14 Janvier 2022
Chef, dieu universel, ténèbres inconnues, obscurité impénétrable.
Osiris est le dieu bon ; Typhon, le dieu méchant.
Honore tes parents.
Suis la profession de ton père.
Sois vertueux ; les juges du lac prononceront après ta mort sur tes œuvres.
Lave ton corps deux fois le jour et deux fois la nuit.
Vis de peu.
Ne révèle point les mystères.
L'importance de la tradition égyptienne
Par Clément d'Alexandrie (v. 150 – v. 215)
Stromates, 1, 15 et 16.
La plupart des historiens rapportent qu’Homère était égyptien. On dit que Thalès, originaire de Phénicie, eut des entretiens avec les sages d’Égypte. Il en est de même de Pythagore. Il reçut en outre de la main de ces sages la circoncision, afin de pénétrer dans les sanctuaires d’Égypte, et d’être initié dans leur philosophie mystique. Il fréquenta les plus illustres d’entre les Chaldéens et d’entre les Mages, et le lieu qu’il nomme Homacæon (omôs acoéion), lieu où tous écoutent ensemble) représente indirectement le lieu que maintenant nous nommons Église (ecclesia, assemblée). Platon ne nie pas qu’il ait reçu des barbares ce que sa philosophie renferme de plus beau ; et il avoue qu’il est allé en Égypte ; c’est pourquoi il écrit dans le Phaedon que le philosophe peut recueillir en tous lieux quelque avantage. « La Grèce est grande, ô Cébès, dit-il, et elle renferme des hommes doués de mille qualités : les peuples barbares sont nombreux aussi. » [...]
Platon ne fait pas mystère de l’estime qu’il porte aux barbares. Il se souvenait que lui et Pythagore tenaient des barbares une suite de vérités les plus belles et les plus élevées de la philosophie. C’est pour cela qu’il nomme ces peuples, nations de philosophes barbares. Il fait voir dans son Phèdre qu’il connaît le roi égyptien, et il nous le montre plus sage que Toth, qu’il sait être une sorte de Mercure. [...] On rapporte que Pythagore eut pour maître Sonchis, le premier des sages égyptiens ; Platon, Sechnuphis d’Héliopolis ; et Eudoxe de Cnide, Chonuphis, également égyptien. [...] Démocrite a composé des traités sur la morale babylonienne, et l’on dit qu’il a joint à ses écrits l’interprétation des hiéroglyphes gravés sur la colonne d’Ahiqar. On peut s’assurer du fait par les ouvrages mêmes de ce philosophe : or, voilà ce qu’écrit Démocrite parlant de lui-même, et se glorifiant de son érudition ; « Parmi les hommes de mon temps, c’est moi qui, pénétrant jusqu’aux peuples les plus reculés pour en étudier les traditions, ai parcouru le plus de contrées, moi qui ai vu le plus de régions aériennes ou terrestres, moi qui ai entendu le plus d’hommes érudits ; et pas un ne m’était comparable pour disposer des lignes et résoudre les problèmes ; pas un, même parmi les égyptiens, nommés Arpédonaptes. J’ai vécu comme hôte pendant quatre-vingts ans avec tous ces différents sages. » En effet, il parcourut la Babylonie, la Perse et l’Égypte, et se fit le disciple des mages et des prêtres. [...]
Les Égyptiens furent les premiers qui enseignèrent l’astrologie aux hommes. Il en est de même des Chaldéens. Les premiers encore, les Égyptiens enseignèrent aux hommes à se servir de flambeaux. Ce sont eux qui divisèrent l’année en douze mois, qui proscrivirent tout commerce impur avec les femmes dans les temples, et qui en défendirent l’entrée à quiconque s’y rendrait en sortant des bras de son épouse sans s’être préalablement purifié. Ce sont eux encore qui ont inventé la géométrie. [...] Apis, égyptien d’origine, a inventé la médecine, avant que la nymphe Io fût venue en Égypte ; et dans la suite, Esculape a perfectionné cet art. »
v. -2600
Le texte qui va suivre est rédigé partir de :
- Gardiner, Alan. Papyrus Prisse I & II : The Instructions of Kagemni. 1946.
- Battiscombe Gunn. The Instruction of Ptah-Hotep and the Instruction of Ke'Gemni - The Oldest Books in the World. EBook #30508, www.gutenberg.org. 2009.
N. B. : Kagemni aurait été le vizir (sorte de maire du palais, de premier ministre) de Snéfrou, pharaon fondateur de de la 4e dynastie (Ancien Empire) et qui régna approximativement de -2613 à -2589. Cependant, la plus ancienne trace écrit des Instructions de Kagemni est le papyrus Prisse, qui date du Moyen Empire et probablement du règne de Amenemhat 2 (v. -1929 à -1895). Ce même papyrus est parfois daté de v. 2081 à -1938.
*
Ne parle pas trop ! Ceux qui se taisent prospèrent, la tente ouverte au silence, trônant sur le siège spacieux des satisfaits. Mais aiguisés sont les couteaux pour celui qui prend un raccourci, car il n'est en avance en rien si ce n'est dans l'erreur.
Lors des banquets, ne te laisse pas trop tenter par la nourriture que tu aimes. Restreindre son envie ne dure qu'un instant, et la gourmandise est un péché que l'on se plaît à pointer du doigt. Un simple verre d'eau calme la soif, une poignée d'herbe comble le cœur, car une seule et belle chose possède en elle la beauté et la force de tout l'univers. Un peu de quelque chose, c'est alors beaucoup de cette chose. Méchant est celui dont le ventre est vorace, car le temps passe et il oublie grâce à qui son ventre fut rassasié.
Assis avec un glouton, ne mange qu'une fois qu'il aura comblé son appétit. Buvant avec un soiffard, partage avec lui son bonheur. Ne te sers pas dans l'assiette d'un glouton, mais accepte ce qu'il te donne à manger, et ne refuse rien, car cela lui fera plaisir. Celui qui n'est pas à blâmer en matière de nourriture, alors aucune parole ne peut être lancée contre lui : l'avare en émotion, le timide, le méchant, tout le monde sera plus gentil avec lui qu'avec leur propre mère et tous seront ses serviteurs.
Laisse ton nom parler et demeure silencieux avec ta bouche. Si l'on te réprimande, ne te laisse pas dominer par la colère et ne présume pas de la force de ton âge, car on ne sait jamais comment Dieu punit l'insolence.
Après s'être élevé dans la compréhension du comportement des hommes, le vizir convoqua ses enfants et leur dit enfin :
« Faites vôtre, tout ce que je viens de vous confier. » Alors ce qu'il venait de dire fut retranscrit, et chacun considéra ses paroles comme les plus justes qui jamais ne furent dites dans le pays.
Sa Majesté le roi Huni, maître de la haute et de la basse Égypte en vint à mourir. Le prince héritier Snerfu lui succéda sur le trône et devint à son tour le maître de tout ce vaste pays.
C'est alors que Kagemni fut nommé surveillant général.
Les instructions de Kagemni (La sagesse égyptienne)
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v. -2600 à -2400
Ptahhotep est un vizir égyptien qui oeuvra sous le règne du pharaon Djedkare (5e dynastie). Ses maximes nous sont parvenus sous la forme de quatre copies :
_ Papyrus Prisse (v. -2081 à v. -1895).
_ British Museum Papyrus numéro° 10371 et 10435 (publié par Gustave Jéquier en 1911).
_ British Museum Papyrus numéro° 10409 (publié par Ernest Alfred Thompson Wallis Budge en 1910).
_ Tablettes de Carnarvon : découvertes en 1908 par Lord Carnarvon (Musée du Caire numéro° 41790, publié par G. Jéquier en 1911).
Le texte suivant est composé à partir des travaux de l'égyptologue Bernard Mathieu : L'Enseignement de Ptahhotep, CNRS - UMR 5140 « Archéologie des Sociétés méditerranéennes », Université Montpellier 3 Paul-Valéry. Texte présenté sans son prologue ni son colophon.
« The Maxims of Good Discourse »
Intitulé de l’Enseignement
Début des vers en beau langage, prononcés par le prince et gouverneur, père du dieu et aimé du dieu, fils aîné royal de sa chair,
Par le maire et vizir Ptahhotep, enseignant aux ignorants l’apprentissage selon la norme du beau langage,
Chose bénéfique à qui écoutera, mais préjudiciable à celui qui la transgressera.
Avertissement liminaire
Il s’adressa ainsi à son fils : « Ne t’enorgueillis pas d’apprendre, prends conseil de l’ignorant comme du savant. On n’atteindra jamais les limites de l’art, aucun artisan n’est muni de tout son potentiel (akhou). Le beau langage se dissimule plus encore que l’émeraude, on peut le trouver jusque chez les servantes qui travaillent aux meules. »
I
Si tu rencontres un orateur à l’œuvre, qui a plus de maîtrise et de qualité que toi, incline-toi, courbe l’échine, ne le défie pas : il lui sera impossible de se confronter à toi. Tu rabaisseras celui qui parle à tort en ne l’affrontant pas quand il est à l’œuvre ; il passera pour un complet ignorant quand ta retenue aura été confrontée à sa faconde.
Si tu rencontres un orateur à l’œuvre, qui est ton égal, à ta main, tu dois faire prévaloir ta qualité sur la sienne par le silence, quand il se livre à de mauvais propos. Grand sera le désaveu de la part de l’auditoire, et ton renom irréprochable à la connaissance des grands.
Si tu rencontres un orateur à l’œuvre, d’un talent inférieur, et non ton égal, ne te montre pas arrogant envers lui sous le prétexte de sa faiblesse, abandonne-le et il se punira lui-même. Ne lui réponds pas pour soulager ta conscience, ne comble pas les vœux de celui qui te fait face, il est déplacé de démolir l’inférieur — et l’on agira selon tes vœux. Tu le frapperas par la punition que lui infligeront les grands.
Si tu es en position de dirigeant, prescrivant des avis à la foule, cherche donc toutes les solutions adaptées pour rendre ton avis irréprochable. Maât est vénérable et d’un effet durable,elle est imperturbable depuis le temps d’Osiris. On punit celui qui néglige les lois,c’est ce que néglige l’homme cupide. C’est la bassesse qui prend la richesse, mais la vilenie n’est jamais parvenue à bon port. On dit : « Je veux acquérir par moi-même », on ne dit pas : « Je veux acquérir par ma fonction ». La fin venue, seule la maât perdure, et l’on ne pourra point dire : « C’est mon patrimoine ! ».
Tu ne te livreras pas à des intrigues, ou le dieu punira comme il se doit. On dit : « Je vais en vivre », mais on manque de pain à cause d’une formule. On dit : « Je vais avoir le pouvoir », on dit : « Je vais acquérir pour être reconnu », on dit : « Je veux spolier autrui », puis on finit par tout laisser à un inconnu. Les intrigues n’ont jamais abouti, car c’est l’ordre du dieu qui se réalise. Songe à vivre dans le contentement, car ce qu’ils accordent vient naturellement.
Si tu fais partie de ceux qui s’assoient à la table d’un plus grand que toi, prends ce qu’il donnera et qui se trouvera sous tes yeux, tu regarderas ce qui est devant toi. Ne le transperce pas de regards insistants : c’est l’abomination du ka que de le gêner. Ne lui parle pas jusqu’à ce qu’il se soit adressé à toi, car on ne peut pressentir ce qui est mal perçu ; tu ne parleras que lorsqu’il t’aura interrogé et ce que tu diras sera bien perçu.
Un grand, quand il s’occupe de la nourriture, son avis se conforme à ce qu’exige son ka [âme] ; il donnera à son favori, car c’est « l’avis de la nuit » qui sera advenu. C’est le ka qui tend les bras, le grand donne quand l’homme ne peut atteindre ; s’alimenter dépend de l’avis du dieu : ignorant qui s’en plaindrait.
Si tu es un homme de confiance, qu’un grand envoie à un (autre) grand, fais preuve d’une parfaite exactitude quand il t’envoie et remplis pour lui la mission comme il le demande. Garde-toi de médire avec une parole qui puisse créer la zizanie entre un grand et un autre. Maintiens la maât, ne l’outrepasse pas, on ne fait pas rapport en assouvissant ses désirs. Ne diffame personne, grand ou petit, car c’est l’abomination du ka.
Si tu sèmes, que cela a poussé dans le champ, et que le dieu fasse fructifier ton travail, ne va pas t’en repaître près de ton entourage, car grand est ce que peut faire la retenue de l’homme silencieux. Qui sait contrôler sa nature tout en ayant du bien, il l’emporte comme un crocodile dans l’assemblée.
Et ne dédaigne pas qui n’a pas eu d’enfant, ne montre à ce sujet ni mépris ni orgueil : il existe maints pères qui sont dans la détresse, et la mère accouchée voit plus heureuse qu’elle. C’est un être humain seul que promeut le dieu, on peut posséder une tribu et lui être asservi.
Si tu es d’humble condition, sers un homme de qualité, ta conduite sera toujours bonne auprès du dieu ; si tu as appris sa condition modeste passée, tu ne montreras pas d’orgueil envers lui. Pour ce que tu as appris de sa situation passée, respecte-le en fonction de ce qui lui est advenu ; le bien ne vient pas naturellement. L’opulence, il l’a constituée de lui-même, mais c’est le dieu qui a fait sa qualité, tout en veillant sur lui durant son sommeil.
Suis ta volonté le temps de ton existence, mais n’ajoute pas à ce qui est dicté ; ne réduis pas le temps (passé) à suivre la volonté, car c’est l’abomination du ka que de briser son essor. N’épargne pas un moment de la journée pour ajouter à la fondation de ta maison ; le bien n’échoit que lorsqu’on suit sa volonté, point de profit matériel quand on est indolent.
Si tu es un homme de qualité, tu feras un fils par la grâce du dieu. S’il fait preuve d’exactitude, qu’il sert ton image et qu’il prend soin de ton bien comme il convient, procure-lui tout le bien-être possible, car c’est ton fils, qui relève de la procréation de ton ka. Tu ne détacheras pas de lui ton attention : la semence peut engendrer le conflit. Mais s’il s’égare et transgresse ton avis, après s’être rebellé contre toute parole, que sa bouche profère des mots indécents, tu le rétribueras de tous ses propos, car celui qui te tient tête est un être qu’ils ont honni (khébed), c’est un être frappé de disgrâce (sédjeb) dès la naissance. Celui qu’ils guident n’erre point, mais celui qu’ils privent de bateau ne trouve aucun moyen de traverser.
Si tu es dans l’antichambre, comporte-toi selon ton rang ; ce qui t’a été assigné au premier jour, ne l’outrepasse pas au risque de te faire refouler. Un homme averti est celui qui entre à l’appel, considérable est la position de celui qui est demandé. L’antichambre est régie par un règlement, chaque avis est conforme à une étiquette. C’est le dieu qui fait avancer la position, on n’a jamais promu ceux qui ont joué des coudes.
Si tu es avec des gens, gagne les partisans d’un homme réfléchi, un homme réfléchi qui ne soit pas l’esclave de ce que lui dictent ses pulsions (khet). On devient un dirigeant par soi-même, le nanti se demandant : « Quel serait son avis ? ». Ton renom sera parfait, sans diffamation, ton corps bien nourri et ton attention tournée vers ton entourage, et l’on vantera tes mérites à ton insu.
L’homme qui obéit à ses pulsions suscitera la contestation au lieu de l’affection, son esprit est stérile et son corps sec. Considérable est la volonté de ceux que le dieu a dotés. Celui qui obéit à ses pulsions, il appartient à l’Adversaire.
Fais rapport sur tes directives sans divagation, range ton avis au jugement de ton seigneur. Si le messager est disert quand son seigneur dit « non », son rapport sera jugé déplaisant. [...] Le messager doit se taire et s’en tenir à : « J’ai dit (ce que j’avais à dire) ». S'il parle trop, son seigneur ne sera pas curieux de ce qu'il rapporte, et s'il s'égare dans ses pensées, il pourra en tenir rigueur au messager.
Si tu es en position de dirigeant, libre de tes avis et de tes ordres, tu dois agir de manière calculée, en ayant pensé aux jours suivants. Une affaire n’a jamais abouti au milieu de louanges, et comme surgit le crocodile survient le dédain.
Si tu es en position de dirigeant, montre-toi aimable quand tu auditionnes la déposition d’un plaignant ; ne le rejette pas tant qu’il n’a pas déchargé son cœur de ce qu’il avait prévu de te dire. La victime préfère encore s’épancher plutôt que de voir traiter ce pour quoi elle est venue. Celui qui procède au rejet des plaintes, on dit de lui : « Mais pourquoi les refuse-t-il ? » Au contraire, celui qui auditionne comme il convient passe pour un homme poli, même si rien de la plainte déposée auprès de lui ne doit aboutir.
Si tu désires faire durer l’amitié à l’intérieur d’une maison que tu fréquentes en qualité de maître, frère ou ami, à quelque endroit où tu aies accès, garde-toi d’approcher des femmes : rien d’heureux ne peut résulter de leur commerce. On perd la lucidité à les observer : une foule d’hommes sont ainsi écartés de leur intérêt. Un bref instant, comparable à un rêve, on gagne la mort à vouloir à le connaître. [...] Celui qui échappe à la convoitise en ce domaine, n’obtient-il pas le succès en toute entreprise ?
Si tu désires que ton mode de vie soit heureux, préserve-toi de tout mal ; garde-toi de faire preuve de cupidité : c’est l’affection douloureuse d’un venin incurable. Toute relation d’intimité en est compromise, elle pervertit pères et mères, ainsi que les frères de la mère, elle prive la femme du mari. C’est une collection de maux en tout genre, c’est un amoncellement d’affres en tout genre. L’homme ne perdure qu’en s’ajustant à la maât, celui qui va à son allure, il doit y conformer son testament ; pas de tombe, en revanche, pour le cupide.
Ne te montre pas cupide dans les partages, ne te montre pas avide, sauf pour ton dû . Ne te montre pas cupide envers ton entourage, car on honore davantage le conciliant que l’intransigeant. C’est un homme diminué que celui qui s’expose à son entourage, car il se prive de compliments. C’est un peu de cette sorte de cupidité qui suffit à changer en querelleur un tempérament calme.
Si tu es un homme de qualité et que tu fondes une maison, tu chériras ta femme ardemment.
Emplis son ventre, habille son dos, l’onguent est le soin de son corps. Comble-la le temps de ton existence, car c’est un champ bénéfique à son maître. Tu ne la répudieras pas, mais éloigne-la du pouvoir de sa séduction, car c’est une tempête que son regard ; voici le moyen de la maintenir dans ta maison, car si tu la repousses, elle sera comme l’eau. Une vulve, une fois livrée à elle-même, on ne peut la conjurer qu’après qu’elle a fait un canal.
Satisfais tes proches de ce qui t’a échu, car c’est à un favorisé du dieu que cela échoit ; de celui qui manque à satisfaire ses proches, on dit de lui qu'il est avare. On ne peut deviner l’avenir et discerner le lendemain ; c’est une âme (ka) juste que celle dont on est satisfait. Quand se produisent des événements favorables, ce sont les proches qui accueillent ; on ne va pas chercher le réconfort au quai, on va chercher les proches dans l’épreuve.
Tu n’enregistreras pas d’affaire de calomnie, alors que tu n’as pas auditionné (c’est le comportement de qui est impulsif). N’enregistre qu’une affaire avérée. Impossible d’auditionner ? Abandonne, ne te prononce surtout pas, observe ce qui est en face de toi, tâche de reconnaître la qualité ! Si l'on ordonne une instruction susceptible d’aboutir, l’enquêteur l’affranchira de la haine en vertu de la loi. C’est que l’affabulation est châtiée : couvre-toi contre elle !
Si tu es un homme de qualité, siégeant au conseil de son seigneur, concentre ton esprit sur la qualité ; tu te tairas, c’est plus bénéfique que des fioritures. Tu ne t’exprimeras qu’après avoir compris, car seul l’expert doit s’exprimer au conseil. Discourir est plus difficile que toute autre activité : seul celui qui a l’explication peut la pratiquer.
Si tu es un homme puissant, tu ne dois susciter la crainte que par le savoir et la sérénité du langage. N’ordonne pas de ton propre chef, mais en fonction de la situation : celui qui invective verse dans l’injustice. Ne te montre pas hautain pour éviter d’être humilié, ne reste pas silencieux, mais garde-toi d’offenser. En réponse à un discours enflammé, prends du recul et contrôle-toi ; la flamme de l’échauffé est blessante, tandis que celui qui est courtois, on se range à son avis. Celui qui est acariâtre la journée entière, impossible qu’il passe de bons moments ; celui qui est insouciant la journée entière, impossible qu’il fonde une maison. Un tir est médité comme est manié l’aviron de gouverne ; une affaire doit être abandonnée, l’autre saisie, qui obéit à son seul désir est voué au regret.
Ne t’interpose pas quand un grand est à l’œuvre, n’irrite pas celui qui est dans son rôle ; cela provoquerait sa disgrâce (sédébi) envers celui qui le combat et le détachement de la personne (ka) de celui qu’il aimait. Car il est un dispensateur de nourritures (kaou) ainsi que le dieu, ce qu’il désire, c’est ce qui doit être fait pour lui. Tranquillise donc après la fureur : la satisfaction réside auprès de sa personne (ka) ; la disgrâce (sédébi) réside auprès de l’Adversaire : ce qui fait croître l’affection (mérout) sont des nourritures (kaou).
Enseigne au grand ce qui lui est bénéfique, fais naître son emprise au milieu des gens. Tu feras que sa propre sagesse s’impose à son seigneur, car ta subsistance sera auprès de sa personne (ka). L’affection (mérout) engendrera la satisfaction, ton dos en sera vêtu, l’emprise du grand sur toi assurera la vie de ta maison, auprès de ta dignité future, que tu aimes. Si tu es un parfait adjoint, ta maison restera vivante grâce à l’affection. Et elle sera grâce à toi également un auxiliaire parfait, car il s’agit aussi de l'affection de ceux qui t’aiment ; vois, c’est une âme vraie (ka), celui qui aime obéir.
Si tu es un fils de bonne naissance siégeant à l’assemblée, un chargé de mission destiné à contenter la multitude, élimine les pressions des parties, et quand tu te prononces, ne sois pas partial. Prends garde qu’on ne dise ainsi son avis : « Magistrats, il veut rendre justice avec partialité ! », et que ton propre cas ne tourne au procès !
Si tu te montres indulgent en raison d’un événement passé et que tu penches pour un homme en raison de sa droiture, abandonne l’affaire, n’y pense plus, puisque tu l’as acquitté au premier jour.
Si tu grandis après avoir été humble, et que tu acquiers du bien après avoir été naguère dans le besoin, dans la cité que tu connais, n’invoque pas ta situation antérieure. Et ne sois pas trop fier de ta fortune, car elle t’échoit grâce aux dons du dieu. Tu n’es pas différent d’un autre de tes semblables, à qui aurait échu semblable sort.
Courbe l’échine devant ton chef, ton directeur du domaine royal : ta maison sera établie sur ses biens, et ta rétribution sera appropriée. Il est pénible d’avoir un opposant comme chef, on ne vit que le temps de sa bienveillance ; mais le bras ne peut frapper celui qui est prêt à se soumettre. Ne vole pas le domaine du voisin, ne fais pas main basse sur le bien de ton prochain ; qu’il ne dépose pas plainte contre toi avant que tu ne t'en rende compte, c’est un défaut de conscience que d’être insatiable. S’il en prend connaissance, il chicanera, et il est pénible d’avoir un opposant à proximité.
Tu ne coucheras pas avec un jeune efféminé dont tu auras fait la connaissance, ce qui est défendu deviendra de l’eau pour son cœur , car il n’est jamais de cesse à sa passion. Il ne doit pas passer la nuit à faire ce qui est défendu, car il ne cessera qu’après avoir épuisé son désir.
Si tu enquêtes sur le comportement d’un ami, n’interroge pas l’un de ses proches : règle l’affaire avec lui seul, jusqu’à ce que tu aies cessé de souffrir de son attitude. Discute avec lui après avoir laissé passer du temps, et sonde son esprit par le dialogue. Si ce qu’il avait reconnu lui échappe et qu’il commet un acte qui te fâche, garde-le comme ami là encore, ne te formalise pas, abstiens-toi d’entrer en conflit avec lui. Ne réponds pas de manière à occasionner une brouille, ne te sépare pas de lui, ne le brime pas. Son destin n’aura jamais manqué d’arriver, car on n’échappe pas à celui qui l’a déterminé.
Montre-toi prévenant le temps de ton existence ; ce qui sort de la réserve ne peut y rentrer. C’est le pain du partage dont on doit être avide : qui a le ventre vide est un accusateur. L’opposant naît de celui qu’on rend indigent, n’en fais pas un homme susceptible de t’atteindre, car l’affabilité (imat) fait le souvenir qu’on conserve d’un homme les années qui suivent la misère.
Reconnais tes partisans et tu auras du bien, n’adopte pas un comportement vil à l’égard de tes amis. « La rive quand elle est emplie d’eau, est plus importante que les richesses », et le bien de l’un revient à l’autre. Le juste comportement d’un fils de bonne naissance lui est bénéfique, un bon naturel assure le souvenir.
Punis à propos, corrige comme il convient, car réprimer la faute passe pour un comportement exemplaire. Une sentence, si elle n’est pas à proportion du crime, cela revient à changer le suppliant en opposant.
Si tu as une femme bien ronde, d’un caractère enjoué et bien connue de ses concitoyens, si « elle suit la double loi » (?) et si le temps est agréable grâce à elle, ne la renvoie pas, donne-lui donc à manger : l’enjouement confère l’abondance.
II
Si tu écoutes les propos que je t’ai tenus, chacun de tes desseins sera porté en avant ; les actualisations de la maât (« justice, ordre », comparable au Rta védique et au Dharma hindou) qui s’y trouvent, c’est la richesse qu’ils apportent. Leur évocation se transmet oralement par la perfection des vers qu’ils constituent, et chaque mot est rapporté de manière ininterrompue dans ce pays, pour toujours !
Ce qui formera maxime à la perfection, les magistrats parleront en s’y référant ; l’écouter permet de devenir un expert écouté (à son tour). Il est bon de s’exprimer pour la postérité, car c’est elle qui l’écoutera ; que survienne un événement heureux grâce à celui qui est chef, il restera un bienfaiteur pour toujours, et sa sagesse, quelle qu’elle soit, demeurera à jamais ! C’est le savant qui se soucie de son âme (ba) en établissant sa propre perfection sur terre ; c’est à ce qu’il sait qu’on apprécie le savant : s’agit-il d’un magistrat, c’est à sa bonne action. Celui qui équilibre son esprit et sa langue, ses lèvres sont précises tandis qu’il parle ; ses yeux observent, ses oreilles sont dressées, à l’écoute de ce qui est bénéfique à son fils. Agis selon maât, sois exempt de mensonge !
Bénéfique est l’écoute pour le fils qui sait écouter, et l’écoute ne pénètre que chez celui qui sait écouter ; celui qui sait écouter naît de qui est disposé à écouter, et qui écoute bien parle bien.
Qui sait écouter possède des bienfaits, car bénéfique est l’écoute pour qui sait écouter ; supérieure est l’écoute à toute autre chose, à l’origine de l’attachement (mérout) parfait.
Il est bon que le fils observe les principes de son père : la vieillesse lui en sera accordée, car celui qui écoute est un aimé du dieu, tandis que le haï du dieu n’écoute pas !
C’est la conscience qui fait de son possesseur quelqu’un qui écoute ou qui n’écoute pas ; vie, force et santé d’un homme, ce sont sa conscience. C’est celui qui sait écouter qui écoute celui qui parle, et celui qui agit comme il est dit est celui qui aime écouter.
Il est bon que le fils écoute son père, heureux celui à qui on a dit cela ! Le fils, sa grâce vient de sa capacité d’écoute, celui qui sait écouter et qui en a la réputation se révèle être un digne fils dès la naissance, un révéré auprès de son père. Le souvenir de lui reste dans la bouche des vivants qui sont sur terre et qui viendront à l’existence.
III
Si le fils de bonne naissance observe les principes de son père, aucun de ses desseins ne saurait s’égarer ; tu dois apprendre à ton fils à devenir quelqu’un qui sait écouter, qui sera un homme de qualité dans l’esprit des magistrats. Celui qui régit ses propos selon ce qui lui a été dit est considéré comme quelqu’un qui sait écouter ; le fils, il montre ses qualités quand sa démarche est pesée, mais l’égarement échoit à qui n’écoute pas. Tandis que le savant se lève de manière à trouver la stabilité, l’insensé s’agrippe.
IV
L’insensé qui n’écoute pas, impossible pour lui d’acquérir aucun bien ; il confond connaissance et ignorance, bénéfique et nuisible. Il commet toute sorte d’actes affreux dont on lui fait grief chaque jour ; il vit de ce dont on meurt, et ce qui est maudit est sa nourriture. Son comportement est là, au su des magistrats, lui qui meurt tout en vivant chaque jour ; car on négligera ses actes du fait du nombre de méfaits qui pèsent sur lui chaque jour.
V
Le fils qui sait écouter est un suivant d’Horus, c’est bon pour lui d’avoir écouté ; il atteint dans sa vieillesse l’état de révéré, lui qui récite la même chose à ses enfants. Renouvelant l’enseignement de son père, chaque homme est enseigné selon ses actes ; il le récitera auprès de ses enfants, qui le rediront à leurs enfants. Sers de modèle, ne donne pas prise à la critique, accrois la maât pour que vivent tes enfants. À la première occasion qui se présentera, relevant de l’injustice, les gens qui verront diront que c’est semblable à ce vers-là ; ceux qui entendront diront que c’est semblable à ce vers-là, également. Chacun voit que ce sont eux qui pacifient la multitude, et la richesse n’aboutit à rien sans eux. N’intervertis pas les mots, ne mets pas l’un à la place de l’autre. Garde-toi de détendre les mailles, évite qu’un savant ne dise : « Écoute donc ! », si tu désires être bien établi dans la bouche de ceux qui auditionnent. Tu ne t’exprimeras qu’après avoir accédé au savoir-faire d’un expert ; en t’exprimant de manière parfaite, tous tes avis seront considérés.
VI
Enfouis ta pensée, contrôle ta parole : tu seras reconnu parmi les magistrats. Montre-toi d’une exactitude totale envers ton seigneur, agis pour lui faire dire : « C’est le fils de celui-là ! », pour faire dire à ceux qui l’apprendront : “Favorisé celui pour qui il a été enfanté !” Fais preuve de retenue au moment où tu t’exprimes, tu ne prononceras que des paroles calculées, si bien que les magistrats qui entendront diront : “Beau ce qui sort de sa bouche !”.
Conclusion
Agis selon tout ce que je te dis, heureux celui qui a reçu l’enseignement de son père ; issu de lui, de son corps, il était encore dans le ventre quand il lui a parlé ! Mais ce qu’il aura fait sera plus important que ce qui lui aura été dit ; vois, le bon fils que donne le dieu, qui sera allé au-delà de ce qui lui aura été dit, auprès de son seigneur, pratique la maât, sa conscience ayant agi selon son rang. Tandis que tu me rejoindras, ton corps intègre, le roi étant satisfait de tout ce qui est advenu, tu obtiendras des années de vie, et ce que j’ai fait sur terre ne s’évanouira pas. J’ai obtenu cent dix ans de vie, que m’a accordés le roi, mes faveurs surpassant celles de mes prédécesseurs, pour avoir pratiqué la maât [justice] pour le roi, jusqu’à la place de la vénération.
v. -2160
Texte établi selon la traduction anglaise de Vincent A. Tobin (The Royal Instruction of Khety to Merikare). La source principale de ce texte est le Papyrus 1116A de l'Ermitage impérial, Saint-Pétersbourg (très lacunaire). Mais aussi le Papyrus Moscou 4658 et le Papyrus Carlsberg 6.
*
Ainsi commencent les instructions du pharaon de la Haute et de la Basse Égypte à son fils. [...]
Ne sois indulgent avec aucun crime que tu auras découvert. Au contraire, punis le vice dans tous ses recoins, car c'est par là que commencent les rebellions, lesquelles sont provoquées quand il y a trop de dissidents.
[...] Ils complotent contre toi. Après que tes ordres aient été donnés, [...] ils travaillent à les biaiser. [Une dizaine de lignes avec de nombreuses lacunes :]
[Celui qui ne suit pas les ordres de son maître, sème la division parmi ceux qui lui sont fidèles. Ne l'écoute pas, où tu le suivras dans sa chute. Ne sois pas indulgent envers lui, mais tue-le plutôt, lui et tous ceux qui l'imitent et l'encouragent.]
Si tu trouves dans une ville un [homme…] qui est chef de famille, tu devras le prendre à ta charge [...] N'exécute pas un homme par défaut. [5 autres lignes lacunaires, puis :]
Il s'en ira raconter ce dont il se souviendra de toi : "un homme vraiment puissant possède la maîtrise de son propre corps, dira-t-il."
Punis ceux qui fautent, mais sois indulgent une fois que ton cœur sera satisfait.
[...] Tout le monde dit : « il renaît à nouveau ! »
Deviennent des hommes ceux qui sont satisfaits.
[Comporte-toi] comme un dieu.
Si quelqu'un qui n'avait jusqu'alors pas d'allié, un inconnu des gens de la cité, et qui à présent est suivi d'une foule de partisans qui le respectent pour ses biens et sa sagesse, si cet homme a gagné leur confiance en intriguant aux dépens d'eux, et si cet homme persiste à semer la discorde par ses discours, empare-toi de lui, massacre ses partisans et bannis toute mémoire de son nom ainsi que de celui de ses partisans.
Un traître est enclin à faire faillir les citoyens et à regrouper autour de lui les mécontents parmi la jeunesse. Si tu découvres l'un d'eux, qui par ses actions te dispute ton autorité, dénonce-le aux officiels et arrête-le en tant que rebelle. Celui qui parle à tort et à travers est un ennemi de la cité. Contient les masses et évacue hors d'elles sa violence.
Il n'est pas question de tolérer la dissidence des fils des méchants qui déjà formaient en leur temps la dissidence. Un seul traire peut défaire une armée entière. Laisse donc le traître à la confusion qui est la sienne, et si les masses s'enflamment, emprisonne-les, mets-les aux travaux forcés, mais sois miséricordieux [...] dans tes punitions.
[...] C'est ainsi que tu seras heureux.
Montre-toi sous ton meilleur jour devant Dieu. Alors, même en ton absence, tes sujets diront de tes sentences qu'elles sont équitables. Avoir bon cœur apporte la sérénité, mais la méchanceté est un vice qui tourmentera son cœur.
Maîtrise ta langue, ainsi tu seras fort, car la force des rois réside dans leur parole. Les mots sont plus puissants que la lutte, et personne ne peut rivaliser avec celui qui possède un cœur généreux. [C'est cela qui te maintiendra sur le trône.]
Le sage est un rempart contre les fonctionnaires intrigants, et grâce à ses connaissances, personne n'ose l'attaquer. En sa présence le mal ne se commet pas, et vient vers lui le Maat, purifié encore, quand il reçoit les conseils envoyés par nos ancêtres.
Imite tes pères et tes ancêtres, et atteins le succès à travers la connaissance. Leurs mots se perpétuent par les Écritures, donc ouvre les manuscrits et lis-les. Ainsi tu seras possédé de leurs connaissances et tu deviendras cultivé.
Ne fais pas le mal, sache qu'être clément est bon. Faits que tu te survives à travers la mémoire de ceux qui t'aiment. Occupe-toi des habitants de la cité et ceux-ci te loueront à Dieu pour ta générosité. Garde ton nom glorieux, bénis ton peuple. Et prie les dieux pour qu'ils t'accordent une bonne santé.
Respecte la noblesse, aide ton peuple, consolide tes frontières et tes alliés, car il est bon de penser à l'avenir. Celui qui envisage les situations est tenu en haute estime, mais celui qui fait preuve d'une trop grande confiance souffrira.
Rends-toi les hommes fidèles par de bonnes dispositions, car méprisable est celui qui s'approprie la terre à lui seul. [...] Un fou, c'est celui qui convoite ce que possède un autre. La vie sur Terre n'est qu'une transition et n'est pas destinée à durer. Glorieux est celui dont on se souvient car il avait compris cette vérité. Ne vit-il pas en Égypte un nombre incalculable de sujets ? Et pourtant, parmi eux, y a-t-il ne serait-ce qu'un immortel ? Celui qui vit dans le respect du Maat quittera cette existence tout autant qu'un autre qui vécut dans l'abondance des plaisirs.
Promeus aux plus hautes places ceux dont tu sais qu'ils obéiront à tes ordres. Fais-en sorte que les clans les plus puissants ne prennent pas parti contre toi. Celui qui ne désire rien est riche. Ceux qui sont pauvres taisent la vérité car celui qui pense « si seulement j'avais eu ceci, ou cela », ne peut pas être dans le vrai. Le [Pharaon - Dieu] est généreux envers ceux qui le sont avec lui, mais il est terrible avec ceux qui œuvrent contre Lui.
Grand est le monarque dont les dignitaires sont eux aussi couvert de gloire.
Puissant le roi dont la cour est loyale et riche est celui qui possède de nombreux dignitaires.
Pour que les puissants te respectent depuis leurs campagnes, au palais parle juste (Maat).
Celui qui a un cœur pur devient un seigneur, car c'est le devant d'une maison qui inspire le respect pour sa cour.
Mets en pratique le Maat, afin que tu vives longtemps sur Terre.
Console celui qui pleure, n'oppresse pas la veuve, n'expulse pas un homme de la maison de son père et ne destitue pas les aristocrates de leurs positions.
Ne punis pas injustement, n'inflige pas le mal, car il n'en adviendra rien de bon.
Punis par le fouet et la prison, c'est ainsi que le pays serait tenu en ordre. Sauf pour les traîtres qui ont fomenté des complots. Ceux-là, Dieu les connaît et leur extirpera le mal en leur faisant couler le sang. Cependant, le miséricordieux prolonge ses jours sur Terre.
N'exécute pas celui dont tu connais la valeur, ni celui avec qui tu as chanté les textes sacrés [grandit], ni l'initié qui s'est dévoué à Dieu et qui est chez lui au palais [temple].
Au lieu de continuer sa route, le Ba [l'âme] retournera sur Terre, et aucun sortilège magique ne pourra s'y opposer. Alors, il polluera l'eau des offrandes.
Quant au tribunal divin qui juge les pécheurs, sache qu'il n'est pas indulgent envers eux. À l'heure du jugement, malgré sa sagesse, celui qui a fauté sera jugé coupable.
Ne présume pas de la durée d'une année, mais considère une vie comme une heure. L'homme survit à sa mort. Ce qu'il a fait dans sa vie sera disposé à côté de lui, et sa récompense sera placée de l'autre côté.
L'existence d'après est pour l'éternité. C'est donc un fou que celui qui offensera de tels hommes.
Mais celui qui parvient dans l'autre vie sans avoir fait le mal, il y vivra comme un dieu, marchant fièrement comme celui qui maîtrise l'éternité.
Contient tes troupes, afin qu'elles te respectent. Augmente tes alliés militaires.
Tes cités sont pleines de jeunes hommes d'une vingtaine d'années, vaillants et passionnés. Tes soldats s'aguerrissent. Ceux que l’on recrute se sont enrôlés volontairement et s'entraînent en tant que jeunes recrues. Nos ancêtres se battent à nos côtés.
[...] Promeut ta noblesse et les plus valeureux de tes guerriers, pourvoit en richesses tes jeunes recrues, donne-leur des propriétés, confie-leur des champs et du bétail.
Ne fais pas de distinction entre un noble et un homme du commun, mais prend l’homme à ton service car s’est-il qu’il s'agit de son devoir de le faire.
Que tous les ordres du Seigneur des Possibles soient respectés.
Conserve des gardiens à tes frontières et consolide tes forts. Soigne tes troupes et elles te seront fidèles. Érige de nombreux monuments en l'honneur de Dieu, car il s'agit d'un bon moyen de garder vivant celui qui les a fait construire. Un homme doit faire ce qui est bon pour son Ba.
Rends les services mensuels au temple, porte des sandales blanches. Enrichis le temple. Garde secrets les mystères.
Fréquente les lieux sacrés, mange du pain dans la maison de dieu. Remplace les offrandes, multiplie les pains sacrificiels, augmente les offrandes quotidiennes, car celui qui agit ainsi en reçoit le bénéfice.
Consolide tes monuments autant que tu en es capable, car un seul jour peut contribuer à l'éternité, une seule heure peut embellir l'avenir, et Dieu sait reconnaître ceux qui œuvrent pour lui.
Que ton sceau [des émissaires] soit envoyé dans les pays lointains, même dans les pays qui ne le respecteront pas. Car celui qui n'est pas au courant des affaires de son ennemi en souffrira.
Cependant, les ennemis de l’Égypte, même en son sein, ne sont pas calmes, et aux légions s'opposent d'autres légions, et exactement comme l'avaient prédit nos ancêtres, nous faisons la guerre jusque dans nos nécropoles, ravageant nos tombes à maintes reprises.
C'est ce que j'ai fait, c'est aussi ce que font ceux qui œuvrent contre Dieu, et c'est ce qu'il se passera, encore et encore.
Ne sois pas trop dur avec les territoires méridionaux, et suis les recommandations des ministres du palais.
Ce qui fut par le passé peut très bien recommencer. Tant que [nos ennemis] étaient contenus, ils n'attaquaient pas, mais je me suis tout de même rendu chez eux, au sud de Tawer [au sud d'Abydos] et je les ai massacrés comme l'aurait fait une inondation. Même le glorieux roi Meryibre n'en avait pas fait autant. Sois donc indulgent envers les territoires que tu contrôles, [laisse les choses comme elles sont] et renouvelle les traités.
Qui se cache à ses responsabilités n'est pas honnête, car il est nécessaire de prévoir l'avenir.
Tu es en bon terme avec les territoires méridionaux, qui viennent au-devant de toi en t'offrant des tributs et des cadeaux. Leurs ancêtres faisaient déjà la même chose avec moi. Mais quelqu'un qui n'a pas de céréale, peut-il en donner ? Quant à la tâche qui t'incombe, soit bon envers ceux qui se tiennent humbles devant toi et satisfais-toi de ton propre pain et de ta propre bière. Tu ne manques pas de granite, alors ne détruit pas les monuments des autres. Va chercher tes pierres à Tura [13 km du Caire] et ne construis pas ta tombe en détruisant gratuitement celle des autres. Le mal que tu fais te reviendra dessus.
Ainsi tu seras satisfait.
C'est grâce à ta force que tu pourras dormir tranquille. Suis ton cœur et continue ce que j'ai fait, car tu n'as pas d'obstacle dans tes rangs.
Le temps est passé et je suis devenu le maître de ma ville, celui qui s'inquiète pour le delta, et qui le protège de Hutshenu à Sembaq, dont les frontières méridionales sont marquées par le canal des deux poissons.
J'ai porté la paix à l'ouest, aussi loin que se trouve la région des lacs [oasis de Fayoum ?]. À présent tous me servent volontairement et m'envoient du bois [de cèdre ou de cyprès.] Chacun peut constater la qualité du genévrier qu'ils nous envoient. L'est du pays regorge quant à lui d'étrangers, dont ce qui est taxé coule abondamment dans nos caisses. Le delta est à nouveau à nous et nous a été rendu tous leurs habitants.
Les temples chantent tes louanges : « ô roi, chante-t-on, les hommes se soumettent à toi ! » Les campagnes ravagées ont été restaurées, et toutes les glorieuses villes ont été reconstruites. Les régions qui étaient jadis gouvernées par un homme seul, à présent sont sous le contrôle d'une dizaine. Des fonctionnaires sont appointés, les taxes sont levées. Chacun a conscience de ses responsabilités et les accepte. Quand un homme libre se voit offrir un terrain, il te sert aussi efficacement qu'une entière compagnie de soldats. Une telle situation permet à tous d'être satisfait.
Les inondations du Nil ne te troubleront pas, même si elles sont en retard. Tous les bénéfices du delta sont entre tes mains.
La colonie orientale que j'ai créée est en sécurité. D'Hebenu jusqu'à la voie d'Horus [la route menant vers la Syrie et la Palestine], j'ai bâti des villages qui sont largement peuplés. Ils sont ce que le pays possède de plus beau et ce sont nos premières défenses. J'espère qu'un jour un homme courageux m'imitera et ajoutera à sa gloire la continuation de mon œuvre. Au contraire, un héritier incapable m'inquiéterait.
Concernant les étrangers, que cela soit dit : Les villes asiatiques [bédouins ?] sont misérables car leur pays est lui-même misérable. L'eau manque, les arbres aussi et les routes y sont difficiles car sans cesse coupées par des montagnes. Ils ne se sont jamais installés nulle part, mais sans cesse attiré par ce qu'ils convoitent, ils errent à pied dans les déserts. Depuis l'âge où Horus régnait lui-même sur l'Égypte, ils se battent ainsi, ne pouvant ni conquérir ni être conquis. Attaquant par surprise, ils sont considérés comme des voleurs dont la société doit se prémunir en les expurgeant.
Ainsi, alors que je régnais en devant accomplir ce pour quoi j'étais destiné, je les ai considérés comme une forteresse et je les ai assiégés. Puis j'ai fait que le delta les frappe. J'ai capturé leur peuple et saisi leur bétail. Je les ai persécutés à un tel point qu'ils en détestèrent l’Égypte. Ne te ronge pas le cœur pour eux, les Asiatiques sont des crocodiles sur une berge, qui attaquent le voyageur engagé sur un chemin solitaire, mais ne tente jamais rien en public.
Fais de Medenit [en Haute Égypte, sur le Nil, située à une trentaine de kilomètres au nord d’Heracleopolis] une province d’Égypte. Annexe toutes les régions alentours et pousse tes conquêtes jusqu'à Kem-Wer [une des capitales de la Basse Égypte, située dans le Delta.] En faisant ainsi, tu établiras une frontière qui te protégera contre les ennemis. Les murailles de cette ville sont épaisses, ses soldats y sont nombreux, et les serfs, ainsi que les citoyens, sont entraînés au maniement des armes.
Jusqu'à la région de Djedsut [Memphis] vivent 10 000 hommes, serfs et citoyens, tous exempts d’impôts. Des émissaires y sont installés depuis la nuit des temps, ses frontières sont stables et puissantes est son armée. Des gens du nord y travaillent les champs, lesquels sont taxés en grains par les citoyens [libres].
Un des moyens de me surpasser est donc de réaliser une telle œuvre unificatrice, car cette ville est la porte d'entrée du Delta et figure une digue qui protège l’Égypte jusqu’à Herakleopolis.
Des villes bien peuplées sont gage de satisfactions, mais prends garde à ne pas te faire encercler par les partisans [alliés] d'un ennemi. La vigilance prolonge la vie.
Construis des défenses contre les pays du sud, car ils ne sont que des étrangers [barbares] toujours prêt à faire la guerre.
Construis des édifices dans le Delta, afin que ton nom te survive grâce à ce que tu as accompli. Une ville aux fondations solides ne sera pas détruite, construis donc des palais à ton image.
Comme un ennemi aime à se complaire dans l'intrigue et que ses actes sont pitoyables, le roi Khety ajouta encore à son enseignement :
Celui qui demeure impassible devant la brutalité est comme celui qui détruit les autels, et Dieu se vengera de ceux qui attaquent les temples. Leur sera infligé ce qu'ils auront fait. Ils se satisferont d'abord de ce qu'ils se seront approprié, mais au jour de leur mort, personne ne les reconnaîtra. Protège donc les autels et honore Dieu. Ne dis pas que les choses t'ennuient, ne cesse jamais de maintenir tes efforts. Quant à ceux qui s'opposeront à toi, leurs actions seront semblables à la destruction des cieux et à l’effondrement de monuments bâtis depuis des centaines d'années. [Quelques lignes en trop dues à une erreur du copiste].
Mais personne n'est sans ennemi.
Celui qui règne sur les deux rives [du Nil] est intelligent. Le roi, maître des courtisans, n'agira pas bêtement. Il était déjà sage à sa sortie du ventre maternel et Dieu fit de lui le maître de la terre et le fit régner au-dessus d'une infinité d'autres hommes.
La royauté est un excellent exercice : elle n'a ni fils, ni frère, qui puissent entretenir ses monuments, et c'est chaque roi lui-même qui ennoblit son successeur, car chacun agit au nom de celui qui l'a précédé, dans l'espoir que son action puisse être confirmée par celui qui viendra après lui.
Cependant, un terrible incident s'est déroulé durant mon règne : la campagne [le cimetière] de Thinis [ancienne capitale de la Haute Égypte près d'Abydos] fut pillée [par des soldats]. Malgré tout, rien de tout cela ne s'est passé à la suite de ce que j'ai pu faire ou ordonner. Je fus d'ailleurs mis au courant des événements seulement après qu'ils furent terminés.
Voici donc ce que fut mon abomination, dont la punition qui en suivit me sembla bien trop légère. En vérité, la destruction est un acte des plus détestables.
Il est inutile pour un homme de réparer ce qu'il a cassé, ou de reconstruire ce qu’il a détruit. Prends donc garde à de tels incidents.
L'affliction sera remboursée en nature et chaque acte commis engendre une conséquence.
Une génération de mortels en suit une autre mais Dieu, l’omniscient, s'est soustraite à ceci. Personne ne peut résister à la puissance du Seigneur de la Main [Re-Atum, qui créa par la masturbation] car il est celui qui maîtrise tout ce que le regard peut apercevoir.
Dieu doit être vénéré, Lui qui passe éternellement par le même chemin et dont les icônes sont taillées sur des pierres précieuses ou gravées sur des plaques de cuivre.
De même qu'une inondation en suit une autre, et qu'il n'existe pas de rivière qui puisse se cacher, comme toutes finiront par rompre les digues qui les contenaient, le Ba s'en ira vers le lieu qu'il a toujours connu et il cessera de suivre le chemin qu'il empruntait jusqu'alors.
Enrichis les territoires de l'ouest, embellis ta demeure dans la nécropole, grâce à ta droiture et en respectant le Maat. Ces efforts, le peuple les appréciera, car un homme doté d'une bonne nature est plus appréciable que le taureau [sacrificiel] de celui qui agit mal.
Offre à Dieu de nombreuses offrandes et fais graver des inscriptions sur les autels. Celui-ci fera de même pour toi. Ceci est l'assurance de ton nom car Dieu prend note de celui qui acte en sa faveur.
Fais paître le peuple, le bétail de Dieu, car c'est pour lui qu'il a créé les cieux et la Terre. Il calma la rage des eaux, et créa l'air pour qu'il puisse emplir leurs narines. Ils sont ses images et sont sortis de son corps, et c'est pour eux qu'il s'élève dans le ciel. C'est pour eux qu'il créa les plantes et le bétail, ainsi que la volaille et les poissons pour se sustenter.
Il a massacré ses ennemis et même tué ses propres enfants, parce qu'il s'était rebellé. Pour eux il crée la lumière du jour et il voyage à travers le ciel pour les observer. Il a érigé pour Lui-même un sanctuaire autour d'eux, et quand ils pleurent, Il écoute. Pour eux, il a fait jaillir de l’œuf [originel] des rois et des chefs qui soutiennent le dos des faibles. Il a pratiqué pour eux la magie, comme une arme pour repousser l'impact de ce qui peut advenir. Il est Celui qui les surveille [protège] nuit et jour. Il a supprimé les rebelles parmi eux, et si un homme bat son fils au bénéfice de son frère, alors Dieu connaît chacun des noms.
Ne change en rien mon enseignement, car il contient tous les préceptes de la royauté. Instruis-toi afin que tu deviennes un homme et que tu m'égales. Ainsi, personne ne t’accusera.
Ne tue pas un homme qui t'est proche car tu l'as eu favorisé et Dieu le connaît. Cet homme est un de ceux, chanceux sur Terre, qui servent le roi et sont donc considérés l'égal des dieux.
Implante l'amour de toi dans tout le pays, car il est bon que l'on se souvienne de toi, même après que de nombreuses années soient passées et envolées.
Puisses-tu être surnommé « le destructeur de l'Ère du Mal » [Destroyer of the Time of Evil, V. A Tobin] par les descendants de la maison des Khety… Puissent-ils prier pour ton retour parmi eux.
Voici, je t'ai dit le meilleur de mes pensées. Puisses-tu te comporter en accord avec ce qui vient de t'être exposé.
Colophon
[...] Fin de la transcription recopiée par le scribe Khaemwaset, qui la fit pour son propre usage et celui de son frère Mahu.
Le testament d'un roi mourant à son fils
v. -1950
Traduction française à partir de la traduction anglaise publiée en 2000 par l’University College de Londres, ainsi que celle de Aksel Volten (Zwei Altägyptische Politische Schriften, Analecta Aegyptica, vol. 6, Einar Munksgaard, Copenhague, 1945).
L'ordre du texte initial est respecté, ainsi que la numérotation. Les titres ont été ajoutés.
Fait sur ordre du roi Sehetepibra Amenemhat 1er, maître des deux Égypte, fils de Ra.
D'une voix parlant vraie, celui-ci enseigna à son fils les vérités qui vont suivre.
« Lève-toi comme un dieu, lui dit-il, et écoute ce que j'ai à te dire. Il se pourrait qu'un jour tu sois le roi de la Terre et que tu sois le maître des rives du Nil. Alors, tu pourras encore ajouter à cette œuvre la perfection. »
Garde-toi des intrigants, rien de bon ne peut advenir d'eux. Chacun d'eux met son cœur où se trouvent ses peurs. Ne les approche jamais seul, ne considère personne comme ton frère, ne te fais pas d'ami ; ça n'en vaut pas la peine.
Car on n'a plus de serviteurs quand le jour maudit arrive. J'ai donné aux déshérités, j'ai donné aux orphelins, j'ai aidé celui qui n'avait rien comme au riche.
Ceux qui ont le plus mangé de mon pain furent aussi ceux qui déclenchèrent des révoltes. Celui à qui j'avais offert mon bras pour le protéger, nourrissait de la peur envers moi, celui que j'avais habillé de fins habits me regardait comme si je lui avais donné des nippes, et ceux que j’avais oints de myrrhe, se lavaient dans une eau sale…
Cependant, l'image que je renvoyais, ma propre différence envers le commun des mortels, fut pour moi un sujet de lamentations, que personne n'écouta. Malgré mon combat intérieur, je n'ai jamais percé mon secret et ce fut là une des plus belles de mes gloires.
Quand tu engageras le combat dans l'arène, soit conscient de ce qui t'a mené là, car rien de bon ne peut résulter d'un combat mal préparé.
C'était après le dîner, la nuit venait de tomber. Je me suis pris une heure de repos. J'étais fatigué, je me suis allongé sur mon lit. Mon cœur a ralenti son rythme, j'allais m'endormir… Quand se sont jetés sur moi des légions de traîtres : j'étais fait comme un serpent dans le désert !
Réveillant mon garde du corps, je comprenais alors que celui-ci était infiltré parmi les traîtres et que les soldats se battaient. Si j'avais eu à portée de main une arme, j'aurais eu l'ascendant dans la confusion, mais au cœur de la nuit, personne ne joue les champions et quand on est seul et sans protecteur, personne ne peut s'assurer d'un succès !
Vois-tu, cette attaque s'est déroulée alors que j'étais loin de toi. Avant que l'on annonce que j'abdique en ta faveur, et parce que je n'ai pas été capable de devancer cette attaque contre moi, je voudrais te dire quelque chose. [2 lignes manquantes]
Est-ce que des femmes se sont déjà réunies en légions ? Est-ce que des traites furent nourris dans nos maisons ? Est-ce que les barrages furent ouverts alors que les digues n'étaient pas encore terminées et que des villageois travaillaient à leur construction ? Aucun de ces désastres nous n'avons été témoins depuis ma naissance. Et si jamais des calaminés nous ont accablées, j'ai toujours œuvré selon mon devoir.
J'ai agrandi le royaume vers le sud et Abu, et vers le nord et les Marches. Je me suis tenu à l'extrémité du monde et j'ai vu ses contours. J'ai atteint les limites de la puissance, par la force de ma volonté et la grâce de mon pouvoir.
J'étais alors un simple paysan, béni de Nepri, le dieu des grains et des récoltes. À chaque saison, le Nil m’honorait de ses inondations. Personne n'avait alors ni faim, ni soif. Le peuple, qui se reposait en profitant de ce que j'avais fait, racontait des légendes dont j'étais le héros. Tout ce que j'avais toujours décrété avait maintenu les choses à leur correcte place.
J'ai piégé les lions et fait fuir les crocodiles. J'ai dominé les Assouanais nubiens et déporté leurs guerriers Medjay. Quant aux Hyksos d'Asie, je les ai fait marcher au pas.
J'ai couvert ma maison d'or. Les plafonds sont en lapis-lazuli, les murs en argent, le sol en marbre, les portes en cuivre, leurs vérins en bronze. Tout cela a été bâti pour l'éternité, et conçu pour ne jamais faillir. Je le sais car j'en suis le créateur et mon œuvre n'est autre que moi.
Cependant, il demeure bien des mensonges qui vont par les rues. Ça, les sages le savent, mais les fous refusent de l'accepter, car ne peut rien savoir celui qui ne veut rien voir.
Ô mon fils Senusret, vit, prospère, soit bon ! Je ne sens plus mes jambes, mais c'est à toi seul qu'appartient mon cœur, depuis le jour où je t'ai vu naître. Le peuple du soleil était alors en adoration devant toi.
Vois comme j'ai ordonné le passé et prévu l'avenir, car le futur contiendra tout ce que contient mon cœur et que j'ai réuni pour toi. Revêts à présent la couronne blanche des fils de Dieu, le spectre t'appartient, comme je l'ai ordonné.
[Nombreuses lacunes, en partie reconstruites :] Augmente encore la gloire de la royauté. Deviens ce qui était. Élève des monuments, embellis ce qui est déjà. Bats-toi.
Il n'y a rien qui ne soit plus digne de mon amour que ce que tu entreprendras. Vit ! Prospère ! Sois bon ! »
Les enseignements des scribes Aménémopé (v. -1360)
et Ani (v. -1300 à -1000)
Pour établir cette sélection, nous avons puisé dans :
- (A) Le Livre de la Sagesse d’Amménémès : papyrus entré au British Muséum en 1888 sous le numéro 1074. Texte proposé par Pascal Vernus dans La Sagesse de l'Égypte pharaonique (Imprimerie Nationale Éditions, Paris, 2001). Aménémopé était un surintendant des céréales.
- (An) Maximes du scribe Ani à son fils (An) : papyrus trouvé par Mariette Bey et déposé au musée de Boulacq. Textes extraits de Christian Jacq (The Living Wisdom of Ancient Egypt, 1999) et P. Vernus (op. cit.) Dans d'autres traductions, Ani peut se trouver orthographié An, Anti ou Anty.
Le numéro suivant la lettre d'abréviation signifie le chapitre de l’œuvre correspondante.
Ouvre tes oreilles, écoute ces paroles, donne ton cœur pour les comprendre. Il est utile de les placer dans ton cœur, malheur à celui qui les néglige ! Qu'elles reposent en ton for intérieur, qu'elles soient verrouillées dans ton cœur. Si tu mènes ton existence avec ces paroles dans ton cœur, tu réussiras. Que ton intelligence comprenne mes paroles et que ton cœur les mette en pratique, car celui qui les néglige ne connaît plus la paix intérieure. (A)
Si tu essuies un reproche, ne parle pas et tais-toi jusqu'à ce que la situation s'améliore. (An)
Reste humble et discret, car meilleure est la discrétion pour l'homme qui cherche la perfection. (A)
Temporise face à un adversaire, courbe-toi devant l'opposant, ne réagis pas à une parole blessante. À son heure, un esprit trop chaud est comme une tempête qui se lève, comme le feu dans la paille. Bats donc en retraite devant lui, et laisse-le à lui-même et à Dieu. Si tu agis en gardant cela à l'esprit, tes enfants te respecteront. (A, 3)
Ne crie pas contre celui qui t'agresse, ne lui réponds pas toi-même. Celui qui fait le mal, le rivage le rejette, l'inondation l'emporte. (A)
Garde-toi d'être violent avec un infirme. N'étends pas la main pour agresser un vieillard. (A)
Aussi important qu’il fut, un homme mauvais ne sait pas se tenir debout. [Même en position de force, un homme dont la nature est mauvaise ne saura pas comment bien se comporter.] (An)
Ne t'assoie pas si un homme plus âgé ou de plus haut rang qui se tient près de toi. (An)
N'étends pas la main pour agresser un vieillard, et ne sois pas impoli envers un ancien. (A)
N'engage pas une discussion avec ceux dont les propos sont enflammés et qui agressent verbalement. (A, 3)
Ne t’associe pas avec un homme passionné, ne l'approche pas même pour la conversation. (A, 10).
Lie-toi d'amitié avec un homme rigoureux et juste. (An)
Aie un solide mental, aie le cœur ferme. (A, 18)
Ne souhaite jamais être en la compagnie d'un homme pervers. (A)
Méprise la femme de mauvaise vie qui est dans ta cité, ne la regarde pas quand elle passe et ne cherche pas à coucher avec. (An)
Le corps d'un homme est plus vaste que le grenier de pharaon. Il est rempli de diverses réponses : choisis ce qui est bon à dire et que la mauvaise parole reste prisonnière de ton corps. (An)
Ne gouverne pas avec ta langue. La langue d'un homme est le gouvernail d'un bateau. Mais c'est le Maître éternel qui en est le pilote. (A, 18)
Ne te confie pas à n'importe qui, sinon tu ne perdras pour rien de ton influence. (A, 21)
Sache qu'un homme de bien est toujours affectionné de Dieu quand il réfléchit avant de s'exprimer. (A)
La barque du stupide s'immobilise dans la boue. La barque du silencieux vogue avec le vent. (A)
Ne parle pas à la légère en bavardant. (An)
Si ton œil a vu, garde le silence, de peur que ce soit pour toi un crime. (An)
Garde un cœur rempli d'amour mais qui ne laisse pas s'échapper les mots. Si tu fais ainsi, Dieu pourvoira à ce dont tu as besoin. Il écoutera ce que tu as à dire et quoi que tu lui donnes en offrande, il l'acceptera de bon cœur. (An)
Ne te joins pas à la foule qui se rassemble pour combattre. Tiens-toi à l'égard des rebelles. Ne deviens pas leur ami. Ne te rapproche que de ceux qui sont justes et bons, et dont tu auras jugé de leur nature en considération de leurs actes. (An)
Garde-toi d'actes de falsification à l'encontre d'un haut dirigeant quand tu lui fais un rapport. Tiens caché ce qu'il dit dans sa maison. (An)
Les zélés du temple sont comme des arbres plantés sur une terrasse : ils ne bourgeonnent qu'un instant, leurs racines croissent dans les poubelles, ils sont arrosés loin de leur terre de naissance et le feu est leur sépulture. Observe à présent ceux qui ne disent mot, comment ils se sont mis en retrait. Ceux-là sont comme des arbres qui ont poussé dans une terre naturelle et riche. Leurs productions de fruits sont deux fois plus importantes, car ces arbres sont en bonne santé, croissant sous l'attention du maître du verger. Leurs fruits sont doux, leurs ombres agréables. (A, 4)
Ne dis pas : « Aujourd'hui est comme demain ! », car rien n'est moins faux. Demain arrive et aujourd'hui est en train de s'en aller : les flots du fleuve se sont abaissés, les crocodiles sont libres, les hippopotames s'ébrouent sur les bancs de sable, les poissons suffoquent dans les filets, les loups sont rassasiés, les oiseaux en fête. Bientôt on videra les filets. Quant au silencieux du temple, il observe tout ça et dit : « Ra est si généreux ! » Prends donc exemple sur cet homme, et tu vivras heureux sur terre, ton corps sera contenté. (A, 5)
Donne tes oreilles, écoute ce que l'on a à te dire, et interprète avec ton cœur. (A, 1)
Prends garde à ne pas mentir, et ainsi tu te préserveras du combat contre le mal qui est en toi. (An)
Tu dois t'efforcer d'être sincère avec ton prochain même si cela doit lui causer du chagrin. (A).
Dieu déteste celui qui falsifie les paroles. (A)
Ne dissocie pas ton cœur de ta langue et toutes tes entreprises réussiront… (A)
Celui qui est pur comme l'or en haute teneur aura des honneurs au-dessus de la masse et verra l'effondrement de ses ennemis. (A)
Que ceux qui désirent être propriétaires ne se rendent pas prospères en creusant des sillons dans les terres d'autrui. (A)
Garde-toi d'actes de falsification à l'encontre d'un haut dirigeant quand tu lui fais un rapport. (An)
Garde-toi de la faute qu'est la fausseté des paroles. (An)
Un homme peut détruire à cause de sa langue. (An)
N'oublie jamais que l'étranger est ton frère et ne passe pas avec ta jarre d'huile sans t'arrêter. (A)
Le cœur de l'homme est un don de Dieu, garde-toi de le négliger. (A)
Dieu aime celui qui réconforte les humbles plus que celui qui honore les grands… (A)
Ne mange pas sans avoir donné un peu de ton pain à ceux qui sont près de toi et n'ont rien à manger, car si le pain est éternel, la vie humaine ne l'est pas. (An)
Ne t'obsède pas des richesses. Si tu amasses ce que tu as mal gagné, tu verras que les choses s'envolent bien loin de toi et que rien ne reste à tes côtés plus d'une nuit. (A, 7)
Ne convoite pas les biens d'autrui et n'affame pas ton voisin car il est choquant de prendre à la gorge celui qui pratique le bien. (A)
Celui qui aime son prochain trouve toujours des parents autour de lui. Dieu permet d'acquérir la richesse pour faire du bien. (A)
Quels sont les avantages des beaux habits si l'on est transgresseur devant Dieu ? (A)
Qui était riche l'an dernier peut être pauvre cette année. (An)
Il en est ainsi pour toujours : l'homme n'est rien. L'un est riche, l'autre est pauvre. Tel était riche l'an passé qui est vagabond aujourd'hui. Le cours d'eau d'antan passe aujourd'hui ailleurs. De grands lacs sont à sec et d'anciens rivages sont dans l’abîme. (A)
Ne fais pas tomber les limites d'une propriété. (A, 6)
N'entre pas dans la maison d'un autre, mais sache que s'il t'y invite, c'est un honneur pour toi. (An)
Ne convoite pas les biens des autres, mais concentre-toi sur ce que tu es toi-même en train de construire. (An)
Ne regarde pas de la maison d'autrui. Si ton œil a vu, garde le silence, de peur que ce soit pour toi un crime. Ne le fais pas raconter au-dehors par un autre, de peur que ce soit une action digne de la mort. N'entre pas dans la maison d’un autre. Mais, s'il te fait entrer, sache que c'est un honneur pour toi. (An)
N'emplis pas ton cœur des biens d'autrui. (An)
Ne vole pas, et tu trouveras du profit. Un tel acte sera salutaire à ton âme. En vérité les desseins de Dieu sont impénétrables, incline-toi devant eux et sache qu'il peut, quand il le veut, détruire la tranquillité des hommes. (A)
Garde-toi de voler un malheureux. (A)
Garde-toi de voler les pauvres, et d'opprimer les affligés. (A, 2)
Ne permets point que le pauvre et le vieillard soient rudoyés par le geste et la parole. (A)
Si tu découvres qu'un homme mauvais a détourné une mesure de pain à un pauvre travailleur, empêche que cela se renouvelle dans l'avenir. Un tel acte sera salutaire à ton âme. (A)
Si un jeune homme maudit un vieil homme, ne prends pas le disque Solaire à témoin, car Ra qui sait tout punira le coupable en plein cœur. (A)
Garde-toi d'être violent avec un infirme. N'étends pas la main pour agresser un vieillard, et ne sois pas impoli envers un ancien. (A)
Un homme en fonction doit être grand dans sa fonction, comme un puits doit être riche en eau que l'on puise. (A)
Ne gouverne pas avec ta langue. La langue d'un homme est le gouvernail d'un bateau. Mais c'est le Maître éternel qui en est le pilote. (A, 18)
Ne te confie pas à n'importe qui, sinon tu perdras, pour rien, de ton influence. (A, 21)
Le chef du troupeau est un animal comme les autres. (An)
Un scribe qui est habile dans ses affaires est digne d'être un courtisan. (A, 30)
Rends en double le pain que ta mère t'a donné. Porte - la comme elle t'a porté. (An)
Construis toi-même ta maison, et ne considère pas que celle de tes parents te revient de droit. (An)
Construis pour toi une maison, tu réussiras à supprimer les haines de la résidence en commun. Ne dis pas, il y a une maison qui me vient de mon père et de ma mère, car tu tombes en partage avec ton frère, et ta part, ce sont les dépendances. (An)
Épouse une femme tant que tu es jeune, et qu'elle enfante pendant que tu es jeune, car heureux l'homme dont les siens sont nombreux, on le respecte à proportion de ses enfants. (An)
Tout va bien pour l’homme dont la maisonnée est nombreuse. (An)
Ne sois pas rude avec ta femme quand tu sais qu'elle tient de son mieux ta maison. Reconnais son mérite et mets ta main dans la sienne. Au lieu de semer le malheur que ta conduite soit un exemple pour tes enfants et une source de paix et de bonheur. (An)
Un homme inactif n'aboutit à rien. Celui qui sait faire des plans est digne de considération. (An)
Ne t'endors pas en t'inquiétant pour le lendemain. C'est au matin que l'on doit s'inquiéter du lendemain. Mais l'homme ignore comment sera demain. (A, 18)
Il suffit de désirer, ne serait-ce qu'un instant, quelque chose, pour voir diminuer rapidement les chances d'obtenir cette chose. (A, 18)
Du bois tordu laissé dans un champ, et qui a été exposé au soleil et à l'ombre, un charpentier fait la canne d'un vieillard. (An)
Chacun peut maîtriser sa nature si la sagesse enseignée l'a rendu ferme. (An)
Tu connaîtras le bonheur, si tu vis une vie en accord avec les volontés divines et si tu demeures à l'intérieur de l'espace que Dieu t'a alloué pour l'existence. (An)
Ne te perds pas dans le monde extérieur au point d'en négliger ton éternel espace intérieur. (An)
Chacun peut maîtriser sa nature si la sagesse enseignée l'a rendu ferme. (An)
Quand la mort vient, elle s'empare de l'enfant comme du vieillard. (An)
Lorsque tu entres dans le sanctuaire divin évite le bruit et respecte la maison de Dieu. (An)
Ne t'approprie pas la part qui revient au temple. Respecte les biens divins. Ne sois pas avide, et tu seras comblé. Ne détourne pas un serviteur de dieu pour lui demander un service. (A, 5)
Célèbre la fête de ton dieu au bon moment, et renouvelle-la quand il le faut, car un dieu s'irrite quand on le bafoue. (An)
Verse des libations d'eau pour tes ancêtres, hommes et femmes qui vivent dans la vallée de la mort. Les dieux seront témoins de cette bonne action. (An)
Récite tes prières à Aton lorsqu'il apparaît à l'horizon pour qu'il t'accorde une grande prospérité, la santé et qu'il t'épargne du besoin et de la misère pour toute ta vie. (A)
Prie humblement avec un cœur sincère pour que toutes tes paroles soient dites en secret. Alors Dieu écoutera ton message et acceptera tes offrandes. Aie toujours à l'esprit que c'est ton Dieu qui donne et décide de l'existence, donne-toi à lui continuellement et que demain soit comme aujourd'hui. (An)
Le Dieu de ce monde vit dans la lumière, au-dessus du firmament, mais ses emblèmes sont sur la terre, ne discute pas ses mystères et tu verras, le divin lever de soleil faire pousser toutes végétations et multiplier les aliments dont l'homme se nourrit. (An)
La vérité est toujours envoyée par Dieu. (An)
En vérité, l'homme est fait d'argile, mêlé à de la paille, Dieu est son créateur et tous sont sortis de sa divine main, combien est heureux celui qui atteint l'au-delà sain et sauf ! Cela prouve qu'il vit dans la main de Dieu. (A)
La divinité est dans la réussite, mais l'homme est dans l'échec. C'est une chose que les paroles que prononcent les hommes, c'en est une autre que les actes d'une divinité. Ne refuse pas la responsabilité de tes actes si tu t'évertues à semer la discorde. Les fautes aussi relèvent de la divinité. C'est elle qui scelle de sa volonté nos destins. À ses yeux, n'existe aucune réussite, ni aucun échec. (A, 18)
La langue d'un homme est le gouvernail d'un bateau. Mais c'est le Maître éternel qui en est le pilote. (A, 18)
Meilleure est la pauvreté dans la main de Dieu et meilleur est le pain quand le cœur est heureux, car chaque homme a son heure fixée par le destin. (A)
À quoi sert d'être richement vêtu, si l'on se comporte comme un fraudeur devant Dieu ? La faïence déguisée en or devient du plomb quand vient le jour… (A)
Si un jeune homme maudit un vieil homme, ne prends pas le disque Solaire à témoin, car Ra qui sait tout punira le coupable en plein cœur. (A)
Ne vole pas, et tu trouveras du profit. Un tel acte sera salutaire à ton âme. En vérité les desseins de Dieu sont impénétrables, incline-toi devant eux et sache qu'il peut quand il le veut, détruire la tranquillité des hommes. (A)
Tu connaîtras le bonheur, si tu vis une vie en accord avec les volontés divines et si tu demeures à l'intérieur de l'espace que Dieu t'a alloué pour l'existence. (An)
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