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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

La RELIGION INDIENNE (hindouisme)

Un sadhu effectuant le pélerinage de Muktinath (Himalaya népalais)
L'hindouisme

L'hindouisme est un terme anglophone auquel les Indiens eux-mêmes préfèrent celui de Sanatana Dharma, que l'on pourrait traduire comme « la tradition éternelle ». De tous les courants religieux dharmiques issus de la base culturelle védique, l’hindouisme est le plus populaire depuis deux mille ans. Il est lui-même composé de plusieurs courants. Par ordre d'importance démographique, ce sont le vishnavisme (fédérant les adeptes de Vishnou, Rama et Krishna), le shivaïsme (Shiva), le shaktisme (Dévi, Parvati Durga, Kali) et le tantrisme (Shiva, Shakti, Ganesh). L'immense majorité des hindous vivent de nos jours en Inde, mais avant l'islamisation de l'Asie centrale, ce culte comprenait des adeptes et des temples de Perse jusqu'en Chine continentale.

Quel que soit son courant doctrinaire, l'hindouisme n'est pas une religion prosélyte. Contrairement aux doctrines catholiques ou musulmanes qui leur accordent une place prépondérante, les notions d'universalité ou de baptême n'ont pas cours dans l'hindouisme, qui préfère les notions de devoir, de race, de caste et de famille. Le plus important pour un hindou n'étant pas de correspondre à un idéal illusoire de justice ou de bonté, mais plutôt d'être pleinement conscient de la place qu'il doit occuper sur Terre, et ainsi remplir sa tâche existentielle correctement (c'est-à-dire en accord avec le Dharma, qui est l'équilibre cosmique, la loi universelle).

 

L'hindouisme dans le monde

traditions

nombre d'adeptes

hindouisme dans le monde

1 100 000 000

hindouisme en Inde

966 000 000

hindouisme aux États-Unis

2 270 000

hindouisme en Australie

440 300

hindouisme en France

121 312

hindouisme à la Réunion

45 000

hindouisme en Guyane française

4 650

hindouisme hors Inde

60 000 000 à 70 000 000

I.S.K.O.N aux États-Unis (« Hare Krishna »)

50 000 à 100 000

Wikipedia (hindouisme dans le monde), Census of India 2011, US Public Religion Research Institute 2016, Australian census 2016, Wikipedia (hindouisme en France, dont Réunion), globalreligiousfutures.org (hindouisme en Guyane), Pew Research (hindouisme hors Inde), I.S.K.O.N et religionlink.com (I.S.K.O.N).

 

Si la religion védique se distingue nettement de l'hindouisme, ce dernier reprend cependant l'essentiel de la tradition védique, non pas tant au niveau du panthéon, que des concepts-clés, tels le Brahman, l'Atman, le Karma, la Moksha, etc. En effet, le védisme n'est pas un culte à idoles, ni à récits, mais plutôt un culte à rituels, où les dieux ne sont que les incarnations de forces élémentaires, tels le vent, le tonnerre, la pluie ou le feu. Les planètes jouent aussi un rôle important dans le Védisme, Surya, le soleil, et Chandra, la Lune, étant des divinités majeures, tandis qu'elles ne seront que très secondaires dans l'hindouisme classique.

Si le védisme n'est plus pratiqué de nos jours de la manière dont il l'était il y a 4000 ans, ses rituels sont encore très largement utilisés par les courants plus récents de l'hindouisme. Ainsi, le feu, les libations, les ablutions mais aussi les offrandes et les techniques de yoga, toutes ces pratiques sont l'héritage du védisme et du brahmanisme.

De nos jours, sur une population totale de 1,3 milliard d'Indiens, les pratiquants du strict védisme, brahmanes et locuteurs du sanskrit, comme première ou seconde langue, peuvent être estimés à moins de trois millions d'individus.

La RELIGION INDIENNE (hindouisme)
La RELIGION INDIENNE (hindouisme)
L'hindouisme est-il un monothéisme ?

Culte de la déesse Mère dans le sud du pays, de Shiva pour les sectateurs du shivaïsme, ou de Vishnou-Krishna pour les vishnavites, la préférence envers une divinité comme unique source et raison d'être de l'Univers, est une des pratiques remettant le plus en cause la présentation de l'hindouisme en tant que polythéisme. Dans le cas du culte de la déesse Mère et de Krishna en particulier, l'hindouisme se rapprocherait même bien plus du monothéisme, dans le sens où une seule divinité est adorée, et est considérée comme seule responsable de tout ce qui fut, qui est et qui sera.

Nous voyons déjà dans les anciens hymnes, c’est-à-dire en 1500 avant J.-C., les premières traces de cette recherche inquiète d’un seul Dieu. Les dieux, quoique constituant des individualités distinctes, ne sont pas représentés comme limités par d’autres dieux, mais chaque dieu est, pendant un certain temps, implore comme le dieu suprême ; c’est une phase de la pensée religieuse que l’on a nommée hénothéisme, pour la distinguer du polythéisme ordinaire.

M. Muller, Introduction à la philosophie Vedanta.

En Inde cependant, l'adoration prioritaire, voire exclusive d'un dieu n’entraîne pas l'interdiction, pour soi ou pour autrui, de croire ou de prier d'autres divinités. De plus, il n'existe en Inde ni interdiction ni tabou concernant la représentation du divin, et donc, tout en pensant qu'il n'existe qu'une seule et unique source à l'Univers, les hindous sont tout à fait autorisés à imaginer un maximum de représentations, afin de s'en faire une idée juste et familière. S'il doit exister une ségrégation dans le choix des divinités, celle-ci se fait à l'échelle individuelle et de caste, mais ne s'applique pas de manière universelle à la collectivité.

Le chapitre 7 de la Bhagavad Gita est très clair sur le sujet ; derrière un polythéisme d'apparat, qui est d'ailleurs déploré, le vishnavisme est un monothéisme assumé et revendiqué :

« Ceux dont l’intelligence est en proie aux désirs se tournent vers d’autres divinités ; ils suivent chacun son culte, enchaînés qu’ils sont par leur propre nature. Pourtant, quelle que soit la divinité à laquelle un homme offre son culte, j’affermis sa foi en ce dieu. Tout plein de sa croyance, un tel homme s’efforce de servir son déva, obtenant ainsi de lui les biens qu’il désire… Mais c'est moi qui en suis le distributeur. Mais leur récompense est limitée, car en s'adonnant aux dévas ils prennent leur chemin et ne se dirigent pas vers moi, qui pourrais leur offrir bien plus.

Les ignorants me croient visible, moi qui suis invisible : c’est parce qu’ils ne connaissent pas ma nature supérieure, inaltérable et suprême. Je ne me manifeste pas à tous, enveloppé que je suis dans l'illusion que le yoga dissipe. Le monde plein de trouble ne me connaît pas, moi qui suis exempt de naissance et de destruction.

Je connais les êtres passés et présents, Arjuna, et ceux qui seront ; mais nul d’eux ne me connaît. Par le trouble d’esprit qu’engendrent les désirs et les aversions, tous les vivants en ce monde courent à l’erreur.

Ceux qui, par la pureté de leurs actes, ont effacé leurs péchés et ont échappé au trouble de l’erreur pour m'adorer avec persévérance, ceux-là peuvent se réfugier en moi et chercher en moi la délivrance de la vieillesse et de la mort. Ils connaissent Dieu, l’Âme suprême, et l’Acte dans sa plénitude. Ils savent que je suis le Premier Être, la Divinité Première, et le Premier Sacrifice, ceux-là, au jour même du départ, unis à moi par la pensée, ne m'oublient pas. » Bhagavad Gita, 7.

Les mêmes idées sont exprimées dans le payiram du Tirumantiram de Tirumular :

Tout d'abord il y eut donc l'unité. Puis le 3, le 5, le 9, puis le zénith et la Terre. Ceci établi, le tissu de l'existence s'est alors déployé sur l'Univers comme la toile d'une tente. Mais en vérité il n'y a qu'une seule et même entité, dotée de plusieurs noms, dont le plus glorieux est Shankara, « le tout puissant. » Ainsi, le Grand Créateur est-il un ? Est-il multiple ? Est-il seul ? Sont-ils trois ? En vérité, c'est la division qui permet à l'univers de se propager. Dès les premiers instants de la création, la lumière s'est divisée en trois flammes, puis en cinq. Il est donc tout à fait inutile de perdre son temps à deviser dans quel ordre Shiva, Vishnou et Brahma doivent être ordonnés et honorés.

Il ne s'agit pas véritablement d'un polythéisme, ni d'un culte à rituel, comme pouvait l'être le védisme, mais simplement d'un chemin spirituel non dogmatique :

« Il est vrai que Dieu peut se manifester à ses dévots dans des formes variées. Mais il est pareillement vrai encore que Dieu est sans forme. Il est l'Indivisible (Satchitananda) : Existence-Connaissance-Félicité-Absolue. Il a été décrit dans les Vedas à la fois sans forme et pouvant prendre forme. Il est décrit également avec des attributs ou sans attributs. Comprenez-vous ce que je veux dire ? Satchitananda est comme un Océan infini. Le froid intense transforme l'eau en glace qui flotte sur l'eau en blocs de différentes formes. De la même manière, sous l'influence de la bhakti (amour) on peut apercevoir des formes de Dieu dans l'Océan de l'Absolu. Ces formes ont une signification pour les passionnés de Dieu. Mais quand le soleil de la Connaissance se lève, la glace fond, elle redevient de l'eau comme auparavant. L'eau par-dessus, l'eau par-dessous, partout c'est la même eau. » Ramakrishna, dans S. Lemaitre, Ramakrishna et la vitalité de l'hindouisme.

À la grande différence du védisme, du bouddhisme ou du jaïnisme, l'hindouisme prétend qu'il est possible de rejoindre Dieu dans sa félicité éternelle. La véritable connaissance de Dieu, qu'il soit Shiva ou Vishnou-Krishna, devient alors le Brahman lui-même. Cependant, et c'est là la puissance de l'hindouisme, si Dieu est accessible, la doctrine enseigne aussi qu'il existe différents chemins pour le rejoindre.

« Dieu est sur le toit. Il s'agit d'y grimper. Les uns prennent une échelle, les autres une corde, ou un escalier de pierre, une perche en bambou, d'autres escaladent à leur manière. Ce qu'il faut c'est arriver sur le toit. Peu importe que vous ayez choisi telle ou telle voie. Ce qu'il ne faut pas c'est employer à la fois plusieurs manières, prenez-les successivement. Lorsque vous avez trouvé Dieu, vous êtes sur le toit... et vous comprenez alors qu'on peut prendre différents chemins pour l'atteindre. Vous ne devez en aucun cas considérer que les autres chemins ne mènent pas à Dieu. Ce sont d'autres voies vers le même toit. Laissez chaque être suivre son propre sentier. Celui qui, sincèrement et ardemment, cherche Dieu, que la Paix soit sur lui. Sûrement il Le trouvera. Vous aurez beau dire qu'il y a bien des erreurs et des superstitions dans une autre religion, je répondrai : « Supposons que ce soit. Chaque religion comporte des erreurs. Chacun pense que sa montre seule donne l'heure correcte. Il suffit d'avoir un amour ardent de Dieu. C'est assez de l'aimer et de se sentir attiré vers Lui. Ne savez-vous pas que Dieu est notre guide intérieur ? » Ibid.

Même s'il en possède certaines caractéristiques, l’hindouisme n'est pourtant pas un monothéisme, dans le sens ou l'adoration d'une divinité n’entraîne pas automatiquement l'éradication de toute autre forme de mysticisme ou de théologie. On observe encore dans l'hindouisme moderne la trace persistante d'un animisme pré-védique qui remonterait au Paléolithique supérieur, de même que les enseignements des maîtres spirituels contemporains, sont plus inspirés par la pratique quotidienne du yoga que par l'interprétation, plus ou moins libérale ou rigoriste, d'un quelconque livre saint, fussent les Vedas.

La parole du gourou, quelle qu'elle soit, n'est jamais qualifiée de blasphème ni de sacrilège, et s'il arrive d'aventure, qu'un gourou professe des insanités ou des théories dangereuses, ses disciples se détourneraient aussitôt de lui, ce qui serait une juste punition qui le mènerait à la pauvreté (ses seuls moyens de subsistance étant leurs dons).

Pour l'hindou, il n'existe pas de mécréants, ni d’infidèles, mais juste une humanité libre de choisir la divinité qui lui permettra de suivre la « voie juste » du dharma. Or, le dharma n'est pas un règlement, ni un Code, mais une manière d'accepter la vie comme elle est, et d'y trouver une juste place à l'intérieur, le temps d'une existence.

On retrouve en Égypte ancienne cette même tolérance religieuse systémique. C'est ce que résume très justement Jules Bois, lorsqu'il traite du culte antique d'Isis : « Le peuple était et croyait tout ce qu’il voulait. Hors du premier degré d’instruction et d’éducation professionnelles, hors du culte des ancêtres, rien ne lui était imposé, bien que tout lui fût accessible suivant sa volonté » (Les Petites Religions de Paris).

De telles notions se retrouvent à l'identique en Grèce, dont le peuple était à la fois pieux, tolérant, mais aussi superstitieux. Jean-Louis Backès, dans sa préface à l'édition Folio des poèmes d'Hésiode et des hymnes homériques, nous livre ces quelques lignes qui résument toute une tradition : celle du polythéisme et du panthéisme européen antique :

On ne damnera personne pour avoir prétendu qu'Aphrodite était fille de Zeus, comme le dit Homère, ou qu’elle est née de l'écume, comme le raconte Hésiode. Les poètes se contredisent, sans la moindre gêne, semble-t-il. Il n'y a pas de vérité révélée. Il n'y a pas de vérité imposée. L'aède apporte des variantes inattendues. Et le public se réjouit.

C'est cette possibilité de broder autour d'un thème ouvert à l'interprétation qui fera naître tant de mythes et tant de divinités en Grèce et en Inde. L'absence de doctrines autoritaires, comme le zoroastrisme en Perse, l'islam en Arabie ou le christianisme en Europe, permit à l'Inde et au monde méditerranéen antique de mêler culture théâtrale, musicale, liturgique et magique en une seule même croyance universelle. Cette croyance reposait alors sur un dieu principal (Zeus, Varuna) et sur une pléthore de divinités auxiliaires aux attributs particuliers et adaptée aux différentes castes sociales et aux différents clans et cités (Athéna, Apollon, Dionysos, Priape, Mithra, Aryaman, Indra, Surya)

J.-L. Backès nous met en garde : l'absence de doctrine stricte n’entraîne pas nécessairement un relâchement dans la valeur et l'authenticité du message sacré : 

Nous aurions tort pourtant d'imaginer que l'aède invente ce qui lui plaît. Il est homme de tradition. Il est gardien de traditions. Il possède un immense savoir. Il ne se préoccupe pas d'abord de maîtriser un système théologique.

De nos jours, alors que l'Histoire ne comprend plus mais déconstruit, il est de bon ton de prétendre que les Grecs ne pouvaient pas croire en des dieux que nous ne comprenons plus. J.L. Backès est cependant catégorique :

Les dieux existent. Qui en doute à cette époque ? On ne sait guère leur nombre, on ne connaît pas tous leurs desseins. Il peut toujours en surgir un nouveau, qui réclamera des sacrifices. Chacun honore les dieux de sa cité. Il leur fait leur part, pour que l'économie du monde soit saine.

Le polythéisme hindou

L'idée que l’hindouisme est un ensemble touffu de croyances, composé de trop nombreux dieux pour être dénombrés, n'est absolument pas correcte. Le panthéon hindou contemporain, hérité du brahmanisme postvédique, et qui règne en Inde depuis près de 3000 ans, peut se réduire en vérité à moins d'une dizaine de divinités irréductibles.

Il y a la Trimurti, composé de Brahma, le créateur, Vishnou le sauveur et Shiva le destructeur, à laquelle on ajoutera Devi, ou Shakti, le principe féminin, Ganesh, la chance et la prospérité et Indra, la pulsion de mort et de vie, la vigueur. Nous obtenons là cinq dieux et une déesse. En comprenant leurs milliers d'avatars, ils peuvent être considérés comme une juste composition du panthéon hindou entier, qui se résout alors à sept figures tutélaires récurrentes, si on ajoute à cette liste Hanuman, divinité extrêmement populaire.

Il est rare qu'un hindou consacre son adoration à plus d'une ou deux divinités en même temps. L'hindouisme, dans les faits n'est donc pas tant un polythéisme qu'un panthéisme à tendance unificatrice, dont la pratique s’apparente à un monothéisme peu structuré, centralisé non pas autour d'un livre saint ou d'un prophète, mais plutôt autour d'une idole permettant la pratique méditative et ouvrant sur tout un corpus de textes appelé tantra.

L'hindouisme est une forme développée de l'animisme, qui considère chaque chose, être vivant comme végétal et minéral, doté d'une dimension holistique, dont le sage doit être averti. Si la science profonde et initiatique des textes védiques ne considère les éléments que pour ce qu'ils sont, c’est-à-dire des pièces essentielles d'un puzzle cosmique, la superstition populaire en a fait des divinités, qu'ils nommèrent « dévas », afin qu'elles s'incarnent dans une réalité palpable. Ainsi, le feu est Agni, tout comme les fleuves sont Ganga, Yamuna, ou Brahmapoutra.

L'hindouisme est donc une religion de symboles, de même que l'islam ou le christianisme, à travers l'omniprésence de leurs livres saints respectifs, sont des religions de mots.

La Trimurti, triade sacrée hindoue (Brahma, Vishnou, Shiva)La Trimurti, triade sacrée hindoue (Brahma, Vishnou, Shiva)

La Trimurti, triade sacrée hindoue (Brahma, Vishnou, Shiva)

Généalogie du panthéon hindou
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La généalogie des religions indo-européennes

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