24 Décembre 2021
Extraits de La Vie du Bouddha
Par André-Ferdinand Herold
Mahâ-Prajâpatî songeait. Elle avait compris la vanité du monde. Elle aurait voulu fuir son palais, fuir le pays es Shakyas, et mener une vie sainte.
« Que le Maître est heureux ! Que les disciples sont heureux ! pensait-elle. Que ne puis-je les suivre ? Que ne puis-je vivre comme ils vivent ? Mais ils repoussent les femmes. Nous ne sommes pas admises dans la communauté, et je dois rester dans cette ville, pour moi déserte, dans ce palais, vide à mes yeux, tristement ! »
Elle se désolait. Elle ne se vêtait plus de riches étoffes, elle donnait ses joyaux aux servantes, elle était humble devant les créatures.
Un jour, elle se dit :
« Le Bouddha est bon ; il aura pitié de moi. J’irai le trouver, et peut-être consentira-t-il à me recevoir dans la communauté. »
Le Maître était alors dans un bois, près de la capitale des Shakyas. Mahâ-Prajâpatî alla à lui, et, d’une voix timide, elle parla :
« Maître, toi seul et tes disciples pouvez être vraiment heureux. Je voudrais, comme toi, comme ceux qui t’accompagnent, marcher dans le chemin salutaire. Accorde-moi la grâce d’entrer dans la communauté. »
Le Maître resta silencieux. Elle reprit :
« Comment vivrais-je heureuse dans un monde que je n’aime plus ? J’ai compris maintenant combien ses joies sont fausses. Je n’aspire qu’à marcher dans le chemin salutaire. Accorde-moi la grâce d’entrer dans la communauté. Je sais d’autres femmes qui sont prêtes à m’imiter. Accorde-nous je t'en prie la grâce d’entrer dans la communauté. »
Le Maître resta silencieux encore. Elle reprit :
« Jamais je ne me plairai dans la royale demeure. La ville est pleine de ténèbres. Les voiles brodés me pèsent ; les diadèmes, les bracelets et les colliers me blessent. Il faut que je marche dans le chemin salutaire. Les femmes qui ne sont point frivoles, les femmes pieuses sont prêtes à m’imiter. Accorde aux femmes la grâce d’entrer dans la communauté. »
Pour la troisième fois, le Maître resta silencieux.
Mahâ-Prajâpatî, les yeux en larmes, rentra dans son triste palais mais elle ne put s’habituer à sa défaite, et elle résolut d’aller, de nouveau, trouver le Maître, et de l’implorer encore.
Il campait avec ses disciples la semaine suivante non loin de là dans un grand bois. Mahâ-Prajâpatî se fit couper les cheveux, elle se vêtit d’une rugueuse étoffe de couleur rouge, et prit la route qui s’enfonçait dans les bois
Elle accomplit le voyage à pied ; elle en supporta, sans gémir, la fatigue. Toute poussiéreuse, elle s’arrêta devant l'ashram où méditait ce jour-là le Bouddha, mais elle n’osait pas en franchir le seuil. Elle était là, debout, de grosses larmes dans les yeux. Or, Ananda, le disciple favori du Bouddha, vint à passer par là. Il la vit, et lui demanda :
« Pourquoi, reine, es-tu venue ici, vêtue de la sorte ? Et que fais-tu devant la porte du Maître ?
— Je n’ose paraître devant lui. Déjà, par trois fois, il a rejeté ma prière, et ce que, par trois fois, il m’a refusé, je viens le lui demander encore. Qu’il m’accorde la grâce, qu’il accorde aux femmes la grâce d’entrer dans la communauté.
— J’intercéderai pour toi, reine, » dit Ananda.
Il entra dans la salle. Il vit le Maître. Il lui dit :
« Grand maître, Mahâ-Prajâpatî, notre reine vénérée, est là-bas, devant ta porte. Elle n’ose pas se montrer à tes yeux : elle craint que, cette fois encore, tu ne restes sourd à sa prière. Cette prière, pourtant, n’est point d’une folle : que t’en coûterait-il de l’exaucer ? Jadis, la reine eut pour toi des soins maternels ; elle te fut toujours bonne, elle est digne que tu l’écoutes. Pourquoi ne recevrais-tu pas de femmes dans la communauté ? Il y a des femmes très pieuses qui, par un saint courage, sauraient tenir la route pure.
— Ananda, dit le Maître, il ne faut pas souhaiter que les femmes entrent dans la communauté. »
Ananda sortit. La reine l’avait attendu.
« Qu’a dit le Maître ? fit-elle, anxieuse.
— Il repousse ta prière. Mais ne désespère pas. »
Le lendemain, Ananda revit le Bouddha.
« Mahâ-Prajâpatî n’a pas quitté le bois, dit-il. Elle songe au temps fleuri de sa jeunesse. Mâyâ était vivante, elle était belle entre toutes les femmes ; elle allait avoir un fils ; sa sœur, qui était trop noble pour connaître l’envie, aimait déjà l’enfant avant même qu’il fût né. Il naquit pour la joie du monde, et la reine Mâyâ mourut. Mahâ-Prajâpatî fut douce à celui qui restait sans mère ; il semblait frêle encore, elle le protégea des intempéries, elle lui donna des nourrices zélées, elle éloigna de lui les mauvaises servantes, elle lui prodigua les soins et les tendresses. Il grandit et jamais elle ne l’abandonna. Elle prévenait ses moindres désirs, elle l’adorait. Maintenant, qu'il a atteint la plus heureuse fortune, qu'il est l’arbre géant qui abrite les sages ; elle demande une place, la plus humble possible, à son ombre, et voici qu’on lui refuse le repos où elle aspire ! Ô Maître, ne sois pas injuste : reçois Mahâ-Prajâpatî dans la communauté. »
Le Maître réfléchit, puis il parla d’une voix grave :
« Écoute, Ananda. Va trouver Mahâ-Prajâpatî, et dis-lui que je veux bien la recevoir dans la communauté, mais il faut qu’elle accepte une règle très dure. Voici ce que j’impose aux femmes dans la communauté : une nonne, quand bien même elle serait nonne depuis cent ans, doit se lever et donner toutes les marques du plus profond respect devant un moine, même s'il est moine depuis la veille. »
Mahâ-Prajâpatî, heureuse, promit d’observer la règle qu’on lui imposait. Elle entra dans la communauté, et, quelques mois après, les femmes étaient déjà nombreuses qui avaient suivi son exemple.
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BOUDDHA (vers 566-486 av. J.C.) - Une vie, une œuvre [2013]
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