25 Novembre 2023
Mystiques célèbres et gourous médiatiques
Depuis Shankara et Ramanuja, l'Inde a légué à l'humanité une des plus belles lignées de philosophes et de mystiques qui soit, les seuls peut-être à pouvoir rivaliser de génie avec les ceux de la Grèce Antique. Il s'agit ici de rendre hommage à Ramananda (1400 – 1470, auteur de l'Adhyatma Ramayana), Ramakrishna (1836 - 1886), Vivekananda (1863 - 1902), Sivananda (1887 - 1963, fondateur de la Divine life society) et tant d'autres penseurs que les intellectuels d'Occident ne cessent depuis de citer et de nommer avec un immense respect.
Ramakrishna (1836 - 1886), et son disciple Vivekananda (1863 - 1902) sont peut-être les figures intellectuelles les plus populaires de l'Inde moderne. Ramakrishna pratiquait ardemment l'adoration fanatique de la déesse-mère. Cette pratique de dévotion envers une seule divinité, afin de la rencontrer et de vivre auprès d'elle un bonheur sans égal, s'appelle la Bhakti.
Ramana Maharshi (1879 - 1950), Sri Aurobindo (1872 - 1950, inspirateur de l'utopie d'Auroville fondée par la française Mirra Alfassa près de Pondichéry), Maharishi Mahesh Yogi (1917 - 2008), Satya Sai Baba (1926 - 2011), Swami Prabhupada (1896 - 1977), fondateur du mouvement Hare Krishna, Sadhguru (né en 1957), star d'internet ; ces noms ne vous diront peut-être rien, mais leurs visages vous sont familiers. Ces gourous sont devenus à leur tour des pop stars en Occident. À la manière du Dalaï-Lama (né en 1935), figure médiatique et goguenarde sans envergure théologique, l'Occident les a digérés. Ils font maintenant partie de nos propres vies. Comme Martin Luther King ou Nelson Mandela, Gandhi (1869 - 1948) est devenu par chez nous un parangon de vertu, même s'il ne fait pas nécessairement consensus en Inde (son rôle durant l'indépendance fait polémique).
Depuis la fin du mouvement hippie, l'Inde n'est plus à la mode en Occident, mais sa source est loin d'être tarie. Osho (1931 - 1990) n'a jamais autant vendu de livre, ses interviews font des dizaines de millions de vues sur Youtube. Il en va de même pour Sadhguru, (né en 1957) le nouveau gourou à lunettes de soleil venu des indes pour coloniser les tubes cathodiques d'Occident. Il y a quelques années encore, Amma (née en 1953), la « calino-thérapeute », remplissait les stades et gymnases de la Bretagne jusqu'au Brésil, en dispensant ses embrassades contre donations. Le temple de Sai Baba de Shirdi (v. 1838 - 1918) compterait encore cent millions de visiteurs annuels. En 2011, l’enterrement de Satya Sai Baba, le très polémique gourou accusé d'être un faussaire, fut digne de celui d'un chef d'État, et 6 à 100 millions d'Indiens considèrent encore de nos jours Sai Baba comme un des plus puissants maîtres spirituels qui jamais ne fut (ce qui est potentiellement plus que n'importe quelle autorité chrétienne ou musulmane).
Jiddu Krishnamurti (1895 - 1986), rendu populaire en Occident par l'entremise de la théosophie et grâce à ses travaux sur l'éducation, ainsi que U. G. Krishnamurti (1918 – 2007) et Osho (1931 - 1990), dernier né dans une famille jaïne, correspondent quant à eux, à la notion de dissident de l'hindouisme. Ils nient l'existence de dieu, ne lui donnent pas de nom, s'inspirent ouvertement de philosophie et de culture populaire, revendiquent l'influence musulmane, chrétienne ou zen et cherchent à communiquer avec un public nouveau, composé en particulier par la jeunesse intellectuelle occidentale. En conséquence, ces penseurs adoptent un discours volontairement choquant et outrancier. Osho est un best-seller en Occident ; ses interviews font des dizaines de millions de vues sur Youtube et Netflix proposa une série documentaire à son sujet.
L'influence de l'hindouisme
Baba Nanak (1469 - 1539) et les gourous du sikhisme (30 millions d'adeptes dans le monde) se sont inspirés non seulement du concept de la bakhti, typiquement vishnouïte ou shivaïte, mais aussi du karma, des avatars, de l'ascétisme fanatique et de la pratique permanente du yoga. Citons aussi les gourous universels, qui essayèrent de se situer à égale distance du brahmanisme et de l’islam, tel Namdev (1270 - 1350, mouvement Sant Mat) ou Kabir (v. 1440 - 1518).
En Perse, nous retrouvons des gnostiques évidemment inspirés du zoroastrisme et du mazdéisme, mais aussi du bouddhisme et de l'hindouisme le plus classique. Baha'u'llah (1817 - 1892), fondateur de la foi baha’i, revendiquant de nos jours 5 à 7 millions d'adeptes à travers le monde, se proclamait comme l'avatar Kalki, mais aussi comme le messie attendu par les juifs. Il recommandait d'étudier la Bhagavad Gita, tout comme la Bible ou le Coran. La cosmogonie baha’i est d’ailleurs étonnamment semblable à celle des vishnouïtes.
En 1816, des navires dont les cales sont remplies d'Indiens quittent l'Inde pour rejoindre Sydney, fournissant ainsi la main-d’œuvre qui sera utilisée dans les nouveaux vignobles de la vallée de la Yarra. Vingt ans plus tard, c'est vers l'ouest que se tourne le commerce maritime de la main-d’œuvre bon marché. De nombreux Indiens sont déportés vers l'île Maurice, les Comores, l'île de la Réunion et Madagascar. Plus avant dans le siècle, ils seront amenés jusqu'en Afrique du Sud et au Kenya, pour travailler à la place des Africains que les colons trouvent moins appliqués et moins ardents à la tâche. Ce sera encore vers les Caraïbes, la Jamaïque, et la Guyane que les paysans tamouls sans emploi seront envoyés. En 1870 est ouvert le premier temple hindou en Afrique du Sud. Côtoyant les peuplades noires africaines installées aux Caraïbes qui trouvaient la source de leur mysticisme dans les plus anciens textes juifs et éthiopiens, l'hindouisme tamoul de tendance shivaïte influence alors de manière certaine mais encore peu documentée, ce qui deviendra dans le courant du 20e siècle le rastafarisme. Le lègue culturel des Tamouls au rastafarisme est en particulier remarquable par l'emploi de ce que les deux peuples appellent la « ganja », le cannabis à des fins religieuses, rituelles et méditatives. De même, suivant la tradition shivaïte initiale, les quelques Tamouls qui devinrent sadhus aux Caraïbes influencèrent par leur ascétisme et leur allure les rastafariens et leurs célèbres dreadlocks.
Par ailleurs, la tombe de Saint Thomas (mort vers 52), évangélisateur de l'Inde, se situe à Madras. Elle est un des hauts lieux du pèlerinage chrétien en Inde. L'église syriaque, une des plus importantes congrégations chrétiennes en Inde, s'en revendique.
Il existe aussi d’innombrables saints de l’islam nés et morts en Inde, et leurs tombes parsèment le pays. Citons Aga Khan (1800 - 1881), le fondateur de la lignée ismaélites, né en Iran et mort à Bombay.
Citons encore Kabir (v. 1440 – v. 1518) et les soufis du Cachemire, le mystique iranien Rumni (né à Bactres en 1207 - 1273), et enfin l'ahmadisme (mouvement réformiste musulman messianiste fondé par Mirza Ghulam Ahmad à la fin du 19e siècle au Penjab).
Toutes les nouvelles spiritualités nées en Occident au 19e siècle payèrent leur tribu, ouvertement ou non, à l'hindouisme initial, qu'il soit védique ou tantrique, et qu'il soit parvenu en Europe à travers le canal bouddhiste ou par un autre moyen.
Le spirite français Allan Kardec (1804 - 1869) interprétera à sa façon la théorie de la réincarnation. Il lira et s'inspirera grandement de la Bhagavad Gita et surtout du Bhagavata Purana, deux ouvrages majeurs qui venaient tout juste d'être traduits en français. Si la puissante vague spirite du 19e siècle est complètement passée de mode en France et a même été complètement effacée de notre mémoire, le spiritisme connaît encore un franc succès au Brésil. Il concerne de nos jours 20 millions de sympathisants dans ce pays, dont 6 millions de pratiquants.
La théosophie d’Héléna Blavatsky (1831 - 1891) doit toute sa doctrine aux traditions dharmiques, reprises après avoir été passées par le prisme gnostique. Blavatsky ira même jusqu'à prétendre avoir découvert et traduit un texte dharmique antédiluvien, le Livre de Dyzian. De telles allégations ainsi que l'imposture théosophique en général, furent dénoncées par René Guénon, qui qualifiait cette théorie de « contre-initiation ».
La théosophie fut cependant un des principaux vecteurs de l’introduction de la pensée indienne en Occident. Les premières visites de Vivakananda (1863 – 1902) et Krishnamurti en Amérique furent d'ailleurs organisées par les théosophes, de même que les premières diffusions à grande échelle des livres du Vedanta.
En Occident, le Vedanta universaliste de Vivekananda, disciple de Ramakrishna (1836 - 1886), passionnait les foules et fit naître de très nombreuses vocations. En 1893, au Parlement des religions à Chicago l’allocution de Vivekananda fit grande impression. Il prônait alors une sorte d'œcuménisme de tous les cultes, sur la base d'un immense respect et d'une pratique quotidienne du yoga, ou de la prière philosophique.
L'inspiration indienne se fait aussi sentir chez les maîtres spirituels francs-tireurs de la fin du 19e et du début du 20e siècle. George Gurdjieff (1866 - 1849) et sa 4ème voie, par un effet de miroir, influenceront à son tour Osho. Citons aussi Rudolf Steiner (1861 - 1925) et son anthroposophie. De tels auteurs font appel en permanence aux concepts indiens du karma, du tantrisme, mais ce sont surtout leur gnosticisme qui les rapproche de l'Inde. Voyageurs, ils y sont allés et sont revenus chargés de lectures, d'enseignement et de secrets.
En 1875 est fondé à Bombay l'Arya-Samaj, la « noble société », qui se propose de rétablir de manière stricte et sans compromis les Vedas comme base unique de la pensée hindoue. Les puranas, les influences du monothéisme, sont minorés pour essayer de rendre aux Vedas leur caractère essentiel et central dans le culte aryen. La Bhakti et toutes les tendances de l'hindouisme moderne sont récusées comme étant des œuvres humaines et falsificatrices. Ses membres proposent de revenir à un culte védique prédatant les invasions musulmanes et la décadence de la pensée indienne, la perte des traditions et l'oubli du sens des vérités initiales. Ce que souhaitent alors les membres de la Noble Société, c'est rétablir les Vedas et les Upanishads comme uniques sources de sagesse possible, mais aussi assumer les castes comme étant indispensables à la perpétuation de la pureté raciale et religieuse. Les divinités comme Shiva ou Vishnou sont alors relayées au rang d'idoles, pour que seules demeurent les puissances élémentaires. Il s'agit donc d'un retour aux sources de l’hindouisme qui, par son intransigeance, signifie aussi le reflux qui marque la fin d'une décadence et l'amorce d'un renouveau. Ce renouveau aryen fera naître de nombreux fantasmes, tant en Inde qu'en Europe ; et la suprématie de la culture aryenne se verra bientôt considérée comme la base théorique et raciale du nazisme.
De 1875 jusqu'en 1945, c'est véritablement l'âge d'or de la diffusion de la pensée indienne, pourtant déformée par le prisme d'un Occident curieux et romantique.
Tout au long du 19e siècle, les études linguistiques avaient mis à jour les généalogies entre le latin, le grec, le sanskrit, mais aussi l'allemand, l'anglais, etc. Sous l’influence allemande, le terme de race aryenne devint synonyme de race blanche et supérieure, « blonde aux yeux bleus ».
La fièvre aryenne saisit les courants volkish et néopaïens allemands, qui redécouvrent, avec des erreurs d'appréciation mais animés d'une réelle quête de vérité, les relations entre l’Europe de l'âge de bronze, et les civilisations védiques et perses. En 1933, le svastika, mal comprise, flotte au-dessus des villes allemandes.
L'Inde, terre de mystères, sera l'inspiration principale des courants néopaïens datant de la même époque. Guido von List (1848 - 1919), fondateur du wotanisme, chef de file du volkish, mais aussi Maria Orsic (1895 - v. 1945), médium du Vrill, seront parmi les nombreux lecteurs non seulement des Vedas, des Upanishads et mais aussi du Mahabharata. À la recherche des racines communes des peuples germaniques, celtiques, perses et indiens, ces auteurs furent des partisans, des militants, mais aussi des spécialistes de l'occultisme et de la symbologie indo-européenne.
L'influence du mythe aryen moderne sera en effet déterminante sur des personnalités comme Adolphe Hitler (1889 - 1945), et les théoriciens du nazisme Alfred Rosenberg (1883 – 1946) ou Heinrich Himmler (1900 - 1945). Himmler était un lecteur de la Bhagavad Gita, auquel il se référait souvent. La Gita faisait en effet partie de la bibliothèque de formation des cadres de la SS au château de Wewelsburg (Rhénanie-du-Nord-Westphalie).
Par ailleurs, le créateur de la S.S., de ses ordres ésotériques et de la fameuse Aneherbe, était littéralement obsédé par la symbologie indo-européenne, comme en témoigne le décorum nazi dans son ensemble et ses emblèmes en particulier (piège à loup wolfsangel, svastika, roue solaire celto-chrétienne, jumis balte, etc.)
La Bhagavad Gita et sa morale de l’action entreprise sans désirer les fruits de cette action, sera le livre de chevet de Robert Oppenheimer (1904 - 1967). Alors qu'il menait des recherches à Los Alamos et constatait les effets des premiers essais nucléaires menés dans le désert de l'Arizona, l’inventeur de la Bombe Atomique admettait relire souvent les paroles de Krishna : « Si dans le ciel se levait tout à coup la Lumière de mille soleils, elle serait comparable à la splendeur de Dieu. » Et aussi ce verset : « Je suis venu pour distribuer la mort, je suis le grand destructeur des mondes. »
Les auteurs occidentaux inspirés par l'Inde
Les auteurs francophones à s'être inspirés directement de l'Inde et de l’hindouisme sont nombreux, bien qu'ils soient moins nombreux que ceux qui s'inspirèrent ou visitèrent le Maghreb, l’Égypte ou la Palestine. Le courant des « orientalistes » (mouvement commencé avec Chateaubriand et son voyage à Jérusalem publié en 1811 et continué jusqu’à Théophile Gautier et son Roman de la Momie de 1857) ignorait même complètement l'Inde pour se focaliser sur l'Algérie, la Palestine, la Grèce. En conséquence, la doctrine musulmane fit écran à la doctrine hindoue, qui nous demeura inconnue jusqu'au milieu du 19e siècle.
Voltaire (1694 - 1778) s'en était moqué, avec le personnage récurent du brahmane ou du gymnosophiste ridiculisé de contes en fables philosophiques. La Fontaine (1621 - 1695) aussi avait mentionné l'Inde, l'avait même honorée en la personne de Pilpay, auquel il avait dédicacé ses recueils de fables. C'était en effet au sage indien Pilpay (et au Phrygien Ésope), qu'on attribuait la plupart des fables ancestrales. Or, Pilpay n’était autre que le cachemiri Vishnou-Sharma (v. -300), l'auteur des fables animalières du Pancha tantra.
Il faut attendre Leconte de Lisle (1818 - 1894) pour qu'un auteur rende justice à l'Inde en basant en grande partie son œuvre sur elle. Poète et écrivain, chef de file du mouvement littéraire des Parnassiens, membre de l’Académie française, il est l'auteur d'une Histoire de la colonisation française en Inde (L'Inde française, 1858). La mythologie indienne sera une de ses sources d'inspiration majeure, comme en témoignent les Poèmes barbares (1862) et les titres « Prière védique pour les morts », « La mort de Valmiki », « La vision de Brahma », « L’arc de Shiva », ou encore « La joie de Shiva. »
Outre Leconte de Lisle, Alphonse de Lamartine (1790 - 1869) est l’autre grand admirateur français de la culture indienne et de l'épopée du Ramayana en particulier. La geste de Rama, traduite par le sanskritiste Eugène Burnouf (1801 - 1852), fut de son propre aveux une des plus stimulantes lectures de sa vie. C'est son cousin Eugène Burnouf, pionnier des études sanskrites en Europe, qui fera découvrir les spiritualités indiennes à Richard Wagner (1813 - 1883). Une génération plus tôt, la Bhagavad Gita avait été traduite en allemand et Goethe (1749 - 1832) avait déclaré que « ce livre avait été le plus important de [sa] vie. »
À la suite de la colonisation anglaise, l'Inde va se faire découvrir et petit à petit comprendre. Terre de mystère par excellence, elle deviendra un thème cher à des auteurs comme Jules Verne (1828 - 1905), qui en fera une des plus belles et périlleuses étapes de son Tour du monde en 80 jours.
Durant cette époque seront compilés des récits en tout genre, dont le récit de la quête du navigateur Sindbad, que l'on associe trop vite à Ali Baba et que l'on pense par conséquent arabe ou perse, mais qui est en réalité originaire du Sindh, une région située sur les rives de l'Indus (il est cependant vrai que les aventures de Sindbad se déroulent dans un contexte islamique et arabe, dans la région du golfe persique).
En philosophie, depuis les gymnosophistes et gymnopédistes ridiculisés par les philosophes de la Grèce antique, jusqu'à Schopenhauer (1788 - 1860), l'Inde et ses doctrines prônant le détachement ont de tout temps été considérés comme des contre-exemples, jusqu'à être estimées comme de dangereux nihilismes. Nietzsche (1844 - 1900) s'intéressera à Dionysos, le Shiva grec, mais aussi au mythe indo-européen de l’Hyperborée.
Le contrecoup de la théosophie et de l'introduction du Vedanta en Occident, donneront naissance à des vocations indiennes, comme celle de René Daumal (1908 - 1944), traducteur du Natsya Sutra (Traité de la danse).
Le grand mystique René Guénon (1886 - 1951) retrouva en Inde et en Arabie la tradition primordiale encore vivante et vivace, et pour la première fois expliqua au public francophone les percepts de Shankara. René Guénon et l'Italien Julius Évola (1898 - 1974) seront parmi les nombreux écrivains à tenter un pont entre l'Inde et l'Occident. Mentionnons encore Rudyar Kipling (1865 - 1936), Anglais des Indes, auteur de la célèbre nouvelle qui inspira plus tard le Livre de la jungle au cinéma.
Dans le registre de la pure mythologie comparée, George Dumézil (1898 - 1986) et Mircéa Eliade (1907 - 1986) sont parmi les plus célèbres auteurs de la mouvance indo-européenne, née d'abord de la linguistique.
Le dénouement de la Seconde Guerre mondiale marque le point d’arrêt à la longue tradition indo-européenne. L’Europe, moins eurasienne que jamais, devint atlantiste, c'est-à-dire libérale, capitaliste, athée, multiculturelle et cosmopolite. L'Inde s'éloigna encore un peu plus de l'Occident dont elle ne partageait ni l'industrialisation ni la course effrénée au progrès. Quant au reste de l'Asie, il bascula dans la standardisation, selon le modèle islamique de la charia (Iran, Afghanistan, Bangladesh, Malaisie, Indonésie) ou selon le modèle consumériste et ethnocentré des Chinois (Indochine, Tibet, Pacifique). Par conséquent, les Indiens sont aujourd'hui, ce qu'auraient pu être les Incas ou les Mayas, s'ils avaient pu traverser les âges, ou les Égyptiens ou les Perses, si jamais l'islam n'eut transformé leurs pays.
Après-guerre, en Allemagne, Hermann Hesse (1877 – 1962), qui écrit des romans initiatiques inspirés du Bouddha, qui seront quelques années plus tard les livres de chevet des jeunes occidentaux en mal d'idéaux : Siddhartha et Le Loup des steppes sont ses chefs-d’œuvres.
En Amérique, la Bhagavad Gita intéressait Ralph Waldo Emerson (1803 - 1882), qui la mentionnait souvent dans sa correspondance. Henry David Thaureau (1817 - 1862) s’intéressa au Bouddha, ce qui n'a rien d'étonnant pour un tel partisan de l'ascétisme. Gary Snyder (né en 1930) fera découvrir le zen et le tantrisme à Jack Kerouac (1922 - 1969), le plus talentueux des écrivains de la Beat Generation. Citons dans la même mouvance Allen Ginsberg (1926 - 1997), propagateur du bouddhisme en Amérique.
Dans les années 1960, encouragés et en même temps déçus par la croissance économique des Trente Glorieuses, des Occidentaux prennent la Route des Indes. Nicolas Bouvier (1929 - 1998) et Ella Maillard (1903 - 1997), héritiers d'Alexandra David-Neel (1868 - 1969), participeront à ce grand voyage vers l'est, qui relie l'Europe de l’ouest à l'Hindu Kush, de même que Varanasi à Tokyo ou San Francisco. L'expérience indienne, ou plutôt le mythe de l’expérience indienne, devient un rituel d'initiation dangereux et tragique. C'est les Chemins de Katmandou de René Barjavel (1911 - 1985) et Flash, le roman générationnel de Charles Duchaussois (1940 - 1991).
Malheureusement, depuis la fin des années 1960, durant laquelle la pensée indienne et son décorum accompagna le psychédélisme hippie (Beatles, Who, etc.), jamais plus l'Inde ne provoquera un véritable intérêt en Occident. À moins qu'un sinistre fait divers ne fasse parler d'elle à contrecœur, l'Inde est alors reléguée par nos médias dans un coin peu fréquenté de la grande autoroute des communications modernes. Par ailleurs, l'Amérique et le Moyen-Orient y ont pris une place disproportionnée, occultant ainsi le rôle, la présence et le destin de l'Inde.
En somme, l'Inde nous est toujours aussi lointaine aujourd’hui qu'elle le fût à travers les siècles. La mondialisation a tourné l’Europe vers l'Amérique, le Moyen-Orient, l'Afrique... Et l'Inde, noire mais non africaine, pauvre mais puissante, anciennement colonisée mais non victimaire, l'Inde complexe et particulière, nous demeure encore étrangère.
Bien que peu médiatisées sous nos latitudes, les spiritualités indiennes représentent tout de même une part très importante de la démographie mondiale relative aux différents cultes. Pour s'en faire une juste opinion, il convient de s’intéresser à quelques chiffres significatifs ; l’hindouisme est la croyance de 15 % de la population mondiale, soit deux fois moins que la part du christianisme. Mais si on ajoute à l'hindouisme le bouddhisme et les autres religions qui ont émergé du socle commun védique (dharmique), nous obtenons un chiffre bien plus significatif. Les religions dharmiques prises dans leur ensemble (hindouisme, bouddhisme, jaïnisme, sikhisme) représentent ainsi près de 23 % des pratiques religieuses des habitants de notre planète, soit une part similaire à l'islam (1 être humain sur 4).
En outre il y a plus de vishnouïtes que d’athées dans le monde, ainsi que deux fois plus d'hindous et trois fois plus de partisans d'une tradition dharmique que d'athées. Ces chiffres indiquent l'importance culturelle et religieuse de l'Inde, et permettent de remplacer cette nation à sa juste place : centrale tout comme prépondérante.
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