27 Janvier 2022
L'hermaphrodite
Quand Shiva fusionne avec sa parèdre (car tous les deux partagent le même trône au sommet du mont Kailash) apparaît Ardhanarishvara. Il s'agit d'une divinité à la fois dieu et déesse, dont le côté droit est à l'image de Shiva, doté d'une pigmentation bleue et revêtu d'un pagne en peau de tigre, tandis que son côté gauche est à l'image de Parvati, enroulée dans un sari rouge et coiffée d'un diadème. Ardhanarishvara symbolise le dépassement de toute dualité, en particulier dans le contexte tantrique et sexuel. Ardhanarishvara est l'entité devant laquelle toute altérité se confond, toute nuance s'égalise.
La communauté des Hijras, une caste transsexuelle du nord de l'Inde, spécialisée dans la prostitution, la magie noire et la célébration des mariages, se revendique d'Ardhanarishvara. Il existerait encore 500 000 à un million de membres de cette communauté en Inde, et quelques centaines de milliers au Bangladesh. Éradiqués du Pakistan à la suite de la partition de l'Hindustan en 1947, les Hijras n'y seraient plus de 10 000 (source : Wikipédia 2017).
Par ailleurs, ce qui est le plus frappant sur les représentations de Dionysos (poteries, mosaïques, etc.), c'est son allure exotique et efféminée. Il s'agit d'une représentation symbolique : s’habillant en femme, se comportant en homme (phallus revendiqué, etc.), Dionysos est celui qui a dépassé sa condition de simple mortel pour s'unir au non-dualisme de la divinité cosmique unique et centrale. Dionysos n'est pas l'homme, ni la femme, il est l’énergie qui agit dans l'homme comme dans la femme. Pouvant s’incarner à sa guise en chaque existence, sa propre existence n'est ni figée, ni genrée, ni normée. Il est aussi insaisissable que de l'eau, aussi volatile que de l'air.
Le thème de la divinité transsexuelle est commun aux polythéismes antiques. On citera Phanès, la divinité initiale de l'orphisme :
J’invoque l'immense Protogonos aux deux sexes,
Qui vagabonde dans l’éther,
Qui est sorti de l’Œuf primordial,
Doté d'ailes en or, mugissant comme un taureau,
Il est l’origine des immortels et des mortels,
Invisible mais bruyant, indescriptible,
Il plane sur les murailles du monde
Il chasse de tous les regards la noire nuée primitive,
Il amène la rayonnante lumière,
Il est Phanès, la première créature qui naquit dans l'Univers.
Phanès
Dans la tradition orphique, l’œuf cosmique donne naissance à Phanès, la divinité hermaphrodite androgyne et zoomorphe. Phanès est la version orphique du Zurvan, lui-même le pendant perse de Brahma, le premier de tous les êtres. Celui qui connaît le passé, le présent et le futur des mortels car il en est le créateur.
« Dans la version plus récente [du mythe d'Orphée], le principe primordial est Chronos, qualifié de « grand », « qui ne vieillit pas ». De Chronos, naissent Éther et Chaos. Puis, dans l’éther, Chronos fabrique un œuf argenté, dont sort un être extraordinaire aux multiples noms. Il s'agit d'un être double qui s'apparente à ceux qu'Aristophane décrit dans le mythe qu'il raconte dans le Banquet de Platon. Doté de deux paires d'yeux, cet être est pourvu des deux sexes placés en haut des fesses. Et, en plus d'avoir des ailes au dos, il est affublé des têtes de plusieurs animaux, et notamment des quatre suivants : le lion, le bélier, le taureau et le serpent. On l'appelle tout d'abord Phanès (« apparaître, faire apparaître »), parce que, radieux, il fait apparaître toute chose en apparaissant lui-même. On l'appelle aussi Éros. En tant qu'épithète, parfois indépendant, on trouve Protogonos (« le Premier-Né »), comme autre nom de Phanès. On l'appelle encore Métis (« l'Intelligence pratique ») en tant que générateur de toute chose. C'est un beau jeune homme, avec quatre yeux, et hermaphrodite à ailes dorées, bien que normalement caché aux dieux eux-mêmes, invisibles ou au-delà des limites de la création » (L. Brisson, Les théogonies orphiques et le papyrus de Derveni (Notes critiques), dans Revue de l'histoire des religions, t. 202, n°4, 1985 ; une étude basée sur les Discours sacrés en 24 rhapsodies, attribués à Orphée).
Mentionnons aussi le grec Hermaphrodite :
L'origine d'Hermaphrodite, fils de Mercure et de Vénus est, suivant les mythologues, analogue à celle de Priape. Ce Dieu fut appelé Hermaphrodite d'un nom composé de celui de son père et de celui de sa mère. Quelques-uns prétendent que ce Dieu se montre aux hommes à certaines époques ; que son corps est un mélange d'homme et de femme ; en effet, il a toute la beauté et la mollesse du corps d'une femme, en même temps que son aspect a quelque chose de mâle et de rude. D'autres considèrent ces productions comme des monstruosités rares, et qui présagent tantôt des biens, tantôt des maux.
Dans le Banquet (14, 15, 109, d), pour les besoins de son argumentation, Platon imagine un autre mythe de l'hermaphrodite :
« Jadis notre nature n’était pas ce qu’elle est à présent, elle était bien différente. D’abord il y avait trois espèces d’hommes, et non deux, comme aujourd’hui : le mâle, la femelle et, outre ces deux-là, une troisième composée des deux autres ; le nom seul en reste aujourd’hui, l’espèce a disparu. C’était l’espèce androgyne qui avait la forme et le nom des deux autres, mâle et femelle, dont elle était formée ; aujourd’hui elle n’existe plus, ce n’est plus qu’un nom décrié. [...] Et ces trois espèces étaient ainsi conformées parce que le mâle tirait son origine du soleil, la femelle de la terre, l’espèce mixte de la lune, qui participe de l’un et de l’autre. Ils étaient sphériques et leur démarche aussi, parce qu’ils ressemblaient à leurs parents ; ils étaient aussi d’une force et d’une vigueur extraordinaires, et comme ils avaient de grands courages, ils attaquèrent les dieux. [...]
Alors Zeus délibéra avec les autres dieux sur le parti à prendre. Le cas était embarrassant : ils ne pouvaient se décider à tuer les hommes et à détruire la race humaine à coups de tonnerre, comme ils avaient tué les géants ; car c’était anéantir les hommages et le culte que les hommes rendent aux dieux ; d’un autre côté, ils ne pouvaient non plus tolérer leur insolence. Enfin Jupiter, ayant trouvé, non sans peine, un expédient, prit la parole :
« Je crois, dit-il, tenir le moyen de conserver les hommes tout en mettant un terme à leur licence : c’est de les rendre plus faibles. Je vais immédiatement les couper en deux l’un après l’autre ; nous obtiendrons ainsi le double résultat de les affaiblir et de tirer d’eux davantage, puisqu’ils seront plus nombreux. » [...]
Or quand le corps eut été ainsi divisé, chacun, regrettant sa moitié, allait à elle ; et, s’embrassant et s’enlaçant les uns les autres avec le désir de se fondre ensemble, les hommes mouraient de faim d’inaction, parce qu’ils ne voulaient rien faire les uns sans les autres ; et quand une moitié était morte et que l’autre survivait, celle-ci en cherchait une autre et s’enlaçait à elle, soit que ce fût une moitié de femme entière — ce qu’on appelle une femme aujourd’hui — soit que ce fût une moitié d’homme, et la race s’éteignait. […] Chacun de nous est donc comme une tessère d’hospitalité, puisque nous avons été coupés comme des soles et que d’un nous sommes devenus deux ; aussi chacun cherche sa moitié. »
Le récit cosmogonique indien du Harivamsa raconte une légende que nous devons rapprocher de celle de Platon :
« Les êtres créés par Brahma, prajapatis comme dévas, ne se multipliaient toujours pas. Alors Vishnou, complétant en cela l’œuvre de Brahma, embrassant tout de sa grandeur, pénétrant tout ce qui existe depuis le plus lointain du cosmos jusqu'à la Terre, se partagea en deux moitiés dont l’une fut mâle et l’autre femelle. Dans cette seconde moitié de lui-même, il créa l’immense variété des êtres qui peuplent les trois mondes et les quatorze univers. Cependant, à peine créées, les créatures affamées se précipitèrent sur les prajapatis pour les dévorer. Voyant qu’ils allaient être mangé, ceux-ci coururent implorer la protection de Brahma :
« Ô Dieu Suprême, protège-nous contre nos créatures, et accorde leur la subsistance ! » Brahma assigna alors aux créatures, les végétaux et les plantes pour nourriture et il donna les animaux faibles à manger aux plus forts. Les créatures, apaisées et joyeuses qu’on leur eût accordé leur nourriture, peuplèrent dès lors la Terre et se multiplièrent. »
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