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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

L'ÎLE de la DÉESSE (mythe indo-européen)

L'île de la déesse

Pour les adorateurs de la déesse Shakti, ce qui pourrait s'apparenter au paradis est une île située aux limites supérieures de l'Univers, et qui s'appelle Mani-dvipa. Au centre de cette petite île est la cité de la déesse : Sripura. Elle est organisée comme un mandala qui reprend le dessin magique du Sri Vidya (Sri Yantra).

La déesse a construit cette île elle-même lors de la création du monde et elle se la réserve afin de s'y reposer en paix. Des rangées de murailles successives protègent Sripura. Une incarnation de chacun des dieux du panthéon hindou est présente à chacune des portes afin d'en garder l'entrée. À la fin cyclique du monde, les univers seront noyés et ravagés par le feu, la déesse et son amant Shiva se réfugieront à Sripura afin de s'unir et de recommencer le processus de création, car c'est à Sripura que Shakti pratique avec Shiva le yoga sexuel et le kundalini.

Au cœur de l'île aux pierres précieuses se trouve le jardin de Kampala [aussi nommé Karpaga ou Kadamba], le verger composé d'arbres à souhaits. Dans ce jardin se trouve la pagode de l’intelligence, uniquement composée de joyaux étincelants. Dans cette pagode se trouve le trône de Shiva et sur ce trône, tu es assise. Vague dans l'océan des vérités éternelles, bénis soit ceux qui te servent !

Shankara, Ananda Lahari, 8.

Un mythe évoquant les mêmes thèmes se retrouve au Japon. Selon le Kojiki (712), qualifié souvent de « Bible japonaise » :

« Avant toute chose existant sur terre et dans le ciel, était l’espace, sans commencement ni fin, et seulement peuplé de l’essence immatérielle des dieux primitifs au nombre de trois. A cette trinité primordiale vint s’ajouter successivement une série de divinités secondaires, mais de même essence. [...] Izanagi et Izanami furent les derniers venus de cette période embryonnaire. Ce fut à eux qu’incomba la mission sacro-sainte de reproduire leur race selon la chair. Or, les régions éthérées ne pouvaient décemment servir de théâtre à leurs amours pudibondes. En conséquence le dieu, planant au-dessus du chaos, prit son épée, la plongea dans la vaste étendue des eaux fangeuses, et, des gouttes de limon qui en ruisselaient, solidifiées tout à coup, il forma une île appelée aujourd’hui Awazi, où il vint s’abriter avec sa divine épouse. » I. Eggermont, Le Japon, histoire et religion.

« Là-dessus, toutes les divinités célestes, parlant augustement aux deux divinités le beau Izanaghi et la belle Izanami, leur ordonnant de faire, consolider et engendrer cette terre mouvante, et leur octroyant une céleste lance-joyau, daignèrent leur confier cette charge. Ainsi les deux divinités, se tenant sur le Pont flottant du ciel, abaissant cette lance-joyau et la remuant, remuant l’eau salée koworo-koworo, lorsqu’elles eurent retiré et redressé la lance, l’eau salée qui tomba de son extrémité, en s’entassant, devint une île. C’est l’île d’Onogoro. » Kojiki.

L'île de Sripura ainsi que le couple formé d'une divinité masculine et d'une divinité féminine (populaire en Inde sous la forme de Shiva et Parvati) trouve sa plus ancienne évocation en Mésopotamie, avec le mythe d'Enki et Ninhursag. Enki est le dieu de la nature, il possède un pénis immense qu'il plante dans le sol pour créer la vie. Enki et Ninhursag s'ébattent sur l'île de Dilmun.

Pour les Grecs, l'île des Bien-heureux est le lieu où vont les héros grecs après avoir péris au combat. Par ailleurs, les Champs-Élysées, la demeure des héros grecs morts à la guerre, peut entrer dans la catégorie des jardins célestes et paradisiaques, situés en dehors de la vie et de l'existence incarnée.

« Énée et la Sibylle arrivèrent dans des lieux charmants ; c'étaient de frais bocages, des bois délicieux, de fortunées demeures. Là un air plus pur est répandu sur les campagnes, et les revêt d'une lumière de pourpre : ces beaux lieux ont aussi leur soleil et leurs astres. Parmi ces ombres bienheureuses, les unes sur le vert gazon s'exercent en se jouant à des luttes innocentes, et combattent sur la molle arène : les autres formant des chœurs frappent la terre en cadence, et chantent des vers. Orphée, revêtu d'une longue robe, fait résonner sur des tons divers les sept cordes de sa lyre, y promenant tantôt ses doigts légers, tantôt un archet d'ivoire. Là est l'antique et belle race de Teucer [originaire de Troie], là ces héros magnanimes nés dans des temps meilleurs, Ilus, Assaracus, et Dardanus le fondateur de Troie. Énée est étonné de voir autour d'eux des armes, et des chars vides : les lances sont là fixées en terre, et les coursiers paissent errants et libres dans les prairies ; la noble passion des chars et des armes et des coursiers brillants, qu'avaient ces guerriers pendant leur vie, les charme encore dans les demeures souterraines de la mort.

Énée, portant ses regards à droite et à gauche, vit d'autres ombres qui goûtaient sur l'herbe la douceur des festins, et qui chantaient en chœur l'hymne joyeux d'Apollon. Elles étaient couchées au milieu d'un bois odoriférant de lauriers, où vient tomber, en roulant ses eaux abondantes, un divin Éridan [Pô]. Là étaient ceux qui ont reçu des blessures en combattant pour leur patrie ; les prêtres qui furent chastes tant qu'ils vécurent ; les poètes pieux, qui ont chanté des vers dignes d'Apollon ; ceux qui ont embelli la vie en inventant les arts ; ceux qui par leurs bienfaits ont mérité de vivre dans la mémoire des hommes. Tous ont les tempes ceintes d'une bandelette blanche comme la neige. Ces ombres s'approchaient, se répandant autour d'Énée et de la Sibylle. » Enéide, 6.

La mythologie slave mentionne quant à elle l'île de Bouïan, au centre de laquelle se dresse Alatyr, le rocher qui est le père de tous les rochers. C'est à Bouïan que résident Vélès et sa femme.

La croyance en une île magique ou vivrait reculée une déesse se retrouve dans la mythologie germanique. À propos de la déesse germanique tutélaire Herta (Nerthus), Tacite rapporte une tradition qui reflète une croyance similaire :

« Un usage commun à tous, c’est l’adoration d’Ertha, c’est-à-dire la Terre Mère. Ils croient qu’elle intervient dans les affaires des hommes, et qu’elle se promène quelquefois au milieu des nations. Dans une île de l’Océan est un bois consacré, et, dans ce bois, un char couvert, dédié à la déesse. Le prêtre seul a le droit d’y toucher ; il connaît le moment où la déesse est présente dans ce sanctuaire ; elle part traînée par des génisses, et il la suit avec une profonde vénération. Ce sont alors des jours d’allégresse ; c’est une fête pour tous les lieux qu’elle daigne visiter et honorer de sa présence. Les guerres sont suspendues ; on ne prend point les armes ; tout fer est soigneusement enfermé. Ce temps est le seul où ces barbares connaissent, le seul où ils aiment la paix et le repos ; il dure jusqu’à ce que, la déesse étant rassasiée du commerce des mortels, le même prêtre la rende à son temple. Alors le char, et les voiles qui le couvrent, et, si on les en croit, la divinité elle-même, sont baignés dans un lac solitaire. Des esclaves s’acquittent de cet office, et aussitôt après le lac les engloutit. De là une religieuse terreur et une sainte ignorance sur cet objet mystérieux qu’on ne peut voir sans périr. » Les Germains, 40.

Quelques décennies avant Tacite, Strabon rapportait aussi la croyance en une île qui serait la demeure de la plus grande des déesses et de sa communauté. Selon la toponymie antique, la Bretagne mentionnée par Strabon n'est pas exactement la Bretagne française, mais plutôt les îles britanniques actuelles.

Posidonius dit qu'il y a près de la Bretagne, une île où l'on sacrifie à Déméter et à Coré suivant des rites semblables à ceux de la Samothrace. 

Strabon, 4, 6.

Dans le même chapitre consacré à la Gaule, Strabon ajoute un autre témoignage de Posidonius, cette fois concernant les résidentes de l’île sacrée qui correspond à celle de Sein, d'Oléron ou de Ré. Derrière ce témoignage, des règles très strictes devaient régir la vie des nonnes de la région celte de la façade atlantique.

« Posidonius parle d'une petite île située dans l'Océan, non pas tout à fait en pleine mer, mais vis-à-vis de l'embouchure de la Loire : elle est habitée par les femmes des Samnites [Celtes d'Italie], possédées de Dionysos et qui cherchent à se rendre ce dieu propice par des cérémonies mystiques et autres pratiques sacrées singulières. Aucun homme n'aborde en cette île : ce sont les femmes elles-mêmes qui passent sur le continent pour avoir commerce avec les hommes, et s'en retournent ensuite. C'est aussi l'usage qu'une fois par an on enlève le toit du temple, et qu'on le refasse le même jour avant le coucher du soleil, chaque femme apportant à cet effet sa charge de matériaux. Si l'une d'elles laisse tomber cette charge, les autres la mettent en pièces, et portant avec des cris de bacchantes les membres de la malheureuse autour du temple, elles ne cessent point qu'elles n'aient senti cesser leur fureur. Or chaque fois il arrive à quelqu'une de tomber et de souffrir cette mort. »

Pour les Celtes et les Slaves, il n'y a pas de monde infernal, ni d'enfer en profondeur, mais une île (Avalon), ou une prairie, située à l’écart du monde. Là, règne l’éternel printemps. Dans une légende commune aux Indo-Européens et aux Finnois, les âmes des morts vont où s'envolent les oiseaux, vers le sud, dans un pays chaud. Il s'agit alors d'une migration, avant un retour, c’est-à-dire une réincarnation. Chez les Frisons, c'est l'île mystérieuse de Brittia.

La mythologie irlandaise mentionne quant à elle des dieux venus de quatre îles situées au nord du monde : Falias, Gorias, Findias et Murias. Dans la mythologie nordique, à l'extrême nord du monde se situent les « îles des sorcières », Blokula en suédois et Kyopelinvuori en finnois.

L'ÎLE de la DÉESSE (mythe indo-européen)

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