27 Novembre 2023
Publication originale Ernest Leroux, 1878
INTRODUCTION
Le petit ouvrage, dont nous allons donner la traduction, a eu, tant en Asie qu’en Europe, une destinée assez remarquable pour qu’il nous semble à propos d’en exposer ici les principaux incidents.
Les Annales chinoises signalent le Sûtra en 42 articles comme le premier traité bouddhique qui ait été apporté en Chine et traduit en chinois. Il est du moins cité au premier rang parmi les livres que l’empereur Ming-ti envoya chercher dans l’Inde en l’an 65 de notre ère ; il est même le seul dont le titre soit reproduit, les autres ouvrages étant indiqués en bloc par un etcetera ; il est en même temps désigné comme le « livre fondamental ». [...]
Ce Sûtra en 42 articles, au moyen duquel le bouddhisme indien a été enseigné aux populations de « l’Empire du milieu », est aussi le livre dans lequel l’érudition française a trouvé les premières notions qu’elle a obtenues sur le bouddhisme chinois. Je dis « le bouddhisme chinois », car, avant qu’on eût connaissance de notre Sûtra, le bouddhisme avait été révélé à l’Europe par les différents travaux des ambassadeurs et des missionnaires français qui allèrent dans l’Indochine au temps où Louis XIV essaya d’entamer des relations diplomatiques avec le roi de Siam Phra Narai. Le chevalier de Chaumont, l’abbé de Choisy, le P. Tachard et surtout Laloubère, le plus sérieux et le plus complet de ces écrivains, donnèrent sur le bouddhisme, tel qu’ils l’avaient vu pratiquer à Siam ou qu’ils l’avaient pu connaître par les livres du pays, des renseignements assez exacts et assez étendus. Les études pour lesquelles Laloubère avait frayé la voie, ne rencontrèrent pas de partisans ; et ce ne fut pas sans peine qu’on parvint, par la suite, à constater l’identité du Somana-Khodom des Siamois, avec le Fo des Chinois. Mais les premières indications, un peu précises, que l’on eut sur ce Fo, furent puisées dans le livre qui nous occupe en ce moment, le Sûtra des 42 articles. |...]
Étudions maintenant l’ouvrage lui-même.
Le texte indien (sanskrit ou pâli) de ce fameux Sûtra est complètement ignoré. On n’en a constaté l’existence ni dans la collection népalaise, ni dans le Tipitaka singhalais. À la vérité, ces deux collections ne sont pas assez connues, n’ont pas été assez explorées et fouillées dans toutes leurs parties pour qu’on puisse assurer, d’une manière indubitable, que tel ou tel texte en fait ou n’en fait pas partie. Cependant, pour ce qui concerne notre Sûtra, on a de très-fortes raisons de croire qu’il ne s’y trouve véritablement pas, quand on considère la valeur, pour ainsi dire, exceptionnelle que les Chinois lui attribuent et qui devait nécessairement lui assurer une place éminente dans la littérature bouddhique. |..]
La version chinoise étant originale, par rapport aux autres, devrait avoir la préférence sur elles, et comme il y a deux recensions, la plus ancienne devrait avoir le pas sur la plus récente. Cependant, si la recension nouvelle a été faite sur les textes primitifs, elle peut avoir un intérêt égal à celui de la plus ancienne ; et si la traduction tibétaine a été faite aussi avec recours aux originaux, elle peut valoir mieux que le texte dont elle émane, ayant été puisée aux sources. D’ailleurs, dans l’édition polyglotte, le tibétain est au premier rang. Cela peut tenir à l’importance que le Tibet occupe dans le monde bouddhique ; mais, par cette raison même, et par d’autres encore, le texte tibétain mérite une attention spéciale, et peut-être n’est-il pas téméraire de le traiter en original. [...]
Il nous a paru utile de donner un titre à chacun des « articles ». Ces titres ne sont pas fournis par le texte ; nous les inventons d’après l’idée dominante qui paraît être renfermée dans chaque discours ou épisode. Nous avons soin de prévenir le lecteur, afin qu’il sache bien que ce ne sont pas des traductions, mais comme des sommaires ou des arguments de chaque article.
ADORATION AUX TROIS JOYAUX
En ce temps-là, Bhagavat, ayant réalisé la Bodhi au-dessus de laquelle il n’y a rien, fut absorbé dans les méditations suivantes : il retrancha tout désir, se mit dans un état de calme complet et s’éleva au plus haut degré ; après quoi il resta plongé dans la grande Samâdhi et vainquit ainsi toutes les troupes de Mâra.
Alors, pour sauver les êtres, il songea profondément à faire tourner la roue de la loi. En conséquence, il se rendit à Richipatana dans le bois des Gazelles, où, ayant fait tourner pour les cinq, savoir l’Ayuchmat Kaundinya et les autres, la roue de la loi des quatre vérités, il établit ces personnages dans la voie et le fruit.
Ensuite d’autres Bhixus s’approchèrent de Bhagavat, et, sous forme de question, soumirent à Bhagavat les doutes de leurs esprits. Bhagavat leur donna une instruction complète et les délivra entièrement des doutes de leurs esprits. Alors faisant l’Anjali en s’inclinant du côté où était Bhagavat, ils prêtèrent respectueusement l’oreille à l’enseignement de Bhagavat.
En ce temps-là, Bhagavat prononça (cette portion de) la bonne loi appelée les « Quarante-deux articles. »
I - LE SHRAMANA, L’ARHAT
Quitter ses parents, déserter sa maison pour être initié, et, se livrant assidûment à l’étude, contempler la nature de l’esprit et s’appliquer à discerner le principe de la non-composition, c’est devenir ce qu’on appelle un Shramana (« Ascète, qui se dompte soi-même »).
Persévérer dans l’observation des 253 règles de la morale, sans en omettre une seule, faire des efforts énergiques et soutenus dans le chemin des quatre vérités, réussir à le suivre, et se purifier complètement, c’est devenir ce qu’on appelle un Arhat.
II - LES QUATRE DEGRÉS DE PERFECTION
Bhagavat dit encore :
L’Arhat (peut), en s’élevant dans les régions supérieures du ciel, faire voir toutes sortes de manifestations surnaturelles et de transformations ; il peut ébranler dans toutes leurs parties les régions du monde, et même prolonger, autant qu’il lui plaît, le temps de sa vie.
Après lui vient l’Anâgami (« qui ne revient pas »). L’Anâgami, après sa mort, renaît successivement dans dix-neuf résidences divines, et là, dans ces résidences mêmes, il obtient l’état d’Arhat.
Après celui-ci vient le Sakridâgami (« qui revient une fois »). Le Sakridâgami, après sa mort, renaît dans les régions supérieures, puis étant revenu (dans ce monde, une seule fois, il y) obtient l’État d’Arhat.
Après celui-ci vient le Çrota-âpanna (« qui est entré dans le courant »). Le Çrota-âpanna, après être mort (sept fois) et rené sept fois, obtient à la fin l’état d’Arhat.
Celui qui renonce complètement aux désirs est comme celui qui se couperait les membres du corps ; il ne peut plus en faire usage.
III - LA PERFECTION ABSOLUE
Bhagavat dit encore :
Quand les Bhixus initiés ont supprimé les désirs, connu à fond (la nature de) leur propre esprit, pénétré le sens profond de la loi du Bouddha (qui est le principe de) la non-composition, et que, par ce moyen, ils en sont venus à ne rien obtenir, à ne rien rechercher, à n’être point liés par la voie, ni embarrassés par les affaires, à ne point penser, ne point agir, ne point méditer, ne rien manifester au dehors, ne s’attacher à rien, en sorte que, par leur propre nature, ils s’élèvent à un état supérieur et merveilleux, c’est en cela que consiste ce qu’on appelle la voie.
IV - LE RÉGIME DES MOINES
Bhagavat dit encore :
Ceux qui, devenus Bhixus, après avoir eu la tête et les cheveux rasés, sont entrés à l’école de Bhagavat, ceux-là renoncent aux biens du monde, demandent l’aumône, mangent une seule fois (par jour) à midi, font ensuite leur lit au pied d’un arbre, et par modération ne doivent pas prendre (de nourriture) une deuxième fois.
Pourquoi cela ?
C’est que, par suite de l’attrait des désirs, les hommes agissent avec aveuglement.
V - LES DIX PÉCHÉS
Bhagavat dit encore :
Les êtres pratiquent la vertu de dix manières différentes, et c’est de dix manières aussi qu’ils pratiquent le vice.
Quelles sont ces dix (manières) ? — Il y en a trois par le corps, — quatre par la parole, — trois par la pensée.
Quelles sont les trois manières (de pécher) par le corps ?
Ôter la vie (meurtre), — prendre ce qui n’a pas été donné (vol), — se mal conduire sous l’empire de la passion (adultère et fornication).
Quelles sont les quatre manières (de pécher) par la parole ? — Dire des mensonges, — dire de vaines paroles, — dire des paroles dures, — médire.
Quelles sont les trois manières (de pécher) par la pensée ? — Le désir d’avoir (convoitise ou cupidité), — le désir de nuire (haine et envie), — l’ignorance qui empêche de croire aux trois joyaux et produit des vues fausses (incrédulité).
Les Upâsakas assez vigilants pour ne pas s’écarter des cinq préceptes de la loi et pour pratiquer les dix espèces de vertus obtiendront certainement le fruit.
VI - L’ACCUMULATION DES PÉCHÉS
Bhagavat dit encore :
Les hommes qui commettent beaucoup de péchés et ne s’en repentent pas peu à peu, amassent continuellement des actes coupables dont le fruit mûrit en eux-mêmes. Il en est comme des cours d’eau qui descendent vers le grand Océan, et qui, devenant par eux-mêmes (toujours plus) profonds et toujours plus larges, finissent par être difficiles à traverser.
Les hommes, qui, ayant vu leurs fautes, prennent un engagement pour l’avenir, augmentent par là en eux-mêmes les conditions de vertu, de manière à ce que le péché s’éteigne graduellement ; et ainsi, ils obtiendront malgré tout la (droite) voie.
VII - PATIENCE DANS LES INJURES
Bhagavat dit encore :
Les hommes fous ont beau commettre contre le Tathâgata des actions méchantes, non vertueuses, il les accepte par l’effet de son immense compassion ; ils ont beau le tourmenter en redoublant leurs invectives déréglées, il redouble (de douceur à leur égard) et les protège par la compassion d’un amour sans bornes et sans cesse renouvelé.
Par cette raison, le Tathâgata augmente le trésor de ses mérites religieux et de ses qualités, tandis que le dommage et la douleur s’attachent à ces hommes.
VII bis - IMPASSIBILITÉ DU SAGE
Un fou (se fondant) sur ce qu’il avait entendu dire que le principe de la conduite du bienheureux Bouddha était essentiellement la compassion et l’amour et que, en conséquence, les outrages avaient pour unique résultat de le faire redoubler d’amour, vint auprès de Bhagavat et l’injuria ; mais Bhagavat resta sans rien dire : « C’est un homme stupide, sans lumière, un fou » pensa-t-il, par l’effet de sa grande compassion.
Les outrages finis, Bhagavat lui dit : « Mon fils, quand tu vas offrir ton hommage à quelqu’un et que cet hommage n’est pas agréé, qu’y a-t-il à faire ? » — « À le remporter », répondit l’homme. — Bhagavat reprit : « Mon fils, les outrages que tu viens d’adresser au Tathâgata, il ne les a pas pris pour lui ; remporte-les donc, la douleur sera pour toi ».
Il en est comme de l’écho qui suit la voix, de l’ombre qui suit le corps ; ainsi le fruit n’abandonne pas l’acte (non plus que celui qui l’a fait).
Qu’on s’abstienne donc des actes pervers et coupables.
VIII - INVULNÉRABILITÉ DU SAGE
Bhagavat dit encore :
Les méchants qui outragent les bons ressemblent à celui qui lancerait un crachat vers le ciel. Le ciel ne pouvant pas être sali par le crachat, c’est (l’homme) lui-même qui est sali.
Ils ressemblent encore à celui qui jetterait de la poussière contre un adversaire placé du côté d’où vient le vent ; la poussière, ne pouvant pas atteindre l’adversaire, revient (sur elle-même) et contre celui (qui l’a jetée).
Les bons n’étant pas accessibles à l’outrage, comme on ne fait pas de tort aux bons, c’est soi-même qu’on amoindrit (en voulant leur nuire).
IX - LES MÉRITES RELIGIEUX SONT INALTÉRABLES
Bhagavat dit encore :
Ceux qui apprennent à pratiquer (la loi) doivent s’appliquer avec énergie à l’amour et à la compassion (et) surtout (ils doivent) faire des dons. Les avantages du don sont fort grands. Lorsqu’on pratique bien la loi avec un cœur pénétré du sentiment de l’obligation, les mérites religieux qui en dérivent sont très grands.
En voyant (les autres) pratiquer la loi, on retire déjà du profit dans le moment même, et on éprouve de la joie ; toutefois, il reste encore à recueillir le fruit (quand il sera) mûr.
Quelqu’un dit :
Bhagavat, s’il en est ainsi, les avantages des mérites religieux acquis de la sorte ne sauraient donc diminuer ?
Bhagavat répondit :
Il en est comme d’un grand feu qui serait allumé quelque part, et où l’on viendrait des quatre points cardinaux prendre des tisons pour allumer du feu et cuire des aliments : bien qu’il fasse disparaître les ténèbres, ce feu ne s’éteint pas pour cela. Il en est de même des avantages assurés par les mérites religieux.
X - GRADATION DES AUMÔNES ET DES DIGNITAIRES
Bhagavat dit encore :
L’acte de donner de la nourriture à cent hommes du commun n’est rien auprès de celui de donner à un seul homme de bien.
L’acte de donner de la nourriture à mille hommes vertueux n’est rien auprès de celui d’en donner à un seul homme observateur des cinq bases de l’enseignement.
L’acte de donner de la nourriture à dix mille observateurs des cinq bases de l’enseignement n’est rien auprès de celui d’en donner à un seul Çrota-âpanna.
L’acte de donner de la nourriture à cent mille Çrota-âpanna n’est rien auprès de celui d’en donner à un seul Sakridâgami.
L’acte de donner de la nourriture à un million de Sakridâgami n’est rien auprès de celui d’en donner à un seul Anâgami.
L’acte de donner de la nourriture à dix millions de Anâgami n’est rien auprès de celui d’en donner à un seul Arhat.
L’acte de donner de la nourriture à cent millions d’Arhats n’est rien auprès de celui d’en donner à un seul Pratyeka-Bouddha.
L’acte de donner de la nourriture à un milliard de Pratyeka-Bouddhas n’est rien auprès de celui d’inviter un seul Bouddha au repas de midi.
Pourquoi cela ?
Cela est (ainsi) à cause du désir de rechercher, d’apprendre à fond la voie du Bouddha, et de procurer le bien de tous les êtres. En conséquence, l’offrande de nourriture faite à tous ceux qui sont bons produit une grande masse de mérites religieux. L’hommage rendu aux génies bons ou mauvais et aux Bhûtas du monde ne vaut pas le respect et l’honneur dont on entoure ses père et mère. Les père et mère sont le champ le plus excellent des mérites religieux.
XI - LES VINGT CHOSES DIFFICILES
Bhagavat dit encore :
Il y a, dans le monde, vingt choses difficiles :
1. Il est difficile de donner l’aumône, quand on est pauvre.
2. Il est difficile de s’instruire dans la voie, quand on est riche.
3. Il est difficile de faire le sacrifice de sa vie (ou de quitter la vie volontiers).
4. Il est difficile de comprendre la bonne loi aux enseignements multiples.
5. Il est difficile de naître dans une région, théâtre de l’apparition d’un Bouddha.
6. Il est difficile de ne pas céder aux passions et de leur tenir tête.
7. Il est difficile, quand on a vu une chose agréable, de ne pas la désirer.
8. Il est difficile de posséder la richesse et la puissance sans se laisser dominer par elles.
9. Il est difficile de recevoir des outrages sans se mettre en colère.
10. Il est difficile, quand on a trouvé un champ d’activité, de n’y pas attacher son cœur.
11. Il est difficile, même après avoir beaucoup appris, d’atteindre le terme (désiré de la science).
12. Il est difficile de ne pas mépriser ceux qui manquent d’instruction.
13. Il est difficile de surmonter l’orgueil qui dit toujours « moi ! ».
14. Il est difficile de rencontrer un ami de (la) vertu.
15. Il est difficile de connaître la vraie nature de l’esprit, de manière à s’instruire dans la voie.
16. Il est difficile de n’être plus ébranlé par rien, dans le moment où on atteint le port.
17. Il est difficile de ne recourir qu’à des procédés absolument raisonnables.
18. Il est difficile de convertir (les êtres) de manière à ce qu’ils s’accommodent à la nature (des choses).
19. Il est difficile de mettre son esprit dans un état de repos complet.
20. Il est difficile de garder le silence sur ce qui doit ou ne doit pas être fait.
XII - COMMENT OBTENIR LA BODHI ?
Un Bhixu fit cette question à Bhagavat :
Quelle est la cause qui fait obtenir la Bodhi ? Quelle est la série (de causes et) d’effets qui permet de se rappeler les existences antérieures ?
Bhagavat répondit :
La Bodhi n’a point de signes ni de marques distinctives : ce qu’on peut savoir à cet égard n’est d’aucune utilité ; mais le soin qu’on met à exercer son esprit est d’une grande importance. Il en est comme d’un miroir nettoyé et poli, devenu clair et brillant, en sorte que les images s’y reproduisent avec éclat et netteté. Ainsi, quand on a renoncé aux désirs, et qu’on est entré dans la pratique complète de la loi du vide, la voie sublime (ou des Aryas) se manifeste dans toute sa pureté ; on peut l’atteindre et du même coup se rappeler les existences antérieures.
XIII - VERTU, GRANDEUR, FORCE, ÉCLAT
Bhagavat dit encore :
Si l’on demande : quelle est la suprême vertu ? — Marcher dans la voie est la suprême vertu.
Si l’on demande : quelle est la suprême grandeur ? — L’action de mettre l’esprit en conformité avec la loi, voilà la suprême grandeur.
Si l’on demande : qui est le plus excellent des forts ? (Je réponds) : c’est celui qui possède la patience, car lorsqu’on est doué de patience et qu’on s’abstient d’actes vicieux, on reçoit ouvertement les hommages des hommes.
Si l’on demande : quelle est la clarté suprême ? (Je réponds) : celui qui est sans ténèbres, exempt de souillures, d’une conduite irréprochable, parfaitement pur, celui-là, bien que de toutes les choses qui sont dans le monde des dix régions depuis le temps sans commencement jusques à aujourd’hui, il n’en connaisse aucune, n’en ait vu aucune, n’en connaisse à fond aucune, n’ait entendu parler d’aucune, n’en ait en un mot aucune connaissance si petite qu’elle soit, il a néanmoins la science élevée de celui qui sait tout. C’est en parlant de lui qu’on dit : « Clarté ».
XIV - L’EAU SALE ET L’EAU BOUILLANTE
Bhagavat dit encore :
1. Les êtres animés, aveuglés par les désirs auxquels leurs cœur est attaché, ne peuvent apercevoir la voie pure telle qu’elle est. Ils ressemblent à une eau sale dans laquelle on aurait mêlé les cinq espèces de couleurs ; si une force quelconque vient à l’agiter, les hommes ont beau venir s’y mirer, ils ne peuvent apercevoir l’image de leur corps. Ainsi, quand l’esprit, troublé par les désirs, est devenu plein d’impureté, il ne peut apercevoir la voie.
Au contraire, les hommes qui, avec respect, confessent successivement leurs péchés et s’obligent ainsi (à les rejeter), s’ils viennent à rencontrer un ami de la vertu, aperçoivent la voie de la même manière que, les souillures de l’eau sale étant enlevées, l’image (de ceux qui s’y mirent) vient à briller.
2. C’est encore comme si une chaudière étant placée sur un feu qui l’enveloppe bien, l’eau qui est dedans bout et se couvre d’écume. Les hommes qui s’approchent de la chaudière ont beau s’y mirer, ils n’aperçoivent pas leur image. Ainsi, quand on est troublé par les trois poisons originairement fixés (dans le cœur), quand on est couvert par les cinq obscurités, on ne peut pas apercevoir la voie.
(Mais) si l’on fait disparaître entièrement les souillures du cœur, de quelque degré de connaissance qu’on soit parti pour renaître, et quels que soient les champs de Bouddha où l’on se rend après la mort, ayant la connaissance, on en vient à apercevoir aussi les qualités de la voie.
XV - SCIENCE ET LUMIÈRE
Bhagavat dit encore :
Ceux qui enseignent la morale sont comme un homme qui, tenant une lampe allumée, entrerait dans une maison obscure ; les ténèbres disparaissent et la clarté se fait. Ainsi, quand on enseigne la voie, au moment où la vérité est aperçue, l’obscurité de l’ignorant égaré par l’erreur se dissipe, et il n’est personne qui ne soit éclairé.
XVI - UNIQUE PRÉOCCUPATION D’UN BOUDDHA
Bhagavat dit encore :
Toutes les méditations du Tathâgata sont des méditations sur la voie ; tous ses actes sont des actes de la voie ; tous ses discours sont des discours sur la voie. Le Tathâgata a de la mémoire ; c’est pour ne jamais oublier la voie véritable.
XVII - IMPERMANENCE DE TOUTES CHOSES
Bhagavat dit encore :
Quand on regarde le ciel et la terre, il faut se dire : « Ils ne sont pas permanents ». Quand on regarde les montagnes et les rivières, il faut se dire : « elles ne sont pas permanentes ». — Quand on regarde la forme et la figure des êtres extérieurs, leur accroissement et leur développement, il faut se dire : « Rien (de cela) n’est permanent. » Par ces réflexions, on sera amené à obtenir les voies sans retard.
XVIII - LA FOI
Bhagavat dit encore :
Si, jour après jour, on attache à la voie ses pensées et son activité, on atteint par là le sens de la foi : la somme de mérites (qui en résulte) est incalculable.
XIX - LE MOI
Bhagavat dit encore :
On a beau appliquer aux grands éléments du corps l’affirmation du moi ; ils ne sont pas le moi. Car le moi ne peut pas résider ni persister dans ce qui périt en un instant. C’est comme une hallucination.
XX - LE PARFUM DE LA GLOIRE
Bhagavat dit encore :
Quand les êtres en proie aux désirs se travaillent pour la gloire, il en est comme de l’odeur d’un parfum qu’on brûle. Quand ceux qui ont perçu cette odeur en ont été tout parfumés, l’effet étant produit, le parfum épuisé n’existe plus. Il en est de même des fous qui s’attachent aux bruits du monde et ne font aucun effort pour la gloire de la vérité pure. Ceux-là sont pauvres quoiqu’ils aient obtenu (ce qu’ils cherchaient), et le repentir naîtra en eux.
XXI - LE COUTEAU ENDUIT DE MIEL
Bhagavat dit encore :
La beauté et la richesse ressemblent au miel qui est resté attaché à la lame d’un couteau. Que de jeunes enfants y portent tant soit peu la langue pour le goûter, ils se coupent et en ont de la douleur.
XXII - LA FRAYEUR DES FRAYEURS
Bhagavat dit encore :
Les êtres qui éprouvent des terreurs à cause de leur attachement à leurs enfants, à leurs femmes, à leurs richesses, à leurs maisons, ressemblent à un homme enfermé dans une prison, chargé de chaînes, de fers et d’autres entraves, effrayé de cette situation et en proie à une grande terreur.
On peut avoir la chance d’être délivré des terreurs de la prison. Mais, quand on est attaché à une femme, à des enfants, etc., la crainte est semblable à celle qu’on éprouve en entrant dans l’antre du tigre. Comme les fous s’y livrent sans mesure et sans précaution (à ces attachements), ils ne peuvent en être délivrés.
XXIII - LA PLUS ÉNERGIQUE DES PASSIONS
Bhagavat dit encore :
Parmi les attachements aux objets du désir, l’attachement à la forme est le plus fort ; il n’y a pas d’attachement plus puissant que l’attachement à la forme. Par bonheur, l’attachement à la forme est une passion unique ; s’il venait à en exister une seconde pareille à celle-là, il deviendrait impossible de s’instruire dans la voie.
XXIV - LA TORCHE DES PASSIONS
Bhagavat dit encore :
Celui qui entre dans le domaine du désir donne lieu à l’assimilation suivante : il ressemble à des fous qui tiendraient à la main un flambeau et marcheraient contre le vent : s’ils ne laissent pas échapper le flambeau, ils se brûleront la main : leur imprudence est manifeste.
Ainsi, quand on est livré à cette triade, — la passion ardente, la colère, l’égarement d’esprit, — et qu’on n’a pas encore vu la lumière par la voie, on est comme ces fous qui tiennent un flambeau à la main, ne lâchent pas prise, et se brûlent la main ; on commet une lourde faute.
XXV - TENTATION DU Bouddha
Ensuite un dieu, pour éprouver Bhagavat, amena devant lui une fille des dieux.
Bhagavat lui dit :
Outre remplie d’impuretés de tout genre, pourquoi es-tu venue ? Tu peux bien tromper les hommes du commun ; mais le Tathâgata qui possède les six connaissances supérieures, comment pourrais-tu l’ébranler si peu que ce soit ? Le Tathâgata n’a nul besoin de toi : va-t-en.
À la suite de cela, ce dieu eut une foi entière en Bhagavat, et lui demanda l’affermissement de son esprit. Bhagavat lui enseigna (la doctrine) point par point, et, par cette instruction, l’établit dans le fruit de Çrota-âpanna.
XXVI - LE JUSTE MILIEU
Bhagavat dit encore :
Les hommes qui s’instruisent dans la voie ressemblent à un morceau de bois qui surnage (en se dirigeant) vers l’embouchure d’un fleuve. Si ce bois, bien entraîné dans la direction du courant, ne va donner ni contre un bord ni contre l’autre, si les hommes ne le prennent pas, si les génies bons ou mauvais ne lui font pas rebrousser chemin, s’il ne demeure pas (fixé) dans le fleuve, s’il ne se pourrit pas, véritablement il descendra jusqu’à l’Océan. Voilà ce que je dis.
Semblablement, si des hommes sont une fois instruits dans la voie, s’ils ne sont pas égarés par les désirs ardents, dominés par la dépravation, en proie au trouble de l’esprit, s’ils s’appliquent (au bien) avec énergie et succès, ces hommes en viendront à obtenir véritablement la voie. Voilà ce que je dis.
XXVII - NE POINT SE FIER À SON CŒUR
Bhagavat dit encore :
Shramanas, ne vous fiez pas trop à votre cœur. Il ne faut pas avoir une confiance complète et absolue dans son cœur. Soyez réservés ; ne vous attachez pas à la forme ; si l’on s’attache à la forme, on éprouve de la douleur.
Lorsqu’on est devenu manifestement arhat, alors seulement on peut commencer à se fier à son cœur.
XXVIII - RÉSERVE À L’ÉGARD DES FEMMES
Ensuite Bhagavat dit encore aux Shramanas :
Shramanas, soyez réservés. Il ne faut pas regarder les femmes. S’il vous arrive d’en rencontrer, il ne faut pas les regarder, et, vous tenant sur la réserve, il ne faut pas leur parler. S’il vous arrive de leur parler, il faut vous dire en vous-mêmes : « Je suis un Shramana ; mon devoir est de demeurer dans ce monde de corruption comme le lotus qui ne laisse pas la boue s’attacher à lui. »
D’après ces réflexions, il faut se représenter une vieille femme comme une (grand’)mère, une femme plus âgée (que soi) comme une petite mère, une femme plus jeune (que soi) comme une sœur. Quant à celles qui sont petites, il ne faut point manifester pour elles un mépris illicite.
S’il s’élève dans le cœur des mouvements illicites, il faut raisonner de manière à recouvrer le calme. Voici donc comment il faut raisonner : c’est sur le corps (envisagé) depuis le sommet du crâne jusqu’à la plante des pieds qu’il faut raisonner ; c’est ensuite sur l’intérieur du corps qu’il faut raisonner. Or, comme l’intérieur du corps est rempli d’impuretés de tout genre, en faisant ces réflexions, on se nettoie entièrement de toutes les pensées illicites.
XXIX - L’INCENDIE DES PASSIONS
Bhagavat dit encore :
Comme lorsque le feu est mis à des herbes sèches, il faut s’en éloigner en fuyant bien vite. Ainsi les hommes instruits dans la voie doivent mettre bien loin d’eux les régions des désirs.
XXX - LA MUTILATION VOLONTAIRE
Bhagavat dit encore :
Un homme tourmenté par les désirs du cœur, et ne trouvant pas le moyen de donner du calme à son esprit, se coupa, avec un couteau, les signes (de la virilité).
Bhagavat lui parla ainsi :
« Tu t’es coupé les signes (de la virilité), le mieux eût été de retrancher (les pensées de) ton esprit. C’est l’esprit qui est le chef ; si le chef est retranché, le cortège qui l’accompagne est arrêté de lui-même 1. Si l’on ne retranche pas l’esprit d’égarement, à quoi sert-il de retrancher les signes (extérieurs de la virilité). » Telle fut son explication.
Ensuite cet homme vint à mourir. Bhagavat dit :
Les hommes du monde qui ont des vues fausses sont fous comme cet homme ignorant.
XXX - LE RENDEZ-VOUS
Une fois, une jeune fille avait donné rendez-vous à un homme. L’homme ne vint pas à l’heure fixée : la jeune fille se repentit et prononça cette stance :
Désir, je connais ta racine.
Tu te manifestes, quand on te caresse par la pensée.
Du moment que j’ai cessé de te caresser par la pensée,
Tu ne naîtras plus jamais en moi.
Telles furent les paroles qu’elle prononça.
En ce moment, Bhagavat vint à passer et les entendit. Il s’adressa en ces termes aux Shramanas : « Shramanas, retenez bien cette stance ; elle a été prononcé par le bienheureux Bouddha Kashyapa ; elle a été répétée, s’est conservée et perpétuée dans le monde. »
XXXI - LA CRAINTE
Bhagavat dit encore :
De la passion violente pour les qualités du désir vient la douleur et de la douleur vient la crainte. Quand il n’y a point de passion, la douleur ne se produit pas. N’y ayant point de douleur, il n’y pas non plus de crainte.
XXXII - LE COMBATTANT
Bhagavat dit encore :
Les hommes, lorsqu’on les instruit dans la voie, ressemblent à un homme qui combattrait seul contre plusieurs dizaines de milliers d’adversaires.
Par exemple, un homme se revêt de sa cuirasse et de toutes ses armes, puis sort (contre l’ennemi). Ou bien il a peur et revient (aussitôt) ; — ou bien il s’arrête au milieu du chemin et revient ; — ou bien il meurt après avoir combattu ; — ou enfin, rentrant victorieux dans son pays, il est élevé au premier rang.
Ainsi, lorsque, avec un cœur ferme, on veille énergiquement sur sa conduite, lorsque, à force d’application vertueuse, on ne se laisse pas étourdir par l’ignorance, et que de cette manière, on évite complètement l’attachement aux passions, on obtient le fruit.
XXXIII - LA TENSION DE LA CORDE
En ce temps-là (il y avait) un Shramana (qui), en lisant la nuit, eut soudain du regret de son ardeur pour la musique, de l’attachement qu’il avait éprouvé pour elle, et il se mit à réfléchir sérieusement sur (l’inconvénient de) résider dans une maison.
Alors le Bouddha l’ayant appelé lui dit : auparavant quand tu étais dans une maison, que faisais-tu ? — Il répondit : je pinçais de la harpe.
Bhagavat reprit : si la corde est trop lâche, qu’arrivera-t-il ? — Il ne se produira pas de son. — Et si elle est (trop) bien (tendue), qu’arrivera-t-il ? — Le son sera trop éclatant. — Et si la corde n’est ni trop lâche, ni trop tendue ? — Le son n’étant ni haut, ni bas, sera égal.
Bhagavat dit alors à ce Shramana : quand on s’instruit dans la voie, il en est de même : l’esprit étant lié d’une manière égale (par son vœu), on obtiendra la voie.
XXXIV - ÔTER LA ROUILLE
Bhagavat dit encore :
Ceux qui s’instruisent dans la voie sont comme le fer qu’on purifie en le fondant. En répétant plusieurs fois cette opération, on enlève la rouille (et les scories) : après cela, qu’on fasse de ce métal des vases ou tous autres objets, ils seront propres à l’usage auxquels on les destine.
Ainsi, quand ceux qui s’instruisent dans la voie ont, par degrés, purifié leur esprit de toute souillure, qu’ils ont travaillé avec énergie à obtenir le Bodhi, sans aucun doute, ils obtiendront la Bodhi.
Autrement ils se chagrineront ; ce chagrin les livrera en proie à la corruption naturelle, l’influence de cette corruption les détournera entièrement de la voie. Détournés de la voie ils accumuleront des actes de péché.
XXXV- LA DOULEUR PARTOUT ET TOUJOURS
Bhagavat dit encore :
Les hommes ont beau suivre la voie, ils sont soumis à la douleur ; et, s’ils ne suivent pas la voie, ils sont également soumis à la douleur.
Depuis la naissance des êtres jusqu’à la vieillesse, depuis la vieillesse jusqu’à la maladie et la mort, la douleur se produit sans qu’on puisse lui assigner de limites.
Le trouble mis dans l’esprit par la corruption naturelle, l’accumulation des œuvres de péché, sont causes que la naissance et la mort se suivent sans interruption en sorte qu’on ne peut pas cesser de parler de la douleur.
XXXVI - HUIT CHOSES DIFFICILES
Bhagavat dit encore :
1. Il est difficile aux êtres d’échapper à la mauvaise destinée (gati), et d’obtenir pour soutien un corps d’homme.
2. Quand on a obtenu pour soutien un corps d’homme, il est difficile d’échapper à un corps de femme et d’obtenir la condition masculine.
3. Même ayant obtenu pour soutien le corps d’un mâle, il est difficile d’avoir ses organes au complet.
4. Quand bien même on a ses organes au complet, il est difficile de naître dans le pays du milieu.
5. Quand bien même on a pu naître dans le pays du milieu, il est difficile d’être instruit dans la doctrine du Bouddha.
6. Quand bien même on est instruit dans la doctrine du Bouddha, il est difficile de rencontrer un roi qui possède la loi.
7. Quand bien même on a rencontré un roi qui possède la loi, il est difficile de naître dans la maison d’un Bodhisattva.
8. Quand bien même on a pu naître dans la maison d’un Bodhisattva, il est difficile de croire aux trois joyaux et de naître dans une région du monde où réside un Bouddha.
XXXVII - LA DURÉE DE LA VIE
Bhagavat dit encore aux Shramanas :
« Quelle est la durée de la vie humaine ? » — Un Shramana répondit : « Elle est de dix jours. » — Bhagavat reprit : « Mon fils, tu n’es pas encore avancé dans la voie. »
Il dit encore à un autre Shramana : « Quelle est la durée de la vie humaine ? » — Le (Shramana) répondit : « Le temps de prendre son repas du matin. » (Bhagavat) reprit : « Va, toi non plus tu n’es pas avancé dans la voie. »
Il dit encore à un Shramana : « Quelle est la durée de la vie humaine ? » — Celui-là répondit : « Le temps d’un mouvement de respiration et d’aspiration. » — Alors, Bhagavat dit : « C’est bien ; aussi, mon fils, on peut dire que tu es avancé dans la voie. »
XXXVIII - LA DISTANCE
Bhagavat dit encore :
Des auditeurs, fussent-ils à une distance de mille yojanas du Tathâgata, s’ils mettent dans leur cœur l’enseignement de la discipline de Bhagavat, obtiendront le fruit sans aucun doute.
Ils auraient beau être en présence du maître, s’ils appliquent leur cœur à ce qui n’est pas utile 1, ils n’obtiendront jamais le fruit.
L’important en cela étant de pratiquer, on a beau être près du maître, si l’on ne pratique pas par soi-même, on ne peut profiter en aucune manière.
XXXIX - LE MIEL DE LA LOI
Bhagavat dit encore :
Pour les hommes, l’action de marcher dans la voie ressemble au miel. À l’intérieur, comme à la surface, le miel est doux partout. Ainsi en est-il de la loi du Bouddha ; elle est toute joie, tout bien-être, tout avantage ; en la pratiquant, on obtiendra la voie.
XL - LE CHAPELET ÉGRENÉ
Bhagavat dit encore :
Quand les hommes, en s’appliquant à la voie, repoussent loin d’eux toutes les passions, il en est comme d’un chapelet suspendu dans l’air, dont on enlève tous les grains l’un après l’autre, si bien que le chapelet lui-même finit par disparaître.
Ainsi après avoir dissipé toutes les obscurités, on obtiendra facilement la voie.
XLI - LE BŒUF EMPÊTRÉ DANS LE MARAIS
Bhagavat dit encore :
Les Shramanas qui s’instruisent dans la voie sont comme un bœuf pesamment chargé, qui est arrivé à un terrain marécageux. Aussi longtemps qu’il y est (engagé), il souffre ; mais lorsqu’il est arrivé tant bien que mal à l’autre extrémité, il se repose et ne pense plus (à ses fatigues).
Ainsi en est-il du Shramana. Les passions lui font éprouver des craintes (semblables à celles) du marais. Néanmoins, quelque grandes que soient ses terreurs, en s’appliquant à la voie énergiquement et d’un cœur ferme, il arrivera nécessairement à se garantir des douleurs de la transmigration.
XLII - DE QUEL ŒIL LE BOUDDHA CONSIDÈRE TOUTES CHOSES
Aux yeux du Tathâgata, toutes les plus parfaites magnificences des rois et de leurs ministres ne sont que comme du crachat et de la poussière ;
À ses yeux, l’or, l’argent et tous les autres joyaux ou objets précieux ne sont que comme de la brique et du gravier ;
À ses yeux, les étoffes de soie et tous les autres vêtements de grand prix ne sont que comme des habits en haillons ;
À ses yeux, les régions du grand millier du monde ne sont que comme un (fruit de) myrobolan ;
À ses yeux, l’eau des quatre Océans, n’est que comme l’huile dont on se frotte le pied ;
À ses yeux, la porte de l’habileté dans les moyens est comme un navire chargé de pierreries ;
À ses yeux, le Grand Véhicule est semblable à l’or et aux vêtements de soie d’un rêve ;
À ses yeux, la recherche de la voie du Bouddha est semblable à des fleurs placées devant les yeux ;
À ses yeux, la recherche de la Samâdhi est semblable à une colonne inébranlable comme le Suméru.
À ses yeux, la recherche du Nirvâna complet est semblable à l’action de veiller jour et nuit ;
À ses yeux, la pureté et l’impureté sont comme la danse des six nâgas ;
À ses yeux, l’égalité d’esprit est comme la vérité même ;
À ses yeux, l’accroissement et la diminution sont comme l’arbre des quatre saisons.
FIN
Ainsi parla Bhagavat. Tous les Shramanas qui l’entouraient furent très-réjouis et louèrent hautement ce que Bhagavat avait dit.
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BOUDDHA (vers 566-486 av. J.C.) - Une vie, une œuvre [2013]
Par Françoise Estèbe et Charlotte Roux. Émission diffusée sur France Culture le 20.07.2013. Il y a 2500 ans en Inde, dans les contreforts de l'Himalaya, au cœur des jardins de Lumbini au Népa...