16 Décembre 2021
Nous savons peu de chose des Indo-Européens du Levant et de l'Anatolie.
On sait qu'une caste guerrière aryenne protégeait le Mitanni. On sait aussi que l'aristocratie hourrite priait des dieux étrangement similaires au panthéon indo-européen et que l'aristocratie hittite appartenait au clan indo-européen des Nesilis, probablement originaire de l'Europe balkanique.
Enfin, on sait que la langue hittite est de type indo-européen, mais sans découler pour autant de la branche indo-iranienne ou ouest européenne. Malheureusement, le hittite, comme le louvite, sont deux langues qui disparurent vite et n'eurent pas de descendance (au contraire du latin et du sanskrit par exemple). Les langues auxquelles nous pourrions relier le hittite, comme le thrace ou le lydien et celles qui pourraient nous aider à tracer sa généalogie, comme le phrygien ou le hourrite, ont disparu depuis des siècles voir des millénaires. Mais encore, le Cycle de Kumarbi (v. -1300), l'épopée locale, est extrêmement lacunaire et ne met pas en scène des divinités indo-européennes, mais hourrites, inspirées directement des panthéons sémites akkadien et assyrien.
Le texte le plus riche que nous possédions sur la culture indo-européenne de la plus haute antiquité anatolienne n'est d'ailleurs pas un poème, ni un chant, ni une épopée, mais un Code. Le Code hittite (Code des Nesilim) est un recueil de jurisprudence, dont les sentences étaient gravées sur des grandes bornes de pierre, érigées aux carrefours routiers et aux frontières de l'empire hittite. Il recense des normes et des valeurs qui appartiennent aux peuples de l'Empire, comme les Nesilims (Indo-Européens originaires des Balkans), divers peuples Sémites (originaires du Levant) et les Hourrites originaires du sud Caucase.
Ce Code ne doit pas être envisagé comme une loi propre aux Indo-Européens d'Anatolie, mais plutôt comme une possible loi universelle pouvant s'appliquer à tous les membres de la société hittite, qu'ils fassent partie de la noblesse indo-européenne, de la communauté des esclaves importés depuis l'autre côté des montagnes du Caucase et de Zagros, ou juste de simples expatriés ou commerçants sémites venus des empires égyptiens ou babyloniens.
Sorte de pendant hittite au code babylonien d'Hammourabi, le Code hittite fut composé en cunéiforme sur deux immenses tablettes d'argile, entre -1650 et -1500. Il s'agit du plus ancien texte indo-européen qui nous soit parvenu. Si nous supposons les textes aryens du Rig-Veda et de l'Avesta aussi anciens dans leur composition, nous n'avons retrouvé aucune trace écrite avant le début de l'ère chrétienne. La datation de ces textes ne peut donc qu'être hypothétique et basée sur une reconstruction linguistique plutôt que sur des vestiges archéologiques. De fait, la première langue indo-européenne attestée n'appartient donc pas à la branche indo-iranienne, mais à la branche anatolienne de cette famille de langues.
Le Code hittite reconnaît des droits civils (droits patrimoniaux, droits personnels, droits extrapatrimoniaux) mais également d’autres droits inhérents à la vie sociale (droit du travail, droit de la consommation, droit commercial, etc.) Il tient compte de certains principes, notamment le caractère du « sacré », du droit féodal mais aussi de la sorcellerie. La violation de ces droits donne lieu à réparation soit au titre de la responsabilité civile, soit au titre de la responsabilité pénale.
Le Code hittite reconnaît des droits mais aussi des obligations aux personnes, ces droits et obligations sont différents selon la qualité de la personne. Un homme libre disposera de droits différents de ceux d’un esclave. Ainsi :
Si un homme libre prononce le nom de quelqu’un en tuant un serpent, il devra s’acquitter d’une livre d’argent (454 kg). Si c’est un esclave, il devra être mis à mort.
L'inégalité est inscrite dans le Code :
Si quelqu’un arrache l’oreille d’un homme libre, il devra s’acquitter de 12 sicles d’argent et sa maison sera quitte.
et
Si quelqu’un arrache l’oreille d’un esclave homme ou femme, il devra s’acquitter de 3 sicles d’argent et sa maison sera quitte.
Contrairement au Code d’Hammourabi, le Code hittite prétend malgré tout à une certaine justice universelle. Même si l’esclave appartient à l’homme libre, il dispose d’un patrimoine propre qui est protégé, lorsque son maître est condamné, le tarif des amendes est adapté à la condition du fautif et donc à ses capacités financières. Les sanctions pécuniaires infligées aux hommes libres sont le double de celles infligées aux esclaves :
Si quelqu’un vole une vigne, une bouture de vigne, un oignon ou une gousse d’ail, anciennement l’amende était de 1 sicle d’argent par bouture, par oignon ou par gousse d’ail, et le voleur devait rendre ce qu’il avait volé. À présent, l’amende est de 6 sicles d’argent pour un homme libre et de 3 sicles d’argent pour un esclave.
Si un homme libre vole des plaques ou des pointes de cuivre, il devra s’acquitter de 6 sicles d’argent qu’il prendra sur ses biens. S’il s’agit d’un esclave, il devra s’acquitter de 3 sicles.
Si un homme libre, (vole ou casse) une roue, il doit s’acquitter de 25 litres d’orge par roue. Si c’est un esclave, il devra s’acquitter de 12,5 litres d’orge par roue.
Si dans une année de famine, quelqu’un sauve la vie d’un autre, celui qui aura été aidé devra s’acquitter d’un homme (prix d'un esclave estimé entre 10 et 40 sicles). Si celui qui est aidé est un esclave, il devra s’acquitter de 10 sicles d’argent (80 g).
Le Code hittite est marqué par un désir de rendre la loi flexible et adaptée à chacun. En cas de dommage causé soit à titre de responsabilité civile soit à titre de faute pénale, la sanction peut être pécuniaire, consister en la remise d’un bien consommable (orge, céréales) ou non, d’un animal voire par la remise d’un être humain (esclave ou enfant). On note par ailleurs l’absence de peine d’emprisonnement.
À l'inégalité entre homme libre et esclave, est associée l'inégalité entre les sexes. Un homme libre (ou esclave), n’a pas les mêmes droits, ni les mêmes obligations, ni les mêmes sanctions qu’une femme libre (ou esclave). Le salaire aussi varie :
Si quelqu’un engage un homme [...] comme salaire, il donne 12 sicles d’argent, et comme salaire d’une femme, il donne 6 sicles d’argent.
Chose inédite dans le monde antique, la femme peut divorcer :
Si une femme veut divorcer, l’homme devra lui rendre sa liberté. Alors, elle prendra pour elle une partie des graines et l’homme gardera les propriétés et les enfants.
La femme hittite doit en effet être respectée, qu'elle soit esclave ou citoyenne vierge. Le fiancé inconséquent est même puni :
Si un homme promet à une fille de l’épouser mais finalement refuse de le faire, il ne pourra pas récupérer les cadeaux qu’il a apportés.
Une grande liberté est permise dans les arrangements dus au mariage. Comme dans toute société antique, les mariages sont arrangés par les parents ou les chefs de castes. Ces unions sont alors non seulement des alliances mais aussi des investissements. Le mariage dépend en effet du versement d'une dot et a pour conséquence un déménagement parfois onéreux. Une grande liberté est cependant laissée aux Hittites, qui peuvent même revenir sur leur choix, du moment qu'ils en paient les conséquences (et les amendes).
Si une fille a été promise à un homme qui a déjà offert des cadeaux pour se marier avec elle, mais qu’après ça les parents contestent l’arrangement, elle pourra retourner vivre avec ses parents. Mais alors ceux-ci devront rendre les cadeaux qu’ils avaient reçus au double de leur valeur.
Les règles sont parfois étranges, difficilement compréhensibles à notre époque, si éloignée de celle des Hittites. La sentence 197 tente de punir le viol, mais d'une étrange manière :
Si un homme viole une femme dans les montagnes, il est coupable et devra être mis à mort. Mais si l’homme la viole dans une maison, ce sera elle qui sera coupable et qui devra être mise à mort. Si le mari les surprend et les tue, il n’y aura là aucune offense.
Une telle sentence s'explique par le fait qu'il était strictement interdit à une femme ou à une esclave travaillant dans une maison, de laisser entrer un homme qui ne soit pas de la famille du maître. Une telle coutume est encore largement répandue de nos jours dans les pays musulmans d'Afrique du nord et du Moyen-Orient. Une femme qui aurait laissé entrer un homme chez elle en l'absence de son mari légitime, était donc de facto coupable, au mieux de négligence, au pire d’adultère. Pour éviter tout débat, un homme est coupable de viol sur la parole d'une femme et donc puni de mort, sauf dans le cas litigieux où le viol se déroulerait au domicile d'une femme.
Extrait de : G. Contenau, La Civilisation des Hittites et des Hurrites du Mitanni, 1934. Le panthéon hittite L'expression " les mille dieux du pays de Hatti " qu'emploient les scribes, rend bien ...
https://arya-dharma.com/2023/11/la-religion-des-hittites-et-du-mitanni-par-georges-contenau.html
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