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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

Les démons à travers le monde (mythologie comparée)

Illustration perse du Livre des rois, de Ferdowsi

Illustration perse du Livre des rois, de Ferdowsi

 

Les démons

 

 

Servant à la fois à illustrer la morale aux plus jeunes et à filer la métaphore politique pour les adultes, à travers des contes et des épopées, les démons ont de tout temps été très utiles. Aujourd'hui encore, de très nombreux musulmans et chrétiens, mais aussi hindous, expliquent la détresse du monde par l'influence subtile des djinns (génies) et autre esprits maléfiques. La mythologie sert le politique : on affuble de sinistres légendes les ethnies voisines dont on envie la situation ; dont on aimerait chasser sur les terres ou encore posséder les femmes et les biens.

Effectuons un tour du monde des monstres mythologiques :

Dans la mythologie kabyle, les monstres vivent dans le monde souterrain. Ce sont des géants, ogresses et ogres, ou des nains. La nuit, ce monde souterrain menace d'envahir le monde.

En Scandinavie (Jotnar), en Irlande (Fomoires), en Grèce (Titans) et en Mésopotamie (Nephilims, Asuras), on retrouve ce mythe d'un peuple gigantesque autochtone, souvent antédiluvien, qu'ont dû combattre les dieux (Olympiens) ou de nouveaux arrivants plus classiquement humains.

Dans la Théogonie d'Hésiode, c'est la Terre elle-même, Gaïa, qui enfanta les Furies et les Géants « aux armes éclatantes ». Les premières créatures sont donc des monstres, des géants, des titans et des calamités... Zeus gagna la guerre contre les titans et les enferma dans l'enfer souterrain. De nombreux monstres les ont plus tard rejoint en enfer, dont l'hydre, le lion de Némée, Cerbère...

En Mésopotamie, « les dieux captifs » sont les géants, titans, dont Kingu est le chef.

Dans l'Epopée de Gilgamesh, composée pour un public mésopotamien, Humbaba est le gardien de la forêt des cèdres du Liban. Il est présenté comme un démon que massacre Gilgamesh et Enkidu. Pourtant, si l'on résonne en évhémériste, Humbaba devait être à l'origine un roi semi-légendaire libanais et non un authentique démon infernal. En Égypte, Yam, le démon maritime qui menace l’Égypte depuis le nord du pays est une évidente métaphore de la menace que faisaient peser les peuples sémites du Levant sur la région. Yam est d'ailleurs le nom de la divinité ougaritique de la mer et des tempêtes, dont le caractère n'est pas nécessairement infernal.

En Inde comme en Perse, par un jeu de réflexion, les démons sont les dieux du peuple voisin. En Inde les asuras (ahura) sont impies, tandis qu'en Perse ce sont les dives (dévas). Inversement, en Inde les dévas sont bons, tandis qu'en Perse c'est l'Ahura majeur (Ahura-Mazda) qui est honoré.

 

Ravana, le roi de l'île de Lanka, chef des Rakshasas.
Les dévas à gauche s'allient aux asuras à droite lors de l'épisode cosmogonique vishnouite puranique

 

De la même manière les Aryens indiens ont considéré dans leur mythologie les yakshas et yakshinis, esprits de la nature, qui étaient si importants dans le culte indigène, mais ils ont ajouté à ces créatures une dimension maligne que leur culte initial ne connaissait pas. De même, les nagas sont dans l'Inde aryenne des dangereux serpents géants alors qu'ils semblent avoir d'abord été les divinités tutélaires des peuples indigènes installés près des lacs et des marécages. Pour le shivaïsme, dont l'origine est pré-védique, les nagas sont les amis de Shiva, ils sont les esprits gardiens de l’infra-monde.

Le même phénomène a pu avoir lieu en Europe ; les nains et autres trolls espiègles de la tradition celto-germaniques, pourraient avoir été les génies de la nature, adorés par les peuples pré-indo-européens ou subarctiques, tels les Finnois, les Inuits, les Proto-Basques, les Ibères, etc.

De nos jours, les musulmans indiens considèrent Shiva, Vishnou et tous les dieux hindous comme des djinns (génies) : ils considèrent donc leur existence, mais leur dénient toute sainteté et toute sacralité.

Chez les Arabes, les démons sont donc les djinns, qui vivent sur terre mais sont pour la plupart du temps invisibles aux humains. Ils sont des « autres » résidents de la terre, actifs bien qu'invisibles aux yeux du profane et sont souvent considérés responsables de ce qui ne va pas dans le monde.

Chez les Inuits, les démons sont les tuurngaits. Tout comme les djinns, ils ne sont pas associés à des corps physiques, même s'ils sont conçus comme monstrueux. C'est à cause d'eux si les expéditions de chasse sont manquées et si des outils se cassent. Les chamans les combattent, les exorcisent, ou les capturent afin de les asservir. Les tuurngaits et les djinns peuvent posséder les hommes.

Chez les Algonquins, le grand manitou Chémanitou crée Michinitou, le Mauvais-Esprit, véritable abomination mi-lovecraftienne, mi-dantesque : « Michinitou, l’auteur de tout mal et le père des mauvais esprits » (Guindon, En mocassins.) Il se révoltera et son maître devra l'enfermer pour un temps dans une caverne. L'hideuse créature s'échappera pourtant et colonisera le monde.

 

Les dragons

Penchons nous à présent sur la mythologie des dragons. Il s'agit en effet de monstres géants reptiliens, généralement aquatiques, souvent ailés, qui illustrent le mythe paléolithique du serpent souterrain et maître des eaux. Comme le serpent-ailé, le serpent de mer est un monstre incarnant un dualisme primordial : le serpent est un animal chthonien, qui vit dans les profondeurs de la terre. Il est la métaphore des mondes inférieurs, de la mort, de l'origine insondable du monde et de tous les mystères de l'univers. Maître cependant des mers, il réunit sous son joug les deux pôles de la cosmogonie « basse » : la mer et la terre. Surtout, il incarne le combat, ou plutôt la revanche de l'océan primordial sur la terre crée. Le domaine céleste quant à lui ne peut être sous son contrôle. Il ne peut y accéder, à moins qu'il ne se redresse et qu'il se place sur les épaules ou sur la tête de Dieu ou d'un de ses représentants.

La déesse chaotique et maritime babylonienne Tiamat, le démon marin égyptien Yam, le démon marin grec Typhon et le Léviathan de la Bible peuvent être rapprochés de la figure du dragon. Il s'agit de métaphores du mal, du chaos originel et océanique menaçant la création terrestre du démiurge. Il tient dans sa gueule le feu et un héros civilisateur doit le terrasser pour s'en saisir.

Le combat du dieu-héros contre le dragon est un mythe cosmogonique majeur. Par exemple, selon la mystique d'Héliopolis (Égypte), chaque jour et chaque nuit, Rê le dieu céleste, solaire et primordial combat son frère Apophis, le serpent des mers maître de l'obscurité.

In Friedrich Johann Justin Bertuch, Mythical Creature, Dragon, 1806

 

Le combat contre le dragon peut prendre une forme originale : dans la Genèse, c'est Ève qui cède à la tentation du serpent, provoquant la colère de Yahvé : le serpent perdra ses pieds et chutera en enfer, Adam et Eve seront exclus du jardin d’Éden. Un mythe africain fait écho à celui du fruit défendu : « Le peuple Isanzu, qui vit au sud du lac salé Eyasi en Tanzanie, raconte qu'après avoir rejeté de nombreux prétendants, une femme épousa Éléphant, qui se transforma en homme. Un jour qu'elle lui apportait son repas au champ, elle croisa Serpent, qui lui chanta une invitation à copuler. Il se transforma en homme et mangea une partie de la nourriture. À Éléphant, elle expliqua qu'elle avait croisé son beau-frère, avec qui elle avait partagé le repas.

J. d'Huy, Cosmogonies

Dans le Rig-Véda, le mythe du dragon de la sécheresse qui garde dans son ventre toutes les eaux de la terre est illustré par le combat entre Indra et Vritra. Dans un conte provençal, Tarasque est le dragon de la Durance. Il mange les villageois (pêcheurs, laveuses) qui veulent accéder au point d'eau. En Chine, la déesse primordiale et serpentine Nuwa se confectionne des armes puis défait un dragon échappé des limbes qui terrorisait les habitants de la terre.

Le serpent qui empêche quiconque d'accéder à une source ou un lac, sauf en échange d'une offrande (bien ou personne) est un mythe tout aussi commun. Dans la mythologie kabyle, le dragon féminin Talafsa est une hydre à sept têtes, qui hante les forêts et les sources. Maîtresse de l'eau, elle peut en priver une région ou un village. On lui sacrifiait jadis une jeune fille. Le même sacrifice s'observe partout dans le monde : dans le Tarim, une légende khotanaise raconte qu'un naga qui régnait sur un lac demandait une victime chaque année pour laisser les hommes utiliser son eau (Xuanzang, Voyage vers l'ouest).

En Grèce, l'hydre est le démon serpentin des marécages. Il est peut-être la métaphore des maladies liées à cet écosystème malsain. Dans le Mahabharata indien, les nagas sont en effet liées aux mythes de fondation, de débroussaillage, d'irrigation, de drainage et d'agriculture.

Les démons à travers le monde (mythologie comparée)
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