9 Avril 2024
Le verbe est le mot prononcé, mais aussi la pensée. Il permet l'amour et la haine, l'espoir et la honte. Sa puissance est redoutable.
À l'échelle des premières tribus humaines, le chef est celui qui se fait obéir par la parole, en s'imposant assez par son aura, son intelligence (logos) ou sa force pour ne pas en venir à la coercition. Il va donc de soit qu'un dieu (ou qu'un esprit) est d'autant plus puissant qu'il n'a qu'à commander à la faune et à la flore pour créer, défendre la vie ou y mettre fin.
Durant le Paléolithique de l'hémisphère sud, était diffusé le mythe du « message perverti » (J. d'Huy, L'aube des mythes) ; ce mythe narre les aventures d'un messager de Dieu qui se trompe, volontairement ou non, en délivrant (répétant) mal la parole de son maître. Chez les Dusuns (Bornéo), les créatures ont la bouche pleine lors d'un banquet et ne peuvent pas répondre à Dieu qui leur demande s'ils veulent changer de peau, c'est-à-dire rajeunir pour vivre éternellement. Seul le serpent, qui avait feint de manger, est alors capable de répondre par l'affirmative. On observe ici une nouvelle fois le rôle essentiel de la parole, du performatif, du mot qui fait acte, qui scelle un pacte. Dire c'est faire.
Selon l'anthropologue Marcel Mauss, « Le principe de toute prière est l’efficacité reconnue au mot. »1 Le mot est effectivement puissant, ou plutôt, certains mots le sont, comme par exemple les véritables noms des dieux, qui constituent les formules sacrées (mantras) qui procurent la paix intérieure ou la maîtrise des magies blanches et noires. Ainsi, une triade égyptienne comprend Heka (ou Hiké, Magie), Hou (Verbe créateur) et Sia (Connaissance, pensée créatrice) : « Rê fut lié à Atoum, qui a surgi de l'océan primordial par un acte de volonté personnelle et qui a mis en œuvre le cycle des naissances divines en engendrant Shou et Tefnout. Dans son acte de création, Rê fut secondé par Sia, « l'intelligence » prévoyante, par Hou, « la parole créatrice », et par Hiké, le « magicien » qui concrétise la parole par son énergie. » (A. Eggebrecht, L’Égypte ancienne.) Heka déesse de la magie accompagne le dieu créateur dans son œuvre ainsi que dans son voyage nocturne. Dans le Livre égyptien des morts : « Presque à chaque page du Livre nous trouvons des allusions à la magie, à des incantations, à des opérations théurgiques, etc. Ce besoin d'agir sur le Cosmos et sur les entités — visibles et invisibles — par le Savoir, par le Vouloir et par la Parole sacrée, besoin que nous nous représentons mal aujourd'hui, était, il y a cinq mille ans, encore très réel et faisait partie intégrante de la vie quotidienne, ainsi que de la vie sacrée et rituelle. Ces manifestations ne provoquaient aucune espèce d'étonnement ni de doute. Le pouvoir des « noms » faisait partie de la magie. Connaître le nom de quelqu'un — le nom « caché » — c'était posséder le secret le plus intime, la clef grâce à laquelle on avait ce quelqu'un à sa merci. Prononcer le nom c'était façonner par la voix son image spirituelle. Écrire le nom, c'était dessiner son image matérielle. C'est pourquoi le défunt devait garder dans sa mémoire les noms de toutes les entités qu'il pouvait éventuellement rencontrer dans l'au-delà. »2
À Hermopolis, Thot fait naître les autres dieux en émettant des sons. À Esna (Éléphantine), Neith énonce sept propos créateurs, qui seront autant d'étapes dans la perfection du monde visible. À Memphis, Ptah est créateur grâce au pouvoir des noms. Il nomma les hommes, la faune et la flore. C'est grâce au verbe, que Ptah développa le Ka, la puissance de création, notion que l'on rapproche de l'âme, du double éthéré. « Ptah « le père des dieux dont provient toute vie » a conçu le monde par la pensée et le réalisa par le verbe. […] C'est lui qui a créé toute chose et tout être, qui a donné naissance aux dieux et qui était le « cœur et la langue de l' Ennéade » d'Héliopolis. » (E. Fahmuller, dans A. Eggebrecht, L’Égypte ancienne) À Edfou, Ptah fit œuvre de création en « pensant et en nommant toutes choses. »3 Comme le raconte le Papyrus d'Ani4, Isis protégea son frère et mari Osiris et « repoussa les démons en prononçant le charme avec le pouvoir magique de sa bouche. Sa langue était parfaite, et ne butait jamais sur un mot. Bienfaisante dans les ordres et les mots était Isis, la femme des formules magiques, l'avocate de son frère. »
Le verbe favorise la magie blanche et la connaissance, mais la connaissance et la maîtrise d'un nom permettent aussi « d'évoquer, dans une intention nocive, la puissance qu'il désigne. »5 Pour certaines sociétés chamaniques de Sibérie, « tout auxiliaire a un nom que le chamane doit appeler durant la cure », dans d'autres : « on affirme que si le chamane avait le malheur de le nommer, il disparaîtra à jamais... »6 En Égypte, un des sortilèges égyptiens les plus courants consistait à écrire le nom d'un ennemi sur de la vaisselle puis de casser cette poterie (le pouvoir du verbe n'est donc pas seulement le pouvoir du mot dit mais aussi du mot écrit).
Dans le mazdéisme comme dans le védisme, les mantras prononcés correctement ont un pouvoir salvateur, tandis que les mantras mal prononcés sont destructeurs : « Zarathoustra, ne fait connaître ce mantra à personne d'autre qu'au père, au fils ou au frère né du même sein ou au prêtre domestique. Voilà les paroles qui seront pour toi puissantes et de ferme soutien. Elles sont de sages conseils et t'assureront la victoire comme la guérison. Ce sont ces paroles qui purifieront la tête criminelle et feront siffler la flèche lancée depuis l'arrière, et scintiller l'arme levée pour frapper. »7 Dans le Rig-Veda, la juste maîtrise de la prosodie est un gage de réussite pour la magie blanche, mais ça l'est aussi pour la magie noire. Un des arguments des brahmanes pour ne pas laisser les basses castes apprendre les Védas fut longtemps que s'ils n'étaient pas bien compris et pas bien enseignés, les Védas pouvaient créer plus de mal que de bien (or, selon la doctrine brahmanique, les shudras ne sont pas en mesure de comprendre les Védas ; ils n'en ont pas la capacité morale ou intellectuelle).
« C'est donc en chantant, que nos ancêtres les rishis ont montré avec fermeté les rayons qui éclairent les voies qui mènent à Brahma et c’est ainsi que prièrent jadis les premiers rishis qui marchaient sur la Terre. Depuis, les ancêtres n'ont eu de cesse de faire de même, gardant précieusement dans les Védas les règles traditionnelles et la juste prosodie qui permettent de mener à bien les sacrifices sans lesquels jamais rien n'aurait été, ni ne serait. »8
« Énoncer quelque chose, c'est la connaître et en posséder la substance ou la puissance. Nommer une maladie, c'est la guérir. Nommer un corps chimique, c'est être capable d'en utiliser tous les pouvoirs. Cette croyance se retrouve dans tout le Proche-Orient, mais aussi chez presque tous les Anciens. [...] On peut simplement remarquer que l'Orient et toutes les zones occupées définitivement ou temporairement par des peuples venus d'Orient comme l'Afrique du Nord ou les pourtours de la Méditerranée par les Arabes, peuple sémite, ont continué de conserver une espèce de vertu magique au verbe, au mot qui devient réalité par le simple fait qu'il est prononcé. Pour ce qui est de la voix sortie du buisson ardent, elle refuse de nommer le Dieu à qui elle appartient. Moïse aurait pu, sachant le nom de Dieu, s'égaler à lui. »9
Chez les Dogons (Mali), la parole d'Amma est à l'origine du monde, « parole fécondante qui donne vie aux êtres et aux choses. » On observe chez les Dogons le danger que représente une parole (un sortilège) mal maîtrisée, mal comprise, mal apprise. Le verbe est alors une métaphore du parcours initiatique ésotérique.
« Mais le chacal, fils aîné déçu de Dieu, introduisit le désordre dans la Création : voulant posséder la parole, il mit la main sur le vêtement de sa mère la Terre qui la contenait. Coupable du premier inceste, il ne détient que la « première parole », incomplète, encore inarticulée, qu'il utilisera pour parler aux devins à travers la table de divination. Le mythe insiste sur le fait que l'homme a été créé sans parole. La descente des ancêtres symbolisant leur naissance véritable, ils ne devinrent des hommes complets que lorsque le Nommo leur eut fait don de la parole par bonté envers l'humanité, pour rendre possible le progrès. C'est à partir de la « mare » où il siégeait qu'il la leur révéla à travers la technique du tissage. » N. Goisbeault, Un mythe de création ; le mythe dogon.
Chez les Bapendé d’Afrique centrale : le démiurge crie « mourez » et les hommes lui obéissent.
Dans l'introduction de l’Épopée de Gilgamesh, on trouve ce vers « quand le nom de l’humanité eut été établi. » Cette notion se retrouve dans l'Enuma Elish, récit de création babylonien : « Lorsqu’en haut le ciel n’était pas nommé et qu’en bas la terre ferme n’avait pas reçu de nom. »10 Une chose qui ne peut être nommée, cela veut dire que dieu ne l'a pas encore nommée, qu'il ne l'a pas créée. Inversement, nommer ce qui n'est pas, c'est en quelque sorte le « faire apparaître. » Il est intéressant que constater que pour l'art rupestre, l’humanité tentait de faire apparaître des formes latentes, qu'il cherchait à révéler pour utiliser leur puissance. Il tente alors de dire, ou de ne pas dire, ce qui existe mais ne peut être perçu par les sens (d’où les recours à la magie, au mystique, etc.) Dessiner, ou dire, c'est révéler les puissances latentes.
Dans le Bible, l'acte de création se fait aussi par le verbe, Yahvé disant « Que la lumière soit ! » et la lumière fut. À Sumer, An et Enlil prononcèrent : « Souffle du ciel, souffle de la terre » et la végétation, sortant de terre, s’éleva. Chez le poète romain Ovide, les eaux obéissent aux ordres de Jupiter : « À sa voix, les mers prennent leurs cours, se soulèvent au souffle furieux des vents, et se répandent tout autour de la terre. »11
En Inde védique, dans le Livre de Manu (18, 19) : « Dans le commencement [Brahma] régla d'après les paroles du Véda le nom, la fonction et la condition de chaque chose individuellement. » Dans le Harivansa : « De sa bouche [Brahma] produisit les Dévas. »12 Et c'est en prononçant le « Ôm » primordial, le « son de l'Univers », que la création s'est diffusée dans l'espace. « Ôm, l’impérissable son est la graine de toute création. Passé, présent, futur, tout cela n’est rien sinon le déploiement de Ôm. Quant à ce qui transcende les trois royaumes du temps, cela, en vérité est l’éclosion du son Ôm. » (Mandukya Upanishad, trad. Farcet.)
Ailleurs dans le corpus hindou : « Quand les fonctions du mental se sont résorbées en Paramatman, en Brahman, en l'Absolu, le monde phénoménal cesse entièrement d'être perçu ; ce monde n'est, par conséquent, qu'une simple expression verbale. »13 Et « Le Ôm résonnait quand Brahma proclama dans l'univers le mantra magique suivant : Je suis le substrat de l'univers, je suis le brahmane, libéré des sortilèges et de l'illusion, libre de tout ce qui équipait mon corps et qui m'attachait à lui : je suis l’œil de la sagesse. »14
« Brahma prononça aussi Bhuvah (« Terre ») afin que celle-ci soit. Sa parèdre, née de sa bouche, est la déesse Sarasvati, seigneuresse du verbe et des paroles convaincantes. De l'exacte même manière, dans la mythologie maya, Huracan crée la Terre en prononçant son nom. Dans le Satapatha-Brâhmana 11-1-6 : « Prajâpati voulut parler. Il émit le son « Bhür ! » et voici que la Terre apparut ; « Bhuvas! » et voici que l'Espace apparut ; « Suvar ! » et voici que le Ciel apparut. Et s'il est vrai qu'un enfant parlant pour la première fois, ne prononce que des mots d'une ou deux syllabes c'est que Prajâpati, parlant pour la première fois, ne prononça que des mots d'une ou deux syllabes. Des cinq syllabes qu'il avait ainsi prononcées il fit aussi les cinq saisons, et c'est pourquoi les saisons sont cinq. Durant l'année, Prajâpati se leva, pour se tenir debout sur les mondes qu'il avait créés; et si l'enfant veut se tenir debout durant l'année, c'est que Prajâpati durant l'année voulut se tenir debout. […] Désireux de procréer, il allait, chantant des hymnes et faisant effort. Il déposa en son âme la force créatrice, et, de sa bouche, créa les Dieux. En vérité, il les créa pour peupler le Ciel : d'où leur nom de Dieux. Et lorsqu'il les eut ainsi créés pour peupler le Ciel, ce fut pour lui comme la lumière qui brille durant le jour ! » (trad. Inspiré de J. Varenne).
Un brahmana15 raconte l'arrivée de la parole sur Terre : « Indra désira : « puissé-je devenir toutes choses ici-bas ! » Il devint la Parole, car la Parole est toutes choses ici-bas ; c'est pourquoi l'on dit : Indra, c'est la Parole ! »
La théogonie chrétienne proposée par Jean (80-120) proclame une notion d'omniscience divine, de pénétration totale de la création par le créateur. L'idée d'un dieu primordial que l'on mange et qui se retrouve en chaque existence est la base de la doctrine secrète des adorateurs de Dionysos. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes et les ténèbres n’ont pu l’atteindre. »16
Dans la doctrine manichéenne : « Il plût au Père, par l’émission de sa Parole, de soumettre les rebelles qui désiraient s’élever au-dessus de ce qui est plus élevé qu’eux. »17
Dans le Coran (2, 17), Allah « est le créateur des cieux et de la terre à partir du néant ! Lorsqu'il décide une chose, il dit seulement : « sois », et elle est aussitôt. »
Dans le livre saint du sikhisme (doctrine qui s'inspire du monothéisme abrahamique et de l'hindouisme de la Bhakti), le gourou-prophète dialogue avec Gurudeva, le Maître-Dieu : « Avec la parole, tu as créé la création et après l’avoir faite tu la pénètres. »18
Dans la saga finnoise du Kalevala, la terre est née de la parole de Luonotar, qui étend les plaines, colore les pierres et creuse les rochers.
Dans le Tao Te King, le rôle créateur du verbe est vu en négatif, et évoque la cosmogonie shivaïte agamique : de l'unité naît la division, qui mène donc à la trinité, qui elle-même se subdivise à son tour. Le silence est ici l'unité, le son naît de sa fraction. « La voie qui peut être exprimée par la parole n’est pas la Voie éternelle ; le nom qui peut être nommé n’est pas le Nom éternel. L’être sans nom est l’origine du ciel et de la terre ; avec un nom, il est la mère de toutes choses. »19 Et : « Le Tao est éternel et n’a pas de nom. Quoiqu’il soit petit de sa nature, le monde entier ne pourrait le subjuguer. […] Dès que le Tao se fut divisé, il eut un nom. »20
En Polynésie : le démiurge Ta'aroa s'écria « Oh espace pour cieux, Oh espace pour foules, Oh espace pour terre s'étendant loin en haut et en bas » (T. Henry, Mythes tahitiens, NRF, 1962).
Dans le mythe cosmogonique lacandon (Mésoamérique), quand il eut fini de modeler ses créations, le démiurge Hachakyum leur intima l'ordre de se lever (« Debout ! »), et toutes lui obéirent, dont l'espèce humaine qui venait d'être créée. Dans le Pop Wuh quiché, d'inspiration maya :
« Voûte du Ciel ! Côtés du Ciel ! » dit Tzaqol, l'Architecte-Sculpteur, père et mère de l'existence de l'humanité, constructeur, créateur, maître de la création, esprit de la grandeur pure, du vivant créé, contemplateur qui a tout conçu, partout dans le Ciel, les lacs, les océans et sur Terre. Cette première parole, c'est la première expression. […] Ils dirent encore : « Sortez ! Soyez visibles ! Ciel ! Terre ! car vous serez le lieu d'où nous invoquerons et nous contemplerons ceux que nous allons créer. Naissez, êtres formés! ainsi dirent-ils. » Et d'un coup la Terre parut, par leur parole seule se fit la création, à cet instant est apparue la Terre. D'abord comme un nuage, un brouillard léger. Puis surgirent de l'eau les montagnes, massives, gigantesques; d'une seule pensée naquirent les montagnes et les côtes, en une seule fois elles apparurent avec leurs bois de cyprès, leurs pinèdes. Le Serpent emplumé fut rempli d'allégresse. « Notre Œuvre est réussie! » »21
Se distinguent alors deux types de langues : la langue sacrée, hermétique, magique, réservée aux savants, aux sages et aux magiciens blancs. Cette première langue est utilisée par de très nombreux peuples, qui partage une doctrine religieuse (par exemple l’hébreu, l'arabe, le latin, le sanskrit, le prakrit, le slavon). Cette langue sainte (sanskrit, hébreux) ou pseudo-sainte (latin, slavon) coexiste avec une langue vernaculaire, propre à chaque région et qui se décline en une infinité de dialectes. Dans le mythe cosmogonique guarani : « Fragment de la parole divine, le langage humain permettra au Guarani de communiquer avec la divinité et de bénéficier d'une condition propre aux dieux : l'immortalité. Il constituera, en outre, ce ciment social qui fonde et façonne la communauté, assure la solidarité collective. Cette parole, Yayvú, tout à la fois divine et humaine, est à distinguer du langage utilisé dans les simples relations entre les hommes, le ne'ê. »22
Au nord du Canada, les chamanes inuits empruntent les pouvoirs ou les caractéristiques d'un anirniq (génie) en prenant son nom. Le génie peut être bon ou mauvais ; la doctrine sacrée, composée de mots, de mantras, de prières et de formules magiques, n'est alors ni bonne ni mauvaise, mais c'est le chamane, le prêtre, le mage, le sorcier ou l'ascète qui l'utilise dans un dessein ou dans un autre.
1Mélanges d’histoire des religions
2G. Kolpaktchy, Le Livre des morts des anciens égyptiens.
3N. Guilhou, J. Peyré, La mythologie égyptienne.
4British Museum, 1888.
5S. Reinach, « Quelques observations sur le tabou », in L'Anthropologie, 1900.
6P. Perrin, Le chamanisme.
7Avesta, yasht 14. Trad. de Harlez.
8Rig-Véda.
9P. Ulrich (présenté par), Les Grandes énigmes des civilisations disparues (avec la collaboration de J. Renald, L. Vieville et B. Friang), Éd. Famot, Genève, 1974.
10« En ce temps, les cieux d’en haut n’avaient pas encore de nom, ainsi que la terre placée en bas ; elle était sans nom. » Desmazures, Cours d’archéologie.
11Les métamorphoses. Trad. Nisard.
12Harivansa. Trad A. Langlois.
13Adi Shankara, Le plus beau fleuron de la discrimination, chapitre 398.
14Légende brahmanique.
15Commentaire du corpus védique.
16Jean, 1.
17Psaumes du Bêma 223, Mani Christ d’Orient, Bouddha d’Occident, trad. F. Favre, Éd. du septénaire, Strasbourg, 2002.
18Guru Granth Sahib, partie 5.
19Tao Te King, 1, 1. Trad. S. Julien.
20Tao Te King, 1, 32.
21Pop Wuh (Le Livre des événements), version A. I. Chavez, par A. Amberni, NRF.
22R. Bareiro Saguier, La genèse guarani, dans Le Courrier de l'Unesco, mai 1990.
Quelques variations
Selon une cosmogonie védique alternative à la création du monde par le verbe, ce sont le désir et l'amour qui motivent Brahma à mettre littéralement en branle la création du monde. En Grèce, Éros joue aussi un rôle primordial dans la naissance d'Aphrodite. L'Hymne à Aton chante « Seul, Tu as créé le monde selon ton désir ». Hermès Trismégiste reprend ce propos : « Regardez le ciel avec ses étoiles, ses Luminaires, ses nuages ; regardez la terre avec ses montagnes, ses fleuves et ses plantes. Tout ceci n'est autre chose que l'expression de la volonté divine, de la pensée divine ; le Cosmos tout entier est un Livre cosmique, un Manuscrit, un gigantesque rouleau de Papyrus issu des mains des dieux. Cherchez donc à lire et à comprendre ce Livre dieu. »
Signalons une autre variation : la création par le dessin et le signe. Dans le tantrisme shaktiste indien, le saint dessin Sri Yantra concentre en lui la puissance de la Grande déesse. Chez les Dogons : « Avant de créer le Monde, Amma l'a pensé et l'a dessiné dans l'espace en 266 signes dont l'ensemble est dit « Amma invisible », soit 2 signes pour lui-même et 264 autres classés en 22 catégories de 12 qui résument sa pensée et seront associés plus tard au partage des totems. »1
Enfin, dans le Pop Wuh, on relève une variation de la création par le verbe : la création par la pensée. « Une seule pensée fit naître les fleuves, les hautes montagnes. C'est ainsi qu'apparut la Terre, ainsi qu'elle fut créée par l'Esprit du Ciel, l'Esprit de la Terre, disait-on à Cause de cela. »2 Une variation similaire se retrouve dans le vishnouisme : le démiurge Vishnou-Narayana crée en rêvant, allongé sur un serpent géant, endormi au milieu des vagues de l'océan des possibles.
1N. Goisbeault, Un mythe de création ; le mythe dogon.
2Pop Wuh (Le Livre des événements), version A. I. Chavez, trad. Amberni, NRF.