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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

MERLIN se métamorphose en cerf (conte breton)

Dans un épisode du Roman de la Table ronde, le célèbre magicien Merlin se métamorphose en cerf pour se rendre devant César. Le récit suivant est extrait de Romans de la Table, L'Histoire de Merlin l'enchanteur (trad. Boulenger) :

*

L’empereur Julius César avait une femme qui était de grand lignage et d’une merveilleuse beauté, mais plus luxurieuse que toutes celles de la terre de Rome. Et elle gardait avec elle douze damoiseaux qu’elle attifait en demoiselles pour qu’on n’eût point soupçon de ce qu’elle faisait avec eux toutes les nuits que l’empereur la laissait. Comme elle tremblait que la barbe ne leur vînt, elle leur oignait le menton de chaux et d’un opiat bouilli dans l’urine. Ils portaient des robes traînantes et des voiles, et leurs cheveux étaient longs et arrangés comme ceux des femmes, de manière que personne ne soupçonnait la vérité.

En ce temps vint à la cour une pucelle, fille d’un duc d’Allemagne, qui prit du service en guise d’écuyer et sous un habit d’homme. Comme elle était grande, droite et membrue, et qu’elle avait accompli maintes prouesses, l’empereur l’arma chevalier, à la Saint-Jean, en même temps que plusieurs damoiseaux ; puis elle devint son sénéchal. Elle avait nom Avenable, mais elle se faisait appeler Grisandole ; et tout le monde la prenait pour un homme.

Une nuit que l’empereur était couché auprès de l’impératrice, sa femme, il rêva qu’il voyait une grande truie dont les soies traînaient jusqu’à terre. La bête portait sur la tête un cercle d’or et il lui semblait qu’il la connaissait, mais il n’eût pu dire qu’elle lui appartenait. Douze louveteaux vinrent, qui la saillirent ; puis elle s’éloigna avec eux. Il rêva encore qu’il demandait conseil sur ce qu’il devait faire de la truie, et qu’on lui répondait qu’elle devait être jetée au feu avec les louveteaux.

L’empereur s’éveilla tout effrayé de cette vision ; mais il n’en sonna mot à sa femme, car il était sage. Seulement, au retour de la messe, quand il s’assit à son haut manger, il demeura pensif, et si longtemps que ses barons s’en étonnèrent.

À ce moment, on entendit une rumeur. C’était un cerf à dix cors, d’une hauteur merveilleuse, qui se faisait chasser dans les rues de Rome. Tout le peuple le poursuivait à grands cris et huées. Ayant assez couru, le cerf franchit la porte maîtresse du palais suivi des chasseurs, entra dans la salle, renversant les tables, les vins, les viandes, les pots et la vaisselle, s’agenouilla devant l’empereur et dit :

« Julius César, laisse tes pensées, qui ne te valent rien : car tu ne trouveras personne qui t’explique ta vision, hors l’homme sauvage. »

Là-dessus, les portes qu’on avait pourtant fermées derrière lui s’ouvrent toutes seules, et le cerf s’enfuit à nouveau, court par les rues, toujours chassé, gagne les champs, et s’évanouit comme par enchantement. [...]

Quatre jours plus tard, les barons assemblés, l’empereur fit asseoir l’homme sauvage à côté de lui. Mais celui-ci déclara qu’il ne dirait rien qu’en présence de l’impératrice et de ses douze pucelles. À la vue de celles-ci, pourtant, il se mit à rire, puis il se tourna vers Grisandole et rit encore, puis vers l’empereur, puis vers sa femme, puis vers les barons, en riant toujours, aux éclats, et de plus en plus fort. À la fin, Julius César lui demanda s’il était fol.

« Sire, sire, répondit-il, si vous me jurez devant tous qu’il ne me sera fait nul mal et que je serai libre de me retirer quand j’aurai parlé, je vous dirai tout. »

L’empereur le lui ayant promis sur sa foi, il reprit :

« Sire, la grande truie que vous vîtes en rêve, c’est votre femme, et les douze louveteaux qui la couvraient, ce sont ses douze pucelles. Faites-les dévêtir : vous verrez si elles sont bâties pour la servir. »

L’empereur ébahi ordonna qu’on déshabillât sur-le-champ les demoiselles, et l’on remarqua qu’elles étaient garçons, à qui rien ne manquait. Alors Julius César fut si irrité qu’il demeura un moment sans pouvoir parler. Puis il demanda à ses barons quelle justice devait être faite, et les barons jugèrent que la femme devait être brûlée et les ribauds pendus ; ce qui fut exécuté sur-le-champ. [...]

Sur ce, l’homme sauvage prit congé. Toutefois, avant de partir, il écrivit en caractères hébreux sur le haut de la porte :

« Sachent tous ceux qui ces lettres liront, que le grand cerf branchu qui fut chassé dans Rome, et que l’homme sauvage qui expliqua à l’empereur son rêve, ce fut Merlin, le premier conseiller du roi Artus de Bretagne. [...] Et c’est depuis ce temps que l’empereur de Rome fut jaloux du roi Artus.

MERLIN se métamorphose en cerf (conte breton)

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