22 Décembre 2021
Fable racontée en décembre 1996 par Sher John, conteur de grande renommée de la communauté kalasha et résidant du village de Kraka, dans la région du Chitral. Traduis et transcrit en anglais par Nabaig, Taj Khan et Jan Heegard Petersen, pour Kalasha texts – With introductory grammar, de J Heegard Petersen.
Depuis le Pancha-Tantra du brahmane cachemiri Vishnou Sharma, plus connu sous son nom arabisé de Pilpay, nous savons que l'Himalaya est une terre de fable animalière et séculière. Bien des fables de Pilpay connurent en effet un tel succès qu'elles inspirèrent autant Ésope (v. 600 av. J.-C.) que les fabliaux arabes et bien sûr La Fontaine (1621-1695), qui lui dédia un volume de ses fables.
Le chilom mentionné dans ce récit est une pipe en pierre, traditionnellement utilisé pour fumer de la poudre de cannabis séchée, le plus souvent dans un cadre mystique, mais qui peut aussi être récréatif. Quant au markhor, sorte de très grand et très velu bouquetin, il vit dans l'ouest de l'Himalaya à une altitude comprise entre 800 et 4 000 mètres. Comme l'hanglu et plusieurs autres espèces, il a complètement disparu de la partie pakistanaise du Cachemire où il était autrefois très présent. Ses mouvements sont rendus impossibles par l'infranchissable barrière frontalière érigée en 2003 et censée empêcher l'infiltration de groupes armés séparatistes.
*
Un renard, un markhor et un corbeau étaient amis. Ils vivaient tous ensemble au sommet d'une montagne et dormaient chaque soir dans une grotte.
Le markhor étant très gras, le renard se disait : « s'il est tué et qu'on me donne ses viscères, je les mangerai de bon cœur. » Car, c’était un renard très envieux.
Un jour, le renard se rendit auprès d'un paysan et lui dit : « prend garde, le markhor va entrer dans ton champ et en dévorer les céréales. Tue-le donc, mais garde ses intestins pour moi, car je m'en ferai un repas. » Suivant les conseils du renard, le paysan installa un piège, dans lequel tomba le markhor à la nuit tombée, alors qu'il faisait sa promenade du soir à travers le champ.
Au moment même ou le bouquetin se voyait pris au piège, le renard et le corbeau s'en allaient ensemble passer la nuit dans leur grotte montagneuse. Au moment où ils allaient s'endormir, le corbeau fit remarquer à son compère le renard : « dis donc, notre ami le markhor n'est toujours pas rentré, allons donc le chercher ! » Mais le renard lui répondit : « il se fait tard, trop tard, laissons les choses tel quels pour ce soir. »
Le lendemain matin, le corbeau s'écria : « notre cher ami n'est toujours pas rentré ! » Corbeau et renard cherchèrent le markhor, et ce fut l'oiseau qui le trouva, la patte coincée dans un piège. Le voyant ainsi dans une situation si périlleuse, le corbeau s'adressa désemparé au renard : « Je n'ai pas de dents, je ne peux donc pas ronger le piège qui retient notre ami, mais toi, grâce à tes crocs tu le pourras ! Allons donc, camarade, sauver notre cher ami ! »
Cependant, le renard lui répondit : « Non, mes dents me font mal, je ne peux les utiliser ! » et il déploya toute sa malice pour éviter de porter secours au bouquetin, s'enfuyant même du champ où le markhor était pris au piège. Le corbeau dit alors à l'animal blessé : « ne dis rien, préserve ton souffle et d'ici que le paysan vienne te délivrer, j'aurais trouvé une solution pour te sauver. À ce moment-là, il faudra que tu sois prêt à t'enfuir. »
Plus tard dans la journée, le propriétaire du champ vint constater que son piège avait fonctionné. L'air étant sec, le soleil brillant, le paysan décida de fumer un chilom avant de délivrer l'animal, puis de l'emporter sur son dos jusqu'au village pour le dépecer et donner au renard ses intestins. Après en avoir fumé quelques bouffées, il posa sa pipe en terre sur un muret de cailloux, puis s'agenouilla pour ouvrir le piège et libérer la jambe du markhor, qui jusqu'à présent faisait le mort.
C'est alors que le corbeau plongea vers la pipe et de son bec la renversa au sol. Voyant que la poudre de chanvre et les cendres se dispersaient, le paysan lâcha sa prise pour venir chasser l'oiseau et récupérer ce qu'il restait d'herbe à fumer. Mais alors qu'il s'en retournait vers le piège, il put constater amèrement que le markhor s’était enfui et que malgré sa patte blessée, il ne pourrait le rattraper. Le paysan saisit alors sa hache, qu'il lança le plus fort et le plus loin possible pour en frapper le markhor… mais elle finit sa course dans le dos du renard.
Le corbeau, qui depuis le ciel voyait tout, s'approcha du renard à l'agonie et lui dit : « toi, qui as fait du mal au markhor, Dieu t'a puni. Mais à nous, Dieu ne nous infligera pas ta peine. » Et une fois ces paroles prononcées, l'oiseau et le bouquetin s'en allèrent rejoindre le sommet de la montagne et leur grotte habituelle.
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