps : Varuna (le ciel, la création), Mithra (la justice) et Aryaman (protecteur des Aryens), ou Varuna, Indra (guerre) et les Ashvins (agriculture). À cette suite de trois divinités védiques répond la triade mazdéenne composée d'Ahura Mazda (Dieu), de Mithra (le punisseur, le sacrificateur) et d'Ahriman (le Mal, maître de la Terre).
Dans la mythologie slave, Triglav est une incarnation de Svarog, le chef des dieux. Il a trois faces, parfois trois têtes, et chacune regarde dans une direction différente (comme Brahma, Triglav regarde vers le passé, le présent et le futur). Comme on sait très peu de chose sur le panthéon slave, il est par ailleurs possible que chacune de ses têtes représente un dieu différent, et que Triglav lui-même soit un symbole de la triade slave. C'est ainsi que le rishi tricéphale Dattatreya incarne l'union de ces trois principes en un seul un même rishi parfait.
Dattatreya est le fils d'Anasyua, la déesse de l'Indifférence et du prajapati Atri. Il est né selon la volonté de Brahma qui avait répondu aux prières que son père lui avait adressées ; celui-ci avait voulu un fils possédant les caractéristiques des trois membres de la Trimurti. Auteur de nombreux hymnes védiques, le prajapati Atri, grâce à ses efforts méditatifs et à ses sévères pénitences, avait en effet obtenu de Brahma un vœu. Le souhait d'Atri était que de lui naissent les trois divinités fondamentales indispensables à la vie et représentées par la Sainte Trinité. Avec sa compagne Anasuya, la déesse de l'Indifférence, il donna donc naissance à Dattatreya, un sage doté de la sagesse de Brahma, de Vishnou et de Shiva. Dattatreya possédait trois têtes et six bras...
Chacun de ces trois dieux est bénéfique et faste. C'est à eux que s'adressent la plupart des prières, des hymnes et des sacrifices. En Inde védique, il s'agit de Varuna (le créateur), associé à Aryaman (le protecteur des familles et des Aryens) et Mitra (le juge solaire).
Cette triade sacrée n'est pas nécessairement canonique ou officielle ; en Inde, il peut aussi s'agir de Varuna (Créateur céleste), associé à Indra (la Pluie, le héros sauveur) et Mitra (le « contrat », le punisseur). À Rome, Jupiter, Mars et Quirinus formèrent une première triade « indigène », qui fut remplacée par Jupiter, Junon et Minerve à la suite de l'hellénisation.
À cette triade s'ajoute un dieu cosmogonique, céleste, créateur et en retrait. Il est le père de toutes les autres divinités, ainsi que celui qui sépara le ciel de la Terre. Pour que la vie se fasse, il dut cependant faire sacrifice de lui-même et demeurer à jamais en retrait. C'est le Zurvan perse, le Chronos grec, le Dis Pater gaulois, le Brahma védique. Ce dieu est lié à la mort et aux mondes souterrains, c'est le Saturne romain, le Yama védique, l'Imra kalasha.
À ces divinités essentielles, s'ajoutent des parèdres féminines. C'est ainsi que l'on associe au dieu du Ciel une déesse Terre. À la Lumière est attribuée la Matière et au Soleil, la Lune. Ces compagnes font office de principes réactifs féminins. Jalouses comme Héra et Indrani, les compagnes de Zeus et Indra, ou dévouées comme Parvati et Lakshmi, les compagnes de Shiva et Vishnou, elles motivent les actes et les décisions des divinités majeures.
Identifiée parfois à une de ces parèdres, se dégage en parallèle de ce panthéon classique, une figure à la fois supérieure et hors cadre : la Grande Déesse, déesse-mère. C'est Rhéa en Grèce, Aphrodite céleste pour les orphiques, Cybèle en Phrygie, Bellone en Gaule, Parashakti Dévi en Inde.
Une autre catégorie de divinités concerne les dieux mineurs, associés à un élément conceptuel ou naturel particulier. Il s'agit du Feu, du Vent, de la Beauté, de l'Amour… Ces dieux sont qualifiés de mineurs car leur culte n'est pas aussi diffus ni aussi fervent que celui des divinités centrales, mais il ne s'agit pas de dieux faibles ou négligeables. Par exemple, d'Étrurie jusqu'en Scythie, la divinité de la chasse Artémis (connue par ailleurs sous d'innombrables noms) était honorée de très nombreux sacrifices sanglants. En Inde, Agni est à la fois le dieu du feu et du foyer, de sorte qu'il est mentionné aussi souvent qu'Indra et plus souvent que Varuna.
En outre, le culte solaire est très prégnant dans la spiritualité indo-européenne. Mais où trouve-t-il sa place ?
Tout d'abord, même si le soleil est incarné par une divinité qui lui est propre, il n'est pas incarné d'une seule manière. En Inde, s'il est Surya, il est aussi Indra, Vishnou et bien d'autres, en fonction du contexte et du rituel. La littérature védique et puranique donne à cet astre jusqu'à plusieurs dizaines d'identités différentes, qui varient au fil de l'année solaire…
Chez les Ligures, de manière parfaitement semblable, le Soleil est adoré et nommé en fonction des différents moments de la journée (soleil du matin, du soir, etc.)
En Perse, le soleil est l'attribut de Mithra, « l'œil du monde », mais il n'est pas une divinité en tant que telle. De même en Grèce, le soleil (Hélios) est une forme d'Apollon (le rôle et la fonction d'Apollon dépassant de loin la stricte fonction solaire).
Le culte solaire doit donc être perçu comme un des principaux éléments du culte en général et des rituels en particulier, plutôt que comme la vénération d'un personnage particulier du panthéon. En somme, si la liturgie païenne s'adresse très souvent au Soleil, c'est pour s'adresser à une divinité qui peut être tout aussi importante, si ce n'est plus, que le dieu-Soleil lui-même.
Durant l'Antiquité tardive, à cette structure de base du panthéon, s'ajoutèrent des divinités issues de cultes marginaux. Il s'agit de sectes ultra-minoritaires et fanatiques, tolérées par les cultes principaux car elles ne cherchent pas à les subvertir. Ces mouvements ascétiques hétérodoxes favorisent le culte de divinités liées à la fertilité, au phallus sacré, à la vie éternelle ainsi qu'aux mondes souterrains et infernaux. Il s'agit des cultes de Cernunnos, Shiva, Dionysos, Cybèle, Mithra, mais aussi des maîtres spirituels semi-légendaires comme l'Aryen Zarathoustra, le Scythe Zalmoxis, le Grec Pythagore ou le Thrace Orphée.
L'influence moyen-orientale se fait puissamment sentir sur ces cultes et ces profils mythologiques : Cybèle est Ishtar, Pythagore puisa une partie de sa sagesse en Égypte et chez les Perses, Orphée payait un tribut partagé entre l'Égypte et l'Hyperborée, tandis que Mithra devait autant au Shamash élamite qu'au Mitra aryen.
Remarquons enfin qu'une divinité peut être dotée d'attributs variés, selon le culte qui lui est associé. Prenons le cas d'Aphrodite :
- dans le contexte du panthéon grec classique, elle est alternativement la compagne d'Apollon, de Dionysos ou d'Héphaïstos.
- divinité majeure, elle est la Déesse-Mère, la femme-céleste.
- divinité mineure, elle est la personnification du désir et la patronne des prostituées.
- dans le contexte initiatique importé de Phrygie, elle est Cybèle, compagne du mortel Attis.
Il existe donc deux traditions indo-européennes :
- Une tradition sibérienne ancestrale, minimaliste et centrée autour d'un dieu chthonien, maître de la nature (Cernunnos, Pashupati, Priape, Dionysos).
- Une tradition tripartite, née entre les steppes européennes, iraniennes et altaïques. Cette tradition est elle aussi animiste, mais reconnaît plusieurs dieux complémentaires. Cette tradition est née de la montée en puissance des tribus guerrières (Kourgane, Yamna, Aryens).
Les deux traditions peuvent collaborer (par exemple en Inde avec le védisme et le shivaïsme), ou simplement se tolérer (par exemple en Grèce, où le culte du panthéon olympien, majoritaire, cotoie l'orphisme et le pythagorisme, cultes à mystères élitistes).
Toutes les divinités que nous venons de mentionner sont fastes. Les Indo-Européens n'adoraient pas de divinités incarnant des concepts malsains, vicieux ou maléfiques.
Il se trouve bien dans leur mythologie des êtres dangereux, qui peuplent particulièrement les lieux aquatiques, comme les rivières et les sources, mais si ce n'est quelques nymphes tutélaires, ces créatures légendaires ne sont pas l'objet d'un culte.
Quant aux personnages mythologiques ou religieux incarnant les forces du mal, comme les dives perses, les titans grecs ou les asuras indiens, ils sont associés aux peuples ennemis. C'est ainsi que les dives, démons perses, évoquent les dévas ("dieux") védiques, de même que les démons védiques asuras correspondent aussi bien aux dieux perses ("suras") qu'aux divinités tutélaires des indigènes (pré-védiques) du sous-continent indien.
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