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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

Le démiurge en retrait (divinité universelle)

Brahma, démiurge hindou (relief védique à gauche et représentation moderne à droite)Brahma, démiurge hindou (relief védique à gauche et représentation moderne à droite)

Brahma, démiurge hindou (relief védique à gauche et représentation moderne à droite)

Le créateur premier, le démiurge, est une figure solitaire et en retrait.

Voici un petit tour du monde mythologique de ses principales versions.

En Grèce, avant de procéder à une création sexuée avec sa parèdre Thalassa, Pontos (principe mère mâle) engendre seule son premier fils Nérée. C'est aussi Saturne, le premier démiurge de la Terre, remisé en enfer par son engeance.

Dans l'orphisme, Phanès être asexué, engendre de lui-même. Il n'a qu'un rôle cosmogonique primordial. Être primordial hermaphrodite situé aux limites de la création, il est caché aux dieux-mêmes. Toujours renouvelé, il demeure éternellement passif. En outre, un fragment gréco-orphique célèbre le Ciel comme une divinité solitaire : « Il n’y a qu’un seul pouvoir, qu’une seule divinité, le vaste ciel qui nous entoure de ses feux ! Lui seul a tout créé. En lui roule la création, le feu, l’eau et la terre. »

À Sumer, Anu est le dieu du ciel, curieusement absent des mythes contemporains des sumériens. Comme Saturne, c'est un roi céleste déchu, dépossédé de sa couronne par des générations divines plus tardives, capables de cataclysme vengeur.

À Canaan : « Au sommet du panthéon d’Ougarit il y a le dieu El, créateur de l'univers et père des dieux, transcendant et bienveillant mais lointain et impuissant dans les affaires humaines, où il a été remplacé par Baal […] un dieu de la tempête. » (Couliano, Eliade, op. cit.)

Dans le monothéisme abrahamique, il s'agit d'Allah pour les musulmans, de Yahvé pour les juifs. Le dieu d'Abraham demeure bien souvent silencieux et absent : pas une seule fois il n’apparaît devant les hommes tandis qu'il ne connaît aucun avatar.

À Thèbes, en Égypte, Amon est né de lui-même. Atoum aussi, tandis que l'Hymne à Aton chante :

« Seul dieu, toi qui n'as pas de semblable,

Tu as créé la terre selon ton cœur, alors que tu étais seul,

Les hommes, toutes les bêtes domestiques et sauvages,

Tout ce qui est sur la terre et marche sur ses pieds,

Tout ce qui est dans le ciel et vole de ses ailes »

À Edfou, l'être initial est « Lointain, Unique » (Trad. N. Guilhou). À Memphis, Ptah est un créateur solitaire. Dans la mythologie d'Hermopolis, les dieux en retrait vivent dans le monde souterrain : « Depuis l'accomplissement de leur œuvre de création, ces dieux primordiaux vivent dans le monde souterrain, mais ils se chargent encore de certaines nécessités élémentaires, comme le lever quotidien du soleil et le cours du Nil. » (N. Guilhou, J. Peyré, La Mythologie égyptienne.)

En Anatolie, Le Cycle de Kumarbi présente un dieu céleste fuyant : « Anu s'éleva au Ciel et s'y cacha. » (Trad. Vieyra)

La tradition mazdéenne rapporte qu'à l'aube de l'Univers, alors qu'il n'y avait encore rien, il y avait Zurvan, le Temps. Il est la cause première ; le passé, le présent et le futur de toute chose. Il n'a ni nom, ni genre, ni passion. Il réside en dehors de l'Univers bien que le soleil soit sa manifestation physique. Zurvan crée seul. C'est une figure primordiale qui disparaît ensuite du panthéon. Il est absent du culte.

Dans le shivaïsme, Shiva n'intervient que très peu sur Terre. Il est résident du Mont Kailash, l'axis mundi, sommet de l'Univers.

Dans le védisme, Varuna crée seul, puis se retire de sa création pour en être le juge ultime.

Dans le Rig-Veda, « l'Un prit naissance par le pouvoir de la Chaleur. » (trad. Varenne)

« Il est le premier créateur de la Création, il la soutient donc. Quel autre que lui pourrait le faire ? Du haut du ciel, il a les yeux tournés vers un univers qu'il est le seul à vraiment connaître. Quel autre que Lui en sait autant ? » (« Hymne à l’Âme Primordiale de l'Univers (Paratma) », Rig-Véda, trad. Langlois)

Le démiurge est tout aussi seul dans les commentaires du Rig-Veda, les Brahmanas :

« Le temps certes n'existait pas alors, mais l'œuf flotta aussi longtemps que dure une année. Pendant cette année donc, un être apparut : c'était Prajapati [Brahma]. Il en brisa la coquille mais, comme il n'y avait aucun point d'appui, l'œuf d'or, le portant, flotta encore aussi longtemps que dure une année. »

Dans le Harivansa :

« Celui qui à la fois est et n’est pas, cause indépendante, éternelle, spirituelle, a produit de lui-même la matière première et l’esprit, et ce grand tout qui est en même temps Ishvara [« support de la création, toile du monde », fréquemment associé à Shiva]. C’est là, Brahma dont l’énergie créatrice est infinie ; Brahma, auteur de tous les êtres [...]. Agent spontané dans cet univers, de lui sont sorties les diverses classes de créatures ; de lui vient cette création éternelle qui se renouvelle dans le monde. » (trad. A. Langlois).

Dans la Prière à Brahma du Skanda Purana :

« Salutations à celui qui s'est engendré lui-même, à celui qui quotidiennement se renouvelle en donnant naissance à lui-même. Salutations à Brahma, la force créatrice indépendante à l'origine de la vie. »

Imro, le démiurge des Kalashas de l'Himalaya, est une figure mythologique tombée au fil des millénaires en désuétude pour laisser place à des divinités plus actives. Le conte cosmogonique local début ainsi : « au commencement, il n'y avait qu'un seul dieu : Imro ».

Chez les Slaves : « Dans la Chronica slavorum, Helmond parle d'un dieu céleste, père des dieux, qui ne s'occupe pas du gouvernement du monde. » (Couliano, Eliade, op. cit.)

« Comme le panthéon des Slaves, celui des Baltes comporte trois divinités principales [dont] un dieu céleste inactif (lituanien Dievas, letton Dievs) » (idem.)

Chez les Finnois, Ukko est le démiurge doté d'un caractère passif et peu interventionniste.

Le mythe de peuplement du Tibet met en scène un sage simiesque qui vit reculé dans une caverne de glace au sommet d'une montagne. Il est l'ancêtre de l'humanité.

Dieu solitaire des Yakoutes de Sibérie est Art-Toion-Aga, le « Seigneur Père Chef du Monde », qui préside « dans les neuf sphères du ciel ». « Puissant il reste inactif : il resplendit comme le soleil qui est son emblème, il parle par la voix du tonnerre mais se mêle peu des affaires des hommes. C'est en vain qu'on lui enverrait nos prières pour nos besoins journaliers [...] » (M. Eliade).

Dans la mythologie tchouktche, le corbeau est « celui qui s'est créé tout seul ».

La figure shinto Kuni no tokotachi est l'être originel, le géant cosmique « qui se dresse éternellement au dessus de la terre. » Éternel, dieu du fondement du monde, associé à la mer originelle, il n'a aucun rôle si ce n'est de débuter la création lors des premières lignes du récit cosmogonique japonais.

En Polynésie, « Taaroa, le grand ordonnateur, est la cause de la terre. Taaroa est, il n’a point de père, point de mère, point de postérité. » (Gaussin, Tradition religieuses de la Polynésie.) « Ta'aroa se développa lui-même dans la solitude; il était son propre parent, n'ayant ni père ni mère. [...] Ta'aroa était tout à fait seul dans sa coquille. Il n'avait ni père, ni mère, ni frère aîné, ni sœur. Il n'y avait pas de maux, pas d'oiseaux, pas de chiens, mais il y avait Ta'aroa et lui seul. » (T. Henry, Mythes tahitiens, NRF, 1962.)

En Australie : « Les Aborigènes connaissent un dieu créateur qui se retire dans les hauteurs éloignées du ciel, où les humains ne peuvent le rejoindre. » (Eliade, Couliano, Dictionnaire des religions.) Selon la cosmogonie des Arandas du centre de l'Australie, Altjira est esprit masculin céleste qui créa la terre puis se retira au ciel.

Rapportant les traditions mexicaines des Tarahumaras, Antonin Artaud évoque dans Le réveil de l'oiseau tonnerre (1936) « le vieux dieu responsable de toute cette création [...] ».

Le démiurge en retrait (divinité universelle)
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