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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

Le DÉLUGE selon la tradition gréco-romaine

Par Ovide

Les dieux approuvent les paroles de Jupiter, ceux-ci par de bruyantes acclamations et en excitant son courroux, ceux-là par un muet assentiment : mais la perte du genre humain est pour tous un sujet de douleur. Que deviendra la terre, veuve de ses habitants ? Qui désormais brûlera l’encens sur leurs autels ? Va-t-il donc livrer le monde à la fureur des bêtes féroces ? Le souverain des Dieux se charge de pourvoir à tout : il fait cesser leurs demandes et leur inquiétude, en leur promettant une nouvelle race, différente de la première, et dont l’origine sera merveilleuse. [...]

Il veut engloutir le genre humain sous les eaux, qui, de toutes les parties du ciel, se répandront en torrents sur la terre. Il enferme soudain dans les antres d’Éole l’Aquilon et tous les vents qui dissipent les nuages, et ne laisse que l’Autan en liberté. L’Autan vole, porté sur ses ailes humides : son visage terrible est couvert d’un épais et sombre nuage, sa barbe est chargée de brouillards, sur son front s’assemblent les nuées ; l’eau ruisselle de ses cheveux blancs, de ses ailes et de son sein. Dès que sa main a pressé les nuages suspendus dans les airs, un grand bruit se fait entendre, et des torrents de pluie s’échappent du haut des cieux. La messagère de Junon, parée de ses mille couleurs, Iris aspire les eaux de la mer et alimente les nuages. Les moissons sont renversées, les espérances du laboureur détruites sans retour, et, dans un instant, périt tout le fruit de l’année et de ses longs travaux.

Les eaux qui tombent du ciel ne suffisent pas à la colère de Jupiter : le roi des mers, son frère, lui prête le secours de ses ondes. Il convoque les dieux des fleuves, et, dès qu’ils sont entrés dans son palais : « Qu’est-il besoin de longs discours ? dit-il. Il s’agit de déployer toutes vos forces : allez, ouvrez vos sources, renversez vos digues, et donnez carrière à vos flots déchaînés ». Il parle : on obéit, et les fleuves, forçant les barrières qui retiennent leurs eaux, précipitent vers la mer leur course impétueuse. Neptune lui-même frappe la terre de son trident : elle tremble, et les eaux s’élancent de leurs gouffres entr’ouverts. Les fleuves débordés roulent à travers les campagnes, entraînant ensemble dans leur course les plantes et les arbres, les troupeaux, les hommes, les maisons et les sanctuaires des dieux, avec leurs saintes images. Si quelque édifice reste encore debout et résiste à la fureur des flots, l’onde en couvre bientôt le faîte, et les plus hautes tours sont ensevelies dans un profond abîme.

Déjà la terre ne se distinguait plus de l’Océan : la mer était partout, et la mer n’avait pas de rivages. L’un gagne le sommet d’une colline, l’autre se jette dans un esquif, et promène la rame dans le champ où naguère il conduisait la charrue. Celui-ci passe dans sa nacelle au-dessus de ses moissons ou de sa maison submergée ; celui-là trouve des poissons sur la cime d’un ormeau. Si l’ancre peut être jetée, c’est dans l’herbe d’une prairie qu’elle va s’arrêter ; les barques s’ouvrent un chemin sur les coteaux qui portaient la vigne ; les phoques monstrueux reposent dans les lieux où paissaient les chèvres légères. Les Néréides s’étonnent de voir au fond des eaux, des bois, des villes, des palais ; les dauphins habitent les forêts, et bondissent sur la cime des chênes qu’ils ébranlent par de violentes secousses. On voit nager le loup au milieu des brebis ; les flots entraînent les lions et les tigres farouches ; également emportés, les sangliers ne peuvent trouver leur salut dans leur force, ni les cerfs dans leur vitesse. Las de chercher en vain la terre pour y reposer ses ailes, l’oiseau errant se laisse tomber dans la mer. L’immense débordement des eaux couvrait les montagnes, et, pour la première fois, leurs sommets étaient battus par les vagues. La plus grande partie du genre humain périt dans les flots : ceux que les flots ont épargnés deviennent les victimes du supplice de la faim. [...]

Cependant le courroux de la mer s’apaise, le souverain des eaux dépose son trident et rétablit le calme dans son empire. Voyant, au-dessus des profonds abîmes, Triton, [...] il l’appelle et lui commande d’enfler sa conque bruyante, et de donner aux ondes et aux fleuves le signal de la retraite.

Texte extrait des Métamorphoses d'Ovide. Traduction par auteurs multiples, texte établi par Désiré Nisard, Firmin-Didot, 1850.

Le DÉLUGE selon la tradition gréco-romaine
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