23 Décembre 2021
À propos des « Trois cheveux d'or du vieux Vsévède », Alexandre Chodzko (1804 – 1891), orientaliste, écrivain et poète russo-polonais naturalisé français, chargé du cours de langue et littérature slaves au Collège de France, s'exprimait en ces termes :
« C'est un des contes dont les variantes se retrouvent chez tous les peuples slaves. Il est marqué au coin d'une haute antiquité. La variante tchèque, que nous traduisons ici, fut recueillie en Bohème, par Erben. En la reproduisant, le savant mythologue compare toutes les variantes entre elles, et il conclut que les trois cheveux en question désignent les trois séjours que le soleil fait dans les trois régions de la nature : l'air, la terre et l'eau.
Au point de vue qui nous occupe ici principalement, c'est-à-dire des réminiscences du Rig-Véda et du Ramayana que l'on peut constater dans les contes slaves, nous nous bornerons à faire observer que le vieillard (vcéved) de notre récit ressemble on ne peut mieux à une divinité védique. Son nom est composé de « vcé », dont le pendant sanskrit est rishva et de « riéda », dont le pendant sanskrit est véda, qui veut dire savoir, connaissance. Pour cette raison on l'appelle dans la petite Ruthénie « vechtchoun », le prophète et en Moravie Sibilla (la prophétesse.) »
Ce conte, sous différentes formes pourtant semblables, se retrouve dans toute l'aire indo-européenne : en Bretagne, en France, en Allemagne, il est connu sous le nom des « trois cheveux d'or du diable » , ainsi que le dénomme la célèbre version des frères Grimm.
Le début de ce conte n'est pas sans rappeler de nombreuses légendes indiennes faisant état d'un roi parti à la chasse, mais piégé par un dieu incarné en biche, ou encore, comme pour la légende du roi déchu Harishchandra, piégé par un anachorète dont il aurait perturbé la retraite. Ainsi, la cabane du charbonnier doit être rapprochée d'un ashram indien, où vivrait un sage acariâtre qui jetterait un sort au roi prétentieux et présomptueux qui aurait dérangé ses méditations. Nous retrouvons aussi dans ce conte le thème récurrent de l'enfant abandonné dans un panier d'osier et laissé dériver sur le fleuve du destin (qui se retrouve dans les vies légendaires de Kana et Krishna, les protagonistes du Mahabharata, mais aussi de Rémus et Romulus, les jumeaux fondateurs de Rome).
*
Est-ce vrai ou non ? On raconte qu'il y avait un roi fort passionné pour la chasse aux bêtes fauves de ses forêts.
Une fois, il poursuivit le cerf, si loin et si longtemps, qu'il s'égara. Se voyant dans la solitude et surpris par la nuit, le roi fut content de trouver une chaumière habitée par un charbonnier.
« Veux-tu bien me conduire d'ici jusque sur le grand chemin ? Je t'en récompenserai généreusement.
_ Je le ferais volontiers, répondit le charbonnier, mais j'ai une femme en couches et je ne puis la laisser seule. Du reste, pourquoi ne consentiriez-vous pas à passer la nuit chez nous?Reposez-vous dans le grenier en haut sur une meule de foin odorant que vous y trouverez, et demain matin, je vous servirai de guide, »
Quelques moments après, la femme du charbonnier accoucha d'un fils.
Le roi ne pouvait s'endormir. A minuit il remarqua que des lumières s'agitaient au-dessous de lui, dans la chambre de l'accouchée. En les examinant plus attentivement, à travers une fissure du plafond, il aperçut distinctement : d'abord le charbonnier qui dormait ; puis sa femme à demi évanouie ; et enfin, tout à côté de l'enfant nouveau-né, trois vieilles femmes, debout, vêtues de blanc, chacune tenant un cierge allumé et conversant entre elles.
La première disait :
« A ce garçon j'accorde le don d'affronter de grands dangers. »
La deuxième disait :
« Moi, je lui accorde la faculté de pouvoir heureusement échapper à tous ces dangers, et de vivre longtemps. »
La troisième dit :
« Quant à moi je lui accorde d'épouser la princesse née à l'heure qu'il est et fille de ce roi même qui dort ici en haut, dans le grenier. »
Avec ces dernières paroles, les lumière s'éteignirent et le silence se rétablit.
Ces vieilles femmes étaient les Soudishki en personne, [que les grecs connaissent sous le nom de Parques. Ce sont les maîtresses des destinées, les grande juges des vies humaines.]
Le roi restait atterré de douleur et de surprise, comme s'il eût reçu un coup d'épée en pleine poitrine. Jusqu'à l'aube du jour, sans fermer l'œil, il pensa aux moyens d'empêcher que les prédictions des Parques ne se réalisassent.
Aux premières lueurs du matin, l'enfant nouveau-né se mit à pleurer. Le charbonnier se leva, s'approcha de lui, et trouva que sa femme avait cessé de vivre.
« Pauvre petit orphelin! s'écria-t-il douloureusement, que deviendras-tu sans les soins d'une
mère ?
_ Confie-moi cet enfant, dit le roi, j'en aurai soin et il s'en trouvera bien. Quant à toi, je te donnerai tant d'argent que tu n'auras plus besoin de te fatiguer à brûler des charbons. »
Le charbonnier y consentit avec plaisir, et le roi partit en promettant d'envoyer quelqu'un pour chercher l'enfant. La reine et les courtisans avaient cru ménager une surprise agréable à leur maître, en lui annonçant la naissance d'une charmante petite princesse, venue au monde la nuit même où le roi son père avait eu l'occasion de voir les trois Parques. Le roi fronça le sourcil et, appelant un de ses domestiques, il lui dit :
« Tu iras à tel endroit, dans la forêt, à la chaumière du charbonnier, auquel tu remettras cet argent, en échange d'un enfant nouveau-né. Prends le marmot et, chemin faisant, noie-le bien quelque part. Seulement, souviens- toi que s'il n'est pas dûment noyé, tu le seras toi-même à sa place. »
Le domestique reçut l'enfant dans un panier et, arrivant au milieu d'une passerelle qui réunissait les deux rivages d'un fleuve large et profond, il y précipita le panier avec l'enfant.
« Bon voyage, monsieur mon gendre, » dit le roi, après avoir entendu le récit du domestique.
Le roi pensait que l'enfant avait péri dans les eaux; mais il n'était rien moins que noyé ou mort. Au contraire, le petit voguait balancé mollement dans son panier, comme dans un berceau. Il y dormait aussi doucement que si sa mère eût chanté pour l'endormir.
Le panier aborda aux environs de la cabane d'un pêcheur. Celui-ci, occupé de réparer ses filets, aperçut un objet surnageant au milieu du fleuve, sauta aussitôt dans une barque, le recueillit, et courut annoncer à sa femme la bonne nouvelle :
« Tu désirais toujours avoir un fils, tiens, en voici un bien beau, la rivière nous Ta apporté. »
La femme du pêcheur reçut l'enfant avec une extrême joie et elle le soignait comme le sien propre. Ils le nommèrent Plavacek (qui surnage), parce qu'il leur était arrivé en flottant sur les eaux.
Le fleuve coule, les années se passent, le petit garçon devient un bel homme, et les villages d'alentour n'ont pas de jouvenceau comparable à lui. Or, il advint qu'un jour, en été, le roi chevauchait tout seul. La chaleur étant excessive, il arrêta son cheval devant la cabane du pêcheur, pour lui demander un verre d'eau fraîche. Plavacek vint le lui offrir ; le roi le regarda avec attention,
puis, se tournant vers le pêcheur, dit :
« Ta as là un beau garçon, est-ce ton fils?
_ Oui et non, répondit le pêcheur. Il y a une vingtaine d'années, j'ai trouvé un tout petit enfant, dans un panier, nageant au milieu du fleuve, nous l'avons adopté et élevé. »
Le roi devint pâle comme la mort, car il devina que c'était bien le même enfant qu'il avait condamné à être noyé. Ensuite, se ravisant, il descendit de cheval et dit:
« J'ai besoin d'envoyer un message au château, et je n'ai personne avec moi ; pourriez-vous l'y envoyer ?
_ Très-certainement, reprit le pêcheur, Votre Majesté peut compter sur son intelligence. »
Là-dessus, le roi s'assit pour écrire à la reine ces mots :
« Le jeune homme qui t'apportera ce message, est le plus dangereux de tous mes ennemis. Aussitôt arrivé, fais-lui couper la tête. Point de retard, point de pitié ; il faut qu'il soit exécuté avant mon retour au château, je le veux. » Après avoir plié soigneusement la lettre, il la cacheta de son sceau royal. »
Plavacek prit la lettre et incontinent se mit en route à travers la forêt. Elle était si grande et si
épaisse qu'il s'y égara. Surpris par la nuit au milieu de sa course aventureuse, il rencontra une vieille
femme.
« Où vas-tu donc, Plavacek, où vas-tu ? » lui demanda- t-elle.
_ Je suis chargé d'une lettre pour le château royal, mais je me vois égaré. Ne pourriez-vous pas, bonne mère, m'indiquer mon chemin?
_ Aujourd'hui, mon enfant, impossible. II fait sombre et tu n'aurais pas le temps d'y arriver, fit observer la vieille. Reste chez moi cette nuit. Tu ne l'auras pas passée chez des étrangers, je suis ta marraine, moi. »
Le jeune homme obéit et ils entrèrent dans une jolie chaumière qui sembla tout à coup surgir de dessous la terre.
Or, pendant que Plavacek dormait, la vieille changea sa lettre en une autre, ainsi conçue :
« Aussitôt après réception de cette lettre, tu conduiras le porteur chez la princesse, notre fille. Ce jeune homme est notre gendre, et je veux qu'ils soient mariés avant mon retour au château. Telle est ma volonté. »
La reine, après avoir lu la lettre, ordonna de pré- parer tout ce qu'il fallait pour célébrer les noces. Toutes deux, la reine et sa fille, se plaisaient beaucoup dans la société du jeune homme. Rien ne troublait le bonheur des nouveaux mariés.
Après quelques jours, le roi fut de retour au château, et, ayant appris ce qui était arrivé, il se mit à injurier la reine.
« Mais vous m'avez ordonné expressément de les faire marier avant votre retour ; relisez votre lettre que voici, » répondit la reine.
Il examina attentivement la lettre. En effet, le papier, l'écriture, le sceau, tout était d'une authenticité irréprochable. Il appela donc son gendre pour l'interroger lui-même sur les détails de son voyage.
Plavacek n'en omit aucun à son beau-père, ra- contant, comment il s'était égaré et comment il avait passé toute une nuit dans la cabane de la forêt.
« Gomment est-elle, cette vieille femme? » demanda le roi.
En écoutant le signalement que Plavacek lui en donna, le roi comprit que c'était précisément la même inconnue qui, vingt ans auparavant, avait prédit le mariage de la princesse avec le fils du charbonnier.
Après avoir réfléchi, le roi ajouta :
« Ce qui est fait est fait. Seulement tu ne seras pas mon gendre pour si peu de chose, oh non! En guise de cadeau de noces, tu dois m'apporter trois cheveux d'or de la tête du Dède-Vsévède ! »
Il croyait pouvoir par ce moyen se débarrasser de son gendre dont la présence l'importunait.
Plavacek se sépara de sa femme et partit. « Je ne sais où aller, pensait-il, mais c'est égal; ma marraine, la Parque, saura bien y aviser. »
En effet, il trouva sans peine la véritable direction, marchant longtemps par monts et par vaux, traversant à gué les rivières, si bien qu'il atteignit les côtes de la mer Noire. Il y aperçut une barque avec son batelier et lui dit :
« Dieu vous bénisse, vieux batelier !
_ Et toi aussi, mon jeune voyageur. Où veux-tu aller?
_ Au château de Dède-Vsévède pour chercher trois cheveux d'or.
_ S'il en est ainsi, sois le bienvenu. J'attends depuis longtemps l'arrivée d'un envoyé tel que toi. Voilà bien vingt ans que je fais passer des voyageurs et aucun d'eux n'a rien fait pour me délivrer. Si tu me promets de demander au Dède-Vsévède quand j'aurai un remplaçant pour me libérer de mes peines, je te passerai dans mon bateau. »
Plavacek promit et le batelier le conduisit jusqu'au rivage opposé. Il continua sa marche et approcha d'une grande ville, qui était à moitié ruinée. Non loin d'elle, il aperçut un convoi funèbre : le roi du pays accompagnait le cercueil de son père et des larmes grosses comme des pois inondaient ses joues.
« Dieu veuille vous consoler de votre détresse, dit Plavacek.
_ Merci, bon voyageur! Où vas-tu?
_ Je me rends chez le Dède-Vsévède, en quête de ses trois cheveux d'or.
_ Vraiment, chez le Dède-Vsévède? Quel dommage que tu ne sois pas venu il y a quelques semaines! Nous attendons depuis longtemps un envoyé tel que toi. »
Plavacek s'étant présenté à la cour du roi, celui-ci lui dit :
« Nous avons appris que tu te rends en mission chez le Dède-Vsévède. Hélas, nous avions ici un pommier qui produisait des fruits dé Jouvence. Une seule de ses pommes, aussitôt mangée, même par un moribond, le ferait guérir et rajeunir. Mais voilà que depuis vingt ans le pommier ne porte ni fleurs ni fruits. Peux-tu me promettre d'en demander la cause au Dède-Vsévède?
_ Je vous le promets. »
Après quoi Plavacek arriva vers une ville belle et grande, mais triste et silencieuse. Près de la porte, il rencontra un vieillard qui, la canne à la main, s'avançait avec beaucoup de peine :
« à Dieu vous bénisse, bon vieillard !
_ Soyez béni , vous aussi. Où allez-vous donc, beau voyageur?
_ Chez le vieux Vsévède pour chercher ses trois cheveux d'or.
_ Ah ! tu es justement l'envoyé que j'attendais depuis longtemps. Il faut que je te fasse parvenir jusqu'à mon maître et roi. Allons-y. »
Aussitôt qu'ils furent arrivés, le roi lui demanda :
« J'ai entendu dire que tu vas en ambassade, auprès de Dède-Vsévède. Nous avions ici un puits avec de l'eau qui se renouvelait d'elle-même, et si merveilleuse dans ses effets , qu'en la faisant boire aux malades ils redevenaient bien portants. Quelques gouttes répandues sur un cadavre le faisaient ressusciter. Eh bien, depuis une vingtaine d'années, le puits reste à sec. Si tu t'engages à demander au vieillard Vsévède le moyen de remplir notre puits, je t'en récompenserai royalement. »
Plavacek promit, et le roi le congédia avec bienveillance. Ensuite, il avait à traverser de longues forêts sombres, au milieu desquelles il aperçut une grande prairie toute pleine de belles fleurs , et au milieu un château d'or.
C'était le palais du Dède-Vsévède, tout rayonnant de splendeur ; on l'eût dit construit de feu. Plavacek y entra sans rencontrer un être qui bougeât , excepté une vieille femme blottie dans un coin et occupée à filer.
« Salut, Plavacek, je suis bien aise de te revoir ici. »
C'était encore sa marraine, la même qui lui avait offert un gîte dans sa cabane forestière lorsqu'il portait le message du roi.
« Dis-moi donc ce qui t'amène ici de si loin?
_ Le roi ne veut pas que je sois son gendre sans l'avoir payé; il m'envoie donc ici pour lui rapporter trois cheveux d'or du Dède-Vsévède. »
La Parque se mit à rire en disant :
« Le Dède-Vsévède? mais je suis sa mère, c'est le Soleil brillant, en personne. Tous les matins, il est enfant; à midi, il devient homme, et le soir il vieillit comme un centenaire décrépit
Plavacek pria la Parque de s'informer auprès du Dède-Vsévède relativement à trois
questions dont il s'était engagé d'apporter la réponse.
« Je le lui demanderai ; mais toi, prête une oreille attentive à ce qu'il me répondra. »
Tout à coup le vent se déchaîna du dehors, et, par une fenêtre du château, du côté de l'ouest, arriva le Soleil.
C'était un vieillard à la tête d'or.
« Je sens ici de la chair humaine, s'écria-t-il, je le sens bien; ma mère, tu as ici quelqu'un.
_ Astre du jour, répondit-elle, qui pourrais-je avoir ici sans que tu l'eusses aperçu avant moi? Le fait est qu'en volant à travers le monde durant toute la journée , tu flaires si souvent les hommes, qu'il n'y arien d'étonnant que le soir, rentrant dans ta maison, tu continues à sentir l'odeur de la chair
humaine. »
Le vieillard ne répondit mol, mais il s'assit à souper. Après le repas, il posa sa tête d'or sur les genoux de la Parque et se mit à sommeiller.
Aussitôt qu'elle eut remarqué qu'il dormait déjà, elle lui arracha un cheveu et le jeta par terre. Le cheveu en tombant fit retentir un son métallique, comme la vibration d'une corde de
guitare.
« Que me veux-tu, ma mère? demanda le vieillard.
_ Rien, mon fils. Je sommeillais, et j'ai cru avoir rêvé quelque chose de bien étrange.
_ Qu'était-ce donc, ma mère ?
_ J'ai cru voir un endroit, je ne sais lequel, où il y avait un puits alimenté par une source dont
l'eau guérissait les malades, même agonisants, sitôt qu'ils en avalaient une gorgée. Il y a plus, les cadavres même ressuscitaient lorsqu'on les arrosait de quelques gouttes de cette eau merveilleuse. Mais voilà que, depuis vingt ans, le puits reste à sec. Que faut-il faire pour le remplir comme autrefois?
_ C'est tout simple, et il est facile d'y remédier. Une grenouille qui s'est logée dans l'orifice de la source empêche les eaux de jaillir. Il faut tuer la grenouille, curer l'intérieur du puits, et on verra l'eau sourdre comme autrefois. »
Lorsque le vieillard se fut rendormi, la vieille lui arracha un autre cheveu d'or ef le jeta par
terre.
« Que me veux-tu, ma mère?
_ Ce n'est rien, mon fils, rien. En sommeillant, j'ai cru voir quelque chose d'étrange. Il me semblait que les habitants d'une ville, je ne sais plus laquelle, avaient dans leur jardin un pommier, dont les pommes possédaient la vertu de faire rajeunir les vieux. Une seule de ces pommes mangée par un vieillard lui rendait les forces et la fraîcheur de la jeunesse. Or, depuis une vingtaine d'années, le pommier ne porte plus de fruits. Quels sont les moyens de le faire fructifier ?
_ Les moyens ne sont pas difficiles. Une vipère, cachée dans les racines du pommier, en détruit la sève. Il faut tuer le reptile, transplanter le pommier, et on le verra, comme autrefois, se couvrir de fruits. »
Là-dessus, le bon vieillard se rendormit dans un clin d'œil. La vieille lui arracha un troisième
cheveu d'or.
« Mais, voyons donc, tu ne me laisses pas dormir, ma mère? dit le vieillard fâché et il voulait se lever.
_ Couche-toi, mon fils chéri, et ne bouge pas. Je regrette de f avoir réveillé. C'est que je sommeillais aussi et j'ai eu un rêve bien étrange. Imagine-toi, il me semblait voir un batelier, aux bords de la mer Noire, qui se plaignait de travailler, depuis vingt ans déjà, sans que personne arrivât pour le remplacer; quand finira-t-il donc de ramer, ce pauvre vieillard?
_ C'est un imbécile et voilà tout. Il n'aurait qu'à remettre sa rame entre les mains du premier venu et lui-même sauter sur le rivage. Celui qui recevra la rame le remplacera en qualité de batelier. Mais laisse-moi tranquille, ma mère, et ne me réveille plus; je dois me lever de grand matin et il me faudra d'abord aller sécher les larmes de la princesse, femme du fils d'un charbonnier. La pauvrette passe toutes ses nuits à pleurer son mari, envoyé par le roi pour lui apporter les trois cheveux d'or de ma tète. »
Le lendemain matin on entendit hurler les vents en dehors du palais du Dède-Vsévède, et, au lieu d'un vieillard, un bel enfant, aux cheveux d'or, se réveilla sur les genoux de la vieille femme. C'était le Soleil divin; il prit congé de sa mère et s'envola par la fenêtre de l'orient.
La vieille femme courut retourner le baquet et dit à Plavacek :
« Tiens, voici les trois cheveux d'or et tu connais déjà les trois réponses 1 que Dède-Vsévède a données. Maintenant, bon voyage, et puisse Dieu te conduire. Tu ne me reverras plus, car tu n'auras plus besoin de moi. »
Plavacek la remercia avec gratitude et partit.
Arrivé à la ville au puits desséché, et interrogé par le roi sur ce qu'il apportait de bon, il répondit :
« Faites soigneusement curer votre puits. Ensuite, tuez la grenouille qui obstrue la source, et vous verrez l'eau merveilleuse sourdre comme par le passé. Le roi fit faire ce que disait Plavacek, et
heureux de revoir son puits plein , il lui donna en cadeau douze chevaux, blancs comme des cygnes.
Il y ajouta autant d'or et d'argent qu'il en pouvait emporter.
En arrivant à la deuxième ville, questionné par le roi s'il lui apportait de bonnes nouvelles, il répondit :
« Excellentes, on ne peut meilleures. Vous n'avez qu'à faire extraire de la terre votre pommier, et tuer le reptile qui s'est établi dans ses racines. Puis, faites replanter l'arbre et il produira des pommes pareilles à celles d'autrefois. »
En effet, le pommier, aussitôt replanté, se couvrit de fleurs comme si on l'avait inondé de roses. Le roi ravi de joie, lui fit cadeau de douze chevaux, noirs comme des corbeaux, et chargés d'autant de richesses qu'ils étaient capables d'en porter.
Il poursuivit donc son voyage jusqu'aux bords de la mer Noire. Le batelier lui demanda s'il avait appris le moment de sa délivrance. Plavacek se fit d'abord passer, avec ses douze chevaux, sur la rive opposée, et ensuite conseilla au batelier de remettre sa rame au premier voyageur qui viendrait réclamer ses services, afin qu'il le remplaçât définitivement.
Le roi, beau-père de Plavacek, ne voulait pas d'abord croire à ses yeux en se voyant possesseur de trois cheveux d'or de Dède-Vsévède. Quant à la jeune épouse, elle pleurait à chaudes larmes non plus de tristesse, mais de la joie d'avoir revu son bien-aimé si heureusement de retour, et elle lui disait :
« Comment donc as-tu fait, cher époux, pour acquérir de si magnifiques chevaux avec tant de richesses? »
Il lui répondit :
« Tout cela a été payé au poids de l'âme, avec de l'argent comptant des peines que j'ai prises, et des services que j'ai rendus. Ainsi par exemple, à un roi, j'ai indiqué le moyen de rentrer dans la possession de ses pommes de Jouvence; à un autre j'ai appris le secret de rouvrir les sources de l'eau qui donne la santé et la vie.
_ Des pommes de Jouvence! De l'eau de la vie! interrompit le roi en s'adressant à Plavacek : mais oui, j'irai chercher ces trésors moi-même. Ah quel bonheur 1 Après avoir mangé une de ces pommes je redeviendrai jeune! Puis je boirai quelques gorgées de l'eau d'immortalité et je vivrai à tout jamais!... »
Sans plus attendre, le roi partit à la recherche des deux objets, et jusqu'aujourd'hui, il n'en est pas revenu.
Extrait de Contes paysans et patres slaves, traduit en français et rapprochés de leur source indienne, d' Alexandre Chodzko, Imprimerie générale Ch. Lahure, Paris, 1864.
Les trois cheveux d'or du vieux Vsévède: conte tchèque de Karel Jaromír Erben
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