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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

PRIAPE (divinité européenne)

PRIAPE (divinité européenne)
Priape gaulois (musée de Picardie)

 

Priape

La verge disproportionnée est une constante chez les divinités de la nature et de la prospérité : Pan, Dionysos, Shiva, le Pashupati de l'Indus, le Freyr des Germains, le Priape de l'Hellespont, toutes ces divinités sont représentées avec un phallus proéminent ou en pleine érection.

« Selon les anciens mythologues, Priape est fils de Bacchus et de Vénus ; et ils expliquent cette naissance en disant que le vin porte naturellement aux plaisirs de Vénus. Quelques-uns prétendent que les anciens mythologues désignaient par le nom de Priape les parties génitales de l'homme. Il y en a même qui disent qu'on a décerné à ces parties les honneurs divins, comme étant le principe de la génération et de la conservation perpétuelle du genre humain. [...] On lui offre des sacrifices non seulement dans les villes, mais encore dans les campagnes ; et on le regarde comme le gardien des fruits de la vigne et des jardins. Ceux qui par sortilège détruisent quelque bien, reçoivent de lui leur punition. On rend quelques honneurs à Priape non seulement dans les mystères de Bacchus, mais aussi dans presque tous les autres mystères, en le célébrant par le rire et le jeu. » Diodore 4, 6.

Une autre version fait de Priape le fils d'Adonis et d'Aphrodite. Alors que Dionysos menait sa campagne en Inde, Aphrodite restée en Grèce l'aurait trompé avec le mortel Adonis (connu en Orient sous le nom de Tammuz). Dans cette version du mythe, Priape n'est pas le fruit d'un amour légitime, et sa difformité est le signe apparent de sa bâtardise.

Dans une troisième version du mythe, Priape est plus simplement le fruit des amours de Dionysos avec une nymphe. Il serait donc le demi-frère de Pan.

La mythologie grecque propose comme origine au mythe de Priape, l'Hellespont, lui donnant même le surnom de « dieu de l'Hellespont ». Sous la forme canonique d'un homme au visage sombre et au membre sexuel surdimensionné, on retrouve son culte présent dans en Italie et en Gaule.

Sans être une divinité majeure ni tutélaire, Priape (ou les divinités qui lui sont associées) est une créature mythologique populaire et domestique. Son effigie se retrouvait aux entrées des temples, des lieux publics comme des habitations privées, tel le Mutunus Tutunus révéré par les Romaines.

« Il existait, sur la Vélia, l'une des collines romaines les plus anciennement occupées, un sanctuaire singulier, dont la divinité était figurée sous la forme d'un membre viril. Ce dieu portait le nom étrange de Mutunus Tutunus. [...] Il paraît que jusqu'au temps d'Auguste [-27 à 14], au moins, des femmes « vêtues de la toge prétexte » allaient, en de certaines occasions, couronner de fleurs le symbole de Mutunus Tutunus. Quelles étaient ces femmes ? Probablement des prêtresses, comme semble l'indiquer leur costume archaïque, et, sans doute, des femmes mariées, qui accomplissaient là un rite vraisemblablement propitiatoire, au nom de toutes les épouses de la cité.

Mais Mutunus Tutunus ne se rencontrait pas dans le seul sanctuaire de la Vélia. Il avait sa place aussi, nous dit-on, dans la chambre à coucher des simples particuliers le jour de leur mariage, les nouvelles épousées devaient s'asseoir sur son image, comme pour consacrer au dieu les prémices de leur virginité. Malheureusement, nous ne savons si cette pratique était générale, ou s'il s'agit d'une coutume « de l'ancien temps », à laquelle nul jeune mari n'aurait plus osé soumettre sa fiancée. Il est possible que ce geste soit le dernier vestige d'un rite destiné à préserver le mari du danger magique que lui aurait fait courir la défloration de sa femme. Les témoignages abondent de telles croyances en la vertu maléfique de la virginité : les ethnologues en rencontrent dans maintes « sociétés primitives », et l'on connaît des exemples de substitutions de personnes, rituellement observées, au cours de la première nuit du mariage. » P. Grimal, L'Amour à Rome.

Plus souvent que sous la forme d'idole ou de statue, le Priape se représente sous forme de petite statuette et amulette, pouvant être en bois, en bronze ou en argent. Priape est aussi un thème de mosaïque commun car à la fois débonnaire et exotique. Le culte de Priape, on le devine, était plutôt de nature superstitieuse, humoristique et burlesque. Mais cette dimension première n’est qu'apparente, en vérité le culte de Priape l'homme-phallus, évoque des traditions plus ésotériques.

Dans la tradition dionysiaque, les cortèges festifs suivent un immense phallus de bois, constitué d'une énorme poutrelle, ou d'un tronc d'arbre tout juste coupé. Il s'agit alors du pin, l'arbre fétiche de Pan, mais aussi d'Attis. Attis est l'amant de Cybèle, la déesse-mère originaire d'Asie mineure puis importée à travers la Méditerranée. En disciple de la déesse-mère, Attis s'émascule, devenant ainsi l'homme stérile qui s'unit en pensée et en amour à la déesse vierge.

La secte qui menait le culte et les mystères de Cybèle et Attis avait en effet comme rite d'initiation de se couper les testicules afin de prouver leur amour inconsidéré et immatériel envers leur déesse. L'émasculation des prêtres de Cybèle fut d'abord tout à fait tolérée dans le monde hellénique puis romain, mais alors que le culte devenait de plus en plus populaire et que des fils de bonne famille mettaient en péril le patrimoine familial, cette pratique finit par être interdite.

En Égypte, le cortège dionysiaque du phallus évoque le démembrement d'Osiris par ses ennemis et la dispersion de ses membres à travers le monde. Sa femme Isis réussira à retrouver son phallus, et le conservera dans un coffre (prototype du tabernacle). Dans une autre version, Isis ne retrouvera pas le phallus, et érigera à sa place un totem, puis des idoles, qu'elle installera dans les temples d’Égypte. Dans les deux versions, le phallus d'Osiris-Dionysos est la partie la plus importante de son corps, celle qui survit ou qui manque, celle qui symbolise ce qu'il y a d'immortel en lui. Le phallus est alors apparenté au cœur, mais aussi à l'âme.

L’émasculation volontaire se pratique encore en Inde, parmi la population des sadhus. Il n'est pas rare de voir sur les ghats de Varanasi des moines yogis aux testicules cerclées de fer ou à la verge coupée. Il s'agit d'une méthode d'automutilation afin d’entraîner le corps à subir la domination de l'esprit. Si le corps ne désire plus, ne peut plus désirer et ne veut plus désirer, alors l'esprit sera en paix. La verge peut aussi être tailladée au couteau, de sorte que le tendon soit à jamais flétri. Les testicules peuvent être cerclés de fer, de sorte qu’ils ne puissent plus jamais évacuer de semence. Enfin, la verge peut être simplement coupée.

Jacques-Antoine Dulaure, dans Divinités génératrices ou du culte du Phallus (1805), loin de considérer Priape comme une simple curiosité décorative, le présente comme une divinité solaire, une figure initiatique reliée à l'orphisme :

*

[Les Grecs] conservèrent au Phallus et à Priape même ses rapports originels avec le soleil, et leur culte ne fut presque jamais séparé de celui de cet astre, sous quelque nom qu’il fût adoré. Déterminés par ces principes, ils accordèrent à Priape le titre auguste de sauveur du monde, qu’on a souvent donné aux dieux-soleil et surtout aux différents signes qui ont successivement marqué l’équinoxe du printemps, tels que les Gémeaux, le Taureau, le Bouc, enfin le Bélier ou l’Agneau. Cette qualification divine se trouve en une inscription grecque placée sur le Priape antique du musée du cardinal Albani. […]

L’introduction et les progrès du christianisme en Grèce devinrent funestes au culte du Phallus et de Priape, mais ne l’anéantirent pas. Même lorsque plusieurs écrivains chrétiens s’attachaient à déclamer contre lui, se récriaient contre ses indécences, en décrivaient, et peut-être même en exagéraient les abus. Une secte favorable au Phallus s’établissait sous une forme nouvelle.

C’était celle qui célébrait les fêtes appelées orphiques, espèce de Dionysiaques régénérées sous des noms différents. La divinité qui en était l’objet se nommait Phanès, surnom du soleil ; elle était figurée avec un Phallus très apparent qui, suivant quelques auteurs, était placé en sens inverse. La secte des orphiques se distingua d’abord par ses principes austères, par ses mœurs pures, qui dégénérèrent par la suite en débauche. Aux déclamations violentes et répétées des Pères de l'Église contre le Phallus, les partisans de ce culte répondaient qu’il était un emblème du soleil, de l’action régénératrice de cet astre sur toute la nature.

Un philosophe platonicien, Jamblique, qui vivait sous le règne de Constantin, disait que l’institution des Phallus était le symbole de la force générative ; que ce symbole provoquait la génération des êtres. « C’est véritablement, ajoutait-il, parce qu’un grand nombre de Phallus sont consacrés, que les dieux répandent la fécondité sur la terre. »

Malgré les atteintes du christianisme, le culte du Phallus se soutint encore longtemps chez les Grecs. Les femmes de cette nation continuèrent de porter à leur cou, comme un préservatif puissant, des amulettes ithyphalliques de diverses formes, comme les indiennes portent le taly ; elles le plaçaient même quelquefois plus bas que le sein. Arnobe et son disciple Lactance, qui vivaient sous l’empire de Dioclétien, c’est-à-dire vers le commencement du 3e siècle de l’ère chrétienne, prouvent, par leurs déclamations, que ce culte était alors dans toute sa vigueur en Grèce. « J’ai honte, dit Arnobe, de parler des mystères où le Phallus est consacré, et de dire qu’il n’est point de canton dans la Grèce où l’on ne trouve des simulacres de la partie caractéristique de la virilité.

Temple de Dionysos (Délos, Grèce)

Temple de Dionysos (Délos, Grèce)

PRIAPE (divinité européenne)
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