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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

RECENSEMENT DES PEUPLES INDO-EUROPÉENS, depuis l'Islande jusqu'en Inde

La diversité morphologique des peuples indo-européens de langue comme de culture, est immense.

La diversité morphologique des peuples indo-européens de langue comme de culture, est immense.

Qu'est-ce qu'un Indo-Européen ?

« Indo-européen » est un terme qui qualifie un type de langue bien particulier, identifié par l'emploi d'un vocabulaire et d'une grammaire comparables. Ce terme regroupe donc des langues assez similaires pour être regroupées (comme le français, l'italien, l'espagnol) mais aussi des langues historiques et aujourd'hui éteintes comme le latin, le vieil allemand, le sanskrit archaïque ou l'ancien grec. Les langues indo-européennes sont une des plus grandes familles linguistiques du monde, constituée à ce jour par plus de trois milliards de locuteurs.

Cependant, ce qui nous intéresse ici, ce n'est pas tant les langues en elles-mêmes, que les peuples qui les parlent. Car en raison de la linguistique, de l'histoire, de la géographie mais aussi de la génétique, l'existence d'une entité cohérente indo-européenne est indubitable. Plus qu'une simple généalogie linguistique, ces ethnies partagent une aire géographique, qui s'étend de l'Islande jusqu'au delta du Gange, ainsi que d'innombrables références et valeurs communes.

Si la linguistique a brillamment prouvé les liens entre les langues, la mythographie et l’ethnologie mirent tout aussi bien en évidence l'unité des peuples indo-européens (en particulier grâce aux travaux de Georges Dumézil et Mircea Eliade). Le terme « indo-européen » fut dès lors non seulement associé à une aire géographique et à une famille linguistique, mais aussi à une manière de percevoir le monde et d'expliquer l'Univers.

Notre objectif est ici de répertorier les nombreuses ethnies indo-européennes, des Celtes insulaires aux Aryens perses et indiens. En prenant en compte les découvertes archéologiques, les ressemblances linguistiques et les nombreuses similitudes entre les différentes mythologies indo-européennes, il est possible de retracer l'Histoire de ces peuplades originelles.

Elles étaient nomades et n’hésitaient pas à traverser de très longues distances en faisant des voyages sur plusieurs générations. Leur allouer une zone géographique bien déterminée est peine perdue. Les variations climatiques ont été si importantes entre la Sibérie et la chaîne himalayenne durant ces derniers 20 000 ans, qu'il serait vain d'espérer retrouver une seule et même culture qui aurait traversé le Paléolithique supérieur jusqu'au Néolithique.

Rappelons à propos le mot de Dumézil lorsqu'on lui demandait ce qu'il pensait des théories sur le « foyer indo-européen ». N'étant ni archéologue ni historien, mais anthropologue et spécialiste de la mythologie comparée, celui-ci répondait simplement :

Sur ces points fort débattus, la méthode ici employée n'a pas de prise et, d'autre part, la solution n'en importe guère aux problèmes ici posés. La “civilisation indo-européenne” que nous envisageons est celle de l'esprit.

L'idéologie tripartie des Indo-Européens

 

 

Préhistoire des Indo-Européens

Apparu vers -30 000 en se séparant de l'haplogroupe Y-K2b2 (aussi nommé Y-P), l'haplogroupe Y-R, correspond aux ethnies de langues et de cultures indo-européennes.

 

Les lettres correspondent à l'haplogroupe Y majoritaire dans la région durant la fin du Paléolithique supérieur

 

Sous ses variants Y-R1a (oriental) ou Y-R1b (occidental), il est le marqueur génétique des cultures sibériennes et steppiques proto-indo-européennes. C'est l'haplogroupe majoritaire des ethnies indo-iraniennes (Y-R1a), slaves (Y-R1a), celtiques (Y-R1b), italiques (Y-R1b) et germano-scandinaves (Y-R1a et Y-R1b).

Le plus ancien porteur de l'haplotype Y-R retrouvé par l'archéologie était présent il y a 27 000 ans sur les rives du lac Baïkal. Son écosystème était donc celui de la toundra (quelques centaines de kilomètres plus au nord, s'étendait la calotte glaciaire, qui atteignit son maximum vers -20 000, pour disparaître tout à fait vers -10 000).

Les mers Noire, Caspienne, Aral et le lac Baïkal sont alors des immenses étendues aquatiques aux eaux calmes et riches en poissons. Les forêts environnantes regorgent de gibier et la toundra se voit traversée par des mammifères géants. Le mammouth est alors chassé pour sa viande, mais aussi pour ses os et sa fourrure (qui permettent de fabriquer des armes et de construire des tentes).

La langue des communautés porteuses de l'haplotype Y-R devait être le proto-indo-européen ancien. De ce dialecte qui émergea au Paléolithique supérieur pour se diffuser à la fin de l'ère glaciaire, émergeront à leur tour les familles linguistiques intermédiaires reconstruites par les linguistes, comme le proto-indo-européen, le proto-indo-iranien ou le proto-celto-germanique.

 

 

Vers -20 000, l'avancée de la calotte glaciaire a atteint son maximum. Le climat est plus rigoureux que jamais au nord de l'Eurasie. Les groupes porteurs de l'haplogroupe Y-R entreprennent une migration vers le sud ; ils traversent le Tibet et s'établissent au nord du sous-continent indien.

Une scission s'effectue très vite : Y-R1 continue à migrer vers l'ouest pour rejoindre les rives de la mer Caspienne (v. -10 000), tandis que Y-R2 (apparut vers -25 000 en Asie centrale) s'établit dans le Pamir (v. -12 700) et dans la péninsule indienne (v. -10 000).

Le groupe porteur de l'haplogroupe Y-R1 est concentré entre les rives orientales de la mer Caspienne et les montagnes de l’Altaï. La Caspienne, la mer d'Azov et le lac Baïkal sont alors deux fois plus grands qu'aujourd'hui. Les rivages de la Caspienne ne sont même qu'à quelques centaines de kilomètres des sommets de l'Oural. Leurs bassins sont alimentés par les eaux du dégel des glaciers himalayens (Pamir et Kunlun), caucasiens et ouraliens. Aujourd'hui désertique et ensablé, Le Karakoram est alors une plaine verdoyante. Il en va de même pour la vallée du Tarim.

Ces vastes espaces qui comprennent des mers intérieures font de l'Asie centrale une terre propice à la chasse, à la pêche, mais aussi aux échanges (troc de pierres taillées ou brutes, ainsi que de petits objets manufacturés en os et en coquillage).

Cependant, à la fin de l'ère glaciaire, les voyages pour suivre les bêtes (dont le mammouth) sont de plus en plus longs et de plus en plus périlleux. En conséquence, il devient très difficile d'entretenir des communications et des échanges entre tribus. Les rares communautés sont plus isolées que jamais, ce qui favorise l'éclosion rapide de nouveau haplogroupes. Très vite, en quelques millénaires seulement (entre -25 000 à -19 000), les haplogroupes Y-R1a (originaire de la steppe caspienne) et Y-R1b (originaire du sud de l'Oural) se distinguent.

À la fin du Paléolithique, les membres de l'haplogroupe Y-R1a sont établis depuis les rives orientales de la Caspienne jusqu'en Sibérie. Les steppes sont leur écosystème. Ce sont des chasseurs nomades et leur religion est le chamanisme. Ils sont locuteurs du proto-aryen (dont seront originaires les langues indo-iraniennes, dardiques et balto-slaves). Entre -10 000 à -3000, ces tribus se sédentarisent autour de la mer Caspienne.

Au maximum glaciaire, vers -20 000, l'haplogroupe Y-R1b se forme dans le sud de l'Oural, avant de redescendre vers le sud de l'Eurasie. En se déplaçant vers l'ouest, les membres de l'haplogroupe Y-R1b traversent les hauts plateaux iraniens, puis arméniens et anatoliens. À la fin de la dernière glaciation, les membres de l'haplogroupe Y-R1b sont établis depuis les rives occidentales de la Caspienne jusqu'au sud de l'Europe (dans l'aire Égée et vers -12 000, au nord de l'Italie). Ce sont les ancêtres de la plupart des peuples européens du Néolithique tardif et de l'Antiquité. Ces tribus parlent des dialectes dérivés de l'indo-européen : proto-arménien, proto-hittite, proto-celto-germanique, etc. Vers -15 000 à -12 000, commence la néolithisation du Moyen-Orient, à laquelle ces tribus vont participer.

Vers -8500, les Proto-Européens sont en Anatolie. Un peuple proto-arménien s'installe sur le versant sud du Caucase.

 

 

 

La migration vers l'Afrique

L'haplogroupe Y-R1b va alors se diversifier : on retrouve sa présence dans les codes génétiques mésopotamiens, anatoliens mais aussi africains.

Une sous-classe du Y-R1b (Y-R1b1a2 / R-V88) migre vers l’Égypte puis remonte le Nil pour s'établir autour du Soudan et du Tchad actuel. Vers -7000, ils sont en Syrie, puis vers -6000 passent en Égypte et demeurent dans le Sahara de longs siècles. Le Sahara est alors une savane riche en gibier.

La présence de l'haplogroupe Y-R1b en Égypte pourrait en outre expliquer les nombreuses similitudes entre mythologies égyptienne et védique, mais aussi la présence linguistique de l'indo-européen dans l'égyptien le plus archaïque. La présence constante de la culture indo-aryenne dans la civilisation égyptienne, tant au niveau de la mythologie que de la langue demeure en effet un mystère, sauf si l'on considère une présence « indo-européenne » proto-historique en Égypte, qui prédaterait de plusieurs millénaires les premiers pharaons.

 

Le retour vers les steppes

Vers -9700, l'épisode glaciaire est terminé. Le climat se réchauffe. Les grands mammifères (dont le mammouth) ne sont plus adaptés à leur nouvel écosystème et disparaissent rapidement.

La chasse au gros gibier se faisant plus difficile, c'est la chasse, puis la domestication du petit bétail qui la remplace. À un mouvement migratoire du nord vers le sud, qui a mené les Proto-Indo-Européens porteurs de l'haplotype Y-R1b vers l'Anatolie, la Mésopotamie et l'Afrique, succède un mouvement inverse vers l'Eurasie.

Par ailleurs, la néolithisation du Proche et du Moyen-Orient a entraîné un boum démographique qui ne peut qu'encourager le départ de communautés vers le nord. C'est ainsi qu'après -7000, des Anatoliens, parfois porteurs de l'haplogroupe Y-R1b, entrent en Europe par le Bosphore ou la Steppe pontique.

Des populations porteuses de l'haplogroupe Y-R1b s'installent dans une Europe encore peuplée majoritairement par les porteurs des haplogroupes Y-G (géorgien-caucasien), Y-E (Ibéro-Berbère) et Y-I (autochtone). Elles introduisent l'agriculture jusqu'au rivage de la mer du Nord.

Il ne s'agit cependant pas d'une colonisation humaine, mais plutôt d'une libre diffusion d'un modèle économique séduisant.

Selon la théorie yamana (aujourd'hui dépassée)

La steppe : foyer indo-européen

La domestication du cheval semble trouver son origine vers -6000 aux alentours de l’actuelle Ljubljana (Europe centrale, Slovénie). D'autres foyers de domestication du cheval se trouvent par ailleurs dans les hautes plaines caspiennes (v. -4600). La maîtrise des chariots, de la roue et de l'équitation, facilitent les déplacements à travers l'Eurasie. Grâce au chariot tiré par des bœufs, les familles se déplacent en emportant leurs animaux et leurs biens.

Vers -6300, dans les steppes sibériennes et aux alentours des montagnes de l'Oural et de l’Altaï, débute la civilisation des kourganes, du nom local que l'on donne aux tumulus et autres chambres funéraires recouvertes de pierres et de terre (pouvant mesurer jusqu'à 200 mètres de diamètre).

Cette culture, qui peut être attribuée aux Indo-Européens porteurs de l'haplogroupe Y-R1a, perdurera de longs millénaires (on la retrouve chez les Scythes, quelques siècles seulement avant notre ère).

Ces tumulus sont des tombes, qui accueillent les dépouilles des guerriers les plus valeureux. Ces derniers se faisaient enterrer avec leurs biens, dont leurs armes, leurs femmes et leurs chevaux (probablement afin que leur héritage ne suscite ni discorde, ni jalousie, ni envie).

La coutume funéraire de l'ensevelissement des chefs se diffuse vers le sud-ouest. Très vite, elle est adoptée par les cultures steppiques porteuses de l'haplogroupe Y-R1b, comme celle de Sredny Stog, Samara et Yamna (héritière des premiers agriculteurs des rives de la mer Noire). On retrouve donc une coutume dérivée des kourganes en Scandinavie, où les chefs étaient incinérés avec leur armes et parfois même avec leur bateau. L'armature de celui-ci servait alors de voûte au tumulus (si le bateau n'était pas livré en flamme à la mer, avec la dépouille du chef et ses biens personnels à son bord, dans une mise en scène que rappelle l'épisode de la mort du roi Arthur).

Si la présence des porteurs de Y-R1b en Europe centrale et occidentale n'est pas encore significative, elle l'est en revanche dans la steppe pontique. Vers -5000, les Proto-Indo-Européens Y-R1b sont massivement installés entre l'Oural, la mer Caspienne et la mer d'Aral.

Vers -4000, ils sont largement établis dans les montagnes du Caucase, sur ses versants nord et sud, ainsi que sur un très vaste espace qui va des sources du Danube jusqu'à la Volga, et comprenant les actuelles Yougoslavie, Roumanie, Ukraine et Biélorussie.

Les porteurs de l'haplogroupe Y-R1b se concentrent surtout dans la vallée de la Volga (Samara, -5200 à -4800) et dans celle du Dniepr (Sredny Stog, -4500 à -3500). Il s'agit des ancêtres des peuples Balkaniques proto-historiques (Thraces, Daces, Illyriens) et des Celto-Germains.

Les tribus indo-européennes agricoles installées dans les steppes et sur les rivages nord de la mer Noire fondent ensuite la culture de Yamna, très florissante de -3600 à -2300.

Dans ce vaste espace, commence à se dessiner une culture qui annonce les nombreuses civilisations qui en seront les héritières. Les offrandes de fruits et de viandes (gibiers, bovins, ovipares) sont accompagnés de sacrifices humains. Le cheval et la guerre (sous la forme de razzias de bétails) occupent une place importante. Outre l'agriculture et le pastoralisme, l’économie des steppes repose aussi sur l'artisanat (poterie) et plus tard sur la métallurgie (mines de l'Oural et du Caucase, exportations de pierres précieuses de Sintashta vers la Bactriane, production européenne à grand échelle de haches de combat, joaillerie scythe et gauloise, ...)

Comme les Proto-Aryens, ces peuplades adorent le feu et le Soleil, et leurs rituels nécessitent peu de moyens. Comme les Aryens védiques d'Andronovo, ils gravent sur des menhirs des figures anthropomorphiques que l'on imagine être les plus importants de leurs dieux.

Quelques théories sur l'origine des Proto-Indo-Européens et leurs migrations (1: Théorie kourgane, 2, 3 et 4) théorie steppique et théorie yamana, 5 et 6) principaux mouvements migratoires selon les théories précédentes, 7) Théorie nazie.
Quelques théories sur l'origine des Proto-Indo-Européens et leurs migrations (1: Théorie kourgane, 2, 3 et 4) théorie steppique et théorie yamana, 5 et 6) principaux mouvements migratoires selon les théories précédentes, 7) Théorie nazie.
Quelques théories sur l'origine des Proto-Indo-Européens et leurs migrations (1: Théorie kourgane, 2, 3 et 4) théorie steppique et théorie yamana, 5 et 6) principaux mouvements migratoires selon les théories précédentes, 7) Théorie nazie.
Quelques théories sur l'origine des Proto-Indo-Européens et leurs migrations (1: Théorie kourgane, 2, 3 et 4) théorie steppique et théorie yamana, 5 et 6) principaux mouvements migratoires selon les théories précédentes, 7) Théorie nazie.
Quelques théories sur l'origine des Proto-Indo-Européens et leurs migrations (1: Théorie kourgane, 2, 3 et 4) théorie steppique et théorie yamana, 5 et 6) principaux mouvements migratoires selon les théories précédentes, 7) Théorie nazie.
Quelques théories sur l'origine des Proto-Indo-Européens et leurs migrations (1: Théorie kourgane, 2, 3 et 4) théorie steppique et théorie yamana, 5 et 6) principaux mouvements migratoires selon les théories précédentes, 7) Théorie nazie.
Quelques théories sur l'origine des Proto-Indo-Européens et leurs migrations (1: Théorie kourgane, 2, 3 et 4) théorie steppique et théorie yamana, 5 et 6) principaux mouvements migratoires selon les théories précédentes, 7) Théorie nazie.

Quelques théories sur l'origine des Proto-Indo-Européens et leurs migrations (1: Théorie kourgane, 2, 3 et 4) théorie steppique et théorie yamana, 5 et 6) principaux mouvements migratoires selon les théories précédentes, 7) Théorie nazie.

RECENSEMENT DES PEUPLES INDO-EUROPÉENS, depuis l'Islande jusqu'en Inde

Les Aryens perses

Le réchauffement climatique qui marque la fin de l'ère glaciaire entraîne une désertification de la région caspienne.

Vers -2000, se forment le désert du Tarim et du Karakoram. Mais bien avant, les ravages du changement climatique se font sentir. La mer caspienne a perdu beaucoup de sa surface, de même que les mers environnantes ne sont plus que des lacs (Baïkal).

De -4800 à -3800, une variation de Y-R1a apparaît : Y-R1a1a1. Une communauté quitte les hauts plateaux iraniens et les bords de la Caspienne pour s'installer sur les versants occidentaux de l’Oural. Il s'agit des Proto-Balto-Slaves. Ils joueront un rôle capital dans les migrations de masse liées à la culture de la Céramique cordée en Europe (ils seront la cause du remplacement ethnique des membres originels Y-R1b par des nouveaux arrivants orientaux Y-R1a). Ils importeront en Europe leurs pratiques spirituelles proto-védiques et les transmettront aux porteurs de l'haplotype Y-R1b (Proto-Celto-Germains).

D'autres tribus proto-aryennes se sédentarisent au sud de la Caspienne et sur les hauts plateaux iraniens. Ce sont les tribus mèdes, scythes, et parthes, qui montent en puissance ; tant au niveau militaire (chars de guerre) que démographique (migrations vers la Perse).

Toutes ces tribus n'adoptent pas l'agriculture et la vie sédentaire. Comme en témoignent les auteurs antiques, une partie du peuple scythe est urbain et agricole, quand l'autre est nomade et chasseur-cueilleur. Quant aux Aryens indiens, ils sont encore nomades à leur entrée dans le sous-continent indien (v. -1500) tandis que les Aryens iraniens étaient déjà puissants dans la ville de Bactres, et sédentarisés depuis des millénaires.

Vers -1700, dans le Khorassan puis en Bactriane, le prédicateur Zarathoustra prêche un dieu inspiré du panthéon mésopotamien : Ahura-Mazda, « le Seigneur Juste ». Il est le Grand Ahura, c'est-à-dire le Grand Esprit créateur de la vie. S'oppose à lui son jumeau maudit : Ahriman, l'Esprit du Mal. Ceux qui écoutent Zarathoustra sont alors locuteurs de l'avestan, la langue des plus anciennes couches de l'Avesta, le livre saint des zoroastriens (l'avestan est un dialecte local de l'iranien archaïque).

Le roi Garshasp accueille Zoroastre à sa cour, puis devient son disciple. C'est le premier âge d'or du Zoroastrisme, qui devient religion royale en Bactriane. Quelques mille années plus tard, il sera la religion principale de l'Empire achéménide (-550 à -329).

Peu après l'an 1000 avant notre ère, les ethnies mèdes et perses se constituent en royaumes. D'abord soumis aux Assyriens, ils s'en libèrent puis dominent à leur tour la Mésopotamie et la Grande Perse.

L'Empire Achéménide (fondé vers -550) devient le premier empire transcontinental. À cette époque, le perse le plus archaïque (l'avestan) n'est plus qu'une langue cérémonielle et liturgique.

Encore un millénaire se passe et l'empire sassanide (224 à 651 apr. J.-C.) marque le renouveau de cette doctrine, en l'imposant de force dans tout l'Empire. Cependant, après l'islamisation de la Perse (v. 1000 apr. J.-C.), les partisans du mazdéisme-zoroastrisme subirent un génocide dans leur patrie et durent s’échapper vers l'Inde. Ce sont les Parsis.

La Grande Perse

La Grande Perse est l'espace vital des peuples descendants des premiers Aryens entrés en Bactriane et plus tard installés en Médie, en Parthie et en Perse. Cet espace dépasse les frontières naturelles de l'Iran géographique et correspond aux territoires annexés par les trois empires perses successifs. Du côté nord de l'Hindu Kush, la Grande Perse comprend la Sogdiane et la Bactriane, et du côté ouest de la cordelière du Zagros, il comprend la Babylonie1 et une partie de la Mésopotamie et de l'Anatolie.

Entrés en Perse vers 800 avant notre ère, les Mèdes (-678 à -549) forment avec leur voisin Parthes et Perses, le cœur de l'Empire perse (du nom de la région du Fars).

Fondé par Cyrus, l'Empire achéménide (-559 à -330) est divisé en régions administratives, dirigées par un satrape (ministre). Persépolis, la capitale de l'empire, est fondée vers -521 par Darius 1er. Celui-ci fait graver sur les édifices :

« Je suis Darius, le grand roi, le roi des rois, le roi des pays et des peuples, de toutes les tribus, le roi, dont le pouvoir s'étend loin sur cette vaste terre, le fils de Vishtaspa, qui fut un Achéménide, un Perse, fils d'un Perse, un Aryen de souche aryenne. »

 

« Quand les Perses envahirent la Médie et les pays du Tigre et de l’Euphrate, ils les trouvèrent en possession de la plus vieille civilisation du monde, à la fois très savante et très corrompue, fortement organisée par un corps de prêtres puissants. Ils en eurent d’abord la défiance et l’horreur ; puis, comme toujours, le vainqueur primitif et barbare se laissa gagner par le vainqueur plus raffiné. Cette civilisation était celle de Ninive et de Babylone. [..] L’astrologie, qui suppose la connaissance du ciel, était la grande affaire des prêtres [chaldéens], la science maîtresse. Des hautes tours à étages qui leur servaient d’observatoires, au-dessus de la poussière et du bruit des cités, ils exploraient de leurs regards aiguisés par l’habitude les profondeurs du ciel oriental. À Callisthène, l’envoyé d’Aristote, ils montraient des observations astronomiques enregistrées depuis dix-neuf cent trois années consécutives. Dans les débris de la bibliothèque d’Assourbanipal, on a retrouvé, en même temps que des traités de magie, des calendriers, des livres de numération et d’astronomie d’une singulière précision. Ils fixaient la naissance du monde au moment où le soleil était entré dans le Taureau et lui assignaient pour fin le moment où il rentrerait dans ce signe. Le soleil était en effet leur principale étude. Ils lui avaient tracé sa voie dans le ciel, compté pour autant de victoires son entrée dans les douze signes, ses hôtelleries célestes, nommé ces signes par les vagues figures ébauchées par le groupement des étoiles et rattaché à chacun autant de légendes héroïques. Ils avaient affecté à ces signes leurs douze dieux principaux et aux trente-six décans les trente-six divinités inférieures. Mais pour eux, le ciel était surtout le livre des destinées, la manifestation sensible des volontés divines. Des influences constatées du soleil, de la lune et des planètes sur la nature et sur l’homme, ils concluaient à des influences permanentes et occultes, à des sympathies mutuelles que la science pouvait pénétrer et dont le secret assurait la domination sur les hommes. Cette civilisation, servie par les armes victorieuses des rois assyriens, s’était imposée depuis des siècles à toute l’Asie. La Médie [contrée aryenne], la première étape de la conquête persane, en était toute pénétrée. Ecbatane [une des toutes premières villes fondées par les Mèdes, v. 700], que vit Hérodote, avait, comme les villes de Chaldée, sept enceintes aux couleurs des sept planètes. Les mages y dominaient. La pure religion de la Perse [le mazdéisme], presque absolument dépouillée d’éléments naturistes, ne tarda pas à s’altérer par ce voisinage. L’Avesta, même dans ses parties anciennes, porte la trace de ces influences ; non seulement la fixation des périodes de la grande année cosmique, mais le nombre des Amesha Spenta, celui des yazatas, qui répond aux jours du mois lunaire, en portent le témoignage. […] » A. Gasquet, Le culte et les mystères de Mithra.

 

 

S’étendant sur trois continents, il s'agit du premier empire intercontinental de l'Histoire. L’Égypte, la Thrace, le Pont et l'Anatolie, la Mésopotamie, l'Elam, les rives de l'Indus, les sommets de l’Himalaya, tous ces territoires sont sous l'influence du roi des Perses. L’administration perse possédait même des comptoirs en Asie centrale (Sogdiane et Margiane) et entretenait des échanges commerciaux et culturels avec le bassin du Tarim. Le rayonnement de la Perse et du mazdéisme est alors total. On raconte que Pythagore compléta son initiation en se rendant en Perse et qu'il se déclarait lui-même « disciple de Zoroastre. »

À l'empire Achéménide détruit par Alexandre, succède l'Empire Séleucide (-312 à -63), du nom de Séleucos, l'héritier macédonien du territoire perse conquis par Alexandre. Sous le gouvernement d'une élite hellénisée et cosmopolite, fleurissent les cultures gréco-perses et indo-grecques (au Gandhara, en Bactriane, et aux alentours de Matura en particulier).

À l'empire séleucide succède celui des Parthes (-247 à 224). Principal intermédiaire entre l’Empire romain et la Chine Han, les Parthes tiraient leur prospérité à leur maîtrise de la Route de la soie (dont une grande partie passait en territoire scythe). L’Empire romain leur disputa cette hégémonie, mais en vain.

Dans sa Bibliothèque, Photius évoque Les Parthiques, un livre perdu du géographe grec Arrien : « Arrien, écrit-il, considère les Parthes comme une colonie de Scythes qui a longtemps été sous le joug de la Macédoine, et se révolta à l'époque de la rébellion contre les Perses. »

Bactriane et Sogdiane

La civilisation de Bactriane / Margiane (en anglais B.M.A.C., pour Bactrian Margian Archeological Complex), aussi appelée civilisation de l'Oxus, trouve son origine au troisième millénaire, à une époque où les Proto-Aryens vivaient encore dans les steppes. Il s'agit d'une des plus anciennes aires de civilisation, mais comme elle ne fut découverte que récemment, et qu'elle est située dans des pays islamiques instables (ce qui rend les fouilles difficiles voir interdites) elle demeure encore peu connue du grand public. Il s'agit cependant de la première civilisation aryenne historique.

L'Histoire du peuple aryen perse est liée aux cours de l'Oxus et du Yaxarte. C'est le géographe russe Léon Metchnikoff (1838 - 1888) qui nous renseigne sur ce bassin civilisationnel méconnu, mais qui fut aussi important dans cette région du monde, que le Nil ou le Gange ailleurs : « L’Oxus et l’Yaxarte devraient prendre rang parmi les fleuves historiques ; mais comme ils n’ont point d’écoulement vers une vraie méditerranée, leur civilisation n’a pu s’épancher dans le réservoir universel que par une voie indirecte, en mélangeant ses eaux avec celles de la puissante civilisation mésopotamienne : ils restent inconnus pour l’histoire jusqu’au milieu du 7e siècle avant Jésus-Christ où le premier contingent d’émigrés de la Bactriane, avant-garde de nombreuses irruptions, envahit la région du mont Zagros sous la conduite d’Ourakchatara (le Cyaxare d’Hérodote), fondateur d’Ecbatane et de l’empire mède ; les derniers venus parmi les envahisseurs, les Perses mazdéens, ne tardèrent pas à se rendre maîtres du monde assyro-chaldéen. Mais si l’avènement des Iraniens inaugure peut-être une ère nouvelle de l’histoire générale de l’Occident, il n’ajoute pas d’autres domaines au territoire des civilisations primaires. Géographiquement, l’Iran n’est qu’un couloir, un passage entre la Bactriane et la Mésopotamie, l’Asie antérieure et l’Inde. » La Civilisation et les grands fleuves historiques.

 

Située à une vingtaine de kilomètres de l'actuelle Mazar-E-Shariff (Afghanistan), Bactres est la capitale qui donna son nom à la région. Ville-foyer du zoroastrisme, Bactres était surnommée « la mère des villes ». Sa langue, le bactrien fait partie de la famille linguistique indo-iranienne. Elle fut parmi les cités les plus prospères de la route de la soie, avant d'être rasée par Tamerlan en 1402.

Durant l'âge d'or du gréco-bouddhisme, la Bactriane fut avec le Gandhara une des zones les plus hellénisée d'Asie. S'y trouvaient de nombreux royaumes dirigés par des rois grecs assistés de leurs troupes de mercenaires venus du bassin méditerranéen et de Macédoine. Peuples de marchants et de guerriers, ouverts à toutes les religions, les Bactriens virent cohabiter sur leur territoire l'hindouisme, le bouddhisme et le mazdéisme, avant de subir une acculturation massive à l'Islam. Ils sont les ancêtres des Talibans

Afin de poursuivre notre parcours en Perse aryenne, mentionnons l'Arachosie. Cette contrée, elle aussi colonisée par les Gréco-Macédoniens, fut une terre de prédilection du gréco-bouddhisme.

« [L'Arachosie] bien que située au sud des montagnes, n'est pas loin non plus de l'Arie, et, tout en se prolongeant jusqu'aux bords de l'Indus, fait encore partie de l'Ariana ou région Arienne. La longueur de l'Arie est de 2 000 stades environ [354 km], sa largeur (j'entends celle de ses plaines) est de 300 stades [53 km]. Elle compte trois villes principales, Artacoana, Alexandria et Achaea, qui, toutes trois, ont retenu les noms de leurs fondateurs. Son sol est particulièrement favorable à la culture de la vigne et voici, entre autres choses, une circonstance qui le prouve, c'est que le vin qu'on y récolte se conserve durant trois générations et sans qu'on ait besoin d'enduire les vases de poix. » Strabon, 11, 10.

 

Au nord de la Bactriane, se trouve la Sogdiane, (actuel Ouzbékistan et Turkestan ; nommé Kangju par les Chinois et Transoxiane par les Européens). Les villes de Samarcande, Tachkent et Boukhara étaient ses principales cités.

Six divinités indiennes y étaient vénérées : Brahma, Indra, Shiva, Vishnou, Durga et Kubéra. Cependant, suite à l'acculturation au mazdéisme provoquée par l'annexion de la Bactriane et de la Sogdiane aux différents empires perses, Brahma prit le nom de Sravan, appellation où transparaît celle de Zurvan, le dieu du temps du mazdéisme.

De même, Indra est Adbad, une appellation ou apparaît cette fois le dieu assyrien du tonnerre, Hadad. Shiva est quant à lui Veshparkar, divinité très populaire dans l’Himalaya occidental, mais aussi dans le Pays Tokharien (il est parfois représenté comme le dieu du vent, un élément qui occupe l’espace entre la terre et les cieux).

L’association d'une divinité se rapprochant de Shiva mais associée au vent se retrouve aussi dans la mythologie himalayenne kalasha ; Mon (Mahandeo, Shiva) est associé à la fumée des sacrifices, il est considéré comme le messager qui relie les hommes aux divinités.

Si les montagnards de Sogdiane et de Bactriane devaient suivre un culte inspiré de l'hindouisme, en vénérant la déesse-mère « Durga de Sogdiane » (qui se retrouve chez la Diziane kailasha), les populations urbaines et leurs élites, avaient adopté le bouddhisme ou le zoroastrisme.

La limite nord de la Grande Perse est constituée par la Scythie asiatique. Les Saces (Sakas), glorieux peuple scythe mentionné dans les Vedas, vécurent sous la domination des successifs empires perses, avant d’envahir eux-mêmes la vallée de l'Indus puis celle du Gange.

Enfin, aux confins nord-est de la Grande Perse, c'est-à-dire à l'ouest des Saces, Ammien Marcellin situe la Sérique. Il s'agit probablement de la région du Tarim. Si celle-ci n'était pas une satrapie perse, elle entretenait avec le reste de l'Empire des relations diplomatiques, commerciales, religieuses et culturelles privilégiées.

Les Scythes

Si les Aryens nous sont largement connus et documentés, la plupart des peuples indo-européens des steppes ne se sédentarisèrent que très tardivement. Il nous est donc difficile de les identifier avec certitude.

Associés aux Scythes, Hérodote nomme de nombreux peuples. Il s'agit des Sarmates (Saromates), des Gètes (qui s'associeront aux Daces une fois installés dans les Balkans, v. -2000 à -1000), des Massagètes, des Cimmériens, des Taures ou encore des Issédons. L'identité indo-européenne des Issédons est cependant douteuse. Les Issédones vivent, selon Ammien Marcellin, « à l'est des Sères » (les Sères étant les commerçants des cités du Tarim).

Les Scythes sont l'ethnie la plus nombreuse et aussi la plus glorieuse des peuples antiques des steppes. Les chroniques grecques, indiennes et perses ne cessent d’évoquer la peur qu'ils inspiraient. Les Indiens les nomment Saka ou Saces. Si ce n'est durant un court laps de temps, les tribus scythes ne furent jamais unies, mais figurèrent plutôt un conglomérat de clans unis par des liens d'honneur et de mariage.

Les historiens-géographes de ces contrées, tels Hérodote ou Strabon, font alternativement mention d'une langue scythe commune à tous ces peuples scythes, ou bien de différents dialectes plus ou moins éloignés du grec ou du scythe commun.

Les Scythes étaient en effet locuteur d'une langue indo-européenne appartenant à la branche indo-iranienne antérieure au sanskrit, ce qui laisse à penser que leur ethnie était au moins aussi ancienne que celle des Aryens védiques.

Par ailleurs, leur langue, leur mode vestimentaire et leurs coutumes militaires (en particulier le rôle de la cavalerie) les rapprochent des Perses. Pomponius Mela remarque en effet que « les Sarmates ont, dans leurs vêtements et dans leur armure, beaucoup de ressemblance avec les Parthes » (Description de la terre, 3, 4).

Étrangers aux larges vallées verdoyantes de la Perse et de l'Inde, les Scythes sont demeurés nomades et chasseurs-cueilleurs. Toujours chez Pomponius :

« Ils n’ont ni villes ni demeures fixes. Soit qu’ils conduisent leurs troupeaux dans les pâturages, soit qu’ils poursuivent leurs ennemis ou qu’ils fuient devant eux, ils traînent çà et là tout ce qu’ils possèdent, et vivent campés. »

 

Et chez Ammien Marcellin :

« Les Saces, voisins de la Sogdiane, sont une peuplade féroce répandue sur un sol inculte, où les troupeaux seuls trouvent à vivre, et conséquemment dégarni de villes. Les monts Ascatancas, Imaüs (Himalaya) et Comède en forment les points culminants. Plus loin, et quand on a dépassé le pied des monts, commence une longue voie de communication ouverte pour le commerce avec les Sères. Au point où finit la chaîne de l’Imaüs et du Tapurius, habitent des tribus scythes, limitrophes des Sarmates d’Asie et des Alains. Bien que comprises dans la délimitation du royaume de Perse, elles se tiennent isolées et comme séquestrées, menant une vie errante au milieu de vastes solitudes. » Ammien Marcellin, Histoire de Rome, 23, 6.

« Parmi les innombrables tribus scythiques, répandues dans des espaces sans limites, un petit nombre de ces peuples se nourrit de blé ; tout le reste erre indéfiniment dans de vastes et arides solitudes, que jamais n’ouvrit le soc et ne féconda la semence. Ils y vivent au milieu des frimas, à la façon des bêtes sauvages. Des chariots couverts d’écorce leur servent à transporter partout, au gré de leur fantaisie, habitation, mobilier et famille. » Histoire de Rome, 22, 8,42

Les peuples scythes occupent un très vaste espace qui s’étend de l'embouchure du Danube au désert du Taklamakan, en effectuant un arc de cercle qui passe au-dessus du Caucase. Cette disposition les situe en marge des grandes aires civilisationnelles (Anatolie, Mésopotamie, Indus). Ces grandes civilisations ne réussiront d'ailleurs jamais à les contrôler ; les campagnes perses en Scythie, chinoises en Asie Centrale et romaines en Arménie, se solderont toutes par des échecs.

Présentés par les historiens grecs comme antithèses des peuples civilisés de la Méditerranée, les Scythes sont les fameux « barbares ». Jusqu'à la littérature classique européenne de La Fontaine ou de Voltaire, on retrouve ce cliché du Scythe ahuri, du Tartare idiot. Celui-ci serait incapable, malgré sa bonne volonté, de comprendre les nuances de la pensée philosophique.

Or, les découvertes archéologiques entreprises tout au long du 20e siècle nous indiquent qu'à l'instar des civilisations celtes et germaniques, les peuples des steppes brillèrent de nombreuses et glorieuses qualités. Ces peuples, qu'on les nomme Massagètes, Sarmates ou Scythes, inventèrent la redoutable cavalerie, mais aussi l'archerie. Les Sarmates et les Massagètes possèdent à leur crédit l'invention de la cuirasse et de la cotte de mailles pour cheval, techniques annonçant les cataphractes byzantines et les assauts de la chevalerie franque.

Outre leurs exploits militaires, les Scythes étaient dotés d'une véritable culture intellectuelle et artisanale. Les Scythes et les peuples qui leur sont apparentés maîtrisaient parfaitement l'art des métaux, comme en témoignent les trésors retrouvés dans les tombes des plaines eurasiennes (broches en or, bracelets d’argent, diadèmes, torques en argent, etc.)

La Scythie était aussi le foyer de la tradition apollinienne et le lieu de formation des prêtres d'Apollon.

La Scythie était par ailleurs la terre des alchimistes, car c'était là-bas qu'on y trouvait les meilleurs métallurgistes, chaudronniers et artisans du métal. Ce n'est donc pas surprenant si Clément d'Alexandrie y attribue la découverte de la teinture capillaire. Selon lui, c'est « Médée, fille d’Aéta et originaire de Colchide, qui inventa la première l’art de teindre les cheveux » (Stromates, 1, 16).

Dans le même passage, Clément reconnaît sans ombrage l'importance des peuples « barbares » dans la plupart des domaines du savoir : « Anacharsis aussi était scythe, et des historiens l’ont placé au-dessus d’un grand nombre de philosophes grecs. [...] Ce n’est pas seulement de la philosophie, c’est encore de presque tous les arts que les barbares furent les inventeurs. [...] Suivant Hésiode, ce serait un Scythe [qui a trouvé l’art de le forger et de s’en servir]. Les Thraces ont inventé l’arme que l’on nomme harpè ; c’est un sabre recourbé. Ils se sont servi les premiers, à cheval, du bouclier nommé pelte. Les Illyriens passent aussi pour en être les inventeurs. On croit que les Toscans ont inventé la plastique, et que le samnite Itanus fit le premier bouclier. [...] Les Noropes (nation de Pæonie, maintenant appelée Norique), sont les premiers qui aient travaillé l’airain et purifié le fer. Amycus, roi des Bebryces, est le premier inventeur des cestes [gants de protection]. »

 

Au milieu du premier millénaire avant notre ère, les Scythes règnent sur une bonne partie de ce qui va devenir la Route de la soie2. Au long de celle-ci, ils établirent le premier empire véritablement eurasien (v. -600). Cet empire scythe méconnu s'étendait des plaines russes jusqu'au bassin du Tarim.

« Les Scythes fondèrent un État militaire solide en Russie du Sud, et assurèrent pendant trois siècles une grande stabilité dans la région. La civilisation indigène continuait à se développer, enrichie par de nouveaux apports et des conditions favorables. En particulier, malgré le caractère nomade des Scythes eux-mêmes, l'agriculture restait prospère dans la steppe au nord de la mer Noire. Conformément à l'usage de son époque, Hérodote donnait le nom de Scythes à la population tout entière ; mais il distinguait, entre autres groupes, celui des Scythes royaux » et celui des « Scythes laboureurs. » [...] Ils fondèrent des empires militaires vastes et durables, qui constituèrent pour toute la région un modèle d'organisation politique. Ils apportèrent leur langue, leurs coutumes, leur religion guerrière, un art décoratif original, connu sous le nom d'art animalier scythe, et de manière générale une tradition artisanale et artistique vigoureuse et variée, surtout dans le domaine du métal [...] Les Scythes furent en définitive vaincus et supplantés par les Sarmates, autre groupe de nomades iranophones venus d'Asie centrale [pourtour de la Mer Noire]. L'organisation sociale et la culture des Sarmates étaient très proches de celles des Scythes. [...] Les Sarmates comptaient plusieurs tribus, dont la plus importante, par le nombre et la puissance, semble bien avoir été celle des Alains. Les Ossètes d'aujourd'hui, peuple qui habite le Caucase central, sont les descendants directs des Alains. La domination sarmate sur la Russie du Sud dura de la fin du 3e siècle avant notre ère au début du 3e siècle après Jésus-Christ. » N. Riasanovsky, Histoire de la Russie.

Les Alains

Apparentés aux Scythes, les Alains sont un peuple d'origine iranienne ayant participé aux grandes migrations du premier millénaire de notre ère. L'étymologie du mot propose une filiation avec le terme aryen. Leur présence est attestée à travers l'Europe, jusqu'en Bretagne où ils influencèrent la scène des conteurs et troubadours (Cycle arthurien, Tristan et Yseult). C'est dans le Caucase que leur présence est la plus évidente. Les Ossètes, installés sur les versants sud du Caucase, s'en revendiquent les descendants.

En rouge les sites thraço-cimmériens

Les Cimmériens

La presqu’île de Crimée est occupée par les Taures, et leur pays s'appelle la Tauride ou le Chersonèse. Les rives de la mer Noire sont par ailleurs le territoire des Cimmériens, qui s'y établirent après avoir été chassés de contrées plus nord-orientales par d'autres peuples nomades en quête d'espace vital. Avant cela, les Cimmériens prospéraient sur les versants sud du Caucase, tout en effectuant de régulières razzias en Mésopotamie.

Les Hyperboréens

Au nord de la légendaire montagne Hara-Meru-Olympe, commune aux civilisations aryennes et hellènes, c'est le domaine glacial du vent du nord, « le domaine du dieu du vent Borée » : Hyperborée. Le Soleil ne s'y couche pas, ou bien ne se lève pas et les hivers durent trois mois.

On identifie les Hyperboréens historiques aux peuples légendaires et anthropomorphes du nord de la Scythie, aussi appelés Arimaspes. Aristéas, le célèbre mage grec, leur a dédié un livre (Arimaspé), que l'on connaît par ses citations :

« Au-delà des Issédones habitent les Arimaspes, des hommes qui n’ont qu’un œil, au-delà des Arimaspes, habitent les griffons gardiens de l’or de la terre, et plus loin encore les Hyperboréens qui touchent à une mer. »

Il s'agit vraisemblablement des peuples indo-européens porteurs de l'haplogroupe Y-R1a et résidant à travers la Sibérie et une partie de la Scandinavie. Leurs pratiques fanatiques, leur mode alimentaire (végétarienne et frugale), leur suicide rituel à la fin de leur vie, leur dévotion envers le dieu-Soleil, tout indique en effet des pratiques proto-aryennes chez les Hyperboréens historiques.

En outre, les Aryens indiens se pensaient originaires d'une latitude où la nuit y était si longue que le soleil ne s'y montrait pas durant de longs mois. Quant aux Aryens iraniens, ils avaient un grand hiver polaire comme mythe fondateur. Enfin, le monde de la glace et son entrée en collision avec le monde du feu (d'où naîtra la vie), sont à la base du mythe originel scandinave.

Un tel lieu fait immédiatement penser au cercle arctique, et pourrait donc tout à fait correspondre aux vastes espaces de la Sibérie, ce qui serait une nouvelle preuve de la justesse de la théorie kourgane (qui fait du pourtour méridional sibérien la zone initiale des Indo-européens : Andronovo, Afanasievo, Sintashta, Sredny Stog et Yamna).

D'autres auteurs ont pu aussi situer l'Hyperborée en Petite et Grande Bretagne, là où se devait de naître le vent du nord, personnifié par Borée. Le dieu-vent traversait alors l’Europe, du nord-ouest jusqu'au sud-est, en passant par la Gaule et la péninsule italienne.

L'historien romain Pomponius Mela fait des Hyperboréens une description honorifique, qui fait écho au mythe grec de la Scythie barbare mais paradoxalement sage et juste.

« Les premiers peuples que l’on rencontre sur les rivages de l’Asie sont les Hyperboréens directement placés sous le pôle, au-delà de l’Aquilon et des monts Riphées [Carpates ? Oural ?]. Ils ne voient pas, comme nous, le soleil se lever et se coucher dans l’espace de douze heures ; mais ils ont des jours de six mois, depuis l’équinoxe de printemps jusqu’à l’équinoxe d’automne, et des nuits d’égale durée, depuis l’équinoxe d’automne jusqu’à l’équinoxe de printemps. Leur pays est sacré ; leur température est douce, et leur sol naturellement fertile. Religieux observateurs de la justice, ils coulent des jours plus longs et plus heureux que le reste des hommes. En effet, toujours dans la paix et dans les fêtes, ils ignorent ce que c’est que guerre et dissension ; pleins de piété envers les dieux, ils honorent surtout Apollon. [...] Ils passent leur vie dans les bois sacrés et dans les forêts, et, dès qu’ils se sentent rassasiés, plutôt que dégoûtés, de vivre, le front ceint d’une guirlande de fleurs, ils vont gaiement se précipiter dans la mer du haut d’un certain rocher c’est le genre de mort le plus distingué.» Description de la terre, 3,5

Pour les Grecs, le Grand Nord est séjour d’Apollon. Ammien Marcellin mentionne des pratiques et des traditions ascétiques hyperboréennes fanatiques mais inspirantes et respectables. Cet auteur leur adresse lui aussi de profondes louanges :

« Les Abies [Hyperboréens] sont une nation religieuse, qui foule aux pieds les choses de la vie mortelle. Jupiter, suivant la poétique fiction d'Homère, se plaît à les contempler du sommet de l’Ida ». Histoire romaine,23,6,53.

Sintashta et Andronovo

Vers -2100, dans la région steppique qui sépare l'actuel Kazakhstan de l'Ukraine et de la Russie, se développe la culture de Sintashta (-2100 à -1800), puis celle d'Andronovo (-2000 à -900). Cette dernière étant proposée comme lieu de composition du Rig-Veda.

Il s'agit d'un réseau de places fortes, en tous points semblables à des oppidums gaulois. Des villages fortifiés sont bâtis sur des promontoires et placés aux carrefours des routes les plus empruntées. Le site d'Arkhaïm et de Sintashta en sont emblématiques.

La culture de Sintashta est considérée comme le foyer d'origine des peuples aryens et védiques. C'est à cette civilisation qu'appartiennent les imposantes cités circulaires dont le site archéologique d'Arkhaïm est le plus célèbre mais non le plus important. Placées au centre de plaines découvertes (à la frontière russo-kazakhe actuelle), entourées de champs cultivés et irrigués, traversées par des routes et défendues par d'épaisses « murailles-maisons », ces cités étaient des places fortes qui permettaient aux caravaniers de faire étape.

Au centre de ces cités circulaires se trouvait une sorte de cour de forme carrée, attribuée aux rituels et sacrifices. Ces formes circulaires périphériques, associées à une forme rectangulaire centrale, ne peuvent manquer de faire penser aux yantras védiques (dessins géométriques magiques).

À peine plus tardive, la culture d'Andronovo est un véritable Empire aryen. Des confins sibériens jusqu'en Perse, un peuple nomade et guerrier sillonne les steppes et rançonne certains villages. Le rapt de vaches est une sorte de passe-temps, mais aussi une manière de vivre.

Certaines tribus des cultures de Sintashta et Andronovo vont migrer vers le sud, pour s’installer aux frontières des empires assyrien, babylonien et égyptien, dans le Caucase (influençant les prémices de la civilisation hourrite), dans les montagnes de Zagros (zone probable d'origine de la tradition mazdéenne), de même que dans les montagnes du Pamir puis de l'Hindu Kush (zone probable de la composition canonique des Vedas, v. -1200 à -800)1.

Les migrations aryennes

Depuis les mines de l'Oural et de l’Altaï, les fabriques de Sintashta importent une matière première qui est ensuite travaillée puis exportée vers Bactres et les villes de Transoxiane et du Gandhara (v. -2000). La dérive migratoire des Aryens vers le sud-est était donc naturellement encouragée.

La civilisation urbaine de l'Indus ayant disparue quelques siècles avant leur arrivée, les Aryens s'installent sans difficulté en Inde entre -1500 (haut plateau de l'Indus) et l'an -500 (vallée gangétique). Ils y dominèrent culturellement, socialement, religieusement et militairement les populations locales (appartenant principalement aux ethnies dravidiennes ou mundas). La cohabitation entre ces différentes ethnies, renforça le système des castes indo-européennes (un tel système était alors partagé des cotes bretonnes à celles de l'océan Indien).

Depuis la cote orientale du Deccan, vers -483, des populations aryennes vont migrer vers l’île de Lanka et diffuser le védisme.

Au seuil de notre ère, le védisme a séduit les populations dravidiennes (Tamouls), qui introduisent cette culture en Indochine puis quelques siècles plus tard en Indonésie.

Mittani, Hourrites et Kassites

Durant la période hittite, Brahma, Indra, Varuna et Mithra sont vénérés par des communautés aryennes installées dans le royaume de Mittani (v. -1500 à -1300), en Asie mineure. Les marjanis (« jeune cavalier » en sanskrit) étaient la caste aryenne en charge de la défense de ce royaume et de la formation de l'élite de la cavalerie.

Le traducteur du hittite et sanskritiste George Contenau a relevé des éléments indo-européens dans les langues du Mitanni et dans celles des hourrites et des kassites. À propos de certains mouvements décrits par le dresseur Kikkuli dans son Traité sur le dressage des chevaux (v. 1450 av. J.-C.), ce dernier « emploie des termes d'origine indienne, par exemple « aiha vartanna », dans un tour, puis « tera », « panza satta », « navartanna » » où l'on a le mot « vartanna » (de vartanam, tourner) et l'adjectif indien, « trois », « cinq », « sept », « neuf ». Une telle analyse amène à la conclusion que dans le Mitanni, en plus des Hourrites il y a un élément indo-européen, plus spécialement indien, et il constitue la classe dirigeante » (La Civilisation des Hittites et des Hurrites du Mitanni).

Mitanni était en effet dirigé par une élite aryenne, comme en témoigne le patronyme des ses rois et des autres royaumes hourrites : Kirta, Shuttarna, Barattarna (« bharata » ayant de très nombreuses significations en sanskrit), Artatama (« Rta », la justice céleste, l'ordre cosmique), Artashumara (« qui pense à la justice » en sanskrit), Tushratta (« char vigoureux »), etc.

Pour nouer des alliances, des princesses égyptiennes furent mariées à des rois aryens du Mittani, de même que des rois aryens prêtèrent allégeance à des pharaons.

Le royaume de Mitanni faisant partie de l'aire d'influence hourrite, cette civilisation est régulièrement citée dans les études indo-européennes. Les Hourrites (-2300 à -1120) étaient un peuple de l'Antiquité originaire du lac de Van et du Caucase, qui domina le Moyen-Orient durant la seconde moitié du second millénaire avant notre ère. Ce royaume était composé d'un conglomérat de cités et de royaumes à la population composite, dont Houri (ou Hari) était la capitale. Bien que sa langue (à présent éteinte) ne soit pas reliée au groupe indo-européen ou sémite, la culture hourrite doit beaucoup à ces deux aires culturelles. Son panthéon est à la fois d’inspiration hittite, aryenne, babylonienne, mais aussi puissamment typique (la déesse Shaushka).

Mentionnons enfin les Kassites, peuple composite et mystérieux ayant régné sur le sud de la Mésopotamie (Babylonie) durant la seconde partie du second millénaire avant notre ère (-1595 à -1155). Originaires des montagnes de Zagros, adorant le cheval et ayant dominé militairement grâce au char de guerre qu'ils introduisirent dans la région, les Kassites furent souvent présentés comme un peuple indo-aryen. Alain Daniélou les considérait même comme Aryens. Cette théorie fut réfutée par des recherches linguistiques effectuées sur les quelques inscriptions et toponymies kassites que nous avons retrouvées : la langue kassite ne serait ni reliée à la famille indo-européenne, ni à la famille linguistique sémite. Sans plus de preuve, on a rapproché les Kassites des Hourrites, qui ne sont pas non plus apparentés aux Aryens, ni aux Sémites (Assyriens, Phéniciens, Cananéens).

Culturellement, les kassites semblent avoir adopté le panthéon sémite en vogue en Assyrie, tout en ayant adopté des composantes du culte aryen (mention de divinités tels que Surya, le dieu-soleil, ou les Maroutes, les divinités guerrières des nuages lourds annonçant le tonnerre et la tempête).

Indice intéressant, kassites se dit en kassite « Kashi », ou « Kazi », soit un vocable très commun en sanskrit, qui veut dire « fontaine, eau fraîche ». On retrouve le même mot à l'origine des villes de Kashi (actuelle Varanasi, Inde) ou encore Kashgar (anciennement Kashi, Chine).

Les Aryas

La division du peuple aryen en deux entités distinctes et indépendantes, l'une perse, l'autre indienne, prédate l'arrivée des Aryens en Inde. Les raisons d'une telle scission nous sont inconnues, mais il semble probable que le schisme religieux séparant le védisme du mazdéisme ne fut pas étranger à la fuite des « adorateurs des dévas » vers l'Inde, délaissant ainsi la Margiane-Bactriane aux seuls partisans de Zarathoustra.

C'est en tout cas la théorie que défend le lexicographe Jean-Chrétien-Ferdinand Hoefer (1811 - 1878) : « Zoroastre conquit à ses doctrines une grande partie de la Bactriane ; mais dans cette contrée même et dans les contrées voisines il rencontra un obstacle insurmontable parmi beaucoup de tribus nomades. Celles-ci défendirent leurs dieux par les armes, les luttes dont les péripéties nous sont inconnues durèrent peut-être plusieurs siècles, elles émigrèrent plutôt que de se soumettre au culte de Mazda. La prédication de Zoroastre eut donc pour effet de diviser la race aryenne en deux familles religieuses ennemies, celle des mazdéens (adorateurs de Mazda), et celle des Daevayajnas (adorateurs des dévas). » Article Zoroastre, Nouvelle Biographie générale.

Dans l'hymne avestique à Anahita, tout ce qui n'est pas soumis à Ahura-Mazda est condamné à l'insuccès. La déesse est décrite donnant la victoire au camp du bien, c’est-à-dire aux partisans de Zarathoustra, tandis qu'elle interdit le succès aux ennemis de ces mêmes partisans.

Dans le védisme au contraire, les dévas répondent aux prières des hommes à la seule condition que ceux-ci les honorent correctement, sans condition morale particulière. Ainsi, hommes ou démons, tout le monde peut obtenir la bénédiction d'un déva, voire de Brahma lui-même.

Vers -1800 à -1500, après avoir prospéré dans ce qui constitue le Turkestan actuel, le groupe ethnique aryen se subdivisa donc en deux groupes :

Les Aryens occidentaux suivirent l'enseignement monothéiste de Zarathoustra et colonisèrent démographiquement et militairement ce qui allait devenir la Perse. Un autre groupe qui refusa la doctrine anti-dévique (anti-polythéisme) de Zarathoustra s'exila de l'autre côté des cols de l'Hindu Kush.

L'entrée des Aryens en Inde donna lieu à la théorie des invasions aryennes, aujourd'hui largement remise en cause.

L'indianiste allemand Hermann Lommel (1885 - 1968) résume ainsi cette théorie : « Au cours du deuxième millénaire avant J.-C., des Aryens indo-européens entrèrent dans l'Inde, qu'habitaient des peuples appartenant à d'autres races. Les aborigènes de l'Inde parlaient des langues dravidiennes et mundas. Les Aryens conquirent une bonne fraction du pays, subjuguèrent une grande partie de la population et édifièrent une haute civilisation. Celle-ci présente d'abord des caractères essentiellement aryens, mais elle a, au cours de son développement, absorbé et assimilé beaucoup d'éléments venus de l'Inde primitive. La civilisation brahmanique qui s'est ainsi formée s'est répandue sur une grande étendue de ce pays qu'on pourrait appeler un continent, à cause de sa surface et des différences géographiques, climatiques et ethniques. Des provinces entières y ont gardé les caractères ethniques dravidiens, et aussi, mais dans une plus faible mesure, des traits mundas. La forme que prit plus tard cet ensemble de faits culturels, qui est en partie une fusion, en partie une mosaïque, s'appelle l'hindouisme. » Les Anciens Aryens.

La glorieuse civilisation de l'Indus n'était déjà plus qu'un souvenir lorsque les Aryens s'établirent le long du Sindh (Indus), le fleuve qui donnera son nom au peuple qui vit sur ses rives : les Sindhus.

La patrie des Aryens indiens, le Brahmavarta (« pays de Brahma ») s'étendait alors de la région des sept rivières (sources de l'Indus), jusqu'à ce qui deviendra le Penjab. Plus tard, l'Aryavarta (« le pays des Aryens ») occupa toute la vallée du Gange jusqu'à la limite du monde antique, constitué par le delta partagé du Gange et du Brahmapoutre.

« Là, ils commençaient à cultiver la terre, à se réunir en villages, tandis que leurs frères continuaient la vie de pâtres et de chasseurs dans les forêts du nord et dans les steppes du midi ; là aussi ils avaient atteint ce degré d’organisation politique qui consiste à grouper un certain nombre de familles autour d’un chef : c’est le clan, qui précède la cité ou la royauté ; les autres Aryens, nomades, n’avaient pas encore dépassé cette extension de la famille qui constitue la tribu. » J.-Ch.-F. Hoefer, article Zoroastre, Nouvelle Biographie générale.

C'est en Aryavarta que sont situés certains des lieux les plus glorieux de la mythologie hindoue, telle Ayodhya, la première ville de l'humanité, capitale du mythique roi Rama, mais aussi les prairies de Vrindhavan, qui virent grandir Krishna, ainsi que les villes de Matura et Dwarka, depuis lesquelles régnait Balarama, le frère Krishna.

Au nord de la ville et région sainte de Kashi (Varanasi) se situe le royaume de Mithila, dont était originaire Sita, la malheureuse femme de Rama, le plus glorieux des rois d'Ayodhya.

À l'Est de la vallée du Gange et au Sud du Bengale est situé le royaume de Magadha. Sa capitale était Patalipoutra, l'actuelle Patna (fondée en -490) Les Grecs d'Asie connaissaient bien la ville et y envoyèrent de nombreux diplomates, dont le célèbre Mégasthène. Pline l'Ancien la mentionne comme une des capitales du monde. Il avance des chiffres incroyables, faisant état d'une armée comparable en taille à celle de Napoléon !

« Des Indiens, les plus puissants et les plus illustres sont les Prasiens, qui possèdent la ville, très grande et très opulente de Paliputra (Patna). [...] Leur roi a toujours à sa solde 600 000 fantassins, 30 000 cavaliers, et 9 000 éléphants ; d'où l'on conclut que ses richesses sont énormes » Histoire naturelle, 6, 22.

Au Nord-Ouest de la vallée du Gange, le royaume de Kuru est celui des héros du Mahabharata. La capitale de Kuru est Indraprastha. La ville aurait été construite par Mayasura à la demande de Krishna, sur le site d'une forêt qui avait été passée par le feu pour en faire sortir les démons-serpents qui s'y cachaient. C'est sur le territoire du royaume de Kuru que se serait déroulé la légendaire bataille de Kurukshetra dont les rebondissements sont narrés dans l'épopée sacrée des hindous.

Ville de première importance, Matura est supposée être la ville de naissance de Krishna, tandis que les Grecs affirmaient qu'Héraclès en était le fondateur. Rattaché au Gandhara sous la domination grecque et scythe, Matura fut un des grands centres du gréco-bouddhisme, du vaishnavisme mais aussi du jaïnisme et du bouddhisme. Krishna est d'ailleurs associé à la tribu paysanne et pastorale des Yadavs, présente depuis l'Indus jusqu'aux embouchures partagées du Gange et du Brahmapoutre.

Unifié vers -1000 autour de la ville prospère de Taxila, stratégiquement située entre la Perse et l'Inde, sur les contreforts de l'Himalaya, le Gandhara s'étend du Baloutchistan à l’Afghanistan moderne. Il est alors peuplé d'Indo-Européens aux yeux bleus, aux cheveux noirs et à la peau claire. Ils seront, un millénaire et demi plus tard, les plus fervents adeptes du bouddhisme en Asie centrale, puis quelques siècles après, de l'islam (ce qui fait d'eux les ancêtres des Talibans).

Strabon ne tarie pas d'éloges sur la capitale du Gandhara :

« Taxila est une cité aussi spacieuse que bien administrée, autour de laquelle s'étend une contrée populeuse d'une extrême richesse qui déjà touche aux plaines. [...] Quelques auteurs font ce royaume plus grand que l’Égypte. Au-dessus, en pleine montagne, est le royaume dit d'Abisar [Ambhi Raj ?] en souvenir du prince de ce nom, le même qui, au dire de ses ambassadeurs, nourrissait deux énormes serpents, mesurant de longueur l'un 80 coudées, l'autre 140. » Géographie, 15, 1.

Suite à l'établissement d'un pouvoir hellène à la tête de la Perse (Empire séleucide), des royaumes gréco-macédoniens se fondent dans les vallées du Gange et de l'Indus. Leur souverain et leurs mercenaires venus d'Europe, se convertirent au bouddhisme, comme en témoigne la présence du roi Ménandre (r. -160 à -135), dans le Canon Pali, en tant que Milinda, roi défenseur du bouddhisme.

En infériorité démographique, ces rois grecs cherchent à s'attirer la sympathie des peuples et des vassaux qu'ils dominent. Ces rois paient donc leur tribut aux divinités locales, par exemple en érigeant des piliers commémoratifs en l'honneur des dieux hindous, ou encore en faisant de généreux dons aux temples.

La caste des brahmanes, mais aussi toutes les sectes dissidentes du sous-continent sont prises en considération. Les récits de visite de rois étrangers chez des ascètes hindous, bouddhistes ou jaïns sont légion dans la littérature brahmanique, mais aussi dans les chroniques des voyageurs grecs en Inde. Ces nouveaux rois étrangers, les Aryens indiens les nomment Yonakas, ou Yonas, en les identifiant aux Ioniens, peuple hellène d'Asie mineure. Les Yonas sont d'ailleurs mentionnés dans le Mahabharata, comme étant une des ethnies ayant pris part à la mythique bataille du Kurukshetra.

Depuis le Gandhara et la Bactriane, l'art gréco-bouddhique importe en Inde et en Chine l'art de la sculpture réaliste et raffinée. Pour la première fois, Bouddha trouve son visage et son iconographie et le tabou de la représentation divine est brisé.

Juste au nord du plateau du Deccan, encadrant le fleuve Narmada, les collines du Vindhya situent la frontière géographique historique entre l'Inde aryenne et l'Inde dravidienne.

L'île du Sri Lanka est pourtant conquise par un prince aryen, Vijaya, qui régna de -543 à -505. Il instaurera une dynastie qui perdurera plus de 600 ans. Appelé Trapabane par les navigateurs romains et arabes, l'île de Lanka se fera connaître de Rome, qui invitera officiellement ses représentants. Pline l'Ancien rapporte la visite comme ayant été enrichissante, car elle permit aux Romains d'en savoir plus sur les rapports commerciaux que les commerçants de l'île entretenaient avec les Sères du Tarim.

Les Roms

Le romani, parlé par 4,5 millions de Tziganes européens, est une langue proche du rajasthani et donc appartenant à l'héritage indo-aryen.

« Les gypsies ont un langage à eux, un même langage qu’ils parlent avec de légères nuances dans les diverses contrées de la terre où ils se trouvent, et ils se trouvent partout. Dans les rues de Moscou et de Madrid, de Londres et de Constantinople, dans les plaines de la Hongrie et dans les brûlantes solitudes du Brésil, le vent disperse les sons étranges de cet idiome qui présente partout dans ses traits principaux un caractère d’unité. Ce langage a été analysé par les philologues, qui y ont retrouvé les racines plus ou moins corrompues du sanskrit. » A. Esquiros, Les Gypsies et la Vie errante.

 

Aussi appelés Gitans, Gypsies, Romanichels, Bohémiens ou Tziganes (Zincalos), les Roms sont un peuple nomade originaire du Rajasthan qui a, durant de longs siècles, successivement traversé la Mésopotamie, puis l'Anatolie et l’Égypte et enfin l'Europe de l'est pour enfin s'établir principalement entre l'Espagne et le bassin du Danube.

Nation sans territoire, se revendiquant d'un héritage nomade, les Roms ont choisi la roue indienne du karma pour figurer sur leur récent drapeau officiel.

L'étude de la migration des Gitans est un parfait exemple de ce que permettent les méthodes complémentaires que sont la linguistique, l'archéologie et l'anthropologie. La démonstration d'Alphonse Esquiros date un peu (1858), mais elle a le mérite d'être particulièrement claire, tant au niveau génétique...

« Un philologue allemand, Büttner, soupçonna le premier que les gypsies sortaient de la souche antique de l’Inde : cette origine indienne fut ensuite prouvée et démontrée par Grellmann. L’historien des races humaines, Prichard, ne doutait point d’une telle filiation : aux lumières de l’histoire et de la linguistique il ajouta même celles de la physiologie. Les traits des gypsies se rapportent au type hindou : Prichard fait seulement observer que ces tribus errantes, quoique relativement très brunes en Europe, sont d’une couleur beaucoup moins foncée que les Hindous des classes abaissées, lesquels sont quelquefois aussi noirs que les nègres de la Guyane. Il attribue ce changement de couleur à l’influence du climat. Les gypsies descendent donc par voie de migration d’une tribu indienne. »

...qu'historique...

« Non contents de rechercher le berceau des gypsies, quelques écrivains allemands et anglais ont voulu pénétrer la nature de l’événement qui les a dispersés dans le monde. [...] L’opinion la plus généralement reçue est que les gypsies furent séparés de la souche nationale et jetés comme une branche morte dans le torrent de leur destinée vagabonde par une des plus terribles invasions dont l’histoire ait enregistré le souvenir. De 1408 à 1409, l’Inde fut ravagée par un conquérant resté fameux sous le nom de Timour-Bey ou Tamerlan. Tout ce qui opposa une résistance fut détruit : on parle d’une boucherie de cinq cent mille hommes. Ceux qui tombèrent aux mains du vainqueur furent faits esclaves, et souvent l’esclavage même ne les couvrit point contre des recrudescences de fureur homicide. Les gypsies, d’après Grellman, auraient été arrachés de leur mère-patrie par les désastres de cette guerre. [...] les gypsies venant du pays des Bulgares [ont] fait halte dans la Roumanie, après avoir traversé le Danube. De la terre des Roumains, comme d’une ruche, un assez grand nombre d’essaims voyageurs se sont répandus sur les différentes contrées de l’Europe. Les uns, tournant au nord-est, parcoururent la Russie ; d’autres se jetèrent à l’ouest, étendant leur course jusqu’à l’Espagne et jusqu’à l’Angleterre. En Valachie et en Moldavie, on retrouve encore aujourd’hui un grand nombre de zingarri. Leur nombre est estimé à deux cent mille au moins ; ce sont les restes de la grande caravane, qui, à mesure qu’elle s’avançait vers l’ouest, laissait derrière elle divers détachements. En 1417, ils apparurent dans la Germanie. En 1427, des hordes de prétendus bohémiens se montrèrent en France. Leur arrivée fut un événement. Ils se donnèrent comme venant de la Basse-Égypte. À les entendre, le pape, après avoir ouï leur confession, les avait condamnés pour leurs péchés à errer sept ans par le monde, « sans coucher en un lit ». On jugea toutefois à propos, vu leur état de dénuement et leur mauvaise mine, de ne point les laisser entrer dans Paris : ils furent logés, par ordre de justice, à la Chapelle-Saint-Denis. Tout le monde courut pour les voir ; presque tous avaient un ou deux anneaux d’argent à chaque oreille, « disant que c’était gentillesse en leur pays. » Les hommes étaient noirs et avaient les cheveux crêpés ; les femmes étaient encore plus noires qu’eux et avaient les cheveux droits comme la queue d’un cheval. C’étaient les plus pauvres créatures qu’on eût jamais vues en France. Sous ce manteau de pénitents, les soi-disant enfants d’Égypte obtinrent néanmoins la permission de rôder dans le royaume, et il faut croire que leur expiation n’a pas été méritoire, puisqu’aux sept années de vie errante bien d’autres ont succédé. Ils se conduisirent d’ailleurs comme si le vol et les pratiques équivoques avaient fait partie de la pénitence qui leur était, disaient-ils, imposée par le saint-père, dont ils avaient reçu la bénédiction. »

… Et enfin linguistique :

« On remarque dans le langage des gypsies une infiltration de mots persans ; or la langue moderne de la Perse, fille de l’ancien zend, ne s’est introduite dans l’Inde qu’à la suite des nouveaux sectateurs de Mahomet, les Arabes, les Perses, les Afghans, qui portaient la parole du prophète à la pointe de leurs cimeterres. [..] Ce même monument, la langue, est encore le seul qui puisse nous mettre sur la trace du chemin qu’ont suivi les gypsies pour entrer d’Asie en Europe. Sur le fond indien et persan du dialecte des races nomades, tel qu’il se parle aujourd’hui en Angleterre, en Allemagne, en Italie, sont venus se fixer, à une époque relativement récente, un grand nombre de mots slaves, grecs et roumains. La conséquence à tirer de cette immixtion est que la langue primitive et tout orientale des gypsies a ramassé çà et là quelques mots des régions qu’elle a traversées, comme le torrent se teint en courant de la couleur des terres et des racines qu’il entraîne avec lui. » A. Esquiros, Les Gypsies et la Vie errante.

 

 

Les Kalashas

Les Kalashas font partie du groupe ethnolinguistique des locuteurs du nuristani. Le nuristani appartient à la famille des langues dardiques, la troisième sous-branche de la famille linguistique indo-aryenne. Leur tradition se distingue nettement du védisme ou du mazdéisme.

Peuple en voie de disparition (ils n'étaient plus que 4000 en 2014), les Kalashas célébraient jusqu'à peu un humble polythéisme bucolique, dont la littérature n'est composée que de quelques contes et légendes péniblement compilés par de rares ethnographes. Cette tradition contient pourtant en elle tout ce qui brille avec tant de vigueur en Inde ou en Perse. Nées de la bouche des conteurs himalayens, les épopées kalashas ne mettent pas en scène des armées et des dieux, mais de simples vieillards qui refusent de vieillir, ou de preux chevaliers qui parlent aux animaux et chevauchent seuls entre les sommets enneigés. Grâce aux Kalashas, nous nous approchons donc de la même matière qui fit jadis les contes de Bretagne et d'Islande.

L'aire culturelle kalasha s'étendait autrefois du Cachemire à l'est à la Bactriane à l'ouest. Connu sous le nom de Peristan, ce pays montagneux n'a jamais été parmi les plus prospères, ni les plus célèbres. Cette contrée n'est mentionnée qu'une seule fois dans les chroniques historiques : lors de la campagne d'Alexandre le Grand vers l'Inde (en -326). Le biographe du Macédonien, Arrien, les décrit comme « distinctement différents » des autres peuples environnants. Alexandre ne vainquit pas les Kalashas, mais s'en fit des alliés, afin de continuer plus en avant son chemin à travers les vallées himalayennes.

Il existe par ailleurs une rumeur faisant remonter l'origine des Kalashas au peuplement des pays conquis par les troupes d'Alexandre, mais les Kalashas eux-mêmes ne semblent pas y porter crédit. On a imputé à de nombreux peuples de l'Himalaya une lointaine parenté avec les troupes gréco-macédoniennes, mais ces théories sont, pour la plupart, basées sur une mythologie alexandrine artificielle.

D'une nature exclusivement paysanne, la société kalasha traditionnelle exclue toute forme de commerce. Les Kalashas ont demeuré près de trois mille ans dans leur vallée de haute altitude sans subir outre mesure l'acculturation étrangère. Le panthéon kalasha ne porte donc pas les traces du zoroastrisme. Encastrés et isolés, les Kalashas n’avaient que très peu subi l'influence des Empires perse, scythe ou indien. Près d'un millénaire durant, les Kalashas eurent le bouddhisme comme voisin, mais celui-ci ne tenta jamais de s'imposer, ni même de devenir une sorte de religion d’État qui légitimerait soumission ou domination. Ce n'est que très récemment, depuis moins de quelques siècles, que le modèle kalasha est véritablement mis en danger par une acculturation forcenée au modèle islamique.

Au 19e siècle l’Afghan Abdur Rahman Khan entreprend avec son armée des conversions de masse. Avec l'appui des Britanniques, 100 000 païens sont alors convertis, ce qui représente une grande part de la démographie nuristanie. Cette région connue jusqu'alors sous le nom de Péristan, devient le Nuristan, c’est-à-dire « le pays de ceux qui ont connu la lumière ». Cette appellation fait alors référence aux temps obscurs du panthéisme que souhaite voir disparaître l'envahisseur musulman. À la campagne de conversion et de déportation des autochtones païens du Peristan, succède l'émigration de très nombreux Afghans vers le Nuristan. Dans ces nouveaux arrivants, il y a beaucoup d’imams, qui sont envoyés gérer les nouveaux territoires conquis. Leur mission est d'éduquer leurs habitants, ce qui veut dire les faire vivre dans le respect des règles de la charia. Il s'agit aussi de les ouvrir au commerce. Le nom des villages est islamisé, les temples et les idoles détruits et brûlés. En réponse, les Kalashas émigrent encore plus hauts dans les montagnes et cachent leurs icônes et leurs idoles dans des grottes, ou les enterrent dans les forêts. Quant au riche mobilier du culte, et aux meubles de valeur des villages du Péristan, ils sont saisis comme trésor de guerre par les soldats afghans et envoyés à Kaboul comme butin. On estime de nos jours la population nuristanie à 125 000 personnes, pour la plupart musulmans sunnites.

Les Nuristanis qui ne se convertirent pas, furent affublés du sobriquet de kafir. C’est une insulte musulmane signifiant « porc », elle est réservée aux mécréants. Le Kafiristan, tel que cartographié par les Britanniques, est donc « le pays des mécréants ». Les Nuristanis païens, dont font partie les Kalashas ne sont plus que quelques milliers de nos jours à encore pratiquer un culte panthéiste. Estimés à 20 000 avant les premières compagnes musulmanes au 14e siècle, les Kalashas ont vu leur démographie sans cesse décroître, pour ne plus représenter que 8000 personnes en 1951 et plus que 3000 à 6000 de nos jours (2020). Par ailleurs, les relevés topographiques nous indiquent que le domaine kalasha est passé de 560 km²carrés² à moins de 28 km²carrés aujourd'hui…

Ce chiffre de 3000 à 6000 ne concerne cependant que les Kalashas encore polythéistes, car l'ethnie kalasha elle-même, en grande partie islamisée ou occidentalisée à des degrés divers, représenterait 10 000 à 30 000 personnes. Ceux-ci parlent la langue nuristani classique et non le dialecte kalasha. Ce dernier n'est plus parlé que par les quelques milliers d'habitants polythéistes de la région du Chitral (Pakistan).

Avant la création des États pakistanais et afghan, les Kalashas n'étaient isolés qu'en partie. D'un versant à l'autre des sommets himalayens, se déplaçaient des sages, des bergers, mais aussi des sherpas. Malheureusement, depuis la création d'une frontière (pourtant régulièrement bafouée par les groupes djihadistes), les Kalashas sont coupés de tout contact des autres groupes ethniques avec lesquels ils entretenaient pourtant des relations culturelles depuis des millénaires. Sans possibilité de communiquer avec d'autres clans qui leur seraient apparentés, les Kalashas sont donc condamnés à voir leur culture péricliter.

Dans la région du Chitral (Pakistan), les Kalashas vivent dans les trois vallées que sont Bumboret, Rumbur et Birir. Le Kunar et le Prasun (Parun) sont les deux rivières les plus importantes, la seconde accueille une vallée sacrée, souvent évoquée dans les contes et légendes kalashas. Malgré son isolation, le pays kailasha (2000 m d’altitude), est fertile en champs et vergers. Les versants des montages, travaillés en escaliers, permettent une agriculture qui suffit à sa modeste population. Malheureusement, comme si la menace culturelle et démographique n'était pas suffisante, les Kalashas se voient menacés par une centrale hydraulique qui dénature leur écosystème.

RECENSEMENT DES PEUPLES INDO-EUROPÉENS, depuis l'Islande jusqu'en Inde
RECENSEMENT DES PEUPLES INDO-EUROPÉENS, depuis l'Islande jusqu'en Inde

Le Tarim

Suite à la croissance démographique engendrée par le développement de l'agriculture et de l'économie minière dans la région steppique, un mouvement migratoire vers l'est amène des porteurs de Y-R1b vers la Sibérie orientale. S'établit alors la culture d'Afanasievo (-3300 à -2400), d'où sont originaires les ancêtres des Yuezhis, des Tokhariens et des Kouchanes.

Durant tout le Néolithique, les porteurs de l'haplotype Y-R1a qui vivaient au nord-est de la Caspienne se mêlent aux colons occidentaux (Y-R1b) de la culture d'Afanasievo, de sorte que les civilisations tokhariennes du Tarim sont porteuses des deux haplogroupes (avec même une majorité de Y-R1a dans les relevés génétiques effectués sur les momies du Tarim).

On sait par ailleurs que les Indo-Européens du Tarim avaient adopté le sanskrit comme langue sacrée et linga franca, alors que leur propre langue vernaculaire ne faisait pas partie de la famille linguistique indo-iranienne mais qu'elle appartenait plutôt à la branche européenne.

En somme, bien que la civilisation tokharienne (yuezhie-kouchane) n'ait pas été fondée par des Proto-Aryens, elle fut colonisée culturellement et démographiquement par les Aryens d'Andronovo, puis par les Aryens des successifs empires perses. Car si les états-cités du Tarim n'étaient pas des satrapies (des régions administratives de l'Empire perse), elles demeuraient des alliés et des partenaires commerciaux privilégiés des villes du nord de la Perse, comme Bactres ou Marcanda (Samarcande).

Ce que nous apprend la prépondérance de l'haplotype Y-R1a dans le Tarim en -2000 (chez les momies du Tarim) comme de nos jours (chez les populations Ouïgours), c'est que les Aryens eurent une influence si forte sur cette région du monde, qu'ils en remplacèrent ethniquement les indigènes porteurs de l'haplotype Y-Q ainsi que les colons porteurs de l'haplotype Y-R1b qui avaient pourtant fondé les premières civilisations dans la région (Afanasievo, puis Gansu et enfin Tarim).

Le Taklamakan et le désert de Gobi apparaissant vers -4000, ces groupes indo-européens proto-tokhariens détenteurs des haplogroupes Y-R1a et Y-R1b reprennent leur migration pour s’installer plus à l'est, dans les vallées du Gansu, du Qinkai (Chine) et sur le plateau de l'Ordos (en Mongolie intérieure, vallée septentrionale du fleuve jaune).

Même si la présence indo-européenne est attestée dans le Tarim depuis -2000, ce n'est qu'à la fin de l'Antiquité que les Yuezhis et autres Tokhariens refluèrent massivement de Chine continentale (probablement chassés par les tribus chinoises hans), pour s'établir autour du Taklamakan, dans les oasis du Tarim (Kashgar, Turpan, Khotan), et plus tard en Perse et en Inde (dynastie kouchane).

Après avoir été repoussés par les Chinois, puis dominés par les Turcs Ouïgours, ces peuples, qui avaient adopté le bouddhisme, furent victimes d'un génocide lors de l’islamisation de la région vers l'an 1000. Cessant d'être pratiquées, ces langues et ces cultures disparurent à jamais, la nation ouïgoure et sa langue turcophone s'installant à leur place autour du bassin du Tarim.

Ce que nous savons des Indo-Européens du Tarim repose sur quelques rares parchemins, et sur quelques corps naturellement conservés dans le sable du désert. Certaines des momies europoïdes du Tarim datent du début du second millénaire avant notre ère, et précèdent donc le zénith des Celtes en Europe de plus d'un millénaire.

Ce qui saute tout de suite aux yeux quand on les observe, c'est leur ressemblance frappante avec ce que nous savons de l’apparence des peuples gaulois, celtes et scandinaves. Leur apparence physique est purement europoïde : peau pâle, cheveux blonds, taille plutôt grande, nez proéminent, yeux ronds, etc. Mais encore, ces momies suivent le même code vestimentaire que les Celtes ou les Scythes, ils portent une rugueuse robe de chanvre aux motifs du clan, des rayures de couleurs variant en fonction de la caste ou de la famille (rappelant ainsi les tartans écossais). Les momies féminines du Tarim présentent même la coiffe typique des Celtes et des Slaves, à savoir deux nattes tombant sur les tempes.

Dans l'Antiquité, les peuples indo-européens installés autour du Bassin du Tarim n'étaient cependant ni homogènes ethniquement et culturellement, ni unifiés autour d'un culte ou d'un pouvoir central. La géographie, elle non plus n'unissait pas ces peuples. Certains de ses peuples étaient en relation avec la Perse, d'autres avec la Scythie et la Sibérie, d'autres encore avec la Chine. Ces peuples occupaient cependant une même aire culturelle et leur proximité était encore renforcée de par leur utilisation du sanskrit (véritable lingua franca d'Asie).

Les peuples du Tarim

Le « Pays Tokharien » désigne les contrées environnant le Tarim et peuplées d'Indo-Européens. L'aire linguistique attestée des familles de langues tokhariennes se limite au bassin du Tarim, mais historiquement, les peuples parlant ces langues occupaient un bien plus large territoire qui incluait le Gansu à l'est, et dont les frontières devaient se fondre avec la Scythie au nord-ouest et le haut plateau du Tibet au sud. Le pays tokharien est donc une enclave qui possède des frontières naturelles : ce sont les monts du Pamir à l'ouest, le massif du Tian Shan au nord et l'Himalaya tibétain au sud.

Plus anciens, si ce n'est le plus connu des peuples indo-européens du Tarim, sont les Yuezhis. Vraisemblablement originaires du Gansu, les Yuezhis étaient installés à travers la Chine et comptaient dans leurs rangs le frère d'un prétendant à la dynastie des Hans, en la personne du roi de Kiang-Dou, Liu Fé (mort en 127 av. J.-C.). Après que les Xiongnus eurent pillé puis occupé le Gansu, les Yuezhis quittèrent définitivement la région pour rejoindre le désert du Taklamakan.

C'est également sous la pression han que les Yuezhis quitteront la Chine continentale pour rejoindre les versants du plateau tibétains et le bassin du Tarim. Ils fonderont le royaume bouddhiste de Shanshan (de -126 à 500 apr. J.-C.). Cette oasis parmi les plus prospères de la route commerciale entre l'Europe et l'Asie fut pillée et détruite par les Ouïgours en 700. Sa population fut entièrement déportée. Avant de découvrir, dans les années 2000, des preuves archéologiques de son existence, grâce notamment aux fameuses momies du Tarim, nous pensions que cette civilisation « europoïde en Chine » était un mythe, dont les ancestrales chroniques du peuple Han étaient les seules à mentionner l'existence.

Koutche est un autre royaume fondé par les Yuezhis. À la suite des migrations de populations vers l'ouest, les Koutchéens donnèrent naissance à l'Empire kushan (v. 375 apr. J.-C.). Celui-ci régna sur une grande partie de la Perse et de l'Inde. Protecteur des religions, l'Empire kushan toléra que perdurent sur son vaste territoire, les cultes mazdéens, manichéens mais aussi bouddhistes ou hindous.

Begram (en Afghanistan actuel), Peshawar (au Pakistan), Taxila (Pakistan) et Mathura (Inde) furent quelques-unes des capitales kouchanes. Leur empire s’étendra du Cachemire et de la Bactriane aux montagnes des Vindhyas (sans oublier leur aire géographique d'origine, située dans le bassin du Tarim).

Les Wusuns apparaissent dans les annales chinoises dès la fin du premier millénaire avant notre ère. Alliés un temps avec les Hans, ils entrèrent en conflit avec eux, ainsi qu'avec les Yuezhis, qu'ils contribuèrent à chasser du Gansu en les poussant vers l'aride bassin du Tarim et le désert du Taklamakan.

Les Chinois profiteront de ces dissensions. En -138, une ambassade han, dirigée par le général Zhang Qiang, noue des accords commerciaux et militaires avec les Yuezhis, contre les Xiongnu (possiblement Turcs). Zhang s'alliera aussi aux petits royaumes nomades de Loulan (Lu-Lan) et Yutian. Pour le compte des Yuezhis et en échange d'or et de soies, Zhang mènera en -119 une campagne militaire contre les Wusuns.

Les Wusuns sont souvent présentés comme turcs, cependant Iaroslav Lebedynsky, spécialiste des peuples des steppes, les décrit « europoïdes et iranophones ». Ils sont même présentés comme possibles ancêtres des Alains1.

C'est aux alentours de Lu-Lan que l'archéologie retrouva de nombreuses cités en ruine recouvertes de sable, ainsi que des momies blondes et coiffées à la slave2.

Dotée d'une dépression géographique qui donne à la région une altitude plus basse que le niveau de la mer (-154 m), Turpan (Turufan en chinois) est une oasis située au nord-est du désert du Taklamakan. C'est une des dernières étapes de la route de la soie avant son arrivée à Xi'an. C'est aux alentours de Turpan que se dressent les mythiques Montagnes de Feu, que le singe Sun Wukong éteindra de son éventail lors de ses Pérégrinations vers l'ouest (roman de Wu Cheng paru v. 1575).

La principale richesse du terroir local est la vigne, dont on fait le vin, exporté depuis l'Antiquité jusqu'en Iran. En reliant les vignobles gaulois, romains et grecs, aux vignobles caucasiens, puis à ceux de l'Himalaya (Kailasha) et du Tarim, nous pouvons donc nous représenter une ancestrale « route des vins ». Tout au long de celle-ci, le vin jouait un rôle non seulement social et commercial, mais aussi mystique et initiatique (le vin étant considéré dans ces régions comme un nectar sacré, rôle qu'il conserva dans le christianisme).

C'est à Turpan que certains manuscrits manichéens des plus précieux furent retrouvés. C'est aussi à ses alentours que furent découverts les manuscrits tokhariens les plus anciens (constitués d’écorces de bouleau calligraphiées et enluminées à l'aide d'un calame pour les textes sacrés et d'un pinceau pour les textes administratifs). L'alphabet utilisé était celui du brahmi du nord. Ce dernier sera plus tard adopté par les Ouïgours pour écrire leur langue turcophone (avant que cet alphabet ne soit remplacé à son tour par le romain et enfin par l'arabe). La copie de ces manuscrits était un acte pieux et les laïcs en demandaient des copies aux prêtres-scribes (une pratique qui rappelle celle du Livre égyptien des morts.) Ainsi, dans le Tarim bouddhiste, si l'on pouvait construire un stupa pour honorer un roi, la copie d'un livre saint convenait très bien à la mémoire d'un notable.

Le royaume d'Akni (aussi connu comme Archi, Karachahr ou encore Yanqi) correspond à la ville actuelle de Hami, située dans la province chinoise du Xinjiang, au nord du désert du Taklamakan. Hami est aujourd'hui une grosse ville en plein développement, où s'érigent sans relâche les immeubles nécessaires pour loger la main d'œuvre chinoise han émigrée du Sichuan ou de la Mandchourie. En des temps immémoriaux la ville était dédiée au dieu védique du feu, Agni, dont la ville prit le nom.

Le royaume de Baluka (actuel Aksu) était situé au sud-ouest du bassin du Tarim, à une cinquantaine de kilomètres de la frontière kazakhe actuelle, en direction de Kashgar et de l'Afghanistan. Les mémoires de Xuanzang nous apprennent que les tempêtes de sable pouvaient être fatales aux caravanes qui traversaient cette région.

Si le royaume de Shanshan périclite en 700 après J.-C. sous les conquêtes ouïgoures, le royaume gréco-bouddhique de Khotan (de 56 à 1006 apr. J.-C., au sud du Taklamakan) perdurera presque un millénaire complet. Il sera le creuset initial par où transiteront vers l'est comme vers l'ouest, le bouddhisme, puis l'islam. Les Khotanais avaient adopté les coutumes zoroastriennes des Perses avec lesquels ils commerçaient, tout en gardant le sanskrit puis le prakrit-gandhari comme lingua franca (ces deux langues étant sacrées dans la littérature bouddhiste, une religion qui comme plus tard le manichéisme, connut un certain succès à Khotan). En outre, le khotanais était un dialecte appartenant à la famille scytho-iranienne des langues indo-européennes. Ville sujette aux rapacités turques et chinoises, Khotan fut prise de nombreuses fois : par les Ouïgours d'abord, puis par les Afghans, pour enfin perdre à jamais son indépendance. De nos jours, plus aucune trace ne subsiste de son passé indo-européen. Khotan n'est plus qu'une grosse bourgade peuplée par quelques Chinois et une majorité de turcophones. La chute de Khotan et son annexion à un vaste réseau de villes-oasis qui reliaient la mer Noire à Samarcande et Kashgar puis Xi'an, entraînèrent la perte totale d'influence des peuples indo-européens dans la région. Cela eut comme conséquence la disparition définitive et totale du bouddhisme. Au début du premier millénaire pourtant, le bouddhisme avait été la religion la plus populaire parmi les nations qui vivaient des montagnes du Caucase jusqu'aux plaines du Gange.

Toutes les cités que nous venons de mentionner furent probablement fondées par les Yuezhis dès le début du second millénaire avant notre ère. Or, si l'on sait peu de chose sur les Yuezhis, on en sait beaucoup plus sur les Sères. Or, les Yuezhis correspondent vraisemblablement aux Sères mentionnés par les auteurs romains1.

La mention d'une contrée fertile (« Le pays est boisé, mais sans épaisses forêts » dixit Ammien Marcellin) tend à prouver qu'il y a 2000 ans, la vallée du Tarim n'était pas aussi désertique qu’aujourd’hui. Sans véritable forêt pour la protéger des dunes de sable, cette région verdoyante du second millénaire jusqu'à notre ère, s'est ensuite désertifiée, devenant le Taklamakan. Les voies commerciales se concentrèrent donc sur quelques étapes, quelques cités bien défendues et accueillantes, comme autant d'oasis.

Au milieu du premier millénaire de notre ère, le Tarim n'est cependant déjà plus qu'un mince cours d'eau2, souterrain pour la plupart de sa longueur, et égrainant un chapelet d'oasis coincées entre le désert du Taklamakan, celui de Gobi, les montagnes de Tian Shan et celles du plateau tibétain.

Avant que ne s'impose le désert sur leur territoire, la prospérité des Sères devait être immense. Ammien Marcellin les décrit comme s'il s'agissait d'un peuple idéal vivant dans un pays de Cocagne :

« Les Sères, de toutes les races d’hommes la plus paisible, sont absolument étranger à la guerre et à l’usage des armes. Le repos est ce qu’ils aiment par-dessus tout : aussi sont-ils voisins très commodes. Chez eux le ciel est pur, le climat doux et sain, l’haleine des vents constamment tempérée. Le pays est boisé, mais sans épaisses forêts. On y recueille sur les arbres, en humectant leurs feuilles à plusieurs reprises, une espèce de duvet d’une mollesse et d’une ténuité extrêmes, que l’on file ensuite, et qui devient la soie, ce tissu réservé jadis aux classes élevées, et que tout le monde porte aujourd’hui. Les Sères ont si peu de besoins, la tranquillité leur est si chère, qu’ils évitent tout contact avec les autres peuples. Des marchands étrangers passent-ils le fleuve pour demander du fil de soie, ou quelque autre denrée du sol, pas un mot ne s’échange ; le prix se fait à vue. Et les habitants sont si simples dans leurs goûts, qu’en livrant leurs produits indigènes, ils n’appellent en retour aucune espèce d’importation. » 23, 6, 67.

Pomponius Mela présente les Sères avec les mêmes caractéristiques : « Les Sères sont un peuple ami de la justice, pour la manière dont ils font le commerce, en exposant leurs marchandises dans la solitude » 3, 7.

La prospérité des Sères reposait donc avant tout sur le commerce1. Outre l’accueil des caravanes de passage, les Sères affrétaient leurs propres caravanes qui passaient les cols de l'Himalaya pour échanger leurs marchandises dans les ports du Sindh et du Gujarat. Elles repartaient ensuite chargées d'épices et de parfums, qu'avaient apportés les navires arabes, perses, éthiopiens, gujaratis, tamouls ou sri lankais.

1Cependant, l'auteur met en garde : « Il est sans doute naïf de chercher à plaquer une étiquette ethnique unique sur ce qui pouvait être un assortiment bigarré de tribus iranophones issues du maelstrom des 2e, Ier siècles av. J.-C. : il suffit de rappeler les mélanges, expressément signalés par les chroniques chinoises, entre Saces, Wusun et Yuezhi, lors de la chevauchée de ces derniers vers la Bactriane, l'installation de 80 000 Wusun au Kangju [Sogdiane] [...] Nous pensons en tout cas qu'il faut garder une certaine prudence à l'égard des grandes constructions anciennes ou récentes qui brassent avec désinvolture les peuples centre-asiatiques et procèdent à des rapprochements parfois un peu rapides. » Les Alains.

2« La ville [...] aurait pu contenir des habitants par milliers. D’après les objets qu’on y a découverts, boiseries, statuettes et peintures, on peut affirmer que cette « Pompéi asiatique » est vieille d’au moins mille ans, probablement antérieure à l’invasion musulmane du 8e siècle, et qu’elle était peuplée de bouddhistes : nombre de figures présentent des types aryens aussi bien caractérisés que ceux des Persans, d’autres sont marquées d’un trait jaune à la naissance du nez, comme des millions d’Hindous. Des roues de char trouvées dans le sable des dunes prouvent que le pays fut pourvu jadis de routes carrossables. D’après les explorateurs américains, plusieurs agglomérations humaines se seraient succédées dans ces régions, succombant l’une après l’autre au retrait graduel des eaux douces vers le Kunlun et au terrible vent du nord-est. Plus à l’est [...] Sven-Hedin [géographe et explorateur suédois] a retrouvé une autre ville qui, suivant les fragments d’écriture découverts dans les ruines, n’est autre que Lu-lan, dont on connaissait le nom par les livres chinois et qu’on cherchait sensiblement au nord de sa position véritable. Lu-lan se trouve sur une ancienne berge du Lob-nor, cette nappe d’eau errante que les voyageurs dessinent maintenant à une centaine de kilomètres plus au sud que les cartographes chinois d’il y a mille ans. Les conditions géographiques du pays ont donc complètement changé ; deux ou trois constructions en briques, des poutres en bois de peuplier rongées par le sable, des médailles et objets divers, des papiers écrits et des bâtonnets recouverts de caractères, voilà tout ce qu’il reste de cette ville, florissante il y a quinze siècles. De nos jours, la dénudation due au vent est telle qu’on cherche vainement aux alentours une motte de terre végétale. » É. Reclus, L’Homme et la Terre, tome 3.

1Ammien Marcellin mentionne explicitement le bassin du Tarim, une cuvette encerclée par les monts du Kunlun au sud et par ceux du Tian Shan au nord, et qui comprend la dépression de Turfan qui descend à 154 m au-dessous du niveau de la mer. « Par-delà les deux Scythies, une enceinte circulaire de hautes murailles enferme la Sérique, immense contrée d’une fertilité admirable, qui touche à la Scythie par l’occident, par l’est et le nord à des déserts glacés, et s’étend au midi jusqu’à l’Inde et jusqu’au Gange. Deux fleuves, l’Oechardès (près de Khotan, Kashgar et Yarkand) et le Bautisos (Tarim ?), roulent sur la pente rapide de ces plateaux, et, d’un cours ralenti, traversent ensuite une vaste étendue de terre. L’aspect du sol y est très varié ; ici de niveau, là soumis à une dépression légère : aussi grains, fruits, bétail, tout y abonde. »

2Le géographe Élisée Reclus fut un des premiers à avancer l'idée qu'un changement climatique pourrait être à l'origine du déclin d'une région devenue désertique, alors qu'elle se prêtait à l'agriculture il y a 4000 ans. « D’après le témoignage unanime des habitants, les documents historiques et les traces laissées par des courants d’eau maintenant taris, il semble incontestable qu’à notre époque se produise en Asie centrale un assèchement du sol [...] On peut affirmer que dans les temps lointains, le va-et-vient des voyages était beaucoup plus actif que de nos jours entre les deux versants asiatiques. Il n’est pas douteux que le bassin du Tarim, encore très important comme lieu de passage, fut autrefois beaucoup plus habité que dans la période contemporaine et qu’il offrait par conséquent des ressources plus abondantes au commerce de l’Occident avec l’Orient à travers le faîte de l’Asie. » Reclus.

1Dans son Histoire naturelle (6, 22), Pline l'Ancien témoigne de ce commerce maritime entre les Sères et l'île de Lanka. Les émissaires à Rome du roi de Lanka auraient déclaré aux Romains « qu'ils voyaient les Sères au-delà des monts Émodiens [Himalaya], et qu'ils les connaissaient même par le commerce. » Les Sri Lankais décrivent alors les Sères comme ressemblant en tout point à des Celtes ou à des Germains : « Les Sères dépassaient la taille ordinaire et ils avaient les cheveux rouges, les yeux bleus, la voix rude. » Pline ajoute enfin que les pratiques commerciales sont les mêmes en Méditerranéen que dans l'Océan Atlantique : « du reste, dit-il, les renseignements donnés par les émissaires indiens étaient semblables à ceux de nos négociants, à savoir que les marchandises étaient posées sur la rive du côté des Sères, qui les emportaient en laissant le prix si elles leur convenaient. »

RECENSEMENT DES PEUPLES INDO-EUROPÉENS, depuis l'Islande jusqu'en Inde

Les premiers européens

À la suite de l'expansion de la culture de Yamna en Europe balkanique (v. -2500 à -1500), se créent de nouveaux peuples, auxquels on peut associer des langues, qui émergent du proto-européen.

Nous distinguons à l'intérieur des langues européennes deux grandes familles : celle issue de la première vague de migrations intervenue au cours du troisième et du second millénaire avant J.-C. qui amena les Daces, les Thraces et les Hellènes, et celle, à peine plus tardive, issue de la seconde vague, et qui amena les Celtes puis les Germains.

Vers -2500, dans différentes vallées des Balkans, émergent les Proto-Daço-Thraces et les Proto-Illyriens. Après -2000, ces peuples sont établis dans la vallée du Danube et les Carpates (Daces), dans le Bosphore (les Thraces se séparent des Daces vers -1200) et sur le rivage Adriatique (Illyriens). Ces peuples forment un groupe linguistique hétérogène mais ils possèdent le point commun d'être dérivés d'un proto-européen qui prédate l'apparition du celto-germanique.

La littérature antique nomme ces peuples mystérieux « Pélasges », « Scythes » ou barbares, mais il s'agit de nations clairement indo-européennes, comme nous le prouvent leurs coutumes religieuses proches du druidisme.

De -2000 à -500, d'autres tribus nomades porteuses de l'haplotype Y-R1b font le déplacement depuis les steppes orientales vers l'Europe. Il s’agit en particulier des Gètes (qui partageront le Danube avec les Daces) et des Cimmériens, dont le faciès culturel peut sembler similaire à celui des Thraces.

La puissance thraço-dace culmine avec le royaume des Odryses, fondé vers -400 par l'union de tribus daces et thraces, puis incorporé à l'Empire romain quelques siècles plus tard. Son territoire englobait l'actuelle Bulgarie (Thrace), les côtes de l'actuelle Roumanie (Dacie), le nord-est de la Grèce (Macédoine) et le Bosphore européen. Térès Ier, fondateur de la dynastie des Téréïdes, en fut le premier roi, et Seuthès III établit la capitale à Seuthopolis (actuelle Kazanlak, Bulgarie).

Assimilés parfois aux Gètes, les Daces sont installés dans les plaines du Danube. Leur langue constitue à elle seule un groupe distinct de la famille des langues indo-européennes, tout en se rapprochant du thrace. Le nationalisme roumain actuel se revendique de ce peuple méconnu qui connut son zénith avant même la naissance de Rome.

Les Valaques sont un peuple du bassin danubien oriental (Valachie, actuelle Roumanie et Moldavie) issu de l'héritage thrace, dace et romain.

Les Thraces sont un peuple voisin des Grecs et des Macédoniens, parfois associés aux Daces et occupant les actuelles Bulgarie et Roumanie. La Thrace est la mère patrie de l’orphisme.

Les Roumains sont un peuple héritiers des civilisations balkaniques, en particulier dace et thrace, mais aussi de la romanisation de la région entreprise dès le début du premier millénaire1. Avec les Moldaves, les Roms et les Bulgares musulmans (et autres tartares), les Roumains sont les seuls peuples non slaves d'Europe de l'est. Par ailleurs, ils ont adopté le courant chrétien orthodoxe.

Les Moldaves sont le dernier peuple locuteur d'une langue romane en Europe de l'est avant l'hégémonie slavophone ukrainienne et russe qui s'étend jusqu'à l'Oural. Tout comme les Roumains, les Moldaves ont cependant adopté la tradition orthodoxe.

Les Dalmates sont un peuple installé sur les rives de l'Adriatique ayant parlé un dialecte indo-européen romanisé à présent disparu. Ils ont donné leur nom à la Dalmatie.

Les Illyriens occupaient la côte orientale de l'Adriatique. Sa famille linguistique ne perdure plus de nos jours qu'en infimes traces dans l'Albanais et dans les autres langues des Balkans.

Les Albanais sont donc un peuple descendant des premiers Indo-Européens ayant colonisé les Balkans. Leur langue est le dernier vestige d'une branche indo-européenne balkano-anatolienne éteinte. Originalité en Europe, les Albanais sont le seul peuple indo-européen musulman de ce continent (80 % de la population totale du pays), de même qu’ils sont le seul peuple non slave des Balkans.

Le peuple kosovar leur est apparenté (1,9 million d'habitants, musulman à 88 %).

La mer

Vers -1800 à -1500, des peuples associés à la culture balkanique post-Yamna et installés dans les Balkans, vont suivre la voie maritime qui relie le Danube à la mer Noire.

S'installant dans l'archipel grec, après un détour en Asie mineure, les Achéens rejoignent Mycènes entre -1900 et -1500. Avec les Illyriens et les Pélasges, ils sont parmi les « Peuples de la mer » qui ravagèrent les côtes méditerranéennes et particulièrement celles de l’Égypte. D'autres Achéens prennent la direction de l'est et longent les côtes de la mer Noire jusqu'en Colchide.

Connus des chroniqueurs de la décadence égyptienne, les Peuples de la mer firent trembler les pharaons. Il s'agit cependant d'une appellation mystérieuse regroupant de très nombreuses ethnies. Dans Les Races connues des Égyptiens, l'égyptologue Eugène Lefébure consacre une étude à la représentation des étrangers par les Égyptiens.

« Si les pasteurs sémitiques [Hyksos] firent une fois la conquête de l’Égypte, les pirates aryens1 la tentèrent souvent : ils guerroyaient avec les Pharaons dès la 11e dynastie [-2160 à -1994], et ils formèrent en tout ou en partie quatre grandes coalitions au moins contre le nouvel empire. Au nord, les habitants d’Ilion [Troie], les Dardaniens, les Mysiens et les Lyciens, prirent part à la ligue des Khétas contre Ramsès 2 [v. 1303 à 1213] ; les Péléstas [Pélasges ou Philistins], les Troyens, les Sicules, les Dauniens, les Osques, et sans doute les Étrusques, attaquèrent l’Égypte par la Syrie au temps de Ramsès 3 [r -1186 à -1155] ; à l’occident, les Libyens et les Mashouashas, avec les Sardiniens [Sardaigne], les Sicules [Sicile], les Achéens [Grecs], et les Étrusques sous Méneptah 1er [r -1213 à -1203], ainsi que les Mashouashas joints à d’autres peuplades libyennes sous Ramsès 3, assaillirent deux fois l’Égypte par mer. Tous ces peuples forment quatre divisions importantes. Les habitants d’Ilion [Troyens], les Dardaniens, les Mysiens, les Lyciens, les Péléstas et les Teucriens appartiennent à l’Asie Mineure, comme les Achéens à la Grèce ; les Sardiniens, les Sicules, les Dauniens, les Étrusques et les Osques se rattachent à l’Italie, et les Libyens avec les Mashouashas à la cote septentrionale de l’Afrique. [...] Ils ont en général le profil aquilin ou le nez droit. […] Les peuples d’Asie Mineure, de Grèce, d’Italie et d’Afrique [...] appartiennent en général au type brun de la race blanche ; le type blond apparaît chez les Libyens ; ceux-ci comptaient parmi les Tahennou, ou hommes blancs d’Afrique, et les Tamehou, ou hommes blonds du Nord. Il est facile de voir que ces deux appellations, sans doute identiques au fond, sont des noms approximatifs donnés par les Égyptiens à une population qui, pendant un certain temps leur apparut comme blanche ou blonde. On ne saurait conclure de là que tous les Libyens étaient blancs ou blonds, mais seulement qu’une invasion, venue du Nord, s’était répandue sur la côte africaine qui fait face à l’Europe. »

Ces peuples ne sont pas nécessairement indo-européens de langue. Si les Achéens et les Mysiens (Troyens) le sont assurément, ce n'est peut-être pas le cas des Pélasges, des Philistins, des Sicules ou des Sardiniens (Sardes) et ce n'est absolument pas le cas des Étrusques1.

En outre, Lefébure mentionne les casques à cornes typiques du monde celto-germanique, mais aussi les vêtements rayés et colorés, tout aussi typiques de la mode vestimentaire celto-slave :

« Les Péléstas et les Teucriens portaient des toques rayées ; les Dauniens et les Osques avaient les mêmes toques ; mais la coiffure des Étrusques était un bonnet pointu ; celle des Sicules [Siciliens] un casque ayant deux cornes, et celle des Sardiniens auxiliaires de l’armée égyptienne un casque semblable, surmonté en outre d’une boule. Tous, sauf peut-être les derniers, sont caractérisés par une courte tunique à franges et quadrillée. »

Le tartan, une étoffe rayée aux couleurs de la tribu, se retrouve en effet de l'Écosse jusqu'en Assam et dans le bassin du Tarim, comme en témoignent les folklores écossais et assamais, ainsi que les célèbres momies de Lulan et Turpan. Quant au couvre-chef en forme de pointe, il est caractéristique des peuplades scythes et phrygiennes (il deviendra le bonnet de Mithra et des révolutionnaires français).

Le type de bateau qui accompagne les raids des pirates semble être l'ancêtre du fameux drakkar : « les vaisseaux des alliés rappellent les navires égyptiens, mais leur carène se relève à angle droit et se termine aux deux bouts en tête de cygne. »

De même, Lefébure mentionne les épées courtes et les chars de guerre, qui firent la puissance des armées celtes, germaniques et perses :

« Les armes sont une courte épée à deux tranchants, avec un bouclier, et en outre une pique pour les Sicules et les Sardiniens auxiliaires. Les confédérés, qui n’avaient ni arcs ni flèches, possédaient des chars de guerre ; ils étaient suivis aussi par des chariots de transport en osier ou en bois, à roues pleines, attelés de bœufs et renfermant les enfants et les femmes. On a signalé la ressemblance des chariots, des épées et des vaisseaux, avec les chariots germains de la colonne Antonine, avec les épées gauloises d’avant Jules César, et avec les barques de certaines monnaies celtiques. »

Les Grecs

Les langues helléniques sont le dorien, le thessalien, l’attique, l’ionique et le grec ancien. Le grec moderne semble le seul héritier de cette lignée, avec actuellement 12 millions de locuteurs.

Les Mycéniens sont le peuple racine de la civilisation hellène. Originaires des Balkans, ils connurent quelques siècles de gloire entre -1400 et -1200, avant de disparaître à l'aube du premier millénaire.

Si les Mycéniens ne sont pas les descendants de la civilisation minoenne1 qui la précéda en Méditerranéen orientale, cette dernière laissa tout de même des traces dans la culture mycénienne puis grecque, en particulier avec les cultes de la vierge Britomartis ou de Déméter-Cybèle, déesse de la Terre et de l'abondance.

L'antique appellation des Mycéniens est le terme homérique d'Achéens. Ils sont les protagonistes de la guerre de Troie2 et probablement les « peuples de la mer », tant redoutés des Égyptiens.

Les Grecs furent donc d'abord présents sur les rives d'Asie Mineure (Ionie), puis s'installèrent dans l'archipel3.

L'Histoire les retient comme les inventeurs de la philosophie rationaliste et de la démocratie, c’est-à-dire du pouvoir collégial exercé par le peuple lui-même. Les Grecs inventèrent par ailleurs des techniques militaires qui assurèrent leur hégémonie sur la Méditerranée, comme la phalange hoplite ou la galère de combat. Ils étaient un peuple de voyageurs, commerçants et marins hors pair, et nombreux furent les colons qui s'installèrent au nord de la mer Noire, mais aussi en Inde et jusque dans le Tarim chinois.

Les Grecs sont donc des passeurs de traditions et leur foisonnant panthéon doit autant à sa source indo-européenne qu'à ses nombreuses influences à la fois égyptienne, perse, mais aussi thrace et scythe.

Spartes, Athènes, Corinthe, Thèbes, Massalia (Marseille), Éphèse, Alexandrie sont autant de villes prospères du monde hellénique. Delphes, où résidait la pythie, ainsi que les villages sacrés des pourtours du mont Olympe, étaient certaines de ses capitales rituelles et religieuses. La civilisation hellénique repose sur les œuvres d'Homère et d'Hésiode, sur un panthéon panthéiste tolérant et capable d'incorporer de nouveaux dieux.

La société hellène se veut éclairée : le travail manuel et fatigant est déconsidéré, seuls les jeux de l'esprit et la recherche de la sagesse sont encouragés. Cette société repose cependant sur la domination systématique d'une masse innombrable d'esclaves.

Rivale d’Athènes, de Thèbes et de Corinthe, Sparte est la puissante cité autosuffisante et tournée sur elle-même du Péloponnèse,. Son économie reposait sur l'exploitation massive des paysans des campagnes environnantes.

Sparte est l'anti-modèle d'Athènes. Méprisant le confort et l'argent, chérissant la violence et la guerre, les Spartiates défendirent de très longs siècles leur indépendance face aux Athéniens, mais aussi face aux Perses.

Les Ioniens sont un peuple grec d'Asie mineure, voisin des Phrygiens et des Lydiens.

Les Éoliens sont un peuple grec originaire de Thessalie, fondateur de la ville de Delphes mais aussi présent en Asie mineure.

Les Doriens sont installés en Laconie, en Crête et en Asie mineure insulaire1.

L'influence grecque se fit aussi sentir plus profondément en Asie, où l'art gréco-bouddhique révolutionna, pour un temps, l'expression artistique indo-iranienne. C’est aux Grecs que l'on doit les premières représentations du Bouddha, mais aussi de Krishna, comme en témoignent les monnaies frappées par les rois grecs du Sindhu. L'influence de ces rois grecs s'étendait jusqu'à Patalipoutra, la capitale de la vallée du Gange (actuelle Patna, dans le Bihar). Les Indiens connaissaient les Grecs sous le nom de Yonas, ou encore Yonakas (Ioniens). Leur présence, en tant que tribu barbare alliée aux forces aryennes est attestée dans le Mahabharata. Les Yonakas prennent en effet part aux combats lors de la bataille du Kurukshetra.

Quant aux (Anciens) Macédoniens, sous l'influence du roi Philippe II puis d'Alexandre le Grand, ce petit Royaume hellénisé, situé au nord de l'archipel grec, devint l'épicentre d'un empire transcontinental. S'étalant sur les trois continents du monde connu d'alors, l'Empire d'Alexandre donna naissance à la dynastie égyptienne ptolémaïque (dont fera partie la reine Cléopâtre), ainsi qu'à la dynastie séleucide qui fut maîtresse de la Perse. Ces deux dynasties régnèrent de longs siècles sur l'Afrique et l'Asie.

 

 

Les Hittites

Avant l'arrivée des Aryens en Inde et en Perse, rayonnait déjà le brillant rival de l’Égypte : l'Empire hittite. L’appellation hittite est dérivée du nom du premier royaume anatolien conquis par les Indo-Européens venus des Balkans et des rives de la mer noire au cours du 3e millénaire avant notre ère. Le royaume se dénommait alors Hatti du nom de sa capitale Hattusa.

Purushkhanda (ou Purushanda), était une autre ville prospère du sud de l'Empire Hittite, souvent citée comme comptoir aux frontières des aires mésopotamiennes, égyptiennes et anatoliennes. C'était la ville sacrée où était célébré le dieu sémite de la fertilité Dagon. La consonance du nom de cette ville est cependant typiquement indo-européenne, en sanskrit « purusha » signifiant « l'homme », ou l’« être céleste », et « kandha » signifiant l’« épée ». De nombreuses autres topologies ou toponymies hittites peuvent de même s'interpréter sans difficulté en sanskrit. « Pamba », « Pithana », « Piyusti », « Anitta »,« Tudhaliya », « Hishmi-Sharruma », « Papahdilmah »... La consonance des noms des premiers rois hittites ne laisse aucun doute quant à leur origine indo-européenne.

Rival de l’Égypte au cours du second millénaire avant notre ère, les Hittites connurent un renouveau civilisationnel durant le premier millénaire puis disparurent définitivement avant notre ère. Quelques épopées, quelques hymnes, de nombreux actes administratifs rédigés en cunéiforme sur des tablettes d'argile sont les vestiges littéraires de cette florissante civilisation.

Leur suprématie fut sans rivale dans la région, et à son zénith, l'Empire hittite regroupait un immense territoire allant des rives de la Méditerranée et de la mer Noire jusqu'au royaume d'Ougarit et de Mitanni, eux-mêmes frontaliers de l’Égypte et de la Babylonie. Cette puissance, les Hittites la tenaient de leur capacité militaire sans précédent. En effet, plus encore que la maîtrise du char de guerre, les guerriers hittites excellaient dans l'art naissant de la cavalerie (en montant des chevaux non sellés ni bridés).

En cela, les Hittites sont absolument marqués par leur caractère indo-européen ; le cheval fut domestiqué dans les plaines eurasiennes, ce qui permit aux peuples proto-indo-européens de se déplacer sur de très vastes espaces et ainsi de coloniser l'Eurasie, de la Bretagne aux rives de la mer de Chine. En outre, la selle légère fut inventée par les Celtes, la selle dure par les Perses et le mors par les Romains, autant de peuples réputés pour leurs redoutables armées, dont la cavalerie était une pièce maîtresse.

La puissance militaire des Hittites était encore renforcée par leur découverte d'un alliage de métaux composé d'étain et de plomb, avec lequel ils pouvaient forger des épées plus résistantes que le bronze et des artefacts plus résistants et de grande valeur, qu'ils exportaient en échange de grands bénéfices.

Cosmopolite et hétérogène, la société hittite (puis néo-hittite) demeura plus d'un millénaire, avec à sa tête une aristocratie indo-européenne. Elle mêla ses croyances et ses traditions à celles des peuples sémites qui peuplaient une partie du Moyen-Orient, ainsi qu'à celles des populations résiduelles du paléolithique supérieur et du néolithique. Par conséquent, Tarhunt, le dieu hittite du tonnerre, chef des dieux, rappelle autant Indra que Baal.

En simplifiant, nous pourrions présenter la société hittite comme un maillage de castes et de classes sociales hiérarchisées et endogènes : au sommet se trouvent les Nesilim, la noblesse. Si l'Anatolie fut conquise, ce fut avant tout pour le sol riche en minerais, alors indispensables aux échanges comme à la production d'armes de guerre ou d'outils agricols (la puissance de Sumer, d'Assur, puis de Babylone, les autres grandes puissances régionales, reposaient surtout sur leurs mines d'or et d'argent, ainsi que sur leur maîtrise du commerce de troc.)

Venaient ensuite les hommes et les femmes libres, qui en fonction de leur sexe n'ont pas les mêmes droits et devoirs, puis viennent les serfs, et enfin les esclaves, qui eux aussi se voient nettement différenciés en fonction de leur sexe. À ce propos, la condition des esclaves en territoire hittite était nettement différente de celle des esclaves égyptiens ou mésopotamiens. En effet, les esclaves hittites, même s'ils vivaient en prisonniers totalement soumis à leur maître, n'en demeuraient pas moins des hommes reconnus comme tels. Ils avaient accès à la justice, pouvaient se marier selon leur désir et même avec des femmes ou des hommes libres.

Les Louvites, les Lydiens et les Phrygiens

De la dislocation de l'Empire hittite (-1600 à -1200), naîtront les nations phrygiennes et lydiennes (vers. -1000, avec un zénith vers -800). La Troiade et sa ville mythique de Troie font partie de l'aire culturelle post-hittite.

La famille linguistique à laquelle appartient le hittite comprend aussi le louvite, le lydien et vraisemblablement le phrygien.

Les Louvites sont locuteurs d'une langue indo-européenne anatolienne proche du hittite. Les Lydiens sont un peuple hellénisé d'Asie Mineur, locuteur d'une langue anatolienne associée aux précédentes.

La Phrygie est située à l'ouest de l'Anatolie. Gordion est la cité royale du roi Midas est sa capitale historique. L'identité de la langue phrygienne repose sur quelques centaines de mots et il est difficile de bien la connaître. Il semblerait cependant que le phrygien se rapproche de la branche balkanique des langues indo-européennes (donc probablement du grec).

Troie

De toutes les cités anatolienne, c'est Troie qui demeure sa ville la plus célèbre. Homère fait d'elle une cité semblant appartenir au monde hellénique (ses coutumes funéraires et ses divinités sont identiques à celles des Achéens). Mais Euripide, postérieur de quelques siècles à Homère, considère et nomme les Troyens « barbares », ce qui sous-entend qu'ils devaient donc parler une langue non comprise des Grecs.

Si chacun connaît la Troie homérique1, peu sont au fait des mythes fondateurs qui relient les peuples celtes et germaniques à la tradition troyenne.

« Ce n’est pas à des philologues classiques ou à des historiens de l’Antiquité qu’il faut rappeler le rôle important qu’a joué dans l’Antiquité la légende troyenne des origines de Rome : ils savent bien que les Romains se présentaient comme des Énéades, des descendants d’Énée, c’est-à-dire des Troyens. Ils savent aussi que d’autres villes et d’autres régions antiques revendiquaient également une lointaine origine troyenne. [...]. Ce que les philologues classiques et les historiens de l’Antiquité savent peut-être moins bien, c’est que le mythe des origines troyennes s’est conservé très actif dans l’Europe médiévale et moderne, du 7e aux 15e siècle : nombreux sont les peuples, les régions ou les cités qui ont revendiqué une parenté troyenne originale. » J. Poucet, L'origine troyenne des peuples d'Occident au Moyen-âge et à la Renaissance.

On retrouve en effet Troie dans les plus anciennes chroniques des rois mérovingiens. Les mythiques rois francs fondateurs, comme Francio et ses fils, en seraient originaires. Dans l'anonyme Liber Historiae Francorum, publié en 727, on peut lire une suite au récit de la prise de Troie :

« Priam et Anténor, avec ce qui restait de l’armée troyenne (12 000 hommes) montèrent dans des navires, s’éloignèrent et arrivèrent aux rives du fleuve Tanaïs [Don]. Pénétrant avec leurs bateaux dans le Palus-Méotide [Azov], ils le traversèrent et parvinrent dans la région des Pannonies [Serbie actuelle], près du Palus-Méotide. Ils entreprirent d’y construire une ville, en souvenir des leurs, qu’ils appelèrent Sicambrie [une région éponyme est située au nord de la Germanie]. Ils habitèrent là pendant de nombreuses années et se développèrent en une grande nation. »

Le Liber Historiae Francorum mentionne ensuite l'empereur romain Valentin, qui régna de 364 à 375, et décida de faire payer l’impôt aux émigrés Troyens. Ne voulant s'y plier, les Phrygiens gagnent alors leur nom de « Francs », c'est-à-dire d'hommes libres et insoumis (un terme par ailleurs souvent rapproché de ceux de frustre ou de barbare). Ensuite :

« Sortis de Sicambrie, ils arrivèrent à l’extrémité du fleuve Rhin dans les villes des Germanies, et c’est là qu’ils habitèrent avec leurs princes, Marcomir, fils de Priam, et Sunnon, fils d’Anténor. Ils y vécurent de nombreuses années. »

De manière tout aussi artificielle, l'Edda des Scandinaves assimile Troie à Asgard, la cité céleste :

« Les fils d’Odin élevèrent aussi une ville pour leur usage particulier au centre de la terre, et l’appelèrent Asgard ; nous lui donnons le nom de Troie ; c’est là que demeuraient les dieux. » Le Voyage de Gylfe.

 

Les Arméniens

La langue arménienne, une des plus anciennes langues du monde encore parlée de manière vivante et active par son peuple (3,8 millions). L'Arménie fut longtemps rattachée à l'empire perse, ce qui explique la présence persistante du zoroastrisme dans l'Histoire de ce peuple.

Depuis deux mille, l'Arménie est une nation chrétienne. Si ce n'est la Géorgie, l'Arménie est de nos jours entourée de nations islamiques (Turquie, Azerbaïdjan, Iran).

1« Trajan est le véritable ancêtre, le Romulus de la Roumanie. L’an 106, le vainqueur de Décébale, pour combler les vides qu’avait faits la guerre, établit la plus grande partie de ses légions sur le territoire qu’elles venaient de conquérir. Plus tard, de nouveaux colons tirés, les uns du centre et du nord de l’Italie, les autres des contrées voisines annexées depuis longtemps à l’empire, telles que la Gaule et l’Espagne, s’ajoutèrent aux premiers. Ils apportaient avec eux une langue qui n’était plus le latin de Rome, mais un latin primitif ou déjà corrompu, tel qu’il s’était formé après coup hors de l’Italie par le mélange des peuples et des idiomes, ou tel qu’il s’était conservé au cœur même de la presqu’île. C’est ainsi que l’on retrouve aujourd’hui, dans la langue des Roumains, à côté de mots d’origine espagnole ou gauloise, d’autres mots appartenant à l’ancien dorique, à cet idiome populaire qu’on ne parlait déjà plus à Rome du temps de Virgile et de Cicéron, et qui paraît être au latin classique ce que le celte est au français, le teutonique à l’allemand. » A. Ubicini, introduction de V. Alexandri, Ballades et Chants populaires de la Roumanie.

1Lefébure emploie ce terme comme synonyme d'Indo-Européens et non d'Indo-Iraniens.

1Quant aux peuples mentionnés occupant la Cyrénaïque et la Libye, il s'agit bien de peuples europoïdes, mais probablement affiliés à un des groupes ethniques ibéro-berbères ou porteurs de l'haplogroupe Y-R1b, et non au groupe oriental indo-européen. « On a signalé certaines représentations d’hommes blonds à yeux bleus dans les tombes de la 12e dynastie [-1991 à -1780]. Un Pharaon du moyen empire avait battu les peuples du Nord ou Hanebou, et ce dernier nom, qui désigne les nations européennes en général, se rencontre dans un texte, malheureusement fragmenté, appartenant aux premières dynasties. On voit qu’il est possible que l’arrivée des Septentrionaux remonte aux débuts de l’empire pharaonique. Ils ont laissé des traces de leur passage dans les constructions mégalithiques de l’Algérie, encore en usage chez les Kabyles du Djurjura, et dans la persistance du type blond sur toute la ligne de l’Atlas, parmi les Berbères, qui touchent d’un côté à l’Europe par ce type, d’un autre côté à l’Égypte par leur langue. »

1Selon Hubert la Marle, la langue encore indéchiffrée des premiers Minoens contiendrait des mots d'origine indéniablement indo-européenne. Selon sa propre traduction du linéaire A, la Marle aurait découvert l'inscription « Raja Asirai » sur de nombreux documents tels que des stèles présentes dans les sanctuaires. Cette mention évoquerait donc la racine indo-européenne « Raj », qui signifie roi, ainsi que les vocables Asura et Ahura, désignant les créatures célestes des mythologies perses et indiennes.

2« Il existait à la même époque que Troie VI [-1800 à -1300], à Mycènes (ou Argos), une tribu grecque, les Achéens, puissante dans tout le Péloponnèse et au-delà et dont les rois, les Atrides, s'enrichissaient dans des expéditions de pillage. Des documents égyptiens attestent qu'ils ont exercé leurs ravages dans le delta du Nil. Ils battirent aussi, en Asie mineure, le peuple des Hittites qui avait dans cette région un puissant empire. » Bonnard, Civilisation grecque.

3« Une ceinture d’îles, qui doublait, pour ainsi dire, les côtes de la Grèce, invitait ses peuples à la navigation, en leur montrant des buts prochains ; et dans la mer Égée, sur le chemin de l’Asie, les îles étaient si nombreuses qu’on accomplissait directement le voyage sans perdre de vue la terre. Aussi vit-on dès l’antiquité les Grecs retourner vers cette Asie, berceau de leurs pères, soit qu’ils fussent entraînés par la guerre, soit qu’ils allassent fonder des colonies. » H. Chotard, Le Périple de la Mer Noire d'Arrien, traduction, étude historique et géographique.

1« Les Doriens étaient une tribu apparentée, par la race et par la langue, aux groupes de Pélasges, d’Ioniens et d’Achéens qui, depuis des siècles, habitaient les plaines et les vallées méridionales de la péninsule hellénique ; mais, tandis que ceux-ci s’adonnaient à la navigation, au commerce et à l’industrie, les Doriens n’avaient pas cessé d’être des montagnards ; ils avaient vécu surtout parmi les forêts de l’Olympe et de l’Ossa, de l’Œta, du Pinde et du Parnasse. Ce n’étaient pas des barbares, puisque le culte d’Apollon était chez eux en honneur ; mais ils avaient conservé, sous un climat plus dur que celui des plages tièdes de l’Argolide et de la Laconie, une énergie native et une humeur belliqueuse qui en faisaient des soldats redoutables. » G. Perrot, La Civilisation mycénienne.

1« La guerre de Troie a eu lieu. Cet événement historique se situe en 1180 avant notre ère, ou à une date très proche. Les savants avaient longtemps tenu cette histoire pour de la légende. Mais les fouilles commencées en 1870 dans la colline d'Hissarlik, non loin des Dardanelles, sur l'emplacement probable de Troie (fouilles entreprises par Schliemann, un commerçant enrichi, obsédé à l'idée de retrouver la Troie de Priam dont parlait Homère) ont abouti à la découverte de neuf villes ou villages bâtis successivement sur cette même colline. […] Troie était une ville opulente « riche en or et en bronze » [...] grâce aux péages qu'elle prélevait sur les marchandises qui, d'ouest en est, franchissaient l'Hellespont, ou plutôt le longeaient. Car les navigateurs d'alors transportaient par voie de terre leurs bateaux légers et leur cargaison le long du détroit, pour en éviter les courants. » A. Bonnard, Trois chefs d’œuvre de la tragédie grecque.

RECENSEMENT DES PEUPLES INDO-EUROPÉENS, depuis l'Islande jusqu'en Inde
RECENSEMENT DES PEUPLES INDO-EUROPÉENS, depuis l'Islande jusqu'en Inde

La colonisation de l'Europe

Tandis que la culture de Yamna étend son influence vers l'ouest ; des ethnies membres de l'haplogroupe Y-R1b remontent le Danube et le Rhin, franchissent les Alpes et s'établissent en Allemagne : ce sont les Proto-Celto-Germains.

Dans le nord de l'Europe, la culture de Yamna influencera grandement la culture de la céramique cordée (-3000 à -2200). D'abord de nature génétique très hétéroclite, comprenant des individus appartenant aux haplogroupes Y-E (ibéro-berbère), Y-R1b, Y-R1a et Y-I, la culture de la céramique cordée est ensuite envahie par les Indo-Européens porteurs de l'haplotype Y-R1a (ce sont les Proto-Balto-Slaves qui ont quitté les rivages de la mer Caspienne presque un millénaire plus tôt, vers. -3800).

Si les nouveaux arrivants balto-slaves remplacent la population de la culture de la céramique cordée, ils adoptent néanmoins la langue locale qui est le proto-germanique.

Les Indo-Européens continuent leur expansion vers le centre de l'Europe ; d'abord vers les îles atlantiques (Grande-Bretagne, Irlande et Islande), puis vers les péninsules espagnole et italienne. Ce sont les Proto-Celtes de la culture campaniforme (-2900 à -1900).

Leur constitution en tant qu'ethnie est marquée par l'apparition de l'haplogroupe Y-R-L151, largement majoritaire chez les peuples de la façade atlantique (de la Belgique au Portugal). Cet haplogroupe est présent chez 60 à 90 % des habitants des îles britanniques et des Irlandais, et chez 40 à 60 % des habitants de l'Europe de l'ouest (France, Portugal), mais sa présence est négligeable en Europe de l'est, où l'haplogroupe Y-R1a est largement majoritaire.

Favorisant le transport maritime, plus rapide et plus sûr, vers -2900 à -2500, les Proto-Celtes sont déjà sur les côtes portugaises, ce sont les Proto-Lusitaniens. Vers -2500 à -2200, ils sont en territoires ibères, en Andalousie : leur acclimatation à la culture locale donnera naissance à l'entité celte-ibère. Les Pyrénées demeurent cependant le territoire des Basques-Aquitains, un peuple vraisemblablement ibère.

Les Italotes

Dans le nord de l'Italie se distingue lentement une culture typique, qualifiée d'italo-celtique. Les Romains et les Latins seront les fruits tardifs de cette culture qui commença aux alentours de -2000.

Des langues romanes (latines) naîtront les langues d'oc et d’oïl, le roumain, l'espagnol, le portugais, le français, l'italien, ainsi que tous les dialectes qui sont associés à ces langues. L'influence du latin sur les langues germaniques sera par ailleurs immense.

Vers -1500 à -400, les Ligures seront le plus puissant des peuples indo-européens pré-étrusques de la péninsule italienne. Leur présence est attestée d'Espagne jusqu'en Ligurie, avec une persistance dans le sud de la France. Ce sera ensuite au tour des Étrusques puis des Romains de dominer la péninsule.

Étymologiquement, le terme ligure est d'origine grecque. Il renvoie à la jouissance de la vie, des plaisirs et de la musique, ce qui nous donne une indication sur les mœurs et les coutumes ligures (qui seraient alors proches de celles des Étrusques, peuple connu pour leur art de vivre). Les sources anciennes distinguent, comme en Celtie, des Ligures « chevelus » et des Ligures « montagnards ». Il s'agit des habitants des côtes méditerranéennes, ainsi que des habitants des Alpes et des Apennins.

Tout comme les Pélasges, les Paléo-balkanniques (Illyriens) ou les Ibères (possiblement d'ascendance basque ou berbère), il est difficile de connaître l'identité exacte des premiers Ligures. Aucun document écrit en langue ligure n'étant disponible, il nous faut étudier la langue celtique ou latine pour y retrouver des emprunts ou des vestiges du ligure, de sorte que si le consensus actuel semble considérer les Ligures comme des Indo-Européens arrivés à l'ouest du continent entre l'an -2500 et l'an -1000, il ne s'agit que d'une théorie.

Il en est de même pour de nombreux autres peuples pré-romains de la péninsule italienne, tels les Ombriens, les Sabins, les Volsques, les Picéens, les Sicules ou encore les Sardes. Si nous connaissons précisément les territoires qu'ils occupèrent successivement, à la suite des guerres et des migrations, nous devons déplorer un manque cruel de matériel concernant leurs langues ou leurs religions. De fait, s'il semble incontestable que certains de ces peuples sont indo-européens de langue et de tradition (Ombriens, Latins, Sabins, Vénètes), il demeure contestable que d'autres le soient (Sardes).

Dans Peuples d'Europe Occidentale et Nordique dans l'Antiquité (Atramenta, 2016), le spécialiste des peuples antiques européens Raymond Delattre est cependant catégorique :

« Les Ligures sont certainement les premiers Indo-européens d’Europe Occidentale, venus d’Ukraine, de Roumanie ou des Carpathes et arrivés au plus tôt vers -2500. Mais selon une expression consacrée chez les historiens, ils sont venus par vagues successives s’étalant sur de nombreux siècles. D’autres Indo-Européens leur ont succédé plus tard et ont pris leur place. […] Tout dans l’onomastique semble indiquer que les Ligures sont indo-européens, même si leur culture l’est peu. Il doit s’agir de petits groupes d’Indo-européens qui ont dominé des populations autochtones comme ce fut le cas pour les Achéens en Grèce, les Luviens sur les côtes d’Anatolie ou les Mitanniens indo-aryens en pays hourrite (de langue caucasienne). Ils pouvaient donc être bilingues et s’intégrer beaucoup plus que ne le feront leurs successeurs italiotes, gaulois ou grecs à la société et aux coutumes locales. On peut leur attribuer la culture des mégalithes de l’âge du bronze. Ils ont donc imité à leur manière la culture autochtone précédente. C’est dans le domaine du travail des métaux que leur apport aux populations locales a été le plus considérable. Ils introduisent aussi l’usage du char tiré par des chevaux. » Raymond Delattre propose d'attribuer aux Ligures un espace qui s'étendait de l'Andalousie actuelle au nord du massif alpin : « L’expansion ligure correspond assez bien à ce qui devait constituer le territoire de l’Atlantide [l'Atlantide de Delattre n'est pas l'Atlantis légendaire de Platon, mais la région d'Afrique du nord que les géographes Grecs considéraient comme les portes de l'océan Atlantique]. Des Ligures se trouvaient notamment, sous le nom de Cynètes, sur le site de Tartesse (Huelva), qui fut probablement le port commercial le plus important de cet empire atlante. Ils contrôlaient le commerce de l’étain (les Ipsicores des Cassitérides) et celui de l’ambre (les Ambrons). L’ensemble de leurs peuples, comme plus tard les Gaulois, constituaient donc une puissance occidentale qui avait de quoi impressionner les Méditerranéens par sa richesse en métaux (or, argent, étain). Ils avaient aussi sûrement réussi à monopoliser à leur profit le commerce de l’ambre de la Baltique (des Ligures sont signalés comme recueillant cette précieuse matière à l’embouchure de l’Albis, l’Elbe, en plus des Ambrons du Jutland). […] L’espace ligure (impressionnant) s’étendait au moins du Jütland (les Ambrons) jusqu’au sud du Portugal (les Cynètes) et du sud de l’Angleterre (les îles Cassitérides) jusqu’au Nord de l’Italie en passant par la Bretagne, l’Aquitaine, le Languedoc, la Provence et les Alpes. Les écrits antiques ne permettent aucun doute à ce sujet. L’Elbe (Albis) était signalé aussi comme un fleuve ligure, avec un nom ligure. »

En considération de la démographie européenne du Néolithique, le territoire occupé physiquement par les Ligures devait être nécessairement bien plus petit que celui qu'ils contrôlaient commercialement ou militairement. Les Ligures, comme les Ibères, connurent un âge d'or pré-romain et pré-étrusque qui leur permit d'étendre leur influence sur un vaste territoire, mais les frontières exactes de ce territoire demeurent inconnues.

 

Carte des routes romaines (Standford University)
Rome en 54.

Rome

Après avoir éradiqué la civilisation carthaginoise (guerres puniques de -264 à -146), la cité de Rome affirme sa volonté impérialiste, sans connaître aucun adversaire capable de véritablement menacer son hégémonie dans le bassin méditerranéen, en Afrique ou encore en Europe celtique et germanique.

« La Grèce et l'Italie se tournent le dos. Les ports de la Grèce sont situés sur sa côte orientale, ceux de l'Italie sur sa côte occidentale. Les sols les plus fertiles du pays sont situés sur les côtes orientales de la Grèce ; les régions les plus riches de l'Italie se trouvent à l'ouest des Apennins qui les protègent des vents du nord. On peut donc dire que la Grèce a les yeux tournés vers l'Orient et l'Italie vers l'Occident, et cela vaut pour l'histoire comme pour la géographie. […] Rome s'éleva bien au-dessus des autres villes, grâce surtout à sa position favorable sur le Tibre, cette artère du Latium. « Rome » doit signifier « la ville au bord de la rivière ». L'embouchure du Tibre permit l'établissement d'un port très fréquenté, le seul port de l'Italie centrale à cette époque. Et les collines de pierre volcanique où Rome naquit formaient le premier site offrant de bonnes possibilités de défense. De plus, les collines étaient un domicile plus sain que la Campanie, marécageuse et dispensatrice de fièvres. Depuis les temps les plus reculés, le Tibre formait une frontière naturelle entre le Latium et ses voisins du Nord. Rome possédait un autre avantage non négligeable, sur les autres villes du Latium : elle disposait de sel. Depuis longtemps, on transportait d'importantes quantités de sel des marais salins situés près de l'embouchure du Tibre à travers le Latium jusqu'aux peuples montagnards du nord-est. La route commerciale, créée par ce négoce, prit le nom de Via Salaria (la route du sel) et s'appelle encore ainsi de nos jours. Rome était donc l'endroit du Latium qui se prêtait le mieux à l'établissement d'une ville fortifiée et commerçante. La ville fut d'abord construite sur une colline puis se développa jusqu'à couvrir les sept collines. C'est pourquoi Rome fut surnommée « la ville aux sept collines ». C. Grimberg, Histoire universelle.

En -205, Sparte s'allie à Rome ; la Grèce et la Macédoine perdent leur indépendance en se faisant annexer par Rome. Associé aux peuples romanisés et latinisés, le monde hellénique forme alors la civilisation gréco-romaine.

En 330, c'est la naissance de l’Empire romain d'Orient, dont Byzance-Constantinople sera la capitale.

Outre les Romains, les principaux peuples indo-européens italiques sont :

- Les Sabins, voisins des Romains, parlent un dialecte italo-celte. Ils furent une des premières composantes de Rome.

- Les Latins, peuple hétéroclite de la botte italienne, parlent des langues originaires du socle celto-italique et dont la standardisation donnera le latin. Peuples influencés d'abord par la riche civilisation étrusque, les Latins subirent ensuite une totale acculturation au modèle hellénique. De toutes les langues indo-européennes anciennes, elle est de loin la plus documentée. Elle fut la lingua franca des élites européennes près de deux millénaires durant.

Enfin, les Gallo-Romains sont les Celtes gaulois ayant adopté volontairement les coutumes gréco-romaines de son principal partenaire commercial. Les Gallo-Romains sont les ancêtres des peuples du Languedoc. Le mélange de la langue gauloise et romane donnera en effet naissance à la langue d'Oc, c’est-à-dire la langue des Occitans. Cette langue est similaire au catalan espagnol.

 

 

Les Celtes

Vers -2500, les Proto-Celtes ont fini leur tour d'Europe et les dernières tribus nomades se sédentarisent en Europe centrale. Vers -2400 à -2100, ils sont aussi en Europe de l'est.

Quant à la civilisation celtique en tant que telle, il faudra attendre la culture de Hallstatt (-1200 à -450) puis celle de La Tène (-450 à -25) pour qu'elle s'exprime pleinement. Avant qu'elle ne s'efface en conséquence de la colonisation romaine (commencée vers -100 en ayant entraîné l'éradication des druides et du druidisme) puis de la christianisation du continent (commencée vers 300).

La Gaule est la région d'Europe habitée par des peuplades celtes et constituée des actuelles France, Belgique, Suisse, Italie du nord, Allemagne du sud et Autriche de l'ouest. Strabon observait déjà chez les Gaulois tout ce qui fera le caractère français :

« Toute la race appelée aujourd'hui Gauloise ou Galate a la manie de la guerre ; elle est irascible, prompte à la bataille, du reste simple et sans malice. Aussi, une fois irrités, ils se rassemblent en foule pour courir aux combats, et cela avec éclat, sans aucune circonspection, de sorte qu'ils tombent facilement sous les coups de ceux qui veulent employer contre eux la stratégie. Et en effet, qu'on les excite, quand on veut, où l'on veut, pour le premier prétexte venu, on les trouve prêts à braver le danger, sans avoir pour entrer dans la lutte autre chose que leur force et leur audace. Si, l'on agit sur eux par la persuasion, ils s'adonnent aisément aux travaux utiles, jusqu'à s'appliquer à la science et aux lettres. Leurs forces tiennent en partie à leur taille qui est grande, en partie à leur multitude. S'ils se rassemblent en grande multitude avec tant de facilité, cela vient de leur simplicité et de leur fierté personnelle : grâces à ces qualités, ils s'associent toujours à l'indignation de quiconque leur paraît victime de l'injustice. » 4, 2.

La Tène, en Suisse, est un site archéologique de référence concernant la culture celte de la fin du premier millénaire av. J.-C. Hallstatt, en Autriche actuelle, est un site archéologique de référence concernant la culture proto-celte et celte de l'Europe centrale (-1300 à -500) Cette Gaule prend le nom de « Gaule Chevelue ».

« Quant aux peuples qui l’habitent, ils sont connus sous trois grandes dénominations, et sont séparés entre eux par des fleuves considérables. Des Pyrénées à la Garonne, ce sont les Aquitains ; de la Garonne à la Seine, les Celtes ; de la Seine au Rhin, les Belges. Les Ausciens tiennent le premier rang dans l’Aquitaine ; les Éduens parmi les Celtes, et les Trévériens parmi les Belges » Pomponius Mela, Description de la terre, 3, 2.

On distinguera donc la Gaule belge, aquitaine, transalpine, cisalpine, etc. Notons à propos que les Anciens Aquitains sont un peuple associé aux Basques et aux autochtones européens, donc non-indo-européen.

Réputés pour leur courage et leur manque de discipline, les Gaulois seraient cependant les inventeurs de la charrue à roue et du tonneau. Les deux Brennus et Vercingétorix furent parmi leurs chefs les plus célèbres. Les premiers pillèrent les rives de la Méditerranée, le dernier traversa Rome enchaîné dans une cage.

Les plus célèbres clans et tribus gauloises sont :

- Les Bellovaques, le groupe ethnique gaulois belge le plus important.

- Les Éduens, dont l'oppidum (place forte au sommet d'une colline, lieu de commerce) de Bibracte (Auvergne) fut la place forte.

- Les Carnutes, fondateurs de la ville de Chartres et occupent l'actuelle Beauce. La forêt des Carnutes était un des principaux lieux saints du druidisme gaulois.

- Les Boïens, qui occupent l'Europe continentale et le pourtour des Alpes (Bohème, Gaule, Italie cisalpine).

- Les Vénètes, fondateurs de la ville de Vannes et de la région italienne éponyme de Vénétie (Venise).

- Les Belges du nord de la Gaule sont réputés pour leur vaillance au combat et leurs cheveux blonds (selon César). Ce peuple retord à la domination, déporté de nombreuses fois par les romains, et face à la pression démographique et millénaire des tribus germaniques, émigra volontairement vers les îles britanniques.

- Les Sicambres occupent la rive droite du Rhin (César).

Plus au nord, les Cimbres occupent le Juttland (Danemark actuel) avant l'arrivée des Germains.

Les Helvètes occupent le territoire de l'est de la France et de la Suisse actuelle.

Plus à l'ouest, les Lusitaniens peuplent le Portugal actuel et subissent très tôt l'influence culturelle de Rome.

De l'autre côté de la Manche, Bath est une ville sainte abritant des eaux thermales attribuées à la déesse celtique Sulis, maîtresse des eaux. Il s'agit d'un pèlerinage très important pour les Celtes.

Les Gallois occupent le Pays de Galles. À l'est de l'Angleterre.

Les Pictes sont un peuple celte d'Écosse, combattu par les Romains. Hadrien fit construire un mur pour s'en défendre. Ils se livraient dans la bataille le corps nu et peint pour effrayer leurs ennemis. Dans l'Histoire de l'Empire depuis la mort de Marc-Aurèle (3, 14, 7), Hérodien rapporte aussi la pratique des tatouages à propos des Bretons :

« Ils ne connaissent pas l'usage des vêtements. Ils portent au-dessus du ventre et autour du cou des ornements de fer [Il s'agit de torques] qui sont pour eux une parure et un signe de richesse, comme l'or pour les autres barbares. Ils se font sur le corps, au moyen de piqûres, des peintures variées, des images d'animaux de toute espèce. Aussi ne s'habillent-ils pas pour ne point recouvrir ces peintures de leur corps. »

Pomponius Mela témoigne quant à lui de la pratique des tatouages en Scythie : « Les Agathyrses se peignent le visage et les autres parties du corps plus ou moins, selon le degré de noblesse ; du reste, les taches ont chez tous la même forme, et sont ineffaçables » (Description de la terre, 2, 1). À propos des tombes gelées de Pazyryk, au nord de la Scythie orientale, V. Schiltz évoque des « corps momifiés suffisamment bien conservés pour pouvoir être soumis à une interprétation anthropologique. L'un d'eux portait des tatouages : ainsi, une image de fauve qui faisait le tour de la poitrine et dont la tête était dessiné à l'emplacement exact du cœur faisait-elle du défunt un "cœur de Lion" de l’Altaï » (La redécouverte de l'or des Scythes).

Les Écossais (Scots) sont le peuple celto-germanique qui occupe la région éponyme de l’Écosse.

Les Irlandais peuplent l'île britannique éponyme, l’« Eire » (antique Hibernie), dont l'étymologie indo-européenne nous suggère la même signification que les mots « Aryen », « Iran » ou « Alains », dont la signification est « noble, juste, libre ». Plus encore que les Bretons, les Irlandais ont réussi le grandiose syncrétisme de la poésie et de l'imaginaire celte avec la morale et la philosophie helléno-chrétienne. Saint Patrick est son saint patron évangélisateur.

Les Irlandais, Les Écossais, les Gallois et les Bretons sont de nos jours les derniers locuteurs d'une langue celtique. On nomme gaéliques ces langues encore parlées de nos jours en Écosse et en Irlande.

Enfin, mentionnons les Celtes d'Anatolie, les Galates. Parti du centre de l'Europe vers -300, un large mouvement migratoire et militaire celte traverse les Balkans pour ravager la Macédoine, la Grèce, mais aussi l'Anatolie. Certaines de ces tribus fondèrent Belgrade, d'autres pillèrent la ville sainte de Delphes, quand d'autres encore s'installèrent au cœur de l'Anatolie pour y fonder la Galatie (littéralement, « le pays des Gaulois »).

La Galatie possède alors trois régions autonomes, dotées d'un roi et d'une capitale chacune. En -261, le roi syrien Antiochus réussit à casser leur élan et les Celtes ne passent pas en Mésopotamie.

La civilisation galate d'Anatolie, bien que méconnue, demeura pourtant distinctement celte 600 ans durant. Lorsque vers 400 Saint Jérôme visite la contrée, il remarque que ses habitants parlent encore un dialecte du gaulois similaire à celui qui se parlait alors dans le bassin rhénan.

Du milieu du premier millénaire avant notre ère et jusqu'au milieu du millénaire suivant, la langue celte, ainsi que le modèle social et religieux du druidisme, s’étendaient à tout le continent européen, se mélangeant sans difficulté aux sociétés autochtones ligures, ibères, lusitaniennes, aquitaines, italiques et illyriennes. Si les Celtes ne sont pas les bâtisseurs des monolithes, ils en perpétuèrent l'usage. Leur culte, le druidisme, était un animisme panthéiste pour lequel l'arbre, mais aussi le totem (de pierre ou de bois) était d'une importance symbolique capitale. Tout comme les Aryens, les Celtes ne bâtissaient pas de temples et célébraient leurs rituels en pleine nature. La Gaule était alors la plaque tournante du commerce et de l'artisanat celte (les sites de Hallstatt, puis de La Tène témoignent d'une intense production artisanale, minière et sidérurgique).

Les Celtes subirent la domination et l'acculturation romaine vers la fin du premier millénaire avant notre ère, puis germanique au début du premier millénaire de notre ère.

« Il y avait, au-delà du Rhin, comme un inépuisable réservoir d’hommes. Des bandes s’en écoulaient par intervalles, poussées par le besoin, par la soif du pillage ou par d’autres migrations. Après avoir été des envahisseurs, les Gaulois furent à leur tour envahis. Livrés à eux-mêmes, eussent-ils résisté ? C’est douteux. Déjà, en 102 avant Jésus-Christ, il avait fallu les légions de Marius pour affranchir la Gaule des Teutons descendus jusqu’au Rhône. Contre ceux qu’on appelait les Barbares, un immense service était rendu aux Gaulois : il aida puissamment la pénétration romaine. L’occasion de la première campagne de César, en 58, avait été une invasion germanique. César s’était présenté comme un protecteur. Sa conquête avait commencé par ce que nous appellerions une intervention armée. » J. Bainville. Histoire de France.

Colonisés par Rome, envahis par les Germains, c'est alors en Bretagne, c'est-à-dire en actuelle Grande-Bretagne, que de nombreux peuples celtes émigrèrent. Située originellement aux alentours des Alpes et de l'Auvergne, la civilisation celte va se déplacer vers l'ouest et s'ancrer en Petite et Grande-Bretagne, mais aussi en Hibernie (actuelle Irlande).

Tout comme la Gaule, la Bretagne finit elle aussi par être envahie, puis annexée à l'Empire romain. Hadrien y construisit un mur, censé isoler les clans celtes grégaires d’Écosse et d’Irlande du nord, du reste de la Bretagne.

À la suite de la conversion au christianisme des peuples qui la dominèrent, tels les Danois, les Francs, les Normands et les Saxons, la civilisation celte ne survécut que dans des zones isolées, en marge des foyers de civilisation, tels la Galice, la Bretagne, la Cornouaille ou encore les Highlands écossaises. Synthétisée au christianisme, la foisonnante mythologie celte inspira une grande partie de la littérature européenne : citons le cycle arthurien (500 à 1200), les Chants d'Ossian (1780) et bien sûr les romans de Tolkien (1892 - 1973), pour ne citer que les plus manifestes.

Les Bretons français, associés aux Irlandais, aux Gallois, aux Écossais, aux Galiciens et aux Asturiens, sont de nos jours les derniers héritiers culturels de l'Europe celtique. Les langues celtiques ne sont plus parlées aujourd'hui que par quelques millions de locuteurs bretons, gallois, irlandais ou écossais.

 

Les Germains

En conséquence de l'explosion démographique de la fin de l'Antiquité, les peuples se battent pour trouver leur territoire, et assurer à leur bétail du pâturage.

C'est une époque de grandes migrations : en Asie, les Cimmériens fuient les Scythes, qui eux-mêmes fuient les Touraniens. Les Alains, tribus aryennes gênées par l'expansion touranienne entre la mer Caspienne et le Karakoram, s'avancent en Europe pour y entrer au début de notre ère.

À partir de la fin du premier millénaire avant notre ère, sous les pressions hunnique et turco-mongole, mais aussi par volonté de conquête, les tribus germaniques déferlent successivement, sur les territoires gaulois (Francs), steppiques (Goths, Varègues), italiques (Lombards, Ostrogoths), ibériques (Wisigoths) et nord-africains (Vandales).

Elles sont en majorité porteuses de l'haplogroupe Y-R1b (héritiers de Yamna), mais comprennent aussi des membres de l'haplogroupe Y-R1a (Proto-Balto-Slaves) et I (Scandinave autochtone). Ces tribus germaniques sont accompagnées dans leurs mouvements par des tribus alaines (iraniennes de type Y-R1a), avares (caucasiennes) ou tatares (turco-mongoles).

Jadis occupant un espace immense allant des rives de la Baltique jusqu'à la ville actuelle de Moscou, et présents en Europe depuis le troisième millénaire avant notre ère, les Baltes subirent quant à eux la pression germanique à l'ouest (Prussiens, Teutons) et slave à l'est (Ruthènes), pour ne plus occuper depuis le Moyen-âge qu'un petit territoire sur le littoral de la mer Baltique (Lettons, Lituaniens).

La seconde vague de migrations germaniques concerne les invasions vikings qui se déroulèrent à la fin du premier millénaire (vers. 700 à 1000). Les Danois régnèrent sur les îles britanniques, les Norvégiens colonisèrent l'Islande et le Groenland, et les Suédois s'installèrent dans les plaines baltes et russes jusqu'à Byzance.

Les invasions germaniques

Principale menace de l’Empire romain, les tribus germaniques vont déborder le monde celte et romain par le nord : des Flandres aux Balkans et des îles britanniques à la péninsule ibérique, s'installent les Goths, les Francs, les Alamans, les Prussiens, les Deutsches (Hollandais), les Burgondes, les Lombards.

Ces vagues migratoires violentes venues du nord de l'Europe donnèrent naissance au mythe des « invasions barbares », expression synonyme des invasions germaniques. Tout comme le mythe des « invasions aryennes », celui-ci est composé d'une part de réalité, mais surtout de beaucoup de fantasmes.

C'est ce que Fustel de Coulanges propose de démystifier dans L’Invasion germanique au 5e siècle :

« Les anciens chroniqueurs, qui étaient contemporains de ce que nous appelons l’invasion germanique, mentionnent sans nul doute beaucoup de ravages et de dévastations ; mais jamais ils ne parlent d’une conquête, c’est-à-dire d’une race vaincue et d’une population assujettie. Il n’y a rien dans ces vieux documents qui ressemble aux légendes dans lesquelles les Gallois et les Bretons d’Angleterre conservèrent le souvenir de leurs vainqueurs, et pleurèrent leur race asservie. Aucun des écrivains de la Gaule, ni ceux qui appartiennent à la race gauloise, comme Sidoine Apollinaire et Grégoire de Tours, ni ceux qui étaient de race germanique, comme Jornandès, ne nous présentent les événements qu’ils ont vus comme une grande invasion qui aurait substitué une population à une autre, et aurait changé les destinées du pays. Cette idée n’apparaît pas davantage dans les écrivains des siècles suivants. Le Moyen Âge a beaucoup écrit ; ni dans ses chroniques, ni dans ses romans, nous ne trouvons trace d’une conquête générale de la Gaule. On y parle sans cesse de seigneurs et de serfs, mais on n’y dit jamais que les seigneurs soient les fils des conquérants ou que les serfs soient les fils des vaincus. Philippe de Beaumanoir au 13e siècle, Comines au 16e et une foule d’autres écrivains cherchent à expliquer l’origine de l’inégalité sociale, et il ne leur vient pas à l’esprit que la féodalité et le servage dérivent d’une ancienne conquête. Le Moyen Âge n’eut aucune notion d’une distinction ethnographique entre Francs et Gaulois. On ne trouve, durant dix siècles, rien qui ressemble à une hostilité de races. La population gauloise n’a jamais conservé un souvenir haineux des Francs et des Burgondes. Aucun des personnages de ces nations n’est présenté comme un ennemi dans les légendes populaires. […] Nous avons constaté, dans ce qui précède, que l’établissement de quelques milliers de Germains en Gaule ne fut ni une invasion ni une conquête. Les nouveau-venus, qui étaient entrés comme soldats au service de l’empire et qui n’avaient guère combattu qu’entre eux, ne purent pas avoir même la pensée d’asservir la population indigène. Il est bien vrai qu’il y eut des violences individuelles ; plusieurs villes refusèrent d’obéir aux ordres impériaux qui leur enjoignaient d’ouvrir leurs portes, et il dut arriver plus d’une fois ce que Grégoire de Tours raconte d’une ville d’Auvergne « où les Burgondes massacrèrent les hommes et réduisirent les femmes et les enfants en esclavage. » Mais entre de tels actes, si nombreux qu’on les suppose, et un asservissement en masse de la population gauloise, il reste encore une incalculable distance. Croire que les Germains réduisirent les Gaulois en servage serait croire une chose qu’ils n’avaient ni le droit, ni la pensée, ni le pouvoir d’accomplir. D’innombrables documents attestent que la population gauloise resta dans les mêmes conditions où elle se trouvait avant l’arrivée des Germains ; ceux qui étaient hommes libres demeurèrent libres ; ceux qui étaient esclaves ou colons demeurèrent dans la servitude où dans le colonat. Rien ne fut changé aux anciennes distinctions sociales. Ceux des Gaulois qui s’appelaient citoyens restèrent citoyens, et ceux qui avaient le rang de sénateurs continuèrent à s’appeler sénateurs. »

Fervents d'un paganisme tout à fait semblable à celui des Celtes et des Slaves, les tribus germaniques se convertirent au catholicisme au cours du premier millénaire puis se firent les défenseurs de la foi romaine, notamment à travers le Saint Empire Germanique mais aussi grâce à des confréries militaires terriblement efficaces lors des croisades, tels les ordres teutoniques ou templiers.

Sous l'appellation de tribu germanique se cache en vérité une myriade de peuples similaires mais farouchement indépendants, qui ne cessèrent de guerroyer entre elles pour le contrôle de la presqu’île européenne, tels que les Saxons et les Angles, mais aussi les Burgondes et les Francs.

Les Goths sont parmi les plus célèbres. Ils réussirent l'exploit d’asservir tous les peuples qu'ils traversèrent, depuis leur origine en Pologne et Ukraine actuelle jusqu'au Maghreb.

« L'Empire des Goths atteignit son sommet au 4e siècle quand il étendait sa domination sur les vastes territoires entre la mer Noire et la mer Baltique. Aux 3e et 4e siècles, les Goths mettent à sac et pillent les villes byzantines sur les rives de l'Asie Mineure et pénètrent même en Méditerranée. Dans la seconde moitié du 4e siècle, les tribus goths se divisent en Ostrogoths et en Wisigoths. Vers la fin du 4e siècle. Leur Empire est détruit par les Huns. Les Ostrogoths sont obligés de se soumettre aux Huns, mais les Wisigoths se frayent un chemin vers l'ouest, s'établissent dans les Balkans, puis, au 5e siècle, envahissent l'Italie et, commandés par Alaric, prennent Rome qu'ils mettent à sac. Dans la seconde moitié du 5e siècle, ils s'emparent de l'Espagne où leur royaume subsiste jusqu'à la conquête de la péninsule ibérique par les Arabes, au 8e siècle. » V. Chklovski, Le Voyage de Marco Polo.

Après avoir régné sur l'Espagne, les Wisigoths, furent dominés par les forces islamiques du califat. Les princes goths déchus furent longtemps les principaux artisans de la Reconquista. Les Ostrogoths, pillèrent quant à eux de nombreuses fois Rome et participèrent à sa chute. Quelques empereurs de la décadence romaine furent d'origine goth.

Les Vandales sont originaires du sud de l'actuelle Pologne et pratiquèrent la razzia en Europe pour finir par s'installer à Carthage, en Sicile et en Sardaigne.

Les Burgondes sont originaires de la Baltique. Tout au long des successives migrations germaniques, ils s'installèrent en Bohême, puis autour du Rhin et enfin dans ce qui deviendra la Bourgogne. Ayant délaissé le paganisme, les Burgondes se convertirent à l'arianisme catholique. Le royaume des Burgondes domine alors un vaste espace qui s'étend du Rhin à la Suisse. En 534, il sera incorporé au royaume mérovingien.

Les Prussiens occupent le nord de la Pologne et le nord-est de l'Allemagne actuelle. La langue prussienne archaïque appartient au groupe linguistique balte, tandis que le prussien récent appartient au groupe germanique (la région ayant été germanisée par les chevaliers teutoniques qui longtemps la dirigèrent). Les Prussiens menèrent le mouvement d'union de la nation allemande, entrepris par Otto von Bismarck à la fin du 19e siècle et ayant débouché sur les successives guerres germano-françaises.

Les Teutons sont originaires de la Baltique. Leur ordre de chevalier jouera un rôle important durant les croisades.

Les Hérules sont un peuple de pirates et mercenaires d'origine scandinave germanique.

Les Lombards sont originaires de la Scandinavie et conquirent la péninsule italienne. La région milanaise de la Lombardie leur doit son nom.

Les Suèves occupaient le nord de la Gaule lors des invasions romaines.

Les Bavarois sont installés du temps des Francs sur un territoire comprenant la forêt Noire, mais aussi l'Autriche actuelle, le Tyrol et la Bohême. L'étymologie du mot bavarois renvoie d'ailleurs à cette dernière région.

Les Allemands sont le peuple germanique actuel le plus important démographiquement. La notion de peuple allemand est très récente, ne datant pas d'avant le 19e siècle. Étymologiquement le terme allemand renvoie à la ligue de clan germanique des Alamans, qui menaçait jadis les frontières septentrionales de l’Empire romain. L'allemand moderne est parlé de nos jours sans grande variation d'Allemagne en Autriche.

Les Hollandais se désignent eux-mêmes comme « Deutch », c’est-à-dire « Germains ». Ayant bâti leur prospérité sur leur farouche indépendance, les Pays-Bas furent le berceau du protestantisme. Les ethnies hollandaises sont les Bataves, qui se sédentarisèrent en Hollande méridionale, les Frisons installés sur la rive nord des Pays Bas (Frise) et les Flamands, qui occupent de nos jours le nord de la Belgique, pays qu'ils partagent avec les Wallons gaulois installés au sud. À la fin du Moyen-Âge, en formant la Ligue de la Hanse avec des villes portuaires allemandes, ces peuples devenus nations seront les plus prospères d'Europe.

« Diverses tribus ont passé sur le sol des Pays-Bas ; trois races principales l’ont peuplé : celle des Saxons, des Francs et des Frisons. Les Saxons, dit un historien allemand, forcés de quitter leur patrie, donnèrent à la province qu’ils envahirent le nom de Flandre, dérivation de l’épithète de flamands (fugitifs) qui exprimait leur situation. [...] Les Francs se fixèrent d’abord dans le Brabant, et, au 8e et au 9e siècle, étendirent leur domination sur une partie du sol conquis par les Frisons, qui furent alors refoulés sur les côtes de la mer du Nord. La fusion des idiomes de ces trois peuples forma l’ancien néerlandais, et de ce dialecte primitif, grossier, dont on n’a pas de monument écrit, mais qui subsiste encore parmi le bas peuple de quelques provinces, surgit peu à peu la langue littéraire, la langue écrite, que l’on divise encore en deux dialectes, le hollandais et le flamand. Le hollandais est resté plus près de la source, le flamand a été altéré par l’influence de la France. Ces deux dialectes ne diffèrent cependant entre eux que par certaines locutions et par des terminaisons de mots ; leurs racines sont restées les mêmes, leur syntaxe est aussi la même, et qui comprend l’un, comprend sans difficulté l’autre. Les nuances légères qui les séparent sont du reste assez récentes : au moyen-âge, elles n’existaient pas encore. » X. Marmier, La Hollande.

Les Angles sont originaires de l'Allemagne actuelle et colonisèrent l’Angleterre. Avec les Saxons, ils en chassèrent les tribus celtes. Leur dialecte donna naissance à l'anglais moderne en se mâtinant de latin, de normand, de français et de danois.

Les Saxons sont originaires de la côte allemande de la mer du Nord. Le vieil anglais découle de la langue saxonne, dont les dialectes sont encore parlés en Allemagne.

Les Scots donnèrent leur nom à l'Écosse : Scotland. Leur langue est très proche du vieil anglais.

Les Francs Saliens sont l'union germanique (franque) conquérante de la Gaule. Clovis (v. 466 – 511) est le premier roi franc à se convertir au catholicisme romain. Clovis appartenait à la dynastie des Mérovingiens qui régna sur l'Europe du 5e au 8e siècle. Les Francs implantèrent le christianisme romain au dépit du paganisme ou du christianisme arianiste.

Les Francs régnèrent sur le sud de l’Allemagne et le nord de la France actuelle, d'un côté comme de l'autre du Rhin. La puissance de la cavalerie franque assura sa main mise sur la majeure partie de l’Europe continentale (empire carolingien) et permit aux peuples indo-européens de s’implanter durablement en Palestine (Royaumes francs d'Orient).

Cependant :

« [Le nom de Franc] ne fut jamais le nom d’une face ni d’une tribu ; simple adjectif que quelques corps de guerriers adoptèrent et dont ils firent une sorte de nom national, il signifiait homme libre autant qu’homme brave, car ces deux qualités se confondaient au point de s’exprimer par un seul mot. Plus tard l’idée de liberté y prévalut ; aussi le mot devient-il, dans les documents de l’époque mérovingienne, synonyme de ingenuus, et c’est le sens qu’il a gardé dans tout le Moyen Âge. Comme il n’avait pas précisément un sens ethnographique, il a pu s’appliquer sans peine à des Gaulois, à des Burgondes, à des Wisigoths, aussi bien qu’aux guerriers francs ; il désignait tous les habitants libres du pays sans distinction de race. Il y a eu des Gaulois francs aussi bien qu’il y a eu des Germains serfs ou esclaves. » Fustel de Coulanges, op. cit.

D’Espagne en Bavière, les Francs Saliens installèrent durablement une noblesse. Elle façonna l’Europe du Moyen Âge par son droit (droit salique) mais aussi par son modèle socialo militaire : château fort, charge de cavalerie, siège, valeurs chevaleresques et désir de violence virile et instinctive (légende de Beowulf, de Siegfried, mais aussi mythe du vase de Soissons). En 732, le maire du palais Charles Martel prend le commandement des armées royales franques et stoppe une des nombreuses razzias musulmanes qui dévastait le pays occitan.

 

Les Scandinaves

Vers 800 à 1000 apr. J.-C., c'est l'âge d'or des Vikings. Viking est un terme peu académique mais très populaire, qui désigne les clans scandinaves d’origine germanique qui pillèrent les embouchures des grands fleuves européens au début du Moyen-Âge.

De ces hommes rudes, sont nés bien des clichés, tels qu'en témoigne Marmier dans ses Chants Danois :

« Le fils aîné héritait seul du patrimoine de ses pères. Il ne restait à ses frères qu’une voile de pêcheur, ou une lance. Ainsi les uns se faisaient soldats pour gagner l’épée à la main un coin de terre, ou une part de pillage. Les autres s’en allaient sur leur frêle embarcation attaquer les navires marchands, ravager les habitations situées sur la côte. Ces pirates se nommaient les rois de la mer. Ils montaient sur leurs bâtiments, qu’ils appelaient leurs chevaux à voiles, et les faisaient bondir sur les flots. Ni la distance ni la saison ne les arrêtaient. Quelquefois ils se mettaient en route, sous le poids d’un orage, sans savoir où ils iraient aborder. La mer les entraînait sur ses hautes vagues, et le vent de la tempête les poussait comme des vautours vers leur proie. Ils s’en allaient ainsi jusque sur les côtes de la Finlande, jusque sur les côtes d’Angleterre et de Normandie, ici rançonnant une peuplade, là pillant une ville, ailleurs moissonnant la campagne. Les princes leur payaient tribut ; les ducs de Normandie leur cédaient leur duché ; les rois d’Angleterre leur couronne, et Charlemagne baissa la tête et pleura en les voyant. »

L'aire d’influence norvégienne s'étendait vers l'Islande, l'aire d'influence danoise vers l'Angleterre et la France et l'aire d’influence suédoise (Varègues) vers la Russie et Byzance.

Outre des guerriers, les Vikings étaient aussi des commerçants hors pair, passés maîtres dans l'art du troc et du trafic d'esclave. Ce dernier commerce était particulièrement prisé par les califats et les sultanats d'Asie centrale et de Mésopotamie. Des artefacts venus de tous les continents furent retrouvés en Scandinavie, notamment des tissus précieux de facture islamique mais aussi une statue massive de Bouddha originaire du Gandhara. Outre l'Atlantique qu'ils traversèrent, les Vikings ne manquèrent pas d’accoster les rivages sud de la Méditerranée et de la mer Noire, annexant parfois des régions russes, des états palestiniens de Terre sainte, ou encore des royaumes kabyles, berbères ou insulaires (Sardaigne, Sicile, Malte).

Les Danois sont installés au sud du bassin scandinave. Constituant avec les Norvégiens la branche occidentale des Vikings, ils coloniseront et domineront l’Angleterre, mais également la France, en particulier à travers les conquêtes normandes. Le code danois imposé dans les villes de commerces britanniques sera un des premiers codes civils en vigueur en Europe post-romaine.

Les Norvégiens colonisèrent l’Islande, le Groenland et dans une bien moindre mesure la Terre-Neuve canadienne.

Les Islandais sont composés des exilés vikings norvégiens qui colonisèrent l'Islande puis le Groenland et les côtes canadiennes. Il s’agit du peuple indo-européen le plus occidental et le plus nordique.

« Ce fut une colonie de Norvégiens qui peupla l’Islande : elle émigra avec ses mœurs, ses lois, ses croyances, et les transplanta sur le sol qu’elle allait occuper. Ingolfr, avant de partir, emportait, comme un autre Énée, ses dieux pénates sur son navire ; et les guerriers qui le suivirent gardèrent leur lance de pirate, et leur bouclier revêtu d’images symboliques. Ces hommes, qui fuyaient le despotisme de Harald aux beaux cheveux, appartenaient aux familles nobles de la Norvège ; ils joignaient l’orgueil aristocratique à leur orgueil de soldats. De peur qu’on ne l’oublia, ils se faisaient raconter et ils racontaient eux-mêmes leur généalogie, leurs aventures, et les aventures de leurs proches et de leurs amis. Ainsi l’esprit scandinave revivait dans cet essaim fugitif, qui, pour garder son indépendance, n’avait pas craint de franchir une mer encore peu connue, et d’aborder sur une plage aride, dans une contrée sauvage. [...] Chaque année, les Islandais s’en allaient errer sur les côtes de la Norvège ou le long de la mer Baltique. Ils retournaient dans leur mère-patrie pour recueillir un héritage, visiter des parents, et, quelquefois venger une injure faite à leurs pères. » X. Marmier, Lettres sur l’Islande.

C'est en Islande que furent conservées précieusement les coutumes païennes, à travers notamment le recueil mythologique de l'Edda. Si le Groenland et le Canada étaient peuplés d’Inuits, il semblerait que l'Islande ait été une terre sauvage avant sa découverte par les marins scandinaves. Seuls des moines catholiques y vivaient reculés depuis plusieurs siècles. Par ailleurs, furent retrouvés en Islande des pièces romaines datant du 3e siècle de notre ère, sûrement apportées par des marins latins à la dérive.

Le Livre des Islandais (1130) d'Ari Thorgilsson est la chronique de la colonisation norvégienne de l'Islande. Il raconte aussi la découverte du Groenland :

« Il y avait un homme du nom d'Erik le Roux, originaire du Breidhifjordh, qui partit d'Islande pour s'y établir dans une terre appelée depuis Eiriksfjordh. Il donna un nom au pays et l'appela Groenland [le Vert Pays], espérant qu'un beau nom encouragerait les gens à y émigrer. On trouva des traces d'habitations humaines dans l'est et dans l'ouest du pays, ainsi que des débris de barques en cuir et des ustensiles en pierre, d'où l'on put conclure que la contrée avait été habitée par une tribu de la même famille que celle qui a pris possession du Vinland [Amérique du nord] et que les Groenlandais appellent Skraelingar [Il s'agit des Béothuks, ethnie éteinte assimilée aux Inuits]. Cette occupation du Groenland eut lieu 14 ou 15 hivers avant l'introduction du christianisme en Islande. »

Le territoire nord-américain découvert vers l'an mille par l'islandais Leif Erikson (v. 970 - 1120) est dénommé Vinland. Il s'agit très probablement du site archéologique scandinave de l'Anse aux Meadows, situé à Terre-Neuve, au Canada.

Enfin, les Normands (« Northmen », hommes du nord) sont parmi les peuples les plus célèbres du courant civilisationnel viking. Dirigés par de très fortes personnalités comme Rollon (v. 850 - 932) ou Guillaume le Conquérant (v. 1027 - 1087), et bénéficiant d'une marine militaire agile et efficace constituée des fameux drakkar à fond plat, les Normands pillèrent les embouchures des grands fleuves ouest européens. Ils s'installèrent à la force de l'épée dans le bassin inférieur de la Seine, le pays de Caux et le Cotentin (contrées qu'ils dévastèrent). Le roi de France fut contraint de leur en accorder le contrôle pour pacifier la zone. Elle devint la Normandie.

De même qu'à la suite de Clovis, les Francs saliens acceptèrent l’autorité du pape, à la suite de Rollon, les conquérants normands (Northmen) devinrent très vite les bâtisseurs des cathédrales et le bras armé du Vatican (création des ordres de soldats germaniques, teutoniques, templiers, etc.)

Ils entreprirent, puis réussirent la conquête des îles anglaises, réitérant en cela l'exploit des romains qui ne fut pas égalé depuis. Ne se limitant pas à la Manche, les Normands participèrent aussi à la Reconquista et aux Croisades. Ils annexèrent, à l’instar des Vandales, quelques îles du bassin méditerranéen, que d'autres peuples vikings ou francs leur disputèrent durant des siècles.

 

Les Slaves

Vers le milieu du premier millénaire de notre ère, les dernières vagues de nomades indo-européens à s'installer en Europe sont les Slaves. Après les vagues celtique, germanique, alaine, hunnique, il s'agit du dernier groupe ethnique à avoir massivement déferlé sur l’Europe. Originaires des steppes eurasiennes, les Slaves s'installèrent dès le début du premier millénaire de notre ère dans les vastes plaines germano-russes, colonisant ainsi la Bohême, la Thrace, les Balkans mais aussi toute la Russie Blanche.

Les ethnies slaves modernes se divisent en trois groupes : les Slaves du sud, les « Yougoslaves », composés des Serbes, des Bosniaques, des Croates et des Slovènes, les Slaves du nord-ouest, composés des Polonais originaires des steppes kazakhes (les Cosaques), des Slovaques et des Tchèques, et enfin des Slaves du nord-est, composés des Russes et des Ukrainiens. Si les cités russes devinrent très tôt des places fortes du catholicisme orthodoxe, les campagnes salves demeurèrent longtemps sensibles au paganisme ancestral. Ne reconnaissant pas l'autorité du pape et de Rome, le catholicisme orthodoxe repose sur un maillage de patriarcats plus ou moins indépendants. La plupart des Slaves orientaux et les Serbes sont orthodoxes. Les Slaves occidentaux et les Croates sont chrétiens. Suite à la domination ottomane commencée en 1386, les Bosniaques sont en majorité musulmans.

Les Ruthènes sont le peuple germano-slave né du contact entre les Varègues scandinaves et les peuplades salves de Russie. Maîtres du commerce le long des fleuves qui relient la Moscovici et l'Ukraine, mais aussi pilleurs redoutables, ils sont à l'origine de la nation russe. Les Varègues sont le peuple scandinave germanique associé aux Suédois qui dominèrent les vallées des fleuves russes. Ils furent aussi mercenaires pour le compte de Byzance et commercèrent dès lors activement avec la Mésopotamie islamique (la traite des blanches).

Les Boyards sont l'aristocratie slave.

Les Cosaques sont les nomades des steppes russes orientales, appartenant indistinctement aux ethnies slaves, tatares (trucs) ou caucasiennes.

Les Russes sont le peuple le plus démographiquement important de toutes les ethnies slavophones. Loin d'être un peuple premier comme les Celtes ou les Germains, les Russes sont une création nationaliste relativement récente, issus du brassage ethnique des steppes eurasiennes et des migrations varègues et slaves. Le patriarcat de Kiev et de Moscou ayant refusé l'autorité unique de Rome, les Russes et leur peuple-frère ukrainien suivent donc la tradition catholique orthodoxe.

Les Ukrainiens, dont la langue est proche du Russe, ont tout comme leur voisin adopté la foi orthodoxe.

Les Biélorusses sont les habitants du pays éponyme de Biélorussie et parlent soit le russe moderne, soit le dialecte biélorusse local, lequel a tendance à disparaître.

Les Polonais sont un peuple slave occidental demeuré longtemps sans nation, et qui partagea son espace vital avec des peuplades germaniques. La Pologne, à l'instar des autres nations slaves d’Europe centrale comme la Tchéquie ou la Slovaquie, a adopté le catholicisme romain. La Pologne connaît de nos jours un certain engouement pour le néo-paganisme.

Les Bulgares sont un peuple composite dont l'origine est triple : pour former la nation bulgare, un fond indo-européen balkanique thrace se voit associé à des migrations massives de Slaves puis à des migrations plus superficielles de « Bulgares orientaux ». Les Bulgares orientaux sont des peuplades nomades d'Asie centrale appartenant à des ethnies diverses mais réunies en hordes sous le commandement d'un chef, sur le modèle du Grand Khan turco-mongol. Ces Bulgares orientaux s’installèrent dans l'actuelle Bulgarie après s'être convertis au christianisme orthodoxe. Ils créèrent la première nation typiquement bulgare, en associant à leur pouvoir les communautés romane, grecque, slave et bien sûr tatare (nombre de ces bulgares étaient alors musulmans et appartenaient à une ethnie turco-mongole). La langue bulgare est apparentée à la langue liturgique slavonne mais aussi au macédonien moderne. Le Slavon est la langue liturgique d’église employée par les traditions orthodoxes bulgares et macédoniennes.

Les Moraves parlent un dialecte slave occidental, et habitent la région éponyme de Tchéquie. La Moravie était historiquement peuplée par des Celtes puis des Germains.

Les Tchèques sont membres de la nation tchèque de Bohême. La langue tchèque est tout à fait apparentée à la langue jumelle slovaque. Tout comme leurs voisins slavophones, les Tchèques ont adopté le catholicisme romain.

Les Slovaques sont les membres de la nation slovaque de Bohême. La langue slovaque est tout à fait apparentée au tchèque. Avec les Polonais, les Tchèques et les Slovènes, les Slovaques sont les seuls peuples slaves à avoir adopté le catholicisme romain. L'Histoire de ces pays les rapproche donc de l’Allemagne, de l’Italie ou de l’Autriche plutôt que de la Grèce ou la Russie.

Les Slovènes sont membres de la nation slovène slavophone des Alpes orientales. Contrairement aux Slaves orientaux, les Slovènes adoptèrent le catholicisme romain au contact de pays tels que l’Allemagne, l’Italie ou l’Autriche.

Yougoslave est un terme signifiant « Slave du sud » et regroupant les ethnies slaves, serbo-croates, bosniaques, macédoniennes et slovènes. Durant la seconde moitié du 20e siècle, une entité politique porta ce nom fondé par le dictateur Josip Broz Tito (1892 – 1980). La Yougoslavie adopta alors une position non-alignée et se tint à l'écart des rivalités de pouvoir américano-russe. Possédant un fort potentiel à la fois agricole et touristique, mais aussi industriel, la Yougoslavie d'avant sa dislocation figurait parmi les nations non alignées les plus prometteuses. Depuis la fin de la dictature, la zone géographique yougoslave n'a cessé de se morceler, chaque nouvelle pièce du puzzle se détachant bien souvent dans la guerre civile et l'ingérence atlantiste.

Les Serbes sont locuteurs d'une langue écrite en cyrillique très proche du croate. Ils sont de religion orthodoxe. De fait, le peuple serbe entretient de forts liens avec la Russie, elle aussi « orthodoxe, cyrillique et continentale ».

« C’est au 7e siècle de notre ère que la race croato-serbe, descendant des Carpates, s’établit en Illyrie, débordant dans le sud de la Pannonie et dans l’ouest de la Mœsie. Bientôt les Serbes recevaient le christianisme de Byzance et adoptaient l’écriture cyrillique, tandis que les Croates, fixés plus à l’ouest, devenaient catholiques latins et, sectateurs de Rome, écrivaient leur langue avec l’alphabet latin. De là cette scission qui a distingué sinon en deux nationalités, du moins en deux peuples, une seule et même race. La différence de religion qui s’est transmise avec les siècles la rend presque irrémédiable. Cette scission a pourtant disparu sur le terrain littéraire. Par suite d’accord entre les écrivains des deux peuples croate et serbe, ils n’ont aujourd’hui qu’une langue littéraire ; mais chacun l’écrit avec son alphabet traditionnel. » H. Gaidoz, Les nationalités de la Hongrie.

Les Croates sont locuteurs d'une langue très proche du serbe mais qui s'écrit en alphabet romain. Ils sont catholiques.

Les Monténégrins sont un peuple orthodoxe associé aux serbo-croates. Ils sont les habitants de la « Montagne Noire », un petit État des Balkans possédant un rivage Adriatique de quelques kilomètres entre l'Albanie et la Bosnie.

Une petite majorité des Bosniaques a adopté la foi musulmane des envahisseurs ottomans durant le milieu du second millénaire.

Enfin, les Macédoniens modernes sont un peuple de Slaves du sud, habitants du pays éponyme, dont la population est orthodoxe ou musulmane.

Les Baltes

Détachés très tôt des autres peuples nomades des steppes d'Asie centrale pour s'installer sur les pourtours de la Baltique, les Lituaniens et les Lettons sont parmi les premiers Indo-Européens à s'implanter durablement en Europe. De tous les peuples européens, ce sont les Baltes qui semblent le plus porter l'empreinte du socle culturel commun aux Aryens. Contrairement aux Celtes et aux Germains, qui très vite se mélangèrent aux sociétés européennes autochtones, le modèle civilisationnel des Baltes ne fut que tardivement acculturé au modèle continental (germanique) ou méditerranéen (chrétien). Malgré plus de mille ans de suprématie catholique et presque un siècle de domination soviétique, la tradition ancestrale de la Baltique se perpétue encore de nos jours sous la forme du néo-paganisme (mouvement Romuva).

RECENSEMENT DES PEUPLES INDO-EUROPÉENS, depuis l'Islande jusqu'en Inde
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