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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

La musique, un excitant mystique

Un tambour de chamane, Islande.

Un tambour de chamane, Islande.

La musique peut être considérée comme un excitant (ou plutôt un adjuvant) mystique. En Afrique, en Sibérie, en Amérique particulièrement, le tambour1 et ses rythmes sont utilisés pour provoquer ou accompagner la transe chamanique (qu'elle soit, ou non, de nature psychédélique).

Dès l'Aurignacien2, on relève la présence d'instruments de musique sous forme d'artefacts (flûte simple3, percution en bois ou en coque de fruit, conque marine) mais aussi représentés en peinture pariétale4. Jusqu'à la conque travaillée de Marsoulas, estimée vers -16 000 ans, l'arc musical, la flûte simple et double, le tambour et probablement toute sorte d'instruments à percution en bois vont être inventés. Ces instruments rythmeront les transes chamaniques plusieurs dizaines de millénaires durant, mais aussi, entre autres cérémonies initiatiques, les orgies dionysiaques, les mystères orphiques, lamaïstes et les rituels hindous (pour lesquels la conque symbolise Vishnou et le tambourin à deux faces Shiva).

À propos des rituels mexicains tarahumaras, Antonin Artaud remarque qu' « il semble qu'on écoute toujours le même son, toujours scandé au même rythme ; mais, avec le temps, ces sons toujours identiques et ce rythme éveillent en nous comme le souvenir d'un grand Mythe ; ils évoquent le sentiment d'une histoire mystérieuse et compliquée. »5

Dans son ouvrage fondateur de l'ethnomycologie, Le Champignon divin de l'immortalité, Roger Gordon Wasson (1898-1986) évoque la chamane mazatèque Maria Sabina (1894-1985) et son utilisation du rythme comme adjuvant au voyage mystique provoqué par l'ingestion de champignons hallucinogènes :

« Maria Sabina, ma chamane mazatèque, déclencha un rythme de percussion extrêmement complexe. Avec ses mains, elle se frappait la poitrine, les cuisses, le front, les bras, chaque point du corps rendant un son différent : elle tenait un rythme subtil, modulait la percussion, syncopait même parfois les coups. Votre corps repose dans l'obscurité, lourd comme du plomb, mais on dirait que votre esprit s’envole comme un oiseau, prend son essor au dessus de la hutte et file à la vitesse de la pensée, voyageant dans le temps et l'espace, libre comme l'eau des rivières ou les nuages dans le ciel, accompagné et guidé par le chant et les percussions du chamane. Ce que vous voyez et ce que vous entendez ne fait qu'un ; la musique prend des formes harmonieuses, le son des couleurs brillantes, l'harmonie suscite la vision, et la vision est celle de l'harmonie. Musique des sphères. " Nulle part l’œil et l'oreille ne sont autant sollicités. " Et combien la confidence d'un initié d’Éleusis s'apparente-t-elle à l'expérience de Maria Sabina ! Tous vos sens sont éveillés. »

C'est avec une grande pertinence que Wasson évoque le culte grec d’Éleusis. Le tambourin se retrouve en effet fréquemment dans les fresques, les bas-reliefs et l'ornement des céramiques gréco-romaines, en tant qu'objet indispensable des cultes orphiques ou dionysiaques (bacchanales). Cette analogie entre chamanisme amérindien et culte gréco-orphique est aussi remarqué par l'explorateur italien de l'Amérique du nord et de la région du Mississippi, Giacomo Costantino Beltrami (1779–1855). Celui-ci remarque que :

« Les anciens Grecs se servaient dans leurs danses de capsules en peau ou en parchemin, comme celles des sauvages, et de castagnettes. Ces dernières, comme celles des Indiens, étaient faites de coquilles ou d’os d’animaux. Chez les Grecs encore, ainsi que chez les tribus sauvages de l’Amérique du nord, la musique populaire était une réunion de voix et d’instruments, et faisait partie du culte qu’on rendait à la Divinité. Les Indiens semblent avoir également quelques usages des anciens Romains : comme eux, ils marquent la mesure en dansant par de petits grelots qu’ils attachent à leurs pieds. Ils ont leur coryphée qui frappe sur un tambour, et leur manuductor6 qui préside à la danse. »7

 

 

Notes

 

1« L'esprit de l'animal était censé venir lorsque l'on tapait sur sa peau, que le percussionniste décorait souvent d'images de corps célestes ou de figures protectrices. Dans les rites religieux des cultures méditerranéennes, les prêtresses et les fidèles de la grande déesse frappaient des tambours constitués d'un cadre circulaire tenu à la main, afin de provoquer des états de transe propices aux guérisons ou aux prophéties. Le battement du tambour était considéré comme le reflet de la « toile rythmique » de la vie végétale, animale et humaine, de la pulsion du cœur, du sang et de l'univers » Le livre des symboles, The Archive for Research in Archetypal Symbolism.

2-40 000 ans.

3Flûte d'Isturitz, v. -30 000 ans (Gravettien).

4Nous pensons en l’occurrence à la possible flûte double du « Petit sorcier » de la Grotte des Trois frères (Ariège). L'identification exacte de cette figure n'est cependant pas certaine.

5A. Artaud, Les Tarahumaras.

6« Directeur. »

7G. C. Beltrami, Voyage en Amérique du Nord, les Cypohais in La Revue des deux mondes, 1831.

Ces articles sont extraits de notre ouvrage consacré au chamanisme et disponible sur Amazon. Cliquez sur le lien suivant pour commancder le livre :

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