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Arya-Dharma, l'héritage des spiritualités premières

Les instructions de SHURUPPAK (aphorismes mésopotamiens)

Une des tablettes des instructions de Shuruppak

Les instructions de Shuruppak

v. -2600 à -2350

 

Texte en anglais sur The Electronic Text Corpus of Sumerian Literature : http://etcsl.orinst.ox.ac.uk/section5/tr561.htm

N. B. : Ziusudra (Zin-Suddu) signifie « Vie de jours lointains / prolongés » en sumérien). Il était connu des Grecs comme Xisouthros ou Xisuthre.

 

Prologue

À l'aube des temps, en ces jours si lointains, en ces nuits si lointaines, en cette époque crépusculaire, vivait sur terre un sage qui connaissait la science du verbe. Cet homme qui parlait si bien, s'appelait Shuruppag, fils de Ubara-Tutu. Voulant transmettre son savoir, Shuruppag s'adressa ainsi à son fils Ziusudra :

« Mon fils, laisse-moi t'instruire et écoute-moi avec attention. Ziusudra, laisse-moi te parler et prends garde à tout ce que je vais te confier. Ne néglige pas mes instructions, et ne transgresse pas les règles que je vais t'exposer. Sache que les conseils d'un vieil homme sont précieux et que tu devras t'y conformer. »

I

N'achète pas un âne qui brait, sinon il te cassera les côtes en ruant.

N'installe pas une plantation sur une voie de passage. De même, ne creuse pas un puits sur un chemin. Ne creuse pas non plus de puits au milieu de ton champ, sinon les gens qui s'y rendront y causeront des dommages. De même, ne construit pas ta maison près d'une place publique, car c'est là se trouve toujours la foule.

Ne réponds pas d'autrui, car cette personne en arrivera à te mépriser. Et toi-même, ne laisse personne répondre de toi à ta place.

Ne t'occupe pas des autres, sinon la crue du Nil s'occupera de toi.

Ne bavarde pas à propos des querelles des autres. Ne sois pas même le témoin des querelles, et surtout, ne t'en mêle pas. Ne sois pas la cause d'une dispute. Laisse les intrigants s'amasser aux portes du palais et tiens-toi éloigné de la foule qui vilipende. Tu ne devras jamais adopter une autre conduite que celle-ci.

Ne vole rien, ne te fais pas de mal à toi-même. Ne cambriole pas, car les richesses ne doivent pas être ce que tu désires. Un voleur est un lion, mais aussitôt qu'il s'est fait prendre, il n'est plus qu'un esclave. Mon fils, ne vole pas, et ne te blesse pas avec une hache.

Ne fais pas d'un jeune homme ton meilleur ami. Ne traîne pas autour des jeunes filles car la rumeur et la calomnie peuvent vite survenir. Mon fils, tu ne devrais jamais t'asseoir près d'une femme qui est seule dans sa chambre.

Ne te dispute pas, ne te déshonore pas. Ne mens pas. Ne te vante pas, sinon ta parole ne sera plus crue.

Ne partage pas le repas d'un voleur. Ne te tache pas les mains avec du sang.

Sois poli, si tu ne veux pas qu'un jour il t'arrive des problèmes.

N'emmène pas tes moutons paître dans des pâturages inconnus. Ne loue pas un bœuf pour une entreprise incertaine ou dangereuse. N'emprunte un bœuf que pour un le mener sur un chemin sécurisé.

Ne voyage pas de nuit, car la nuit cache le bien comme le mal.

N'achète pas un onagre (âne sauvage), car il ne restera avec toi que jusqu'à la nuit.

Ne pratique pas l'amour avec une de tes esclaves ou elle te mangera tout cru.

Ne maudit pas avec haine, car cela te retombera dessus.

Ne bois pas de l'eau dont tu ne connaîtrais pas la source, car elle te rendra malade.

N'éconduis pas un débiteur, sinon il te deviendra hostile.

Ne te mets pas en affaire avec un arrogant, car il rendra ta vie semblable à celle d'une esclave. Tu ne pourras penser à rien qu'il sera toujours à te crier dessus en te donnant des ordres.

Ne vandalise pas les clôtures en roseaux des champs, car sinon on ne cessera de te demander de les réparer.

Ne nourris pas un étranger.

Mon fils, sache qu'il ne faut pas utiliser la violence, ni violer la fille d'un autre, ou c'est le tribunal qui te l'apprendra.

N'éconduis pas un puissant. Ne trahis pas, ne travaille pas à faire tomber les murs de ta cité. N'éconduis pas non plus les jeunes hommes, et ne les retourne pas contre les intérêts de la ville.

Les yeux d'un calomniateur observent tout ce qu'il est possible d'observer, tu ne devras donc pas rester en leur présence. Leurs intentions ne doivent pas avoir d'emprise sur toi.

Ne te laisse pas aller dans les bars comme un misérable, et alors tu seras respecté.

Une foi que tu auras atteint l'âge de prouver ta virilité, tu ne te précipiteras pas dans les combats la tête en avant. Sache qu'un véritable guerrier est unique, et que sa force seule égale celle de plusieurs autres. De même, Utu est unique et lui-même équivaut à l'univers tout entier. Reste donc du côté du guerrier et du côté d'Utu, ainsi tu resteras en vie.

 

Voici les instructions que donna Shuruppak, fils de Ubara-Tutu, à son fils Ziusudra.

 

II

Une seconde fois, Shuruppak donna des conseils à son fils.

« Mon fils, lui dit-il, laisse-moi t'instruire et faits attention à ce que je vais te dire, Ziusudra, laisse-moi te parler, écoute-moi, ne néglige pas mes conseils et ne transgresse pas les règles que je vais te confier. »

[Quelques lignes perdues ou indéchiffrables]

Le palais est semblable à un fleuve : en son centre il est bouillonnant comme si des taureaux s'y affrontaient, ce qui entre dedans n'est jamais assez pour le remplir, et ce qui en ressort ne peut être arrêté.

Il est facile de promettre le pain que possède un autre, mais alors, le jour où se réalisera cette promesse pourra être aussi lointain que le ciel. Si tu cherches à obtenir quoi que ce soit d'un homme qui t'a fait une telle promesse, alors celui-ci te dira : « je suis désolé, je ne peux pas te donner le pain que je t'ai promis, car je viens juste d'en manger les dernières miettes. »

Les richesses doivent être amassées, mais rien ne peut égaler une progéniture.

La bouche artiste récite la poésie, la bouche méchante apporte des tablettes de litiges, et la bouche suave cueille des bouquets d'herbe suaves.

Le bavard remplit son sac de pain, tandis que l'orgueilleux, lui, laisse son sac vide mais se gave de vantardise.

Qui travaille le cuir finira par travailler avec sa propre peau.

La force peut jaillir depuis n'importe quelle main.

[Quelques lignes incompréhensibles.]

Une femme faible sera toujours l'objet du destin.

Si tu emploies un travailleur, vous partagerez le même repas. Quand il aura fini de travailler pour toi, il s'en ira gagner sa vie au palais.

Dis à ton fils de rentrer à la maison, et dis à ta fille de regagner le quartier des femmes.

Ne porte pas de jugement quand tu es ivre.

Ne t'inquiète pas indûment de ce qui sort de ta maison.

Les cieux sont lointains, la terre est si précieuse, mais c'est grâce aux cieux si tes biens se multiplient et si l'univers tout entier respire.

Quand elle est mûre, à son âge le plus précieux, procure-toi une esclave et nourris-la comme une reine. Mon fils, trouve-toi une jeune esclave et élève-la comme une reine, voilà comment les choses doivent se faire.

Une insulte ne peut faire de mal qu'en surface, tandis qu'un regard cupide peut tuer.

Le menteur, en criant, déchire ses vêtements. Les insultes sont des conseils pour les méchants. Parler avec arrogance est une chose semblable à un poison.

Les mots de ma prière apportent l'abondance. La prière est l'eau fraîche qui calme le cœur. Les insultes et les paroles stupides attachent à la terre.

 

Voici les instructions que donna Shuruppak, fils de Ubara-Tutu, à son fils Ziusudra.

 

III

Une troisième fois, Shuruppak donna des conseils à son fils.

« Mon fils, laisse-moi t'instruire et faits attention à ce que je vais te dire. Ziusudra laisse-moi te parler, écoute-moi, ne néglige pas mes conseils et ne transgresse pas les règles que je vais te confier. Les conseils d'un vieil homme sont précieux et que tu devras t'y conformer. »

Tu ne battras pas le fils d'un fermier, parce que c'est lui qui a construit tes pontons et tes canots.

N'achète pas une prostituée, car c'est un serpent prêt à mordre. N'achète pas une esclave née dans une maison, car il sera pour toi comme du poison. N'achète pas un homme libre, car il passera son temps à traîner dans l'ombre des murs. N'achète pas une esclave de palais, car ces filles sont le fond du panier. Au contraire, tu feras venir un esclave étranger depuis les montagnes. Aussi, tu pourras choisir un esclave qui se trouve en quelques lieux qui lui soit étranger. Celui-là ira pour toi chercher l'eau à l'aube et te devancera en toute tâche. Comme il n'a pas de famille, il ne voudra pas la voir, et comme il n'appartient à aucune cité, il ne voudra pas visiter sa ville. [Lignes manquantes]. Il ne sera pas présomptueux avec toi.

Mon fils, ne voyage pas seul en direction de l'est. Il y a des endroits que tu n'as pas besoin de connaître.

[Portions de lignes manquantes.]

N'empile pas les montagnes.

Le destin est une berge humide, soudain il peut s'écrouler.

Un grand frère est comme un père, une grande sœur est comme une mère. Ainsi, écoute ton grand frère et obéis à ta grande sœur comme si elle était ta mère.

Ne travaille pas en n'utilisant que ton regard et ne multiplie pas tes possessions en utilisant ta bouche.

Un homme négligent ruine sa famille.

La faim fait gravir les montagnes, mais elle attire également des traîtres et des étrangers, qui eux descendent des montagnes.

Une petite cité doit être en mesure d'honorer son roi par un veau, et de lui donner un vaste terrain vague.

Une cité doit être prospère, car les pauvres infligent toute sorte de maladies aux riches. Un homme marié est prospère, mais un célibataire se contentera de peu. Celui qui veut détruire sa maison, la détruira, mais celui qui veut la relever, qu'il aille de l'avant et il la relèvera.

Jugé sur le dos d'un bœuf, il est possible de traverser une rivière. De même, en côtoyant les hommes les plus puissants de la cité, mon fils, tu augmenteras ta situation.

Si tu fais venir des montagnes une jeune esclave, elle t'apportera le bien comme le mal. Le bien sera dans ses mains, le mal dans son cœur, mais son cœur ne laissera pas s'ouvrir ses mains, tout autant qu'il ne laissera pas le mal la quitter et il demeurera en elle comme un débarras. Tout comme le lit d'un fleuve ne laisse pas échapper ses flots, son cœur ne laissera pas le bien sortir d'elle…

[Deux lignes indéchiffrables] Que le coracle transportant le mal sombre dans le fleuve de la vie, que sa peau se fende au milieu du désert. (NDLR : encore utilisé de nos jours à travers le monde, du Pays de Galles jusqu'en Inde, le coracle est une petite barque circulaire très légère composée d'une armature en baguette et d'un fond en peau de bête recouvert de goudron.)

Un cœur aimant entretient sa famille, un cœur méchant la détruit.

Avoir de l'autorité, possédé de nombreuses richesses, être puissant et impétueux, voici des qualités divines. Tu devras te soumettre à ceux qui sont respectés et tu devras être humble face aux puissants. Mon fils, ainsi tu survivras aux attaques des méchants.

Ne choisis pas ta femme durant un festival, car son apparence, comme ce que renferme son cœur, ne sera alors que le fruit de l'illusion. Ce qui la pare, diadème d'argent comme collier de lapis-lazuli, même sa robe en lin, tout ce qu'elle portera aura été emprunté… [Une ligne indéchiffrable.]

N'achète pas un taureau vicieux, sinon il détruira les clôtures de son enclos.

Pour faire bon ménage, il faut s'établir avec une femme digne de confiance.

N'achète pas d'âne au moment des récoltes (octobre novembre), sinon il mangera de trop et se chamaillera avec les autres ânes.

Un âne méchant s'étrangle avec son harnais, cependant, mon fils, un homme méchant en étranglera un autre.

Une femme qui possède ses propres biens ruine une maison.

Un ivrogne abîmera les récoltes.

[Une dizaine de lignes trop abîmées pour être déchiffré. Il est cependant question d'une femme de mauvaise vie.]

Rien n'a de valeur, mais la vie doit être douce. Ne sert pas les choses, car c'est au contraire les choses qui doivent te servir.

[Une ligne indéchiffrable.]

Ne fais pas de mal à une brebis, ou tu donneras naissance à une fille. Ne salis pas le coffre dans lequel tu conserves tes richesses avec de la terre, sinon tu donneras naissance à un fils.

N'enlève pas les femmes, ne les fait pas pleurer.

[Trois lignes manquantes.]

Ne tue pas un bébé qui est né avec un problème, car il est né par la volonté divine. Tu ne l'entraveras par aucun lien.

Le destin d'un seigneur est déterminé par les nourrices qu'il fait vivre dans ses gynécées.

Même si elle te met en colère, ne sois pas insolent avec ta mère. Ne remets pas en question ce qu'a dit ta mère ou ton dieu personnel. La femme, comme Utu, donne naissance à l'homme. L'homme, tel un dieu, l'élève alors et le fait resplendir. Un père est comme un dieu, ses paroles sont dignes de confiance et ses volontés doivent être respectées.

Sans ses frontières, une ville n'a pas de centre.

Mon fils, un champ situé derrière une berge, qu'il soit sec ou irrigué, est toujours une source de revenu.

Rien n'est jamais perdu pour toujours.

[Deux lignes indéchiffrables.]

Se perdre est mauvais pour un chien, mais encore plus terrible pour un homme. Les lieux inconnus sont malfamés. Sur le chemin mystérieux qui longe les ravins et mène aux sommets des montagnes, se trouvent les maîtres des montagnes. Ils sont anthropophages et ne construisent, ni maison ni ville, comme le font les hommes.

[Une ligne indéchiffrable.]

 

Prologue

En entendant les paroles du sage Shuruppak, les bergers cessèrent de rassembler leurs moutons, tandis que le fermier cessa lui aussi de labourer son champ [Une ligne indéchiffrable] car ces mots apaisèrent leur esprit. Une fois entrées dans le palais, ces paroles apaisèrent là aussi les esprits [...] Ces mots sont donc un don semblable aux étoiles.

Ainsi prennent fin les instructions données par Shuruppak, fils d'Ubara-Tutu.

Que soit louée la demoiselle qui a rédigé ces tablettes, la vierge Nisaba, à qui Shuruppak a dicté ses paroles.

Les instructions de SHURUPPAK (aphorismes mésopotamiens)

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