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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

L'Inde antique et pré-védique - ses caractéristiques, ses richesses, son commerce (CIVILISATION DE HARAPPA et MOHENJO-DARO)

La très célèbre sceau de Harappa, représentant probablement une sorte de divinité proto-Shiva, "maître de la nature", Pashupatinath.

La très célèbre sceau de Harappa, représentant probablement une sorte de divinité proto-Shiva, "maître de la nature", Pashupatinath.

Seulement découverte au début du 20e siècle, alors que les civilisations égyptiennes et mésopotamiennes étaient déjà étudiées depuis respectivement plusieurs siècles et plusieurs décennies, la civilisation de l'Indus, dite d'Harappa, demeure encore très mystérieuse, même au yeux des plus grands historiens et archéologues. Son alphabet glyphique n'a pas encore été déchiffré et les études d'envergure bénéficiant de gros moyens scientifiques et financiers demeurent encore très rares ; les principaux sites se situant au Pakistan, pays qui ne considère pas avec grand intérêt son passé préislamique.

La civilisation de l'Indus (Wikipedia)

La civilisation de l'Indus (Wikipedia)

Les Proto-Dravidiens, venus du nord dès la plus haute antiquité, depuis le haut plateau iranien, parlent une langue agglutinante mais nostratique, qui présente de perceptibles similitudes avec le sumérien et l'élamite, mais aussi avec le turc.

Ce peuple régna sur l'Indus antique, y développant l’urbanisation et l’agriculture. Leurs croyances, leur mythologie, leurs technologies, leurs cités, leur artisanat, leur suprématie commerciale et maritime, s'imposent alors à des populations indigènes peu développées démographiquement et technologiquement.

L'archéologie nous apprend que cette civilisation, nommée d'après le fleuve qui la traverse en son axe, se développe à partir d'un foyer néolithique situé à l'ouest de l'Indus, au Baloutchistan, possiblement dès -7000 ou peu après.

C'est de cette période pré-harappéenne que date la naissance et l'âge d'or de la cité de Mehrgarh, première à adopter le style architectural des maisons rectangulaires et l'agriculture, deux phénomènes importés du Moyen-Orient. La vallée de l'Indus à proprement parler, commence seulement à se peupler de groupes d'agriculteurs et d'éleveurs sédentaires vers -4000 ans. De -4000 à -2600 ans, c'est la période harappéenne ancienne, marquée par différentes cultures régionales. Les périodes suivantes seront d'abord marquées par l'exode urbain et le repeuplement rural, puis la chute démographique et la migration des populations vers le sud de la péninsule indienne et la vallée du Gange, vers -1000 à la suite des invasions aryennes.

Ce qui fait le plus cruellement défaut à la civilisation de l'Indus, c'est son absence de traces écrites interprétables. Des glyphes et même une forme d'écriture, furent effectivement repérés dans les décombres des villes indusiennes, mais à ce jour (2025), ces traces n'ont pas encore été décodés ou traduites. L'alphabet indusien ne semblerait cependant pas composé de lettres, ni de hiéroglyphes, mais de signes, que l'on nommerait runes ou tamga en d'autres lieux. On relève en effet des signes qui évoquent la rune du piège à loup (wolfsangel), le svastika, ainsi que la roue solaire ; trois des symboles indo-européens les plus utilisés, par ailleurs présents en Égypte, et en Mésopotamie et même en Amérique du Nord.

Savoir à quelle famille de langues ces inscriptions appartiennent, nous aurait beaucoup appris sur les peuples qui les parlaient et surtout sur leur origine ethnique. Si la langue d'Harappa, puis celle de Mohenjo-daro, ressemblent plutôt aux langues dravidiennes, nous serions en droit d'imaginer la civilisation de l'Indus comme une prémisse de ce qui deviendra plus tard la culture tamoule agamique ; laquelle n'est pas marquée par une mythologie particulièrement foisonnante mais plutôt par l'adoration d'un être cosmique accompagné d'une famille nucléaire (un concept théologique qui donna naissance à la Trinité shivaïte composée de Shiva, de Parvati et de leur fils Murugan-Skanda, ou Ganesh).

Après les fondations de ses capitales Harappa et Mohenjo-daro (v.-3000), la civilisation de l'Indus est très florissante. Elle se concentre d'abord sur la partie moyenne et supérieure de l'Indus, puis s'étend vers son embouchure (Gujarat, Sindh, littoral baloutche). De même que les rives de l'Indus, les rivages de la mer d'Arabie s'urbanisent.

Le désert du Thar n'existant pas encore, le Rajasthan est une province fertile, qui partage les mêmes écosystèmes et climats que la Mésopotamie et l’Égypte. Le niveau de la mer est alors plus bas qu’aujourd’hui, et le rivage qui relie Oman au Gujarat est par conséquent moins long, ce qui favorise les échanges et le passage entre les deux aires.

Des villes dont les constructions sont planifiées, sortent alors du néant, comme en d'autres lieux et d'autres temps Pétra en Jordanie, Maïkop dans le Caucase, Cuzco au Pérou ou Mexico. Harappa et Mohenjo-daro peuvent alors accueillir de 30 000 à 60 000 personnes, tandis qu'un très vaste maillage de villages s’étale le long de l'Indus et de ses tributaires. En comparaison, la ville de Ur, capitale ancestrale de la Mésopotamie comprenait 65 000 habitants pour ses estimations les plus hautes.

Construites pour des peuples nomades souhaitant se sédentariser et commencer une activité agricole, commerciale ou artisanale, les villes indusiennes bénéficient très probablement du concours d'architectes mésopotamiens qui élaborent des cités aérées, possédant de vastes remparts et de larges avenues perpendiculaires et parallèles. En Inde comme en Mésopotamie, la brique cuite est d'ailleurs emblématique de ces constructions. Par ailleurs, les villes du Caucase, de Bactriane et de Margiane, suivent le même modèle architectural, ce qui indique une aire d'influence urbaine non seulement mésopotamienne mais aussi eurasienne.

Cependant, si le Levant et la Mésopotamie apportent à Mehrgarh puis à la vallée de l'Indus l'agriculture, ce n'est pas à travers une migration humaine mais à la suite d'une influence culturelle, car la signature génétique des habitants de la vallée de l'Indus resta en très grande majorité indigène (haplogroupes Y-H, Y-L, Y-R2, Y-K), tandis que les haplogroupes Y-E et Y-J, marqueurs génétiques des populations du Levant, demeureront très marginaux dans la région.

Selon l'indianiste Jacques Dupuis (1912-1997), qui reprend le consensus universitaire, « il est exclu qu'il y eût en Inde des colonies de marchands sumériens ou en Mésopotamie des colonies de marchands harappéens ; probablement des agents de marchands indiens stationnaient en Mésopotamie et des agents de marchands mésopotamiens dans la région de l'Indus » (Histoire de l'Inde, des origines à la fin du XXe siècle, Éd. Kailash, 2005). Cette connexion Orient-Occident, même lâche, suffit pourtant à établir une zone commerciale propice à la diffusion des mythes, sans pour autant influencer ou transmettre de manière intercontinentale les doctrines et religions.

Des relations existaient effectivement entre l'Inde et la Mésopotamie antiques ; les deux aires civilisationnelles ne s'ignoraient pas. Comme en témoignent légendes, chroniques et voyageurs, l'Inde, sous le nom de Meluhha, est connue des Mésopotamiens comme une riche contrée. La civilisation de l'Indus est en effet traversée par un vaste réseau d'échanges qui relie l'Europe à l'Himalaya.

Meluhha est invoqué dans l'Épopée de Gilgamesh (épisode du voyage de Gilgamesh vers le bout de la terre et le monde infernal), dans les récits cosmogoniques (mythe de la tournée de bénédiction d'Enki à travers le monde) mais aussi par le roi assyrien Sargon (v. -2334 à -2277), qui se vantait de faire venir les navires de Meluhha « jusqu'aux quais d'Akkad », sa capitale.

Mentionnons les gisements de silex des collines de Rohri (Sindh), les minerais des régions montagneuses entourant la plaine de l’Indus, le cuivre, le plomb et le zinc des gisements (Rajasthan), l’étain (Haryana, Afghanistan), la stéatite (nord du Penjab pakistanais), le lapis-lazuli (Afghanistan, Baloutchistan) et la cornaline (Gujarat). Ces deux derniers produits se retrouvent dans les tombes royales mésopotamiennes et égyptiennes, dès le début du troisième millénaire avant notre ère.

 

Harappa

 

Les principaux ports qui desservent la vallée de l'Indus sont naturellement au Gujarat (Lothal), au Makran (Sutkagan Dor) et plus tardivement à Dwarka (ville dont Krishna aurait été le seigneur). Ces ports florissants envoient des bateaux à fonds plats chargés de produits manufacturés vers la Basse-Mésopotamie, pour ensuite remonter ses fleuves (Euphrate, Tigre) vers l'Assyrie et Akkad. Les produits importés depuis l'Inde sont généralement du bois, des figurines, des meubles, mais aussi des navires (ce qui indique la suprématie des artisans et des marins gujaratis).

 

Mohenjo-Daro, Université du Minnesota

 

Dans le sens inverse, depuis le rivage de la Méditerranée, les villes de Byblos, Jéricho, et plus tard Ougarit, reçoivent les richesses d’Égypte, mais aussi de Purushkhanda, une des capitales hittites. Des caravanes en partent pour rejoindre Ninive et l'Assyrie puis la Mésopotamie, puis redescendent le Tigre ou l'Euphrate vers le golfe persique. Là, depuis l'une des cités portuaires suméro-babyloniennes, en quelques jours seulement, d'autres bateaux plus robustes rejoignent la presqu'île de Dilmun (Bahreïn ou Koweït). D'autres embarcations, si ce ne sont les mêmes, longent ensuite les rivages élamites et persiques, qui sont les dernières étapes avant l'océan Indien et l'embouchure de l'Indus.

La présence de matériel laitier harappéen sur les côtes arabiques accrédite l'hypothèse d'un vaste réseau de commerce maritime, diffus à travers le nord de l’Océan Indien et la mer Arabique. Dilmun (Bahreïn) envoie des objets vers l'aire indusienne et Lothal notamment, où furent retrouvés des sceaux de Dilmun. Plus à l'est, en provenance des Molluques (Indonésie orientale), le clou de girofle est importé jusqu'en Mésopotamie (Terqa), à travers ce qui deviendra la future Route des épices.

Des sceaux indusiens furent retrouvés dans les ruines de Ur, Kish et Babylone. Des objets de l'Indus furent aussi mis au jour sur les sites d'Oman, aux Émirats arabes unis et à Bahreïn (Saar). La poterie harappéenne est présente à travers toute la Mésopotamie et jusqu'en Arabie. Des sceaux, des perles et des bijoux en ivoire, manufacturés dans l'Indus parviennent à Suse, en Élam et des sites du sud iranien livrèrent aux archéologues quelques objets harappéens (Tepe Yahya). On retrouve autour de l'Oxus (Sogdiane) des produits indusiens, en particulier des sceaux et des perles de cornaline. Dans le sud de la péninsule indienne, les objets harappéens se diffusent jusque dans le Maharashtra et la proto écriture de l'Indus est présente jusqu'au Tamil Nadu. Enfin, il très probable que l'or du Karnataka ait été importé jusque dans l'Indus.

Un autre réseau de communication remontait l'Indus sur plus de 2000 km pour rejoindre ses sources dans l'Himalaya, puis dépasser les cols de l'Hindu Kush qui culminent à plus de 5000 m d'altitude et enfin rejoindre la colonie de Shortugai (Afghanistan actuel). Shortugai était le comptoir le plus septentrional de la civilisation de l'Indus. Les pierres de lapis-lazuli, si prisées pour l'ornement des palais égyptiens comme mésopotamiens et plus tard babyloniens, étaient extraites dans les mines des montagnes environnantes (Pamir, Kunlun, Himalaya).

Malgré ces réseaux bien établis, les échanges interrégionaux demeuraient limités, se faisant surtout par voies maritimes, un relief escarpé et plein de danger séparant l'Inde de la Perse et du Moyen-Orient. Nombreuses sont les mentions dans les chroniques mésopotamiennes de la cruauté des montagnards ainsi que leur sévère mainmise sur les cols dont ils rendaient le passage très périlleux.

Dans sa phase mature, de -2600 à -1900 environ, la civilisation de l'Indus couvre un territoire bien plus grand que les civilisations contemporaines de Mésopotamie et d’Égypte. Outre la plaine de l'Indus, elle s'étend du Baloutchistan à l'ouest, jusqu'aux prémices de la vallée gangétique à l'est et au Gujarat vers le sud.

Après cette date, les cités sont détruites, des charniers jonchent les rues, sans que l'on en explique la cause. Les conséquences sont immenses : la civilisation est détruite. L'espace indusien et gangétique est laissé sans défense. Cet exode causa dans un premier temps la fin de l'âge d'or indusien urbain, puis la disparition complète de cette civilisation quelques siècles seulement avant l'arrivée des Aryens en Inde du nord. Qu'a-t-il donc bien pu se passer ?

Une hypothèse semble la plus convaincante : de -2500 à -2000, en amont de l'Indus, dans une région voisine de la plaine gangétique, entre l'Himalaya et le golfe du Gujarat, ce que l'on pense être le légendaire fleuve Sarasvati s'assèche à la suite d'un tremblement de terre, et donne naissance au désert du Thar. Cette catastrophe, dont on trouve la trace dans le corpus védique, déstabilise, puis détruit la civilisation de l'Indus (abandonnée par sa propre population). Les tribus aryennes qui peuplent les montagnes du Cachemire et du Pamir depuis le début du second millénaire s'installent alors en Inde, qui n'est défendue par aucun état urbain ni aucun empire, libre de toute autorité.

 

Harappa, par Chris Sloan

 

Entre -1500 à -1000, sous la pression des migrations aryennes venues du nord du Karakoram et sans armée pour les protéger, les communautés artisanes et commerçantes du Cachemire et des contreforts occidentaux de l'Himalaya émigrent donc massivement vers le sud du sous-continent.

Les premiers Aryens entrés en Inde n'iront pas aussi loin et pour quelques siècles encore, les émigrés maintiennent leurs traditions. Pour la première fois, une vague migratoire dravidienne colonise le sud de l'Inde.

Dans le jaïnisme (qui est une spiritualité indienne prévédique), ce moment est marqué par le glissement du centre névralgique de la mythologie depuis le nord-ouest du sous-continent vers le sud-est. Si le premier tirthankaras (Rishabhanatha, aussi nommé Adi Nath, le « Père des Sags ») trouva l'éveil et finit ses jours au sommet du mont Kailash, sur le plateau tibétain, c'est sur le mont Shikharji, dans les collines du Bihar, que la plupart des autres jinas finiront leur vie. Par ailleurs, dans les hagiographies des derniers tirthankaras, apparaissent des lieux qui correspondent sensiblement à l'aire d'expansion indusienne tardive (principalement le Gujarat et le Bihar).

Partageant les valeurs communes qui avaient permis de constituer une société stable et cohérente, la religion indusienne était métaphysiquement assez riche pour ne pas être séduite par le culte aryen. Cette doctrine ne disparut pas car elle était ancestrale, populaire, ancrée dans le territoire. Elle perdure jusqu'à nos jours dans l'hindouisme shivaïte ou vishnouïte ainsi que dans les traditions ascétiques sadhuïques et jaïnes.

On retrouve aussi des brides de la mythologie et de la doctrine de l'Indus dans les littératures jaïnes, puraniques, agamiques, tantriques, ainsi que dans les contes et légendes populaires. Si l'on souhaite se rapprocher au plus près de la théologie de la religion typiquement indusienne, il faut considérer le Sangam tamoul et en particulier les ouvrages agamiques des Alvars (vishnouisme) et des Nayanars (shivaïsme). Pour se faire une idée du paysage culturel séculier indien prévédique, il faut consulter le Pancha-Tantra, recueil indigène de contes, souvent animaliers. Un grand nombre, sinon la plupart de ces fables étaient déjà connues à l'époque indusienne.

L'Inde antique et pré-védique - ses caractéristiques, ses richesses, son commerce (CIVILISATION DE HARAPPA et MOHENJO-DARO)
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