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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

Voyages, transports et migrations durant l'Antiquité

Déplacements et migrations

Intéressons-nous à la vitesse de déplacement d'un peuple en migration.

Selon les annales juives disponibles dans la Torah, les Hébreux mirent quatre mois pour rejoindre Israël depuis Babylone (soit un voyage d'un peu moins de 900 km). Ils voyageaient en convoi, par la voie terrestre et à travers des zones désertiques ou semi-désertiques. Leur vitesse était donc de 7,3 km par jour. Cela semble peut, mais un peuple en migration n'est pas seulement constitué de « charrettes », mais aussi de marcheurs, dont certains devaient nécessairement être très lents, tels les femmes enceintes, les vieillards, les handicapés, les malades...

S'il est possible de rejoindre Israël depuis Babylone en une seule saison, des distances plus importantes réclament un voyage bien plus long, qui comprend des arrêts saisonniers. Il faut alors inclure à la durée des déplacements, les arrêts causés par les conditions climatiques hivernales.

En saison clémente, les déplacements sont facilités, mais en saison difficile, à cause de la neige et de la pluie, ils peuvent être sévèrement ralentis voir stoppés. Sur plusieurs années de migration, il faut donc imaginer les peuples ne voyager qu'une partie de l'année, durant la saison clémente, et vivre en campement l'autre partie de l'année.

Par le réseau terrestre, une dizaine de milliers de kilomètres séparent le Gansu chinois de la côte atlantique du Portugal. Le Gansu est la région dont sont originaires les Yuezhis et ceux qui allaient fonder Toukhara. La Lusitanie est une région tardivement colonisée par les Celtes. Ces deux contrées sont donc situées aux extrémités occidentales et orientales de l'Eurasie indo-européenne.

Du Gansu au Portugal, on croise un relief peu prononcé : c'est d'abord le bassin du Tarim et le désert du Taklamakan ; très difficilement praticable à cause de ses tempêtes de sable, il faut en faire le tour par le nord ou le sud. Puis c'est le goulot de Kashgar, qui passe entre les monts Kunlun et le Tian Shan (appelé montagnes de Tengri par les turco-mongoles). Cet étroit passage s'ouvre sur la luxuriante vallée de Ferghana. Plus à l'ouest, c'est la riche et puissante vallée de l'Oxus. Nommée Transoxiane ou Sogdiane, c'est le territoire des anciens Aryens.

S'élancent alors les plaines d'Eurasie, qui depuis les rives nord de la mer Caspienne et le sud de l'Oural, s'étalent sans obstacles jusqu'en Europe continentale. Ce territoire se nomme Scythie, puis Sarmatie. C'est le pays des kourganes et probablement la patrie d'origine des Proto-Indo-Européens.

Cette immense plaine steppique se termine dans les Carpates, les Balkans et les Alpes. Autant de massifs montagneux entourés de forêts jadis impénétrables, mystérieuses et sacrées : telle que la forêt Noire de Bavière ou celle des Carnutes et de Brocéliande en Gaule. Après les Pyrénées, se dresse le plateau ibérique ; aride et désolé, bien que traversé de larges fleuves. Enfin, c'est la façade atlantique, facilement navigable et dotée de très nombreuses cités portuaires, qui des côtes de la Baltique jusqu'au rocher de Gibraltar, connecte l'Europe du nord à celle du sud.

Si l'on garde le chiffre de 7,5 km par jour proposé par la Bible à propos de la migration des Hébreux, on obtient pour un voyage eurasiatique, du Gansu à la Lusitanie : 1800 jours de marche.

Il faut alors multiplier par deux ce chiffre afin d'inclure à la durée totale du voyage une période statique durant les saisons peu propices et froides. Il convient donc de proposer 3600 jours comme probable durée de déplacement entre le point le plus oriental de la civilisation indo-européenne et son point le plus occidental.

3600 jours passés en chemin, arrêts saisonniers compris, cela représente un peu moins de dix ans de voyage, à pied et en charrue. Cela ne représente pas même une génération.

Pour une distance plus petite, par exemple depuis le foyer civilisationnel de Yamna (actuelle Ukraine) jusqu'en Espagne, ou jusque dans le bassin du Tarim ou l'Hindustan, les distances seraient même fortement réduites. La durée totale consacrée à un tel voyage ne serait plus que de quelques saisons.

En voyageant à travers des régions climatiques tempérées, les périodes d'immobilisme imposées entre deux déplacements peuvent aussi fortement diminuer.

Il ne faut donc pas imaginer les voyages intercontinentaux impossibles ou limités, mais plutôt tout à fait réalisables. Durant l'Antiquité, en cinq à dix ans, un peuple pouvait donc migrer de sa province pour s'installer à l'autre bout du monde connu.

Si un tel voyage n'était pas très long, il demeurait extrêmement dangereux. Comment faire manger des milliers d'hommes et de femmes ? Où trouver du lait pour les enfants en croissance ? Comment passer à travers des territoires interdits ou dont le passage était soumis à des taxes exorbitantes ? Depuis la plus haute Antiquité la plupart des contrées étaient contrôlées par des puissances impériales et souveraines, et ces vastes espaces demeuraient donc soumis aux aléas des accords diplomatiques (les perpétuelles querelles entre tribus profitant au brigandage).

D’Écosse jusqu'en Inde ou au Japon, il existait cependant un vaste réseau, diffus mais constant, de gargotes et de loges, où les marchands, les pasteurs, les nomades et les artisans saisonniers, logeaient à bon marché. Ce réseau d'étapes longeait les fleuves et bordait les déserts. Ce sont ces chemins qu'empruntèrent plus tard les caravaniers et les commerçants des épices et de la soie.

 

 

Routes de la soie et des épices

La route de la soie

Emprunté depuis la fin du paléolithique, la « route de la soie » est l'axe migratoire, commercial et culturel qui relie l'Europe à l’Extrême Orient. Dans cette voie de communication, le bassin du Tarim occupe une importance stratégique : situé après les périlleuses montagnes de l’Himalaya et ses cols à 5000 mètres (Karakoram, Hindu Kush), le bassin du Tarim est la dernière étape avant la Chine, c’est-à-dire avant Xi'an, ville impériale chinoise considérée comme la première cité appartenant à l'aire culturelle historique du peuple han.

Se distinguent deux grandes voies principales : la voie méridionale et la voie septentrionale. La route méridionale possède comme point de départ (ou d'arrivée) la Méditerranée. Elle traverse le Moyen-Orient vers la Mésopotamie, rejoint l'Iran pour passer les montagnes de l'Himalaya et rejoint l'Inde par l'Hindu Kush, ou la Chine et le Tarim par la vallée de Fergana. La route septentrionale part quant à elle des Balkans. Elle contourne la mer Noire par le nord, puis traverse les steppes eurasiennes vers le désert du Taklamakan. La première route traverse donc les plus grandes civilisations antiques et historiques, la seconde traverse plutôt des grands espaces, alors occupés par des peuples nomades et dotés de rares comptoirs grecs ou nestoriens.

De nombreux peuples indo-européens dont les plus célèbres furent les Bactriens, les Sogdiens, les Tokhariens ou encore les Scythes prospérèrent grâce à cette voie de communication et d'échange.

« Il est certain que les gisements de jade, cette pierre encore considérée comme précieuse par les Chinois, mais bien plus appréciée aux époques préhistoriques, marquaient un des lieux d’étapes importants de l’une des anciennes voies. Les annales chinoises mentionnent fréquemment le pays de Khotan, c’est-à-dire l’angle sud-occidental des plaines que traverse le Tarim, et en célèbrent la capitale sous le nom de Yu-thian, à cause du yu ou jade que l’on ramasse dans les trois rivières convergentes descendues du Kuen-lun […]. à moitié chemin entre l’Atlantique et le Pacifique, les hautes vallées du Tarim où l’on recueille les admirables cailloux furent le centre de ce commerce. À l’époque où la contrée, alors très populeuse, était le lieu de rendez-vous des marchands, la récolte du jade, qui se faisait après chaque grande crue, était inaugurée par le souverain comme une cérémonie religieuse, et les plus beaux galets devaient être portés à son trésor. Des carriers exploitaient aussi directement les roches de syénite et de micaschiste pour en extraire les veines de jade. » É. Reclus, L’Homme et la Terre.

Outre des biens manufacturés de haute valeur, comme la soie produite en Chine, les artefacts en métaux précieux produits en Celtie et en Scythie, ou les peaux de bêtes sauvages chassées dans la taïga sibérienne, la route de la soie charriait aussi les idées et les cultes, ainsi que nous le montre la diffusion du bouddhisme, mais aussi du manichéisme ou, à un degré moindre, du tengrisme à travers l'Eurasie.

Alexandre le Grand entreprendra d'ailleurs la conquête de l'Himalaya nord occidental. Aussi étonnant que cela puisse paraître de nos jours, la puissance de l'Empire perse ne se trouvait pas dans ses ports ou sur son littoral, mais plus au nord, encastrée dans des montagnes. Elles étaient autant des verrous que des leviers du commerce et des échanges intercontinentaux.

Après avoir été de longs siècles gouvernés par des nations panthéistes de tradition perso-sanskrite, la route de la soie devint musulmane, puis mongole, et enfin turque. À présent elle se veut chinoise, comme en témoigne le projet pharaonique des « nouvelles routes de la soie ». Projet qui se donne comme objectif de connecter une nouvelle fois les ports méditerranéens et arabes, à la Chine continentale, à travers le passage de goulot de l'Hindu Kush (qu'une autoroute devrait bientôt traverser).

 

La route maritime vers l'Orient

Le voyage en mer, souvent préféré par les voyageurs, est le moyen de transport le moins onéreux et bien souvent le plus rapide. Il s'agit de canoter d'un port à l'autre, en suivant au plus près les côtes. Certains fleuves sont en partie navigables, ce qui permet de voyager à l'intérieur des terres de manière plus sécurisée qu'en traversant des forêts.

Dans Le Périple, ouvrage traitant des transports maritimes entre la mer Méditerranée et la mer Noire, le Pseudo Scylax (v. -300) nous renseigne sur le trajet en canotage. Entre le delta du Nil et les Colonnes d'Atlas, il faudrait 65 jours et demi de navigation. À peine plus de deux mois sont donc nécessaires pour rejoindre l'Atlantique depuis l’Égypte.

Avec son climat propice à l'agriculture et à la navigation, la mer Méditerranée, a créé un espace commun facilitant les échanges entre les peuples qui résidaient sur ses rives, mais en étudiant de plus près les voyages intercontinentaux antiques, ainsi que les réseaux de communication et les durées de voyage, il convient de constater que non seulement le monde méditerranéen était connecté d'une rive à l'autre, mais aussi l'Europe dans son ensemble au reste de l'Eurasie, en particulier la steppe scythe, le croissant fertile et le sous-continent indien.

Si Cadix, colonie phénicienne ouverte sur l'Atlantique, est à 2650 km d'Athènes, Babylone n'est qu'à 1960 km de la capitale hellénique, et Persépolis à 2800 km. Il faut donc se représenter la cité grecque aussi bien connectée aussi bien avec l'Ibérie qu'avec les provinces de l’Égypte ou de la Perse (comme l'était la Bactriane, patrie du zoroastrisme).

Bien sûr, le relief du Caucase et du Zagros, les déserts d'Asie centrale, ainsi que les hordes de brigands scythes, turco-mongols et huns, étaient autant d'obstacles aux relations entre l'Orient et l'Occident. Mais ces obstacles n'étaient pas suffisants pour empêcher les peuples indo-européens de communiquer ou de migrer. Si la mer facilitait les communications, les montagnes et les déserts ne les empêchaient pas.

 

La route des épices

Souvent confondue avec la route de la soie, la route des épices est une voie maritime qui reliait l'Europe aux îles les plus orientales des archipels indonésien et philippin. Elle décida de la prospérité des Tamouls, mais aussi des Chinois, des Arabes et des Portugais.

La route ancestrale des épices reliait la Méditerranée à l’Éthiopie, en descendant la mer Rouge, pour ensuite canoter le long du golfe persique, puis traverser la mer d'Arabie en profitant des vents saisonniers. Elle longeait ensuite la côte des ghats occidentaux indiens pour rejoindre l’île du Sri Lanka.

Pas plus que les caravanes n'empruntaient la route de la soie d'un bout à l'autre, les navigateurs ne faisaient entièrement le voyage d'Orient en Occident, ni d’Occident en Orient. Les mers étaient des territoires jalousement et vaillamment défendus. De la mer d'Arabie jusqu'en Chine et aux Philippines, les Tamouls en eurent longtemps le monopole. Leurs grands rivaux, à l’échelle du sous-continent, étaient les commerçants du Gujarat, dont l'aire d'influence s’étendait au long des côtes arabes, swahilies et sud-africaines.

De l'île de Lanka, la route maritime remontait soit vers le Bengale soit partait directement vers le détroit de Malacca. Les navires-marchands entraient dès lors dans des mers qui annonçaient l'océan pacifique. Le choix de la destination se faisait alors en fonction des ressources qu’on espérait y trouver : safran en Inde, poivre aux Célèbes, ailleurs cannelle, clous de girofle...

Dans son Essai sur l’inégalité des races humaines, Gobineau reprend les travaux de Wilkinson sur les échanges commerciaux entre l'ancienne Égypte et la péninsule indienne :

Aux époques historiques les plus lointaines, les Égyptiens n’avaient que peu ou point de rapports avec les peuples chamites ou sémites et les contrées habitées par ces peuples [Mésopotamie et Palestine] ; tandis qu’au contraire, ils paraissent avoir entretenu des relations suivies avec les nations maritimes du sud-est [Inde, Dilmun, Arabie]. Leur activité se tournait si naturellement de ce côté, les transactions qui en résultaient avaient un tel degré d’importance, qu’au temps de Salomon [v. -950] le commerce entre les deux pays dépassait, pour un seul voyage d’importation, la valeur de 80 millions de nos francs.

Soit 202 millions d'euros selon la conversion proposée par Histoire-généalogie.com

Les épices étaient un luxe recherché par les puissants afin d'agrémenter leur table. L'opium, mais aussi le musc, les poudres aux propriétés aphrodisiaques, et à peu près tout ce qui pouvait exciter la curiosité d'un puissant, d’Europe jusqu'en Chine, se trouvait donc quelque part sur la Route des épices, si ce n'est sur celle de la soie.

Pline l'Ancien (23 - 79) est loquace lorsqu'il décrit le voyage entrepris par les marchands-navigateurs d'Alexandrie jusqu'en Inde. Il décrit en détail les différentes étapes ainsi que leur durée et leurs difficultés, car il est conscient des richesses qu'un commerçant avisé peut tirer d'un tel voyage. « Il n'y a pas d'année, écrit-il, où l'Inde n'enlève à l’Empire romain moins de 50 millions de sesterces ; elle nous expédie en retour des marchandises qui se vendent chez nous au centuple. » Histoire naturelle, 6, 22.

Dans La vie quotidienne à Pompéi, ouvrage du spécialiste de l'antiquité romaine Robert Étienne (1921 - 2009), un sesterce vaudrait 0, 76 euro (converti du franc). 50 millions de sesterces équivaudraient donc à 38 millions d'euros. Le commerce entre Rome et l'Inde représentait donc, au 1er siècle de notre ère, 38 millions d'euros d'exportation, pour 3,8 milliards de profits.

Si ces sommes peuvent sembler astronomique, surtout pour l'époque, elles sont cependant tout à fait crédibles. Sur l'étalage d'un marché d'une riche cité commerçante méditerranéenne, comme Rome ou Massalia (Marseille), un bien de luxe, telle une étoffe en soie faite à la main, pouvait tout à fait valoir le centuple de son coût d'achat à la source indienne ou chinoise. 5000 à 8000 kilomètres de transport à dos de dromadaires et en cale de navire étaient en effet nécessaires pour acheminer le type de tissu dont étaient faites les toges des hauts dignitaires romains.

De même, un opium de qualité, originaire du Pamir ou du Zagros, était un produit nécessaire dans la plupart des préparations pharmaceutiques antiques et médiévales (dont le fameux laudanum). Il s'agissait donc d'un produit précieux et onéreux une fois arrivé sur l’étagère d'un apothicaire breton ou gallo-romain. Quant au safran et aux diverses épices, originaires de l'Inde et des Moluques (Indonésie), leurs valeurs étaient telles, que l'on s'en servait souvent comme monnaie d'échange, en concurrence ou en complément de l'or ou de l'argent1.

« On évalue à plus d’une centaine les navires qui, bon an, mal an, passaient le détroit de Bab-el-Mandeb [Djibouti / Yémen] pour aller trafiquer sur les côtes de l’Inde, et divers documents parlent des passagers grecs qui furent ainsi transportés en grand nombre dans l’Inde, médecins, architectes, peintres, sculpteurs, artisans de tous métiers, mais surtout musiciens, musiciennes et courtisanes pour les harems des radjahs. Des colonies de marchands juifs [Cochin] et, plus tard, de marchands chrétiens se fondèrent ainsi sur le littoral de la péninsule dravidienne. […] On juge de l’importance de ce trafic par voie de terre à la vue des très nombreuses monnaies romaines, frappées entre la fin de la République et le règne de Caracalla, que l’on trouve dans la région de Peshawar : c’est là que les caravanes descendues des plateaux afghans devaient échanger l’or romain contre les produits de l’Inde. Vers le milieu du 3e siècle [apr. J.-C.], des guerres interrompirent brusquement ce trafic, et les voyages ne purent alors se continuer que par mer, mais en des conditions infiniment supérieures à celles où s’étaient trouvés les Scylax [v. -508] et Néarque [v. -325, amiral d'Alexandre] six ou huit siècles auparavant, car les marins qui desservaient le mouvement des échanges gréco-romains avaient fini par découvrir ou plutôt avaient appris des matelots arabes un secret de géographie physique qui devait singulièrement faciliter leur tâche. » Reclus, op. cit. Reclus évoque ici la connaissance et la maîtrise des vents saisonniers.

À la fin du Moyen Âge, les profits engendrés par le commerce du poivre demeurent très intéressants :

« Lorsqu'un historien tente de mesurer la plus-value qu'engendre ce commerce à la veille des grandes découvertes, il obtient des chiffres impressionnants : si le kilo s'achète un ou deux grammes d'argent aux Indes, il se rachète 10 à 14 à Alexandrie, 14 à 18 lorsqu'il est stocké au Fondaco dei Tedeschi à Venise ; le dernier acheteur, souvent un gros consommateur du nord de l'Europe, déboursera vingt à trente grammes de métal blanc. Lorsque les Portugais établissent un système d' approvisionnement direct à la source, le prix à l'arrivée est peu ou prou vingt fois celui du premier achat »

É. et F. B. Huyghe, Les coureurs d'épices, Payot, 2002.

Un voyage depuis l'Écosse jusqu'en Inde

Selon le précieux témoignage de Pline, associé aux données ORBIS de l'université de Stanford, voici une proposition de route, principalement maritime, reliant le nord de l'Europe au sud de la péninsule indienne.

Luguvalium (actuelle Carlisle, Cumbria, 15 km de l'Écosse)

vers

Muzuris (actuelle Kodungallur, Kerala)

par

Alexandrie (Delta du Nil, Basse-Égypte),

Coptos (5e nome de Haute-Égypte, 40km de Thèbes),

Bérénice (rive égyptienne de la mer Rouge)

et Océlis (actuelle Cheikh Saïd, Yémen)

 

départ

arrivée

distance

en km

mode de

transport

type de

route

durée

en jour

Vitesse

en

km/jour

1*

Luguvalium

Alexandrie

 

7739

Navire

marchand

Maritime

(Atlantique

puis

Méditerranée)

51,6

150

2**

Juliopolis

3 km d'Alexandrie

Coptos

 

450

Navire

marchand

Fluviale (Nil)

12

37,5

3**

Coptos

Bérénice

382

Caravane

Chemins

montagneux,

voyage

nocturne

12

nuits

32

4**

Bérénice

Océlis

1570

Navire

marchand

Maritime

30

52

5**

Océlis

Muzuris

(Kerala)

3300

Navire

marchand

Maritime

40

83

T

O

T

A

L

Luguvalium

Muzuris

13 441

Caravane

et

navire marchand

Maritime

(94 % de la

distance

totale),

fluvial (3 %),

terrestre (3 %)

146

 

(5 mois)

92

Sources : * ORBIS Stanford. Vers 200 apr. J.-C. Voyage en juillet, conditions maritimes très favorables. ** Pline l'Ancien (23-79 apr.), Histoire naturelle, 6, 22 et distance.to.

Les routes romaines

L'université de Standford (San Francisco) a mis au point ORBIS ; un outil numérique extraordinaire, doté d'une précision inouïe et en accès libre sur internet (https://orbis.stanford.edu). Il s'agit d'un atlas routier de l’Empire romain.

Véritable Googlemap du monde antique, ORBIS mêle routes maritimes, fluviales et terrestres, ainsi que différents moyens de locomotion, adaptés aux différentes saisons et à leurs variables climatiques. Plus encore, ORBIS permet de prendre en compte le coût du voyage, il se mesure en sesterces pour les passages en bateau et en barque, mais aussi en fourrage pour les chevaux et les mules.

Bien que ne concernant que l'Antiquité tardive, Orbis est donc l’outil le plus précis que nous possédions afin d'évaluer le plus justement possible les distances, et surtout les temps de trajet, entre les principales étapes des routes romaines.

La vitesse et la sécurité des communications étaient une des conditions essentielles de l'exercice du pouvoir. Pour une lettre, un bien ou un émissaire, la manière la plus rapide de voyager consiste à emprunter les réseaux de poste en chevauchant un cheval. Ce réseau d'étapes est constitué d'auberges et d'écuries permettant à un cavalier de changer de monture à chaque fois que celle-ci doit se reposer ou manger. Inversement, si le cavalier a faim ou sommeil, il peut céder sa monture à un autre émissaire qui l'attend à l'étape suivante. Ce type de transport permettait donc à une lettre de voyager sans arrêt jusqu'à son destinataire.

Selon ORBIS, une missive pouvait, en urgence, parcourir l'Empire d'un bout à l'autre en moins d'un mois : 23 jours pour rejoindre l'Anatolie depuis la frontière écossaise de l'Empire et 25 jours pour relier l'Afrique du nord et la façade atlantique (Colonnes d'Hercule) aux rivages orientaux de la mer Noire (Dioscurias).

Sans surprise, la manière la plus économique de voyager est la marche à pied en compagnie d'une mule qui porte les bagages et que l'on guide soi-même. Une mule consomme du fourrage, mais en moins grande quantité qu'un cheval. De plus, si une mule se contente de manger de l'herbe sauvage de mauvaise qualité, broutée en lisière des chemins, en revanche un cheval a besoin d'un fourrage de qualité.

Les commerçants se déplaçaient donc en caravanes composées de traîneaux (Scythie, Russie) ou de charrettes (Occident), tirés par des mules ou des chameaux (Orient, Asie centrale). La vitesse de déplacement de ces convois pouvait n'être que de 2 km/h, tandis que les refuges et auberges étaient espacés de 20 à 40 km.

Dans les déserts ou les montagnes, afin de rejoindre au plus vite et en une seule étape l'oasis suivante et le ravitaillement, la marche rapide était pratiquée par les militaires.

Voyages, transports et migrations durant l'Antiquité

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