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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

La SORCIÈRE Circé (récit grec)

Pas plus qu'Ishtar ou Viviane, Circé ne ressemble à un monstre mais plutôt à une jeune et jolie jeune femme, dont la puissance est cachée par le charme ravageur. C'est Ulysse qui parle et rend compte des mésaventures de ses hommes, transformés en goret par Circé. Récit extrait de L'Odyssée.

*

Ils arrivent à travers la forêt, dans une grande vallée, où, formé de marbre éclatant, domine le superbe palais de Circé. On voyait, à l'entrée, des loups et des lions, hôtes féroces des forêts, apprivoisés par ses enchantements. Loin de se précipiter avec fureur sur mes compagnons, ils se dressaient autour d'eux, et les flattaient en agitant leurs queues hérissées. Tels, lorsqu'il sort d'un banquet, des chiens domestiques et fidèles accourent et accueillent avec de vives caresses leur maître qui, pour les réjouir, leur apporte toujours quelque appât friand : tels ces loups et ces lions à l'ongle meurtrièr caressaient mes guerriers épouvantés à l'aspect de ces monstres des forêts. Ils s'arrêtent aux portes du palais, et prêtent l'oreille aux accents mélodieux que formait la belle déesse, tandis que sous ses mains naissait, sur une grande toile, une broderie merveilleuse par sa finesse, par sa grâce et par son éclat, ouvrage semblable à ceux des déités de l'Olympe. Un des chefs de cette troupe, le vaillant Politès, le plus cher de mes compagnons, celui dont je respectais le plus la prudence, prend la parole :  ô mes amis ! une mortelle, ou plutôt une déesse, en formant de ses mains une broderie admirable, fait retentir tout ce palais d'une voix dont l'harmonie enchante. Conjurons-la de paraître.

Il dit ; leurs voix réunies l'appellent. Elle vient aussitôt ouvrir la porte, et les presse d'entrer. Insensés ! tous, sans balancer, suivent ses pas : le seul Euryloque, soupçonnant quelque embûche, demeure prudemment hors du palais. La déesse conduit ces guerriers sur des sièges où l'on repose mollement ; sa main leur prépare un breuvage où le lait caillé, la fleur de farine et le miel frais s’unissent à un vin séduisant par sa douceur ; elle y distille un poison qui, par un charme invincible, doit effacer de leur esprit le souvenir de leur patrie. Elle leur présente cette coupe ; ils la vident. Les frappant aussitôt de sa baguette, elle les précipite dans une profonde étable. Ô soudaine métamorphose ! ils ont la tête, la voix toute la figure de pourceaux, ils sont hérissés de soie, mais ils se connaissent ; à cet égard, leur sens n'a subi aucune altération. Ils pleurent, retenus dans ce cachot. Circé leur jette avec dédain des cornouilles et des glands que dévore avec avidité l'animal grommelant dans la fange.

[Apprenant d'Euryloque la détresse de ses hommes d'équipage, Ulysse décide de se rendre chez Circé pour les en délivrer.]

Hermès, se présente à moi sous la forme du plus beau des mortels : sur son menton fleurit à peine un léger duvet : entré dans l'adolescence, il charme par sa jeunesse et par sa grâce. Il me prend par la main, et me dit :

« Où vas-tu, malheureux, toi qui, sans connaître ce dangereux séjour, parcours seul d'un pas téméraire ces forêts et ces montagnes ? Tes compagnons, par le pouvoir de Circé, ont subi la plus honteuse métamorphose : comme des pourceaux immondes, ils sont emprisonnés en de sombres étables. Viendrais-tu pour les délivrer ? Ah ! Crains que le retour ne te soit interdit à toi-même ; crains que tu ne sois détenu dans ce palais avec ceux dont tu regrettes la perte. Rassure-toi : je compatis à ton sort, et veux te tirer de ce péril funeste. Reçois cette plante salutaire, et porte hardiment tes pas dans le palais de Circé. Connais les artifices pernicieux de l'enchanteresse. Elle te préparera un breuvage ; elle y distillera des sucs magiques. Tu seras supérieur au charme ; telle est la vertu de cette plante merveilleuse. Écoute encore. Quand Circé t'aura frappé de sa longue baguette, cours vers elle le glaive à la main, comme pour lui ravir le jour. Effrayée de cette audace, elle voudra te gagner par ses appas, et t'offrira son cœur ; ne dédaigne point l'amour d'une déesse, si tu veux obtenir la délivrance de tes compagnons et les secours nécessaires à ta route. Mais oblige-la de jurer par le serment terrible des immortels que tu n'auras à redouter de sa part aucun piège ; crains qu'après t'avoir désarmé, elle n'énerve et n'avilisse ton courage. »

Ainsi parle Hermès ; et arrachant du sein de la terre cette plante, il la remet entre mes mains ; il m'en fait connaître les vertus. Elle est noire par sa racine, sa fleur a la blancheur du lait : MOLY [« herbe de vie »] est le nom qu'elle a reçu des Dieux. Il est difficile aux hommes de la découvrir, mais elle ne peut échapper aux yeux des immortels. »

La SORCIÈRE Circé (récit grec)
La SORCIÈRE Circé (récit grec)

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