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Arya-Dharma, l'héritage indo-européen

La bibliothèque numérique consacrée aux traditions et mythologies primordiales et indo-européennes

Le corpus MAZDÉEN

L'Avesta est le livre saint des zoroastriens. Il s'agit d'une compilation hétérogène de textes datant de contextes et d'époques très différentes. Nous distinguons dans l'Avesta deux parties principales et plusieurs autres mineures. Les deux parties principales regroupent les textes de liturgie les plus étudiés par les universitaires comme par les mystiques zoroastriens. Il s'agit du Yasna et du Yesht. Un « yasna » est une prière rituelle, un « yesht » est un hymne.

« L’Avesta, dans la forme actuelle, a été compilé et fixé sous la dynastie des Sassanides, au 4e siècle de notre ère, avec les débris d’un ancien Avesta, perdu ou détruit sous les successeurs d’Alexandre. Il n’en subsiste que des fragments, dont quelques-uns remontent à une époque fort ancienne. Il est écrit en langue zende, qui est celle des inscriptions achéménides, alors que, du temps des Sassanides, la langue usuelle était le pehlvi. Par la langue, par les mythes, par le nom même des divinités, l’Avesta se rattache à cette époque pré-arienne, d’où sont issus les Vedas de l’Inde. Mais tandis que l’imagination hindoue, dans son inépuisable fécondité, multipliait les genèses divines, le génie plus sobre de l’Iran choisissait dans le trésor commun le drame de l’orage, la lutte du soleil et des ténèbres, et, le transposant dans le domaine moral, en faisait la lutte du bien et du mal, représentés par Ahura-Mazda et par Angra-Mainyu (Ahriman). » A. Gasquet, Le culte et les mystères de Mithra.

 

Le Yasna est la couche la plus ancienne du corpus. Il s'agit de 72 chants de louanges et de prières adressées à Ahura-Mazda et à ses anges, de la part de Zarathoustra et des prêtres du mazdéisme. Il peut être divisé en trois couches, qui sont mélangées dans le corpus du Yasna. On distinguera les Gathas et le Yasna Haptanghaiti, qui sont les compositions les plus anciennes, des autres yasnas plus tardifs et datant de l'époque achéménide (v. -500).

Les Gathas sont les paroles attribuées à Zarathoustra. Rédigé dans la même langue archaïque que les Gathas, le Yasna Haptanghaiti semble avoir été écrit par les disciples directs de Zarathoustra. Il concerne les yasnas 35 à 41. Composés dans un perse très archaïque, nommé l'avestan ancien, ces yasnas les plus anciens sont datés du milieu du second millénaire avant notre ère, car c’est l'époque retenue de nos jours par les universitaires pour situer la vie de Zarathoustra. Cette datation ne repose pas sur des inscriptions, ni sur des vestiges archéologiques, car nous n'en possédons pas avant le milieu du premier millénaire et l'Empire achéménide. Une datation si haute repose plutôt sur la linguistique comparée. On peut ainsi se faire une idée, dans le temps et dans l'espace, de la division culturelle entre tribus aryennes perses (mazdéennes) et indiennes (védiques). Il ressort de telles études, que les yasnas les plus anciens furent composés par Zarathoustra dans sa propre langue, l'avestan. Très proche du sanskrit rig-védique, ce dialecte devait être parlé durant le second millénaire, tandis qu'il n’était plus qu'une langue morte un millénaire plus tard. L'ancien avestan n'est donc pas seulement la langue théologique des prêtres achéménides mais aussi une des langues vernaculaires des anciens Aryens installés au nord de la Perse.

Il est donc communément accepté de dater la première composition orale des Gathas et du Yasna Haptanghaiti entre -1500 et -1200, période durant laquelle l'avestan était parlé par les Aryens de Transoxiane et de Bactriane. Zarathoustra, supposé avoir vécu entre les monts Zagros et la Bactriane, était locuteur de cette langue. De tels indices nous permettent donc de situer la vie de Zarathoustra au second millénaire.

Faisant aussi partie du corpus avestique, le Yasht est l'autre source essentielle permettant de mieux connaître la religion mazdéenne. Il s'agit de 21 chants de longueurs différentes et honorant chacun une divinité différente. Si la composition du Yesht remonte aux Achéménides, les premiers textes ne nous sont pas parvenus. Ce sont les copies datant de l’Empire sassanide (224 à 651 apr. J.-C.) que nous connaissons. La langue de rédaction des yashts est l'avestan récent, c’est-à-dire la langue théologique des prêtres achéménides.

Alors que les prêtres mazdéens entreprirent la compilation de ce qui deviendra l'Avesta, ils ne voulurent pas exclure les doctrines perses hétérodoxes, mais au contraire les incorporer. Si les premières compositions orales de l'Avesta avaient eu pour objectif de transmettre les paroles et la doctrine du Zoroastre, la seconde rédaction de l'Avesta eut plutôt pour but d'unifier, dans un même courant, les différentes traditions perses issues du socle culturel indo-iranien. Commande royale, la seconde couche de l'Avesta est donc rédigée dans une langue qui n'est plus celle des premiers textes rédigés quelques centaines d'années plus tôt.

Si Zarathoustra est mentionné dans les yashts, leur tonalité est bien différente du Yasna. À la place d'un monothéisme centré sur Ahura-Mazda et ses principaux anges, on trouve un polythéisme composé des principales divinités alors présentes dans l'Empire Perse. L'Empire achéménide, qui souhaitait fédérer plutôt que diviser les peuples de Perse, favorisa la rédaction d'un corpus qui, tout en excluant les doctrines étrangères et déviques (védiques), laissait la possibilité aux traditions polythéistes locales de perdurer, malgré l'interdiction doctrinale zoroastrienne du polythéisme.

C'est ainsi que Mithra devint « la création préférée d'Ahura-Mazda », alors qu'à l'origine, il était son pendant lumineux, comme le védique Mitra est le frère lumineux de Varuna, le « roi de la nuit », et non son fils. De même, Verethragna devient « le meilleur et le plus puissant des alliés d'Ahura-Mazda », tandis que sous sa forme dévique (Indra), il était le roi des dieux, le seigneur des seigneurs. Anahita Sura Devi, la déesse de l'eau, la guerrière tutélaire de nombreuses villes et villages aryens, devint quant à elle la « meilleure alliée d'Ahura-Mazda. »

Divinités auparavant absentes des yasnas, Mithra, Anahita, Bahram et son incarnation l'oiseau Verethragna, font leur apparition dans l'Avesta. Si ces divinités sont directement inspirées du panthéon aryen, telles Vayu et Mithra, elles sont aussi fortement inspirées par les civilisations voisines de Mésopotamie (Mithra évoquant tout autant Shamash, le dieu solaire élamite, que Mitra, le compagnon du Varuna védique). La présence de ces divinités peut s'expliquer par le besoin qu'avaient les rédacteurs de l'Avesta tardif d'inclure des divinités guerrières à l'image du puissant Empire perse. Il s'agissait d'inclure des divinités originaires des différents clans aryens, afin de les fédérer, mais aussi d'inclure des divinités extraites du panthéon des peuples soumis mais encore puissants (et donc utiles). C'est ainsi que le Mithra de l'Avesta doit autant au Mitra védique qu'à Shamash, dieu solaire mésopotamien et élamite. C'est même Shamash qui dotera le dieu des soldats aryens de son caractère solaire, qui par ailleurs ne se retrouve pas d'une manière aussi prononcée en Inde.

Dans l'Avesta, composé du Yasna et du Yasht, se distinguent donc très clairement deux univers culturels bien distincts, mais pour autant conciliables grâce à la présence de Zarathoustra au début et à la fin de chacun des hymnes. Dans la première couche de l'Avesta, Zarathoustra est un personnage historique, qui tel Mohammed ou Jésus voyageait par le monde en recevant à intervalle régulier la grâce de Dieu. Si ce n'est Ahura-Mazda et ses anges, aucune autre divinité n'est présente. Il s'agit véritablement d'une des toutes premières formes de monothéisme.

Dans la seconde couche de l'Avesta, Zarathoustra parle peu. Il n'est plus tant un prophète, qu'un archange, sanctionnant d'une bénédiction chacune des divinités citées. Il est devenu un personnage secondaire, parfois réduit au simple rôle de grand prêtre. Il ouvre et ferme les hymnes, d'une manière souvent artificielle. Le Zoroastre n'est donc plus celui auquel Dieu parle directement, mais il est toujours le témoin d'une vision mystique. Il n'est plus celui qui pose des questions à Dieu, mais il est encore celui qui observe et prend note.

 

Citons aussi le Vendidad, une autre célèbre partie de l'Avesta. Il s'agit d'un recueil de règles morales pour éloigner les démons. Vendidad est aussi le nom d'une cérémonie durant laquelle les yasnas sont récités.

Afin de compléter notre panorama de la littérature théologique zoroastrienne, citons le Denkard, d'Adurfarnbag-i Farrokhzadan (9e siècle) et le Bundahishn. Bundahishn est un terme désignant les œuvres cosmogoniques mazdéennes écrites en pahlevi, aussi appelé le moyen perse. Cette langue était celle de l'empire sassanide (v. 200 à 600) et demeura celle des zoroastriens jusqu'à la fin du premier millénaire.

Enfin, œuvre mineure, le Livre d'Arda Viraf est le récit de la visite d'un zoroastrien auprès d'Ahura-Mazda. Écrite après l'islamisation de la Perse, mais présentant une vision des enfers et du paradis tout à fait typique du mazdéisme le plus classique. Cette œuvre est représentative de son époque : voulant sauvegarder leurs traditions, des poètes et écrivains zoroastriens ont compilé, avec des fortunes littéraires diverses, les mythes et les légendes de la Perse préislamique.

 

Les chroniques perses zoroastriennes ayant en grande partie été détruites, il convient donc de s'intéresser au Livre des rois du Perse Ferdowsi (940-1020), mais aussi au Zaratusht-Nama (Le Livre De Zoroastre) de Zartusht-i-Bahram ben Pajdu (Zartosht Bahram e Pazhdo, v. 1225).

Le Livre des rois est un monument de la littérature perse. Avec le Bundahishn, il est la source d'information la plus abondante concernant le patrimoine mythologique perse préislamique. Y sont répertoriées la plupart des figures héroïques de la Perse ancienne. Cependant, il ne s'agit pas d'une œuvre à proprement parler zoroastrienne ou mazdéenne, mais plutôt d'une épopée romanesque sans prétention théologique. Zoroastrien, Ferdowsi pratiquait la taqiya, c’est-à-dire la dissimulation, afin de ne pas être considéré comme un mécréant par les musulmans.

Le Zardusht-Namma, « la vie de Zarathoustra », est un texte qu'il est difficile de dater et d'attribuer. Le Zardusht-Namma n'est pas un texte sacré. Vraisemblablement composé après l'islamisation de la Perse, ce texte compile des sources bien antérieures. Cette hagiographie de Zarathoustra est l’œuvre la plus complète sur la vie du prophète aryen, mais il s'agit d'une œuvre de « catéchisme », écrite à l'attention des jeunes zoroastriens et non d'un travail historique ou biographique. D'ailleurs, comment le pourrait-elle ? Tout ce que nous savons sur Zarathoustra se trouve dans les yasnas les plus anciens et nulle part ailleurs.

Zarathoustra

Zarathoustra

Le corpus MAZDÉEN

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