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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

Une cosmogonie finnoise

Une cosmogonie finnoise

Le forgeron céleste et l'aède, de J. Serych,

dans Légendes de la Lune, du Soleil et des planètes, (Gründ, Paris, 1977)

 

« Profond et sombre s'étendait le firmament et à l'infini l'espace céleste. Wanna issa, l'Ancien, habitait ce ciel. Mais il n'y était pas tout seul. Avec lui vivaient dans les hauteurs nuageuses deux frères : les héros Wâjnâmôjne et Ilmarine. Ils étaient tous deux sages et adroits; d'ailleurs, Wanna issa ne pouvait se passer de leurs conseils et de leur aide. L'aîné Wâjnàmôjne était doué d'un chant merveilleux, et Ilmarine, lui, savait donner à tout ce qui lui passait dans les mains, une forme parfaite ; il excellait dans tous les arts et métiers manuels.

Un jour, les deux héros vinrent rejoindre l'Ancien, pour lui parler, mais celui-ci, perdu dans ses pensées, ne les avait même pas entendus. Son regard fixait les ténèbres infinies, comme s'il y distinguait quelque chose. Enfin, il parla et dit:

- Le temps est venu de créer le monde!

Wâjnâmôjne et Ilmarine échangèrent d'abord un regard étonné, puis leurs yeux se portèrent vers l'Ancien :

- Tu es sage, ô Wanna issa, et le dessein que ton imagination vient de concevoir est à la hauteur de ta puissance. Créer le monde... Mais comment ?

L'Ancien ne daigna pas leur expliquer quoi que ce soit, et il profita même du sommeil des deux héros pour créer le monde. Lorsque les frères s'éveillèrent, loin au-dessous d'eux, dans l'obscurité profonde voguait déjà la Terre.

- Eh bien, mon ouvrage achevé, je vais me reposer maintenant, à mon tour. Pendant ce temps, surveillez bien mon Monde ! Puis il s'allongea, et, les bras croisés sous la tête, il s'endormit, satisfait. Alors les deux frères se mirent à veiller sur le monde, créé par l'Ancien, tout en le contemplant attentivement. Mais que pouvaient-ils voir au juste? La Terre était déserte, et enveloppée par la nuit éternelle.

Les bras pliés, ramenés dans le dos, la tête baissée, Ilmarine faisait impatiemment les cent pas dans le ciel, en lançant de temps à autre un coup d’œil sur la Terre hostile, créée par l'Ancien. Tout à coup, ne se retenant plus, il bondit vers sa forge, y jeta un énorme morceau de fer et se mit en devoir d'attiser le feu avec un soufflet. Wâjnâmôjne ne dit mot. Tout en observant le travail de son frère, il hochait la tête d'un air grave. La chaleur de la forge teinta de rouge son visage et dans ses yeux voltigeaient les reflets d'or des flammes.

Le métal fut enfin chauffé à blanc : Ilmarine le mit sur l'enclume et commença à le battre avec un lourd marteau. Longtemps sonna le marteau dans la forge du héros. Petit à petit, le métal prenait la forme d'un arc puissant, dont les deux extrémités se perdaient dans l'infini. Alors Ilmarine rejeta le marteau. Il attendit un moment que l'arc refroidisse, puis de ses bras puissants, il le souleva au-dessus de sa tête, et il le descendit au-dessus de la Terre. Une voûte gigantesque se déploya au-dessus d'elle, pour l'instant vide et inutile.

Malgré les gouttelettes de sueur qui ruisselaient sur son visage, Ilmarine s'empara à nouveau du marteau et ses coups de marteau retentirent pour la seconde fois dans le ciel. Et déjà de grandes et de petites étoiles, forgées dans l'argent le plus pur, jaillissaient l'une après l'autre de l'enclume ; en dernier lieu, Ilmarine façonna une grande boule d'argent : la Lune. Puis il attacha les innombrables étoiles et la Lune à la voûte de fer. Tout cela embellissait énormément la Terre, mais il ne s'y trouvait toujours pas âme qui vive.

Enfin le moment vint de s'occuper du Soleil. Ilmarine rapporta de la demeure de l'Ancien une lanterne et il l'installa sur la voûte d'une manière si ingénieuse qu'elle montait et descendait toute seule le long du firmament nouvellement créé. Ainsi, la Terre se trouva successivement éclairée de tous côtés: le premier jour clair et lumineux venait de poindre.

Comment s'étonner que Wâjnâmôjne fut émerveillé à la vue du firmament parsemé d'étoiles luisantes! Jusqu'alors immobile, il essaya d'observer l'ouvrage de son frère, tendit la main vers sa lyre et ses doigts commencèrent à parcourir les cordes. Sous la voûte brodée d'astres, tonnèrent les tons graves, tintèrent les tons aigus, et bientôt au son de l'instrument s'ajouta la voix de Wâjnâmôjne. A travers le ciel lumineux, où le Soleil faisait déjà sa course, s'envola un chant puissant vers la Terre, embellie par la Lune et les astres et caressée par les chauds rayons du Soleil. Son chant terminé, Wâjnâmôjne se leva d'un bond et sauta à bas du ciel. À peine ses pieds eurent-ils frôlé la Terre que des volées d'oiseaux célestes vinrent le rejoindre à tire-d'aile, et partout où il passait, ils l'accompagnaient. Sous ses pieds nus naissaient des fleurs, et dès qu'il s'asseyait dans quelque endroit, les arbres se mettaient à pousser autour de lui, et les oiseaux venaient tout de suite se percher dans leurs branchages, pour y reprendre de plus belle leur chant.

La voix mélodieuse de Wâjnâmôjne avait réveillé l'Ancien. Ses yeux s'écarquillèrent, tout étonnés :

« Serait-ce le monde qui est sorti de mes mains ? Avant de m'endormir, ce n'était qu'un rocher sans vie, et vous, avec vos mains et votre chant, vous l'avez transformé en paradis chantant et fleurissant ! Vous lui avez insufflé une âme; regardez-le, baigné de lumière, comme il brille de toutes ses couleurs, comme il chante et comme il embaume ! Mais pourtant, pourtant, il manque encore quelque chose...

- Quoi donc, ô Ancien ? interrogea Ilmarine, tout en gonflant à plusieurs reprises le soufflet de sa forge pour être prêt à aider le maître.

Son frère Wâjnâmôjne cependant restait là, sans dire mot. Après avoir créé les oiseaux, et leur avoir appris à chanter, il imagina assez aisément quelle idée roulait dans l'esprit de l'Ancien. Assis, tout en gardant silence, il caressait les cordes de sa grande lyre.

Pour la seconde fois, l'Ancien fixa pensivement ses regards sur la Terre sous lui, comme s'il y voyait quelque chose.

Enfin, il déclara:

- Le temps est venu que je crée les animaux et l'homme !

Et ainsi fit-il. »

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