23 Décembre 2021
S'il y a bien une chose que je sais, c'est que l’on accède au Seigneur en chantant et en dansant : je l’accueillerai donc avec des guirlandes, je l'embrasserai, je le serrerai contre mon cœur, celui dont je chante le nom et auquel j'adresse ma danse et mes offrandes de fleurs. N'oubliez pas que les démons, comme les dieux, chantent la gloire de Shiva, alors nous aussi glorifions celui qui brille dans notre cœur.
Bacchus, après avoir en trois ans accompli la conquête des Indes, célébra son retour, sur ses bords ombragés et fleuris du fleuve Callichore (Oxinos), par des chœurs de danse et des orgies.
Bacchus, dans son expédition des Indes, afin d'être reçu plus aisément dans les villes, ne marchait pas armé à découvert. Ses troupes étaient vêtues de robes légères et de peaux de cerfs. Les javelots étaient ombragés de lierre, et l'on ne voyait pas la pointe dont les thyrses étaient garnis. Les sonnettes et les tambours tenaient lieu de trompettes, et les ennemis domptés par le vin, ne s'occupaient que de la danse. En un mot tous les mystères auxquels on a donné le nom d'orgies, ne sont qu'une représentation des ruses dont Bacchus s'était servi pour assujettir les Indiens et les autres peuples de l'Asie.
De même qu'en Égypte, Alexandre s’était approprié le mythe de Zeus-Ammon à des fins de propagande, de passage en Inde himalayenne, il s’appropria à la fois le mythe du Dionysos européen et celui du Shiva indien, en apparaissant à la tête d'une armée bigarrée, racialement et religieusement hétérogène, souvent devancée par des cortèges bacchiques. Afin d'évoquer les frasques du tendancieux Dionysos dont il ne cessait de se revendiquer, Alexandre apparaissait régulièrement en public ivre ou à la tête d'un aréopage de prostitués et de prêtres hétéroclites.
Bien que doutant lui-même de la véracité de ce qu'il rapporte, voici en quels termes Arrien, nous représente le retour en Perse d’Alexandre à la suite de sa victoire contre Porus le roi des Indiens du Sindh :
« Quelques historiens rapportent, contre toute vraisemblance, qu'Alexandre traversa la Carmanie (Perse) sur deux chars attachés ensemble, au milieu d'un cortège de favorites et de musiciens dont il écoutait les concerts, nonchalamment penché, tandis que ses soldats, le front couronné, le suivaient en folâtrant, et que les habitants accouraient en lui apportant tout ce qui pouvait fournir à sa table et à ses débauches. Ils ajoutent que c'était à l'exemple du triomphe de Bacchus qui traversa dans cet appareil une grande partie de l'Asie après la conquête des Indes. Cette pompe, reproduite depuis, est devenue celle de tous les triomphateurs » (Arrien, Expéditions d’Alexandre, 6).
Ce que nous suggère Arrien, après nous avoir mis en garde contre les exagérations évidentes qu'il ne peut que colporter à son tour, c'est qu'ayant puisé son inspiration dans le mythe du cortège dionysiaque, Alexandre devint lui-même la référence des monarques qui, après lui, imitèrent sa pompe et sa magnificence. Avec Alexandre, commence en Occident la mode des défilés somptueux et décadents, composés de bêtes féroces et de guerriers vaincus enchaînés. Rome, surtout, reprendra à son compte ces défilés cruels et tragiques : César fera défiler les Gaulois enchaînés dans des cages à ours ou marchant courbés par le pilori, le cortège d'Héliogabale défilera derrière un immense phallus, et de retour de Scythie ou de Perse, les armées victorieuses exhiberont les bêtes sauvages du Caucase.
Ces défilés, cette morgue impériale, cette fausse légèreté qui débouche sur de la violence primaire, est une cruelle leçon de domination et de soumission. C'est l'enseignement de Rudra-Shiva, le doux colérique.
« Ô bienheureux, l'homme chéri des dieux qui, initié à leurs mystères, mène sur la montagne la vie des élus, fait entrer son âme dans le cortège et, par la vertu des purifications, devient Bacchos...
Bientôt toute terre dansera quand Bromios, prenant la tête de la troupe, conduira les siens de crête en crête... Joie dans la montagne, après la danse bondissante, de s'écrouler sur le sol, portant du faon la dépouille sacrée, de goûter le sang du bouc égorgé, et la grâce de la chair crue, tandis que, sur les collines phrygiennes, lydiennes, Bromios lance l’évohé !
La terre ruisselle de lait, ruisselle de vin, ruisselle du nectar des abeilles... Alors, brandissant comme une torche la flamme rouge de son thyrse, Bacchos précipite sa course. Prodiguant ses clameurs, il stimule la frénésie des chœurs. La volupté de ses cheveux se dénoue dans le ciel. Sa voix appelle comme un tonnerre. » Euripide, Les Bacchantes (trad. Bonnard).
Non seulement Dionysos est le grand prêtre des initiations, mais il est aussi l'initié lui-même. Il n'est pas seulement la divinité de la mort, mais aussi l'homme qui meurt. Il n'est plus seulement le prêtre qui exerce les rituels, mais il devient le sage, transcendé par l'expérience de la vie et de la mort. Dionysos porteur de vie, porteur du thyrse symbolise du renouveau du printemps, des forces vives de la nature, s'efface alors devant le Dionysos oriental, celui du sacrifice initial de l’être cosmique. De dangereuse divinité printanière, cause d'ivresse et de trance pulsionnelle, il est devenu le sombre gardien des enfers, le premier être à mort et à revivre après être mort.
Le caractère ambivalent, voir tout à fait suspicieux du culte de Dionysos, n'était d'ailleurs pas du tout ignoré des Grecs, qui s'en méfiaient et ne désiraient nullement le normaliser. C'est ainsi qu'Héraclite expose très clairement le nihilisme fanatique de son culte, en n'hésitant pas à la comparer à celui d'Hadès, le dieu de la mort, le gardien des enfers : « Si ce n'était pas pour Dionysos qu'ils font la procession et chantent l'hymne du phallus, prévient Héraclite, ce seraient des actions de la dernière impudence. C'est un seul et même être que Hadès et Dionysos, pour qui ils délirent et font les bacchants » (Fragments).
Les pratiques dionysiaques, de type orgiaque, donnèrent lieu à des abus, dont témoigne la célèbre affaire des Bacchanales, qui défraya la chronique romaine en 186 av. J.-C. :
« Un Grec de naissance obscure était venu d'abord en Étrurie ; il n'avait aucune de ces connaissances propres à former l'esprit et le corps dont l'admirable civilisation de la Grèce nous a enrichis. Ce n'était qu'une espèce de prêtre et de devin, non point de ceux qui prêchent leur doctrine à découvert et qui, tout en faisant publiquement métier d'instruire le peuple, lui inspirent des craintes superstitieuses, mais un de ces ministres d'une religion mystérieuse, qui s'entoure des ombres de la nuit. Il n'initia d'abord à ses mystères que très peu de personnes ; bientôt il y admit indistinctement les hommes et les femmes, et, pour attirer un plus grand nombre de prosélytes, il mêla les plaisirs du vin et de la table à ses pratiques religieuses. Les vapeurs de l'ivresse, l'obscurité de la nuit, le mélange des sexes et des âges eurent bientôt éteint tout sentiment de pudeur, et l'on s'abandonna sans réserve à toutes sortes de débauches ; chacun trouvait sous sa main les voluptés qui flattaient le plus les penchants de sa nature.
Le commerce infâme des hommes et des femmes n'était pas le seul scandale de ces orgies ; c'était comme une sentine impure d'où sortaient de faux témoignages, de fausses signatures, des testaments supposés, de calomnieuses dénonciations, quelquefois même des empoisonnements et des meurtres si secrets, qu'on ne retrouvait pas les corps des victimes pour leur donner la sépulture. Souvent la ruse, plus souvent encore la violence, présidaient à ces attentats. Des hurlements sauvages et le bruit des tambours et des cymbales protégeaient la violence en étouffant les cris de ceux qu'on déshonorait où qu'on égorgeait.
Cette lèpre hideuse passa, comme par contagion, de l'Étrurie à Rome. L'étendue de la ville, qui lui permettait de receler plus facilement dans son sein de pareils désordres, les déroba d'abord aux regards ; mais enfin le consul Postumius fut mis sur la trace des coupables. […] »
[Celui-ci, devant l'assemblée de Rome, prononça un discours enflammé :]
« Citoyens, jamais discours ne fut plus à propos, et n'eut plus besoin d'être précédé de cette invocation solennelle, qui vient de vous rappeler quels sont les dieux que vos ancêtres ont toujours honorés de leur adoration, de leurs hommages et de leurs prières, car ils n'ont jamais reconnu ces divinités étrangères, dont le culte infâme aveugle les esprits et les pousse par une sorte de délire fanatique dans un abîme de forfaits et de souillures. […] Vous savez que les Bacchanales se célèbrent depuis longtemps dans toute l'Italie, et maintenant même dans plusieurs quartiers de Rome. À défaut de la renommée qui vous en est instruite, vous l'auriez appris, j'en suis sûr, par ces sons discordants et ces hurlements qui retentissent la nuit dans toute la ville. Mais vous ignorez en quoi consistent ces mystères. […] D'abord ce sont en grande partie des femmes, et là fut la source du mal, puis des hommes efféminés, corrompus ou corrupteurs, fanatiques abrutis par les veilles, l'ivresse, le bruit des instruments et les cris nocturnes. C'est une association sans force jusqu'à présent, mais qui menace de devenir très redoutable, parce que de jour en jour elle reçoit de nouveaux adeptes. » Tite-Live, Histoire romaine, 39.
Les femmes jouent effectivement un grand rôle dans les mythes dionysiaques. Répondant à l'appel de leur maître, elles quittent leur foyer pour suivre le dieu sauvage dans les montagnes et s'adonner avec lui à de frénétiques trances orgiaques. Ce sont elles qui tuèrent Penthée et qui assurèrent les victoires de Dionysos en ensorcelant les soldats ennemis. Appelées bacchantes ou ménades, les figures féminines qui accompagnent et escorte Dionysos évoquent la tradition tantrique cachemirie. Dans sa représentation tantrique, Shiva est accompagné d'une multitude de femmes plus petites, les esprits des bois, les yakshinis, qu'il fait jouir avec chacun de ses membres et de ses doigts. Seigneur des orgies collectives, le Shiva tantrique n'est autre que Dionysos à la tête de ses bacchantes hystériques, donc orgasmiques.
Renouvelant avec la tradition des chamanes, les mystères dionysiaques proposent une expérience directe de la transe. Dans la tragédie d'Euripide produite en 405 avant J.-C., la folie qui saisit les bacchantes n'est pas sans rappeler celle des sorcières qui dansent les soirs de sabbat, ou encore la danse des fées à l'intérieur du cercle magique. Les sorcières et les nymphes incarnent en effet l'ivresse orgiaque des sens, de même que l'intense plaisir charnel.
« La danse est le plaisir favori des fées. La nuit, sous les rais les plus limpides de la Lune, elles se rassemblent pour former une ronde, et, sans courber le brin d'herbe. Sous leurs pas, sans effleurer le sol, elles dansent, ou plutôt glissent au son d'instruments mélodieux. Malheur à l'imprudent qui s'approche de ces mystérieux coryphées ! Un vertige irrésistible l'entraîne à prendre part à leur séduisant plaisir. D'abord, accueilli avec grâce, encouragé avec complaisance, le profane se félicite de son audace. Mais, bientôt, le cercle magique redouble de vitesse, tournoie sans relâche, s'élance, bondit, puis se rompt avec effort, et laisse échapper l'infortuné, qui tombe, épuisé, contre le sol. Quelquefois même, comme trait final, les fées malicieuses s'amusent à lancer leur partenaire à une hauteur considérable, et si la mort ne suit pas cette chute, il se retrouve, au matin, brisé de contusions, endolori de meurtrissures. La place où les fées ont dansé se fait reconnaître ; elle est circulaire, et l'herbe y est comme brûlée. C'est ce que le peuple appelle Cercle des fées. Il y en a de deux sortes : les uns avec un gazon vert, au milieu d'un contour desséché, et les autres pelés au centre, mais entourés à la circonférence d'un gazon plus épais et plus frais que le reste de la prairie. » A. Bosquet. Légendes de Normandie.
On retrouve ce goût de la danse dans toutes les sociétés primaires. Pour celles-ci, la danse n'est pas un loisir ou un sport, mais un langage permettant d'exprimer ce qui doit être compris malgré l'analphabétisme. La danse est donc un lien social, tout comme un moyen de transmettre des coutumes et des valeurs, sans avoir recours à l'austère religion ou à la docte tradition orale ou écrite.
« Au lieu d’affaiblir la morale publique, ces danses la fortifient et élèvent les âmes vers l’héroïsme. Voyez les palikars grecs et les younaks slavons préparer leur danse du kolo ; ils se placent sur deux lignes dans une plaine ouverte : chacun saisit son voisin par la ceinture, en lui tendant un mouchoir blanc. Alors commence le kolo (danse du cercle), qui va s’élargissant toujours, entraînant par centaines, dans sa course circulaire, tous ceux qu’elle trouve sur son passage.
Ailleurs, dans quelque coin de la plaine, au son de la gousla, s’exécute une danse plus paisible, celle de l’oie, où le danseur et la danseuse isolés tracent des cercles de plus en plus étroits l’un autour de l’autre. On voit aussi danser la valaque (la momatchka igra des Bulgares), qui consiste à tourner sur les talons en se baissant et se relevant, puis à sauter en rentrant les genoux et en faisant claquer les doigts. On retrouve cette danse chez les paysans de la Moscovie ; burlesque et disgracieuse, malgré la naïveté de ses figures et la prodigieuse souplesse avec laquelle on les exécute, elle semble avoir été inventée pour des peuples satyres. Les Grecs ne daignent pas danser la valaque ; mais, là-haut sur la colline, voyez-les exécuter leur terrible pyrrhique, appelée aussi l’albanaise, qui fait trembler au loin la terre et inonde de sueur l’homme le plus fort. Celui qui la mène frappe du pied en cadence, et tous ceux qui le suivent l’imitent, tantôt en brandissant leurs sabres nus, tantôt-en élevant leurs bras entrelacés.
Dans l’ancienne société hellénique, chaque danse était, pour ainsi dire, un récit, le résumé d’un drame ; chacune avait un caractère ; il fallait que la pantomime suppléât la parole, et fût assez claire pour faire comprendre le sujet. L’art de la danse, devenu ainsi une véritable étude, atteignit chez les anciens Grecs une haute perfection, dont il est douteux que nos danses modernes approchent. Chaque province grecque a encore aujourd’hui sa danse locale toujours figurée, et qui semble n’être que le souvenir dénaturé d’une pantomime religieuse d’avant le christianisme. » C. Robert, Le Monde gréco-slave.
De la compagne d'Alexandre le Grand en Himalaya, jusqu'à l’affaire des bacchanales à Rome, nous pouvons dire que la tradition dionysiaque fut souvent réduite à sa plus grotesque incarnation, celle d'une divinité à la fois instable et dangereuse, amie des femmes, donc, en quelque sorte, ennemi des hommes. Divinité nihiliste par excellence, Dionysos sépare les familles, viole les vierges, pousse les hommes à l'émasculation, exhorte les femmes à la danse, etc. Maître et déclencheur des hystéries collectives, il est l'inspirateur de ce qui deviendra le carnaval médiéval, le bal des fous, la cour des miracles, autant de mythes bouffons qui doivent tant au mythe de Pan qu'à celui de Dionysos lui-même.
Cependant, dans une inversion typique à l'ésotérisme, le plaisir des sens signifie en réalité l’indifférence totale à ces mêmes plaisirs. Les ayant compris, les ayant vécus et les ayant rejetés, l'initié tend alors non pas à se complaire dans ses plaisirs, mais plutôt à les dépasser. Loin d'accepter les jouissances terrestres, le disciple de Dionysos espère s'en libérer. Ce qu’il espère alors de Dionysos c'est la libération de son âme, l'accès au bonheur véritable, et non un plaisir momentané. De même que les védiques voyant en Rudra le gardien de leurs illusions, donc le possible destructeur de leur illusion, Dionysos est le dompteur des vices, le dompteur des plaisirs, le dompteur des femmes, il est donc leur dominateur, leur souverain, leur maître absolu.
Régnant en maître sur ses passions, sur les énergies animales et pulsionnelles, Dionysos est donc le yogi ultime, celui qui peut, selon la tradition zen, se jouer du vice et même en abuser, car il est à jamais en dehors de toute souillure. Quoi qu'il fasse, Dionysos agit avec détachement, maître de lui-même et égal comme un rishi, calme comme un yogi, imperturbable.
Le thème de l'orgie, essentiel chez Dionysos est d'ailleurs bien présent dans les mythes de Shiva. Atala, le premier des mondes souterrains, est décrit par les Puranas comme un domaine hanté par les ganas, les légions de Shiva. Ces ganas, loin de terroriser les âmes ou de les maltraiter comme dans les enfers les plus profonds, sont plutôt des compagnons d'orgie, qui accueillent les âmes pour leur offrir une boisson à base de cannabis ainsi qu'un plaisir immense mais rapide, avant de les laisser continuer leur chemin vers les abysses de la Terre. Par ailleurs, durant shivaratri, le festival anniversaire de Shiva, l'intoxication au cannabis est encouragée par le contexte rituel et théologique lié à la célébration de Shiva.
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