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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

Le départ de SITA (récit indien extrait du Ramayana)

Texte inspiré de l'introduction du Ramayana de Valmiki, dans sa traduction par Alfred Roussel.

 

Objet de la faveur des Divinités, Rama, Sita et Lakshman s'en retournèrent donc vers Ayodhya, escorté de leur si nombreux amis, à bord de leur vaisseau aérien (vimana) qui traversait l'air comme une flèche. Ce vaisseau aérien, c'était celui de Ravana lui-même, que le nouveau roi des rakshassa avait offert de bon cœur à Rama et à ceux qui voulaient le suivre.

Arrivé à l’ermitage de Bharadvaja, dans la région du Vindhya, avant d'entrer dans le pays des aryens, Rama députa Hanouman auprès de Bharata pour annoncer son retour. Puis, accompagné de Sugriva, il remonta sur le vimana et se rendit à Nandi-Grama, la capitale de son frère avait construite pour ne pas occuper la sienne.

C'est à Nandi-Grama qu'il dénoua sa tresse en signe de la fin de sa pénitence. Quatorze ans s'étaient écoulés depuis son départ en exil.

Entouré de ses frères, l’irréprochable Rama, ayant reconquis Sita, retrouva sans tarder Ayodhya qui l'attendait et qui était son royaume. Bharata retira les sandales de Rama qu'il avait posé sur le trône à son départ en exil, puis il alla à la rencontre de son frère accompagné des plus sages et fidèles ministres de sa cour.

Son peuple partageait sa félicité, car il était content de vivre dans l’abondance et le respect des rites, exempt d’infirmités et de maladies, et sans avoir à craindre la disette. Désormais, disait-on, personne, nulle part ne verrait plus mourir ses enfants ; les femmes ne connaîtraient plus le veuvage et toujours elles seraient dévouées à leurs époux tout autant que leurs époux leur seraient dévoués. Les êtres n'auraient plus à se méfier du feu, non plus que des inondations, ni du vent, ni même de la fièvre. Il n’y aurait plus de famine à craindre, ni de voleurs ; les villes et les royaumes regorgeraient d’or et de grains. Tous vivraient dans une félicité perpétuelle, ce serait à nouveau l'âge d'or! Voila tout ce que l'on disait au passage de Rama.

Pour son retour, le glorieux Rama, offrit des centaines de sacrifices, lesquels furent copieusement accompagnés de beaucoup d’or déversé sur les statues des temples. Il offrit aussi un nombre incalculable de vaches aux sages et ascètes qui peuplaient les forêts et montagnes du royaume, afin que grâce à elles, ils puissent tous survivre en se rassasiant de leur lait et en apprenant de leur compagnie. Mais encore, il fut avec les brahmane du royaume libéral et généreux sans mesure.

Quant à Hanouman, il refusa de quitter Rama et devint le gardien des portes de son palais, sans la permission duquel personne ne pouvait entrer.

 

Cependant, la cour jasait sur le fait que Sita avait été souillée par Ravana, et Rama dut la répudier comme il n'était pas résolu à la tuer. Voici comment ce triste épisode arriva.

Cela ne faisait pas un mois que Rama était rentré et était installé sur le trône d'Ayodhya, qu'un pécheur, qui n'était autre que la réincarnation de l'oiselle que Sita avait sauvée quand elle était encore une toute petite fille, refusa un matin d'accepter sa femme qui avait découché. C'était un homme méchant, qui accusait sa femme de mener une mauvaise vie alors que c'était lui qui l'effrayait tant qu'elle devait bien souvent dormir seule avec ses enfants dans les sous-bois afin d'échapper à ses violences.

Alors qu'elle avait voulu entrer un matin, en silence pensant que son homme dormait dans les vapeurs de l'opium, celui-ci réveilla son quartier en hurlant :

« Femme corrompues et rendue impure par le vice, crois-tu que je sois de mœurs légères, comme ce roi Rama qui tolère à ses côtés une reine qui est passée entre d'autres mains avant lui ? »

Ces implacables et cruelles paroles parvinrent bien vite aux oreilles de Rama, qui les reçut dans le cœur comme jamais aucun coup ne l'avait atteint au combat.

Bien qu'il fût lui-même persuadé de l'innocence de Sita, il existait dans son royaume des gens qui n'avaient pas vu le miracle de Sita survivre à son bûcher, de même qu'il y aurait toujours des mécréants pour salir ce qu'il aurait laissé salir.

C'était décidé, comme le Dharma lui imposait de ne pas laisser la calomnie saper son pouvoir, alors Rama renvoya Sita.

Avant son départ, Rama promit à sa femme de ne pas connaître d'autre épouse après elle, et c'est solitaire et le cœur brisé qu'il régna ensuite.


 

Sur ordre de Rama, Lakshman escorta Sita jusqu'aux frontières du royaume. Après quelques jours d'une chevauchée qui s'était déroulée sans qu'aucun des deux ne dise un mot, le frère et la femme de Rama parvinrent enfin au pays des Khasas. Au lointain, on pouvait deviner les contreforts de l'Himalaya se dresser vers le ciel pour rejoindre l'axe du monde et le mont Mérou.

Les Khasas étaient un peuple qui vénérait Vishnou, et qui originellement faisait partie de la caste des kshatriyas. Mais, à la suite d'habitudes de vie et d'un régime alimentaire non reconnu par les Védas, ils furent déclassés au rang de mlecchas, c'est à dire de barbares. C'était une nation de nomades, les hommes chassaient et les femmes cueillaient. Leur territoire s'étendait des sources de l'Indus jusqu'aux vallées du Népal et du Chitwan. Il valait mieux, pour la sécurité de Sita, qu'elle ne visitât jamais seule le pays des Khasas, ce peuple de princes déchus.

De même elle ne devait plus jamais revenir à Ayodhya, ni dans aucune des nations de l'Aryen-Varta qui en était l'alliée. Sita devait donc trouver, dans ces parages, un lieu où demeurer jusqu'à la fin de ses jours.

Ses adieux avec Lakshman furent vifs et tendus, aucun d'eux ne pouvant sortir la moindre parole d'une gorge remplie de larmes. Les mots de Lakshman auraient été inutiles et grotesques, ceux de Sati vains et cruels. Lakshman pensa alors qu'il ne serait jamais plus heureux. Quant à Sati, poussée par une prémonition, s'avança seule dans la forêt qui bordait les rives du Gange.

 

Dans cette contrée fertile vivait le sage Valmiki. C'était un fils d'un barbare à la peau noire qui habitait dans les forêts, et jamais dans sa lignée, depuis la création de sa race, n'avait-on encore lu les Védas. Cependant, grâce à sa sagesse et à sa maîtrise du yoga et des privations, Valmiki se mit en marge du système des castes pour devenir lui-même un brahmane, c'est à dire un fils de Brahma.

Ne professant que des justes et pacifiques conseils, Valmiki était devenu un vieil homme très respecté dans la région. Il vivait tout à fait seul, sans jamais souffrir de la solitude. À part ses allers- retours quotidiens vers le Gange, pour remplir sa cruche et se laver, Valmiki n'avait d'autre activité que de demeurer assis en tailleur sur une peau de tigre, à l'abri d'un figuier sacré, et de composer des poèmes.

La plus grande gloire de Valmiki, celle qui lui a valut le titre de Maha-rishi, ce fut d'avoir raconté dans son œuvre maîtresse du Ramayana, avec une langue dynamique et dans un style populaire, la destinée tragique de la reine Sita. Du Ramayana et de sa puissance narrative, est issue toute la lignée des épopées chevaleresques occidentales, comprenant le cycle du roi Arthur, mais aussi bon nombre de contes de fée. De même, la culture japonaise des mangas ne cessent de s'inspirer de la narration elliptique du Ramayana, constituée de combats cataclysmiques et de miracles en cascades, chevillée par une morale d'apparence simpliste, mais en vérité remplie de nuances sans cesse révélées.

Valmiki est aussi le premier écrivain de l'humanité qui cessa de n’être qu'un scribe, pour devenir un personnage lui-même, et s'inscrire dans sa fiction, à la fois comme narrateur et adjuvant. Du fait de sa grandeur d'âme, de sa sagesse infinie, et de son talent littéraire, Valmiki fut reconnu comme un des rares avatars de Brahma sur Terre.

Deux millénaires plus tard, le sage Tulsidas traduira le texte de Valmiki du sanskrit en hindi vernaculaire, de sorte que le Ramayana connut une seconde jeunesse. Et cela, bien que ses thèmes aient été de très nombreuses fois repris et adaptés, particulièrement au théâtre et lors de l'âge d'or du brahmanisme et dans les danses du Kata-kali. Tulsidas fut lui aussi reconnu comme un avatar de Brahma et comme une ré-incarnation de Valmiki.

Enfin, une caste de shoudras se reconnaît de l'enseignement et de la morale du Ramayana et vénèrent Valmiki comme Brahma. Il s'agit d'une caste victime de violence et de ségrégation, et qui désire purifier son mode de vie, avancer sur le chemin spirituel, et à terme, à l'échelle de quelques générations, accéder à une caste plus respectable.

 

Au temps où se déroulaient les aventures de Rama et Sita, le sage Valmiki possédait un petit ermitage sur les bords du Gange et c'est vers celui-ci que se dirigeait Sita, en quête d'un endroit paisible où demeurer.

Lakshman, dont la séparation d'avec Sita avait été difficile, surtout quand il l'avait vue s'enfoncer seule dans la forêt de roseaux, se frappa le cœur de douleur... Voulant s'assurer que le sage étant bien présent et disposé à accueillir la reine déchue, Lakshman suivit Sita encore quelques instants, puis il fut témoin d'une scène qui lui tira toutes les larmes du corps.

Il vit Sita s'avancer vers la cabane, puis secouer la clochette qui signalait sa présence. Alors, le vénérable sage Valmiki, habillé d'une simple toile de couleur ocre, sortit d'un bosquet et sans même lui poser de question ni entraver d'une seconde son destin, il offrit un dîner à la reine, puis balaya un coin de sa cabane pour qu'elle y déposât sa couche.

Se sachant, enceinte de Rama mais ayant gardé le secret pour ne pas l'embarrasser, Sita fut alors heureuse de trouver un havre de paix dans l'ermitage du saint homme.

Voyant cela, Lakshman pleura beaucoup, puis jugeant que Sita était en sécurité et ne voyant aucune objection à confier la reine à la protection d'un ermite aussi pieux, il s'en retourna aussitôt à Ayodhya, l'âme en peine et l'esprit torturé comme s'il avait lui-même été l'auteur d'un crime contre-nature.

 

De retour d'avoir abandonné Sita dans la forêt, après des rites de purification, Lakshman alla trouver son frère pour lui faire un rapport et lui demander des comptes.

Incapable de dominer son agitation, Lakshman ne put cacher sa rancœur et dit alors à son frère :

« Pourquoi avoir une nouvelle fois permis que le destin nous sépare de celle dont la compassion n'a pas de pareil et dont la Terre elle-même ne peut rivaliser en beauté ? Ces règles et ces lois dont tu t'obsède n'ont-ils donc servit à rien d'autre qu'à attirer sur nous le mauvais sort ? »

 

Son frère le reçut et parvint à le calmer en lui conseillant d'abandonner sa colère, car, lui dit-il « la haine est toujours une arme dont se sert l'ennemi autant qu'un obstacle sur le chemin spirituel d'un aspirant à la sagesse. »

Lakshman comprit alors qu'il s'était laissé soumettre à son corps et à ses passions et s'excusa. C'est alors que Rama trouva opportun d'illuminer son esprit des plus vénérables vérités.

Le départ de SITA (récit indien extrait du Ramayana)
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