28 Novembre 2024
La très célèbre sceau de Harappa, représentant probablement une sorte de divinité proto-Shiva, "maître de la nature", Pashupatinath.
Seulement découverte au début du 20e siècle, alors que les civilisations égyptiennes et mésopotamiennes étaient déjà étudiées depuis respectivement plusieurs siècles et plusieurs décennies, la civilisation de l'Indus, dite d'Harappa, demeure encore très mystérieuse, même au yeux des plus grands historiens et archéologues. Son alphabet glyphique n'a pas encore été déchiffré et les études d'envergure bénéficiant de gros moyens scientifiques et financiers demeurent encore très rares ; les principaux sites se situant au Pakistan, pays qui ne considère pas avec grand intérêt son passé préislamique.
Quand aux sites situés en République indienne, en particulier dans la vallée du Gange et sur la côte gujarati, ils ne sont pas aussi impressionnant que les immenses cités indusienne de Harappa ou Mohenjo-daro, ni ne possèdent le même intérêt que le site ouest-pakistanais de Mehrgarh, par où est entrée l'agriculture dans le sous-continent vers -7000 ans, soit près de quatre millénaires avant l'urbanisation de la vallée de l'Indus.
Cette civilisation, que nous nommeront indusienne, en hommage au fleuve qui la traverse tel un axe, se développe à partir d'un foyer néolithique situé à l'ouest de l'Indus, au Baloutchistan, possiblement dès -7000 ou peu après. C'est de cette période pré-harappéenne que date la naissance et l'âge d'or de la cité de Meghard, première à adopter le style architectural des maisons rectangulaires et l'agriculture, deux phénomènes importés du Moyen-Orient. La vallée de l'Indus à proprement parler, commence seulement à se peupler de groupes d'agriculteurs et d'éleveurs sédentaires vers -4000 ans.
De -4000 à -2600 ans, c'est la période harappéenne ancienne, marquée par différentes cultures régionales.
Dans sa phase mature, de -2600 à -1900 environ, la civilisation de l'Indus couvre un territoire bien plus grand que les civilisations contemporaines de Mésopotamie et d’Égypte. Outre la plaine de l'Indus, elle s'étend du Baloutchistan à l'ouest, jusqu'aux prémices de la vallée gangétique à l'est et au Gujarat vers le sud. Le niveau de la mer est alors bien plus bas qu’aujourd’hui, et le rivage qui relie Oman au Gujarat est deux fois moins long. Des villes dont les constructions sont planifiées, sortent alors du néant, comme en d'autre temps à Pétra, en Jordanie, à Maïkop dans le Caucase, à Cuzco au Pérou ou à Mexico.
Construites pour des peuples nomades souhaitant se sédentariser et commencer une activité agricole, commerciale ou artisanale, ces villes bénéficient du concours d'architectes mésopotamiens qui élaborent des cités aérées, possédant de vaste remparts et de larges avenues perpendiculaires et parallèles. En Inde comme en Mésopotamie, la brique cuite est emblématique. Par ailleurs, les villes du Caucase, de Bactriane et de Margiane, suivent le même modèle architectural, ce qui indique une influence urbaine non seulement mésopotamienne mais aussi eurasienne.
L'Inde est une contrée immense et très riche. Mentionnons :
- les gisements de silex des collines de Rohri, dans le Sind.
- les minerais des régions montagneuses entourant la plaine de l’Indus.
- le cuivre, le plomb et le zinc des gisements du Rajasthan.
- l’étain d’Haryana et d’Afghanistan.
- le lapis-lazuli d’Afghanistan et du Baloutchistan.
- la cornaline du Gujarat. Ces deux derniers produits se retrouvent dans les tombes royales mésopotamiennes et égyptiennes, dès le début du troisième millénaire avant notre ère.
- la stéatite du nord du Penjab pakistanais.
Les principaux ports sont naturellement au Gujarat (Lothal) et au Makran (Sutkagan Dor) et plus tardivement Dwarka (ville dont Krishna aurait été le seigneur). Ces ports florissants envoient des bateaux à fonds plats chargés de produits manufacturés vers la Basse-Mésopotamie, pour ensuite remonter ses fleuves vers l'Assyrie et l'Akkadie. Les produits importés depuis l'Inde sont généralement du bois, des figurines, des meubles, mais aussi des navires (ce qui confirme la suprématie des marins gujaratis).
Dans les textes mésopotamiens, l'Inde, tout du moins son littoral, est connue comme Melula. Melula est invoqué dans l'Épopée de Gilgamesh (épisode du voyage de Gilgamesh vers le bout de la terre et le monde infernal), dans les récits cosmogoniques (mythe de la tournée de bénédiction d'Enki à travers le monde) mais aussi par le roi assyrien Sargon (v. -2334 à -2277), qui se vantait de faire venir les navires de Melula « jusqu'aux quais d'Akkad », sa capitale. Par ailleurs, des sceaux indusiens ont été retrouvés dans les ruines de Ur, Kish et Babylone.
Des objets de l'Indus furent aussi mis au jour sur les sites d'Oman, aux Émirats Arabes Unis et à Bahreïn (Saar). La poterie harappéenne est présente tout à travers la Mésopotamie et jusqu'en Arabie. Des sceaux, des perles et des bijoux en ivoire manufacturés dans l'Indus parviennent à Suse, en Élam et des sites du sud iranien livrèrent aux archéologues quelques objets harappéens (Tepe Yahya). On retrouve autour de l'Oxus (Sogdiane, Turkménistan) des produits indusiens, en particulier des sceaux et des perles de cornaline. Dans le sud de la péninsule indienne, les objets harappéens se diffusent jusque dans le Maharashtra et la proto-écriture de l'Indus est présente jusqu'au Tamil Nadu.
L'Inde importe aussi : Bahreïn, connue des Mésopotamiens sous le nom de Dilmun, envoie des objets vers l'aire indusienne et Lothal notamment, où furent retrouvé des sceaux de Dilmun. Il est par ailleurs très probable que l'or du Karnataka ait été importé jusque dans l'Indus.
Plus à l'est, en provenance des Molluques (Indonésie orientale), le clou de girofle est importé jusqu'en Mésopotamie (Terqa), ce qui laisse augurer du rôle prépondérant des marins et commerçants indiens dans le transfère des produits d'Extrême-Orient vers le Moyen-Orient, par la voie maritime (épices).
Harappa, une civilisation oubliée : l'archéologie de la vallée de l'Indus I Passé sauvage.
Harappa nous est pratiquement inconnue, peu ou pas d'ouvrage (et encore moins de vidéos) en français sur cette brillante cité de la vallée de l'Indus. Son effondrement au 2ème millénaire av. ...