25 Novembre 2023
Pour Henri Stierlin, dans Maya (1964) :
« Les théories les plus invraisemblables ont été formulées [...]. Elles continuent à hanter les amateurs d'histoire romancée. Toutes postulent que les grandes civilisations précolombiennes ont une origine extra-américaine. Tantôt la culture maya serait issue de l'Egypte, d'Israël, des Grecs ou des Scythes, tantôt les Chinois ou les peuples de l'Asie du Sud-Est auraient importé leurs connaissances dans le Nouveau Monde. A l'appui de ces thèses diffusionnistes, les auteurs citent des similitudes entre les pyramides mexicaines et les « zigourats » mésopotamiennes, qui, avec leur temple haut relié au sol par de vastes escaliers, s'apparentent réellement par la forme aux constructions méso-américaines. D'autres historiens, quant à eux, ont mis l'accent sur des analogies entre les hiéroglyphes mayas et les écritures crétoises et égyptiennes. Toutes ces constructions de l'esprit témoignent d'une fantaisie débridée. [...] En réalité, ces parentés sont secondaires, et les thèses de ce genre font fi des données matérielles et historiques. Elles ne peuvent prouver l'existence de contacts entre civilisations éloignées de dix mille kilomètres et de plusieurs millénaires. » H. Sterlin, Maya.
Mais plus loin :
« Mais les rencontres les plus troublantes sur lesquelles les diffusionnistes ont attiré l'attention sont relatives aux cultures du Sud-Est asiatique. En effet, entre les temples de Palenque, par exemple, et les constructions d'Angkor, il existe plus d'une similitude: pyramides à degrés, escaliers monumentaux, couloirs surmontés de fausses voûtes, temple haut à portiques, murs ornés de balustres engagés, et surtout identité fondamentale entre les sites où se sont épanouies ces deux civilisations presque contemporaines: car la jungle du Cambodge est aussi hostile que celle du Peten ou du Chiapas. Les Khmers sont donc avec les Mayas parmi les seuls hommes qui firent fleurir une haute culture dans la forêt vierge. Il y a là des parallèles étonnants, certes, car on sait aujourd'hui que le peuplement de l'Amérique s'est fait à partir de l'Asie. En outre, les travaux de Lévi-Strauss ont souligné certaines stylisations procédant par dédoublement et symétrie. On retrouve les mêmes principes ornementaux et le même traitement graphique des surfaces tout autour du bassin du Pacifique, dans la Chine archaïque comme chez les primitifs de Sibérie ou de Nouvelle-Zélande, ou encore en Alaska et en Mélanésie, et enfin en pays maya. Les masques de «t'ao-t'ie» des bronzes chinois tcheou, les poteaux totems du nord du continent américain et les décorations de temples au Yucatan, au moyen de masques du dieu Chac, présentent tous la même systématique formelle. » H. Sterlin, Maya.
Chez Émile Daireaux, Les Races indiennes dans l'Amérique du Sud (1876) :
« Ne trouvait-on pas au Mexique, comme symbole du culte, la croix? Il est vrai qu’on la trouvait aussi en Égypte et en Syrie dans la plus haute antiquité, mais il était permis de l’ignorer; chez les Aztèques existait même une cérémonie où l’eau et le sel jouaient chrétiennement leur rôle et qui se rapprochait beaucoup du baptême; on trouvait aussi la communion, ou du moins l’usage du pain, du vin et de l’eau consacrés, mais on oubliait que ce rite avait existé chez les Grecs et les Égyptiens, et que la purification par l’eau appartient à un grand nombre de peuples. »
Dans l'introduction du Bardo Thödol du Lama Kasi Dawa Samdup :
« Certains des Lamas les plus érudits, parmi lesquels le défunt Lama Kazi Dawa-Samdup, ont pensé que depuis les premiers âges, il y eut une sorte de code secret symbolique international, commun aux initiés, donnant la clé du sens profond des doctrines occultes et jalousement gardé dans des fraternités religieuses aux Indes, Tibet, Chine, Mongolie et Japon.
De semblable manière, les occultistes occidentaux ont considéré les écritures hiéroglyphiques de l'Égypte ancienne et du Mexique, comme une sorte de forme popularisée et exotérique du langage secret. Ils disent aussi qu'un code symbolique fut parfois employé par Platon et d'autres philosophes grecs dans les relations des sciences orphique et pythagoricienne. Dans le monde celtique, les Druides transmirent symboliquement tout leur enseignement ésotérique ; l'emploi des paraboles dans les sermons de Jésus, du Bouddha et des autres Grands Instructeurs, montre la même tendance. Et par des ouvrages comme les Fables d'Ésope et les miracles et mystères joués en Europe médiévale beaucoup des vieux symboles orientaux ont été introduits dans la littérature moderne de l'Ouest.
Il y a une grande évidence à supposer que l'une des sources de philosophie morale cachée dans les Fables d'Ésope et, par comparaison, dans le Pantchatantra et l'Hitopadesha hindous, peuvent être retracés dans les contes populaires orientaux primitifs sur les animaux et les symboles d'animaux, qui ont aussi formé, d'après certains érudits, les Jatakas ou histoires des diverses renaissances du Bouddha. De même les mystères chrétiens contiennent un symbolisme si semblable à celui des mystères joués encore aujourd'hui sous le patronage religieux dans le Tibet et les territoires bouddhistes du Nord, que cela semble indiquer un autre courant d'orientalisme venu en Europe. L'apparente canonisation romaine du Bouddha sous le nom médiéval de saint Jehoshaphat, montre comme les choses orientales devenaient occidentales. L'ouvrage médiéval De Arte Moriendi existe en versions et variantes : latines, anglaises, françaises et autres langues européennes, et semble suggérer une infiltration plus profonde des idées orientales sur la mort et l'existence d'après la mort, ainsi qu'elle se trouve dans le Bardo Thödol tibétain et le Livre des Morts égyptien. Nous avons mis en notes des extraits du De Arte Moriendi se rapportant au texte du Bardo est une étude remarquable sur le parallélisme des textes du Nouveau Testament et du Canon Bouddhique, et suggère que ce champ inexploré et plein de promesses pourrait démontrer les correspondances entre les penses et les littératures orientales et occidentales [...]
Quoi qu'il en soit, il est certain que pour les grands systèmes de la pensée anciens, ni les littératures nationales ni le langage journalier n'étaient capables d'exprimer les doctrines transcendantales, ni toute la valeur de la signification des maximes morales.
L'agneau, le dragon (ou serpent), la colombe au-dessus de l'autel, le triangle entourant l’œil à la vision universelle (commun à la Franc-Maçonnerie), le symbole sacré du poisson, le feu éternel, ou l'image du soleil levant sur le tabernacle, les symboles architecturaux de l'orientation des églises et cathédrales, la croix elle-même, et les couleurs et dessins des robes des prêtres, des évêques et du pape sont les témoins muets des survivances du symbolisme païen dans les églises chrétiennes modernes. Mais le sens secret contenu dans ces symboles christianisés a été inconsciemment rejeté. Des ecclésiastiques non initiés se réunirent en conciles pour détruire l'hérésie ; s'étant pris à regarder la chrétienté primitive si enveloppée de symbolisme (les Gnostiques) comme "une imagerie orientale folle" ils la répudièrent comme hérétique, alors qu'elle était seulement ésotérique. »
Chez Alexander von Humbold:
« Cet intérêt sera augmenté encore par les notions que nous donnerons plus bas sur la tradition mexicaine des quatre âges, ou quatre soleils, qui offre des rapports frappants avec les yugas et les kalpas des Hindous, et sur la méthode ingénieuse qu’emploient les Indiens Muyscas, peuple montagnard de la Nouvelle-Grenade, pour corriger leurs années lunaires par l’intercalation d’une trente septième lune, appelée sourde ou cuhupqua. C’est en rapprochant et en comparant les différents systèmes de chronologie américaine, que l’on pourra juger des communications qui paraissent avoir existé, dans des temps très reculés, entre les peuples de l’Inde et de la Tartarie et ceux du nouveau continent. […] Le commencement du jour civil des Aztèques était compté comme celui des Persans, des Égyptiens, des Babyloniens et de la plupart des peuples de l’Asie, à l’exception des Chinois, depuis le lever du soleil. Il était divisé en huit intervalles, division que l’on retrouve chez les Hindous et les Romains. » Alexander von Humboldt, Vues des Cordillères, 1816.
Cependant, Humboldt admet :
« Il paraît qu’aucun peuple du nouveau continent n’a connu la semaine, ou le cycle de sept jours, qui se trouve chez les Hindous, les Chinois, les Assyriens et les Égyptiens, et qui, comme l’a très-bien observé Le Gentil, est usité chez la plupart des peuples de l’ancien monde. » Idem.
en conclusion et résumé :
« [L'analogie entre les peuples asiatiques et américains] se manifeste surtout dans la division du temps, dans l’emploi des séries périodiques, et dans la méthode ingénieuse, quoique embarrassante et compliquée, de désigner un jour ou une année, non par des chiffres, mais par des signes astrologiques. Les Toltèques, les Aztèques, les Chiapanois et d’autres peuples de race mexicaine, comptaient d’après des cycles de cinquante-deux ans, divisés en quatre périodes de treize ans ; les Chinois, les Japonnais, les Kalmouks, les Mongols, les Mandchous et d’autres hordes tartares, ont des cycles de soixante ans divisés en cinq petites périodes de douze ans. Les peuples de l’Asie, comme ceux de l’Amérique, ont des noms particuliers pour les années renfermées dans un cycle : on dit encore à Lassa et à Nagasaki, comme jadis à Mexico, que tel ou tel événement a eu lieu l’année du lapin, du tigre ou du chien. »